Intervention de Philippe Michel-Kleisbauer

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis (Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation) :

« Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Ils veulent qu'aucune de nos pensées ne se détourne d'eux, qu'aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout, sans aucune réserve. » Ces mots furent prononcés par Georges Clemenceau devant notre chambre le 20 novembre 1917.

Je vous remercie de m'avoir confié, pour le quatrième exercice consécutif, la fonction de rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire, liens avec la Nation ». Celle-ci s'articule autour de trois programmes budgétaires complémentaires, dont les deux premiers, les programmes 167 et 169, sont placés sous la responsabilité du ministère des armées.

Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » retrace les crédits de la journée de défense et de citoyenneté (JDC), du service militaire volontaire (SMV) et de la politique de mémoire du ressort du ministère des armées.

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » couvre les dépenses relatives à l'administration de la dette viagère, c'est-à-dire les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, l'action sociale et les mesures en faveur des harkis. Ce programme contient également les crédits nécessaires au fonctionnement de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), et de l'Institution nationale des Invalides (INI), engagée dans un vaste projet de transformation destiné à en faire un lieu de référence dans l'accueil et le suivi des victimes de syndromes post-traumatiques. La répartition des crédits se fait de la manière suivante : 43 % vont aux pensions militaires d'invalidité ; 33 % à la retraite du combattant, 20 % à l'entretien du patrimoine mémoriel, 3 % à la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG et 1 % à l'INI.

Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » relève, quant à lui, du Premier ministre.

Le projet de budget pour 2021 des trois programmes de la mission s'élève à 2,86 milliards en autorisations d'engagement et 2,89 milliards en crédits de paiement, ce qui correspond à une diminution de près de 69 millions par rapport à la loi de finances pour 2020. Il y a certes une diminution, mais moins forte que l'attrition, autrement dit le nombre d'anciens combattants qui nous ont quittés – laquelle s'établit à 7 %.

Avec Mme Geneviève Darrieusecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, la majorité mène depuis 2017 une politique constante et ambitieuse de maintien et d'extension des droits en faveur des ressortissants du monde combattant. Ce faisant, nous avons répondu aux demandes formulées à l'unanimité par les associations d'anciens combattants que nous avons réunies au sein d'un groupe de travail, le G12. Nous avons ainsi introduit : l'harmonisation des conditions d'octroi de la pension de réversion aux conjoints survivants d'avant et d'après 1962, en 2018 ; l'extension du bénéfice de la carte du combattant aux anciens militaires pouvant justifier de quatre mois de présence en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 – une mesure qui touche plus de 50 000 anciens militaires – en 2019 ; la hausse de la pension de celles qui ont renoncé à une grande partie de leur carrière professionnelle pour prendre soin de leur conjoint lourdement blessé pour la France – les grands invalides de guerre.

Enfin, dès le 1er janvier 2021, en application de la loi de finances pour 2020, les conjoints d'anciens combattants, principalement les veuves, ayant atteint l'âge de 74 ans, pourront bénéficier de la demi-part fiscale dès lors que leur conjoint avait bénéficié de la retraite du combattant. Vous vous rappelez que lorsque cette avancée notable a été votée, la commission des finances ayant repris un amendement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, votre serviteur s'est retrouvé le seul à voter contre : je suis allé mourir seul devant tout le monde, sabre au clair, et j'ai dû m'en expliquer. Il fallait que je sois logique avec ce que j'avais toujours défendu devant cette commission : j'estimais que si nous disposions d'une somme de 30 millions, il fallait avant tout nous en servir pour augmenter la retraite du combattant. Chaque année, je repoussais un amendement du groupe Les Républicains qui proposait systématiquement de le faire en prenant sur les crédits de la jeunesse. Si la commission des finances nous avait dit qu'elle disposait de 30 millions supplémentaires, nous aurions pu multiplier par deux cette augmentation.

Sur le plan budgétaire, je souhaite revenir sur cinq mesures fortes.

Premièrement, l'article 54 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit l'extension du nombre de conjoints survivants de grands invalides de guerre pouvant bénéficier d'une majoration de pension de réversion. Ainsi, une veuve de grand invalide de guerre pourra bénéficier d'un supplément de pension militaire d'invalidité (PMI) si son conjoint décédé avait bénéficié d'une PMI de 6 000 points, contre 10 000 points auparavant. Cela représente près de 5 300 euros de plus pour 200 bénéficiaires, pour un coût de 1 million d'euros environ.

Deuxièmement, au titre de son action sociale, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est doté de 25 millions, malgré la diminution du nombre de ressortissants. Le soutien aux publics en situation de fragilité reste une mission prioritaire de l'ONAC-VG. De plus, le fonds de solidarité destiné aux enfants de harkis, dont le périmètre a été élargi, s'élève à 7 millions.

Troisième mesure d'importance, le projet de loi de finances donne à l'ONAC-VG les moyens de fonctionnement nécessaires dans le cadre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour cinq ans – l'équivalent d'une LPM ! –, salué par tous les anciens combattants. Ce contrat se traduit par la remise à niveau de la subvention pour charges de service public, à hauteur de 56 millions.

Quatrième mesure : les crédits destinés à la politique de mémoire passent de 11 à 18 millions, pour retrouver leur niveau de l'année précédente – puisque nous avions pioché dans la trésorerie de l'ONAC-VG l'année dernière.

La cinquième et dernière mesure sur laquelle je souhaite insister concerne les actions envers la jeunesse : les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 15 %. Ce budget permettra de convoquer les jeunes qui doivent effectuer leur journée de défense et de citoyenneté cette année, mais aussi ceux qui n'ont pu y participer en 2020 du fait de la crise sanitaire. Enfin, le nombre de jeunes accueillis au sein du service militaire volontaire augmentera : ils seront 1 200, au lieu de 1 000 – 50 % d'entre eux s'engagent dans l'armée ou trouvent un emploi à la sortie, ce qui est un bon résultat.

Je voudrais consacrer les quelques minutes qui me restent à la partie thématique de mon avis. Vous savez que, depuis le début de cette législature, je m'intéresse à « l'armée noire » et à ce que nous devons aux tirailleurs sénégalais, malgaches et annamites. J'ai fait la liste de toutes les actions que nous menons pour entretenir leur mémoire, par exemple en prenant soin de leurs nécropoles. Le Président de la République a lui-même appelé les maires à donner à leurs rues et places des noms de glorieux tirailleurs sénégalais, réunis dans un livret.

J'ai consacré plusieurs pages de mon rapport au massacre de Thiaroye, dont j'ai appris la connaissance un jour où j'évoquais le Tata sénégalais de Chasselay. Cette nécropole abrite des tirailleurs qui ont été massacrés par des nazis, parce qu'ils étaient noirs. L'association Vigil Tricolore était venue à moi pour me dire que c'était très bien de parler de cet événement, mais que des Français avaient commis des actes équivalents au cours de la Seconde Guerre mondiale. J'ai travaillé pendant deux ans sur le massacre de Thiaroye, qui a eu lieu dans la périphérie de Dakar, le 1er décembre 1944. J'ai invité cette association à nous présenter ses doléances, car c'est un symbole fort au Sénégal et dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, mais j'ai aussi invité les historiens Pascale Blanchard, Martin Mourre et Armelle Mabon. L'important, pour moi, était que tous ceux qui travaillent sur cette question puissent exprimer leurs doléances.

Je rappelle que le président Hollande, en 2012 et 2014, s'est rendu sur place, a inauguré le cimetière et remis les archives disponibles : la France reconnaissait ainsi ce qui s'était passé à Thiaroye. L'ensemble des revendications sont réunies dans mon rapport, que je vous invite à lire. À titre personnel, j'estime que la demande de sépultures est légitime, mais nous ne pouvons pas y répondre, car nous respectons la souveraineté de la République du Sénégal. Quant à la question de la réparation individuelle ou collective, je pense que nous pourrions en débattre prochainement.

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