Dans le contexte inédit de l'année 2020, marqué par une crise sanitaire mondiale ayant entraîné le confinement d'un tiers des habitants de la planète, la gendarmerie nationale aura su – une fois de plus ! – faire la preuve de sa résilience, de sa réactivité, de sa capacité d'adaptation, de sa polyvalence, de sa disponibilité en tout temps et en tout lieu, bref, pour reprendre le mot d'ordre de son directeur général, le général d'armée Christian Rodriguez, de sa pleine capacité à « répondre présent ».
L'année 2020 aura non seulement été marquée par la pandémie mais aussi, pour la gendarmerie, par l'intensité soutenue des activités de maintien de l'ordre, par une forte mobilisation en vue de venir en aide aux populations sinistrées par la tempête Alex et, bien sûr, par la lutte contre la menace terroriste, malheureusement toujours préoccupante.
Ces interventions, très médiatisées, ne doivent pas faire oublier les actions de proximité menées au quotidien par les 130 000 gendarmes d'active et de réserve, auxquels je voudrais une nouvelle fois rendre hommage, auprès de la population.
C'est dans ce contexte de crise que s'inscrit le projet de loi de finances pour 2021, texte indissociable des mesures adoptées en loi de finances rectificative le 30 juillet dernier, ainsi que des mesures annoncées dans le cadre du plan de relance et du plan « Poignées de porte ».
Le programme 152 reste marqué par la prépondérance des crédits de personnel qui représentent 85 % des crédits de paiement, à hauteur de 7,7 milliards d'euros. En 2021, le schéma d'emplois s'élèvera à 317 équivalents temps plein (ETP). Les crédits de fonctionnement s'élèveront à 1 milliard d'euros en crédits de paiement, dont 525,7 millions pour les seules dépenses de loyer.
J'en viens aux dépenses d'investissement.
S'agissant de l'immobilier, les 95 millions d'euros de crédits prévus sont complétés par ceux de la mission « Plan de relance », à hauteur de 47 millions d'euros pour la maintenance immobilière, de 440 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 137 millions d'euros en crédits de paiement pour la rénovation thermique des bâtiments par le biais d'appels à projets « France relance ».
Enfin, le plan « Poignées de porte », qui résulte du dégel de la réserve de précaution, permet le financement de 3 166 opérations immobilières, à hauteur de 15 millions d'euros.
S'agissant des véhicules, nous avons déjà voté en loi de finances rectificative, le 30 juillet dernier, la commande d'environ 1 300 véhicules, dont 636 électriques, et de 750 vélos électriques, pour un montant de 37,6 millions d'euros.
Le programme 152 prévoit en 2021 107,7 millions d'euros pour financer l'acquisition de près de 4 000 véhicules, dont 582 motos, 48 véhicules blindés, 243 véhicules de maintien de l'ordre et 40 véhicules de commandement et de transmissions.
Parallèlement, le plan de relance prévoit 23 millions d'euros en autorisations d'engagement et 18,9 millions d'euros en crédits de paiement pour l'acquisition d'environ 650 véhicules verts.
S'agissant des moyens aériens, je me félicite de l'adoption en juillet dernier, en PLFR3, du programme d'acquisition de 10 hélicoptères H160.
Pour ce qui est de l'équipement, près de 11 millions d'euros sont prévus dans le plan de relance pour financer des caméras piétons, des tasers et des gilets tactiques.
Enfin, en ce qui concerne le numérique, 21 millions d'euros sont prévus par le plan de relance pour financer le programme NEOGEND et la transformation numérique de la gendarmerie, auxquels s'ajouteront 11,6 millions d'euros au titre d'appels à projets dans le cadre du plan France relance.
Si je salue l'ensemble de ces mesures qui amélioreront nettement les conditions de travail et de vie de nos gendarmes, j'appelle votre attention sur trois points.
Le premier porte sur la mise en réserve des crédits. Si la réserve de précaution permet de faire face aux imprévus, son imputation à l'ensemble des crédits pose un problème majeur s'agissant du hors titre II. Si le taux théoriquement applicable au hors titre II est de 4 %, en réalité, compte tenu de l'existence de 64 % de dépenses non manœuvrables – notamment des loyers –, le taux de mise en réserve applicable aux dépenses manœuvrables équivaut en fait à 11 %. Cela a un effet d'éviction mécanique sur l'entretien des véhicules et des casernes : c'est pourquoi j'estime qu'il conviendrait d'imputer le taux de la réserve de précaution sur les seules dépenses non obligatoires et d'inscrire un tel principe dans une loi de programmation de la sécurité intérieure que j'appelle de mes vœux.
Le deuxième porte sur la rémunération et les conditions de vie et de travail des gendarmes. Si l'on ne peut bien évidemment que se féliciter des mesures prises et annoncées pour revaloriser la rémunération des policiers, il conviendrait cependant de ne pas oublier les gendarmes. Ce n'est pas aux membres de la commission de la défense que j'apprendrai que les gendarmes interviennent sur 96 % du territoire national au profit de 52 % de la population.
La gendarmerie, on l'a dit, est une force résiliente et disponible en tout temps et en tout lieu. C'est aussi une force qui n'est pas syndiquée : il nous revient donc à nous, représentants de la nation, d'insister encore et encore sur le fait que les gendarmes ne doivent pas être les oubliés de la politique de ressources humaines et d'investissement du ministère de l'intérieur.
Pour ce qui est des dépenses d'investissement, rappelons que les locaux de la gendarmerie représentent près de 11 millions de mètres carrés : ils bénéficieront l'an prochain 95 millions d'euros d'investissement au titre du programme 152 et de 47 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, hors appels à projets. Dans le même temps, les locaux de la police, qui représentent 2,4 millions de mètres carrés, bénéficieront quant à eux, de 59 millions d'euros sur le programme 176 « Police nationale » et de 90 millions d'euros d'investissement au titre du plan de relance…
Quant aux crédits de personnel, ils augmenteront de 38 millions d'euros hors pensions pour la gendarmerie et de 125 millions d'euros, également hors pensions, pour la police nationale.
Enfin, le plafond d'emplois est d'un peu plus de 100 000 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) dans la gendarmerie et de près de 150 000 dans la police. Or le schéma d'emplois sera de 317 l'an prochain dans la gendarmerie et de 1 145 dans la police. Le coût des mesures catégorielles sera quant à lui de 2,14 millions d'euros dans la gendarmerie et de 45 millions d'euros dans la police.
J'en viens maintenant au volet thématique de mon rapport budgétaire.
La subsidiarité et la proximité sont des gages d'efficacité et de réactivité. Ces valeurs sont au cœur du processus de transformation de la gendarmerie nationale enclenché dans le cadre du plan stratégique « GEND 20-24 ». C'est pourquoi j'ai choisi de présenter cette année les actions qu'elle mène pour se moderniser en se rapprochant du citoyen, « pour la population, par le gendarme » comme le dit le général Rodriguez.
Ces actions sont nombreuses, allant des brigades territoriales de contact (BTC) aux dispositifs de gestion des événements, en passant par la police de sécurité du quotidien, les groupes de lutte contre les violences intrafamiliales, mais aussi l'ensemble des mesures de transformation numérique – avec les tablettes NEOGEND – qui font évoluer le métier de gendarme. Demain, le gendarme passera du traitement de l'information au traitement de la donnée. Comme nous l'a expliqué le général Rodriguez à plusieurs reprises, il s'agit, avec cet ambitieux programme de transformation, de proposer une offre de sécurité sur mesure, de protéger les plus vulnérables, d'assurer la sécurité des nouvelles frontières et, grâce à l'innovation technologique, de construire le futur dès à présent.
Pour terminer, je présenterai brièvement les mesures que je préconise dans mon rapport afin de renforcer la proximité entre le gendarme et la population.
Le logement est une composante essentielle de l'attractivité du métier de gendarme et celle-ci contribue à la proximité avec la population. Pour mettre un terme à l'état de vétusté des casernes, il faut certes renflouer les crédits budgétaires, comme le prévoit le plan de relance ; mais il faut également que l'État, sans coût budgétaire supplémentaire, fasse pression sur les collectivités locales et sur les bailleurs qui, pour certains, ne remplissent pas leurs obligations en matière de gros entretien et de travaux dans les casernes. Ces acteurs touchent des subventions et des loyers in fine ; parce qu'ils sont négligents, le contribuable paie deux fois l'entretien de ces casernes locatives.
J'évoque par ailleurs dans mon rapport l'épineuse question des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur, au premier rang desquelles celle des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI), situés loin des gendarmes puisqu'ils ont été positionnés au niveau des sept zones de défense.
Je préconise dans une logique de proximité, que ces SGAMI – s'il faut les conserver – soient positionnés à tout le moins au niveau régional et je propose que l'ensemble des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur soit évalué tous les cinq ans.
Enfin, il me semble également nécessaire de mettre un terme à certaines missions chronophages pour les gendarmes, de redonner des marges de manœuvre budgétaires aux commandants de compagnie et de sanctuariser les crédits de la réserve opérationnelle dans le cadre de la future loi de programmation dont j'ai parlé. Les missions chronophages éloignent en effet le gendarme du terrain quand la réserve opérationnelle l'en rapproche.
En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.