Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mardi 3 novembre 2020 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Cette proposition de loi est emblématique de la dérive, non pas sécuritaire, mais tout bonnement autoritaire du Gouvernement.

La philosophie n'est pas nouvelle : pour garantir la sécurité il faut sacrifier les libertés. On nous a déjà fait passer vingt lois au moins au nom de ce raisonnement fallacieux, et chaque fois l'exécutif y revient en bêlant que ce n'est pas assez… Aujourd'hui, il s'agit notamment d'interdire de filmer des policiers. Quel recul inouï ! Savez-vous que même en Chine, c'est autorisé depuis 2016 !

Quelle sorte de république requiert que les gardiens de la paix agissent dans l'ombre ? Quelle turpitude le Gouvernement a-t-il résolu de faire disparaître des écrans ? Nous ne le savons que trop : il s'agit des violences commises contre les gilets jaunes, les grévistes, les étudiants, les journalistes. Le Gouvernement se drape des beaux principes du républicanisme, mais les bafoue allègrement. Il profite d'une proposition de loi de la majorité pour introduire une multitude d'amendements et s'affranchir de l'obligation de remettre une étude d'impact à leur sujet.

Le problème est tel qu'au sein même de l'exécutif, le pouvoir s'est réduit à une tête d'épingle : Emmanuel Macron a court-circuité le conseil des ministres et profite du secret du conseil de défense pour tout décider seul. Ce conseil de défense utilisé pour gérer une crise sanitaire dit bien la confusion intellectuelle et même l'autoritarisme qui s'installent au sommet de l'État : quand on ne sait plus quoi faire, on prend des poses de chef de guerre et on appelle l'armée à la rescousse.

C'est le cas lorsque le président porte les effectifs de l'opération Sentinelle à 7 000 soldats alors que les inconvénients d'une telle mobilisation excèdent largement les avantages.

C'est le cas de cette loi dite de « sécurité globale », qui organise toujours davantage la confusion entre police et armée. Nous ne sommes pas d'accord : les missions, les formations, les prérogatives, les astreintes, les statuts diffèrent : il n'est pas possible d'acter que militaires et policiers soient interchangeables ; il n'est pas possible d'acter que des moyens militaires servent à accomplir des tâches de police. Ce flou est dangereux pour les libertés et pour la sécurité. Non, les armées ne doivent pas pouvoir utiliser des drones pour surveiller des manifestants ; non, des policiers ne devraient pas pouvoir faire de même pour sécuriser des bases militaires.

Cette politique d'après laquelle tout est dans tout est un complet dévoiement et l'aboutissement d'années d'austérité budgétaire pendant lesquels on a coupé les moyens des services les plus régaliens de l'État. Mais au lieu d'en tirer la leçon, d'avoir une stratégie de sécurité dont la spécialisation des effectifs est la clé, le Gouvernement s'entête dans l'absurde surveillance généralisée. Qu'est-ce donc que cette république sans liberté que vous nous préparez ?

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