Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis :

…la ministre notait des premiers effets positifs. D'un naturel optimiste, je reste également confiant dans la capacité de la direction de la maintenance aéronautique à bousculer les choses et à responsabiliser toujours davantage les industriels. Mais il nous faudra rester vigilants.

De même, il nous faudra demeurer attentifs à la poursuite de la modernisation de l'armée de l'air. Je ne prendrai qu'un exemple – le plus parlant : la modernisation de l'aviation de combat. Lors de son audition, le général Lavigne a fait état de la contestation croissante de la supériorité aérienne des armées occidentales. Il a ainsi suffi à la Russie de déployer quatre MiG-29 sur le théâtre libyen pour en perturber l'accès.

Au Levant, nous ne pouvons déployer que nos Rafale, en raison de la présence d'avions de combat russes et turcs performants et de la dissémination de systèmes de défense sol-air de haut niveau. Des avions russes à long rayon d'action continuent de longer les côtes européennes, dans le cadre d'opérations de démonstration de puissance. Pourtant, d'ici à 2025, un quart des avions de combat de l'armée de l'air seront dépourvus de capacités de combat air-air.

Dans ce contexte, quatre points me semblent devoir mériter une attention particulière : en premier lieu, la poursuite du programme MENTOR de modernisation de la formation des équipages de chasse, avec sa phase amont, à Salon‑de‑Provence, et sa phase aval, à Cognac, où des avions PC-21 supplémentaires sont nécessaires ; en deuxième lieu, la remise à niveau des équipements missionnels des Rafale, en particulier les pods de désignation laser Talios et les munitions ; en troisième lieu, le recomplètement de la flotte Rafale, afin de compenser le prélèvement de douze appareils au profit de la Grèce.

Je me réjouis évidemment du choix des autorités grecques d'acquérir dix-huit Rafale, dont douze d'occasion prélevés au sein des forces. Mais j'appelle votre attention sur le fait que nous ne savons pas encore comment seront financés les douze Rafale neufs de compensation, dont la commande a été annoncée ici même par la ministre, d'autant que rien ne garantit que les 400 millions d'euros issus de la vente grecque ne viennent abonder le ministère des armées, alors que l'acquisition de douze Rafale neufs coûterait autour de 1 milliard d'euros. Le combat avec Bercy sera rude. Je reste vigilant, et je crois que nous devrions tous l'être.

En quatrième et dernier lieu, le SCAF. Après les premiers travaux d'architecture lancés en 2018, il nous faut franchir une nouvelle étape et initier, dès 2021, la réalisation d'un démonstrateur. Les discussions entre les trois parties prenantes semblent achopper sur l'écueil du financement de ces travaux et pourtant la proximité des élections générales allemandes, prévues en septembre 2021, impose d'aller vite. Là aussi, il y a un point de vigilance.

J'en viens à présent à ma partie thématique, consacrée à la montée en puissance de l'armée de l'air et de l'espace. Je ne reviendrai pas sur les grands déterminants de la politique spatiale de défense, parfaitement décrits par nos collègues Olivier Becht et Stéphane Trompille, dont les travaux ont nourri la stratégie spatiale du ministère des armées. Nous savons tous ici que l'espace militaire demeure un domaine très actif, comme en atteste une série d'événements observés ces derniers mois. Le 15 avril dernier, la Russie a procédé à un tir antisatellite depuis le sol ; une semaine plus tard, l'Iran a mis en orbite son premier satellite militaire ; le 17 mai, la Space Force américaine a procédé au sixième lancement du mystérieux avion spatial militaire X‑37B ; en juillet, Kosmos‑2542, un satellite russe en orbite basse, aurait libéré un objet présenté comme un projectile antisatellite. Au sortir de l'été, la Chine semble avoir procédé à un vol d'essai d'un avion spatial proche du X‑37B, qui serait resté en orbite basse deux jours, y aurait largué un objet et serait revenu se poser. Et pendant tout ce temps le fidèle satellite butineur russe Luch-Olymp a maintenu son activité sur l'orbite géostationnaire… Le domaine spatial est peu à peu devenu un domaine opérationnel militaire à part entière.

C'est dans ce contexte qu'a été créé, en septembre 2019, le commandement de l'espace (CDE), venu prendre la suite du commandement interarmées de l'espace, et qu'un an plus tard, le 11 septembre 2020, l'armée de l'air est officiellement devenue l'armée de l'air et de l'espace. La montée en puissance du commandement de l'espace devra suivre deux axes. Premièrement, sur le plan organique, le CDE réunit aujourd'hui autour de deux cent vingt personnes issues des différents services impliqués dans le domaine spatial. Dispersés sur plusieurs sites, ces personnels seront renforcés pour atteindre jusqu'à cinq cents personnes à l'horizon 2025 dont quatre cents réunis à Toulouse, auprès du Centre national d'études spatiales (CNES). Aujourd'hui, une trentaine de personnes ont déjà été accueillies au sein des équipes du CNES. Il me semble aussi que cette montée en puissance organique pourrait s'accompagner d'une meilleure reconnaissance. Le président de la République annonçait ainsi un « grand commandement », tandis que le spatial était identifié comme l'une des priorités du ministère des armées.

Pour traduire cette priorité, Olivier Becht et Stéphane Trompille préconisaient notamment de nommer à la tête de ce grand commandement un général quatre étoiles. Vous-même, Madame la présidente, souhaitiez pareil destin au général Friedling, lorsqu'il s'était présenté devant nous en juillet. Les représentants de la majorité n'ayant pas été entendus, je doute d'avoir plus de poids auprès du Gouvernement, mais sachez qu'il s'agit également de l'une de mes recommandations. Il est difficilement concevable, d'après moi, que le commandant de l'espace comme, du reste, le commandant du cyber ou celui des opérations spéciales, restent cantonnés à la troisième étoile.

Deuxièmement, sur le plan capacitaire, environ 5 milliards d'euros sont prévus pour le domaine de l'espace, tous programmes confondus, permettant la mise en service de plusieurs capacités spatiales majeures durant la période de la LPM. Faute de temps, je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des programmes concernés. Je me focaliserai sur le nouveau programme à effet majeur ARES, qui couvre l'ensemble des moyens de surveillance de l'espace et d'action dans l'espace.

De manière plus spécifique, un démonstrateur de nanosatellites guetteur‑patrouilleur, baptisé Yoda, sera mis en orbite en 2023, avec pour objectif de prouver notre capacité à mener des opérations en orbite géostationnaire. Sur la base des résultats obtenus par Yoda, un satellite patrouilleur plus lourd et véritablement opérationnel pourra ensuite être lancé vers 2030. Dans cette perspective, il nous faudra nous assurer que la maîtrise de l'espace figure au rang des priorités de l'actualisation de la programmation.

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