Commençons donc par cette coopération absolument unique en son genre. En 2010, dans un contexte de restrictions budgétaires, le gouvernement de coalition britannique avait évoqué publiquement la possibilité de renoncer au renouvellement de sa dissuasion au profit d'alternatives moins coûteuses. Ce débat a suscité une appréhension en France où une coopération franco-britannique a alors été envisagée comme un moyen d'éviter un scénario dans lequel la France serait devenue la seule puissance nucléaire européenne.
Le projet Teutatès est né de ce double objectif : garder les Britanniques dans le « grand jeu », pour les Français, et assurer la soutenabilité financière de la dissuasion, pour les Britanniques.
Le projet consiste à construire et exploiter en commun les installations de simulation nécessaires à la fiabilisation des armes nucléaires, les essais étant désormais interdits par le Traité d'interdiction des essais nucléaires (TICE). Ce développement en commun permet d'avoir des installations plus performantes. À Valduc, en Côte-d'Or, le centre d'essai comprendra non pas un, ni deux mais trois axes radiographiques pour observer et modéliser le comportement des amorces des missiles nucléaires, offrant un niveau de précision inégalé.
Chaque nation reste souveraine dans ses expériences. Les matériaux testés sont assemblés dans des locaux réservés à l'une ou l'autre nation et leurs appareils de mesure sont, eux aussi, séparés.
La direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA/DAM) est particulièrement satisfaite des phases 1 et 2 du programme. Les deux machines radiographiques apportées par les Britanniques ont été qualifiées à Aldermaston et devraient être installées en 2022 à Valduc. Le projet entrera ensuite dans une phase exclusivement expérimentale, les deux pays partageant les coûts d'exploitation.
Cette coopération est donc satisfaisante au moins à trois égards. D'une part, elle a permis de confirmer la viabilité de la dissuasion britannique, contribuant ainsi à un équilibre politique et diplomatique entre les puissances occidentales et dans le monde. Ensuite, le CEA/DAM estime à 450 millions d'euros les économies réalisées sur cinquante ans, autant de crédits qui peuvent être réaffectés à d'autres priorités. Enfin, cette coopération a poussé les deux grandes puissances militaires européennes à s'engager l'une envers l'autre pour un demi-siècle.