Intervention de Florence Parly

Réunion du mardi 12 janvier 2021 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des armées :

Je suis heureuse de vous retrouver en cette nouvelle année et vous présente nos vœux les plus sincères de bonne et heureuse année 2021.

Geneviève Darrieussecq et moi-même souhaitons, après le président de l'Assemblée nationale tout à l'heure dans l'hémicycle, rendre hommage, avec beaucoup d'émotion, à la mémoire du sergent-chef Yvonne Huyhn, du maréchal des logis-chef Tanerii Mauri, du brigadier-chef Loic Risser, du brigadier Quentin Pauchet et du brigadier Dorian Issakhanian. Ces cinq militaires sont morts pour la France. Ils sont tombés pour nous protéger. Ces cinq noms resteront à jamais dans nos mémoires. Ils nous rappellent que la mission ne cesse jamais et que, chaque jour, des milliers de jeunes Françaises et de jeunes Français veillent sur nous, en tout temps, en tout lieu, sur notre territoire et en opérations extérieures.

J'aimerais ouvrir mon propos par un tour d'horizon de nos opérations, en revenant sur les temps forts de l'année 2020.

Le premier de ces temps forts fut la crise sanitaire. Dans le cadre de l'opération Résilience, déclenchée par le Président de la République, les armées ont œuvré au plus près des Français, offrant soutien médical, transport logistique et protection. Nous nous tenons toujours disponibles et prêts à agir si nécessaire.

La crise sanitaire, même si elle a bouleversé notre quotidien en 2020, n'a pas mis à mal les combats de la France. La lutte contre le terrorisme s'est poursuivie sans relâche, sur le territoire national, dans le cadre de l'opération Sentinelle, renforcée depuis l'attentat de Nice – avec une forte réactivité, son dimensionnement est passé de 3 000 à 7 000 militaires –, et à l'étranger, principalement au Levant et au Sahel.

Au Sahel, où 5 100 militaires français sont déployés, nous continuons de désorganiser profondément les groupes armés terroristes, notamment en éliminant des responsables clés de ces organisations, tel l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, neutralisé au mois de juin 2020. Depuis un an, conformément au souhait du Président de la République, nous concentrons nos efforts sur l'affaiblissement de l'État islamique au Grand Sahara, qui est la filiale sahélienne de Daech. L'opération Bourrasque, conduite entre le 28 septembre et le 1er novembre 2020, a notamment permis de perturber la logistique des groupes terroristes et de saisir de très nombreux matériels – motos, ordinateurs, moyens de communication, composants d'engins explosifs improvisés –, tout en mettant hors de combat de nombreux terroristes. Il s'agissait d'une opération intégrée – j'insiste sur ce terme. Elle a été menée conjointement par 3 000 soldats – 1 600 français et 1 400 appartenant aux forces partenaires nigériennes et maliennes –, avec le soutien de moyens aériens français et alliés britanniques, espagnols, américains et danois. À cette occasion, la Task force Takuba, que nous avons évoquée à plusieurs reprises, a été engagée dans sa première opération d'envergure.

Outre ses succès tactiques, cette opération a contribué, comme d'autres auparavant, au retour de l'administration dans la zone des trois frontières. Nous l'avons toujours dit, au Sahel, la solution n'est pas exclusivement militaire. On ne combat pas le terrorisme uniquement avec des armes. En définitive, l'unique rôle de l'action militaire est d'ouvrir la voie, afin de créer un espace propice à l'action politique, au retour de l'État et au développement ; telles étaient exactement les conclusions du sommet de Pau, qui s'est tenu le 13 janvier 2020. Lors du sommet de N'Djamena, prévu à la mi-février, nous aurons l'occasion de dresser le bilan des efforts initiés par le sommet de Pau, de consolider nos partenariats stratégiques avec les acteurs régionaux, ainsi qu'avec les acteurs européens et internationaux, et de maintenir cette dynamique de coopération, notamment au sein de la coalition pour le Sahel, à l'aube de cette nouvelle année.

J'aimerais également dire un mot du Levant ; c'est volontairement que je serai brève, car de nombreuses questions porteront sans doute sur ce sujet. Au Levant, près de 900 militaires français sont engagés. Dans le cadre de l'opération Chammal, ils poursuivent la lutte contre Daech, au sein de la coalition internationale. À ce propos, j'annonce que la prochaine mission du porte-avions Charles de Gaulle consistera à renforcer le dispositif de l'opération Chammal. Le groupe aéronaval se déploiera en Méditerranée et dans l'océan Indien au cours du premier semestre 2021. Cet engagement démontre, s'il en était besoin, notre volonté de lutter, en permanence et sans condition, contre le terrorisme.

En République centrafricaine (RCA), nous agissons dans le cadre de l'action de la communauté internationale pour garantir le retour progressif de l'État dans l'ensemble du pays. Près de 300 militaires français y sont déployés. Certains participent à la formation des forces armées centrafricaines (FACA) dans le cadre de la mission de formation de l'Union européenne en République centrafricaine (EUTM-RCA), d'autres apportent leur appui à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Vous avez certainement observé, samedi 9 janvier, que le Président de la République a ordonné, à la demande du président Touadéra et en appui de la MINUSCA, une deuxième mission de survol du territoire centrafricain par des avions de chasse français, après une première mission effectuée le 23 décembre dernier. Cette mission entendait affirmer notre détermination à appuyer les efforts de normalisation engagés par la communauté internationale. Elle a eu des effets immédiats sur le terrain, notamment dans la région de Bouar, où les combats ont cessé. Ces opérations démontrent la solidarité de la France avec le peuple centrafricain, ainsi que la condamnation des tentatives de déstabilisation d'un processus de normalisation que nous savons très fragile.

Je ne peux achever ce tour d'horizon sans réaffirmer toute la vigilance des armées françaises en mer Méditerranée, dont nous avons constaté, en 2020, qu'elle est devenue le théâtre de nombreuses tensions, de rivalités et même de convoitises. Par le biais de ses actions nationales et de sa participation à l'opération européenne Irini, la France défend le respect du droit international, notamment le principe de la liberté de navigation, face à des acteurs qui n'hésitent pas à les remettre en cause. Avec nos partenaires, nous redoublerons d'attention dans cette zone en 2021.

J'en viens aux défis qui nous attendent et aux menaces qui nous guettent, ainsi qu'à la façon dont nous y sommes préparés. Le monde devient de plus en plus dangereux. Plus que jamais, la France doit s'efforcer de promouvoir une convergence de vues et d'actions à l'échelle européenne, seule manière d'affronter durablement les menaces qui se présentent à nous, en tant que Français et en tant qu'Européens. Nous avons donc effectué, au cours des derniers mois, un important travail d'actualisation de notre analyse du contexte géostratégique. Nous publierons prochainement ces travaux sous la forme d'une version révisée de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, à l'aune des événements et des évolutions des trois dernières années. Madame la présidente, je ne vois que des avantages à l'organisation d'une audition spécifiquement consacrée à ce sujet, si vous le souhaitez, afin que nous puissions en débattre. Les conclusions de cette revue stratégique actualisée démontrent que les ambitions et les priorités de la LPM 2019-2025 conservent toute leur pertinence.

En 2021, cinq priorités doivent guider notre action.

La première est la relance économique de notre pays. Le ministère des armées compte bien prendre toute sa part à l'effort de relance économique de la France, qui est nécessaire pour se relever de la crise sanitaire dans laquelle nous sommes toujours. Dans ce contexte, la loi de programmation militaire constitue une contribution essentielle, avec l'injection dans l'économie, entre 2019 et 2023, de 110 milliards d'euros pour financer les équipements et les infrastructures, et leur maintien en condition opérationnelle. Il s'agit donc, je le dis avec force, d'un plan de relance en soi, consacré aux seules questions de défense. Je rappelle également que nous serons le premier recruteur de l'État en 2021, avec 26 000 recrutements – davantage encore que les années précédentes. Enfin, dans le cadre des appels à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments, prévus par le plan de relance, plus de 200 millions d'euros – 207 pour être précis – ont été attribués au ministère des armées, pour mener à bien des projets de rénovation énergétique de ses infrastructures.

La deuxième priorité, nul n'en sera surpris, est de poursuivre la lutte contre le terrorisme au Levant et au Sahel, où nous devons pérenniser nos partenariats. Au Levant, la France est toujours engagée, car nous considérons que Daech y est toujours présent, et connaît même une forme de résurgence en Syrie et en Irak. Depuis la chute de Baghouz, au mois de mars 2019, l'État islamique reprend des forces et fait des victimes. Il représente aussi, nous ne l'oublions jamais, une menace pour l'Europe et pour la France. Nous nous souvenons que les attentats des mois de janvier et de novembre 2015 ont été planifiés depuis cette zone, et que les terroristes qui ont frappé cet automne à Conflans et à Nice ont été inspirés par les discours de haine tenus par cette organisation et par ses semblables. Au Sahel, le sommet de Pau a permis d'ancrer des partenariats, qui sont de plus en plus solides, avec les pays sahéliens, ainsi qu'avec nos alliés européens et internationaux. Il faudra les proroger et les renforcer. Je ne développe pas davantage, ne doutant pas que plusieurs questions porteront sur ce sujet.

La troisième priorité est la poursuite de la construction de l'Europe de la défense, en contribuant activement à la préparation de la présidence française de l'Union européenne. Je ne me lasse pas de rappeler les progrès réalisés en la matière. Nous avons avancé sur tous les plans, qu'il s'agisse du domaine opérationnel, de la réflexion stratégique, de la coopération industrielle ou des financements : la facilité européenne pour la paix sera déployée – enfin ! – cette année ; le Fonds européen de la défense a finalement été doté, à hauteur de 8 milliards d'euros ; les travaux d'élaboration de la boussole stratégique nous permettront, pour la première fois, d'établir une analyse des menaces pesant sur l'Union européenne agréée par les vingt-sept États membres. Lorsque notre pays assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne, cet outil nous permettra de nourrir une ambition renouvelée pour l'Europe de la défense. Nous reparlerons des coopérations industrielles dans le cadre du SCAF et du char de combat du futur (MGCS), ainsi que des autres projets de coopération industrielle en cours avec nos voisins européens, les Allemands au premier chef.

Quatrième priorité, nous continuerons de moderniser nos armées pour faire face aux menaces du futur dans les nouveaux champs de confrontation – c'est toute la raison d'être de la LPM. Ces nouveaux champs sont le cyberespace, dont relève l'attaque informatique qui a visé l'hôpital militaire de Sainte-Anne en 2019 ; l'espace, dans lequel nous investissons beaucoup – à ce propos, je me réjouis du lancement réussi du satellite CSO-2, le 29 décembre dernier ; le champ informationnel, qui voit se multiplier les campagnes de désinformation, notamment en République centrafricaine et au Sahel.

La cinquième priorité est de donner un nouveau souffle à nos alliances. Aux États-Unis, l'installation prochaine d'une nouvelle administration apporte l'espoir que le principe du dialogue et de la coopération retrouvera sa place centrale. Bien entendu, nous ne serons pas d'accord sur tout, mais nous aurons la possibilité de dialoguer de façon constructive sur les grands défis de sécurité, tels que le terrorisme, la prolifération nucléaire – notamment le cas iranien – et la maîtrise des armements, ainsi que les stratégies de puissance de la Russie et de la Chine. L'OTAN demeure, en dépit des questionnements qu'elle doit affronter, la pierre angulaire de notre sécurité collective. Elle a engagé une réflexion approfondie pour renforcer sa cohésion interne et s'adapter aux nouveaux défis de sécurité. Quant au Royaume-Uni, il demeure, au lendemain du Brexit, un partenaire essentiel pour la sécurité de l'Europe, avec lequel nous poursuivrons notre coopération, tant dans le cadre de l'Union européenne que dans celui des accords bilatéraux de Lancaster House.

J'ajoute une dernière priorité, que j'ai constamment à l'esprit depuis que j'ai pris la tête de ce ministère : communiquer et expliquer sans cesse le sens de notre action aux Français. Les moyens exceptionnels qui nous sont attribués par la représentation nationale, par le contribuable français, nous confèrent une responsabilité non moins exceptionnelle. J'ai dit maintes fois devant vous que chaque euro dépensé doit être un euro utile, ce qui me semble d'autant plus indispensable que la nation traverse des épreuves inédites. Nos armées jouissent d'un fort soutien de la population, qui leur est précieux, mais ne doit jamais être tenu pour acquis. Je sais que vous œuvrez quotidiennement, à nos côtés, pour l'entretenir. Je ne peux que vous encourager à persévérer.

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