La séance est ouverte à dix-huit heures dix.
Mesdames les ministres, nous procédons avec vous à notre première audition de l'année 2021. Je vous remercie d'avoir accepté qu'elle soit ouverte à la presse. Au nom des membres de la commission, je vous souhaite une très belle année 2021, en formant le vœu, selon la formule consacrée, qu'elle soit propice au succès des armes de la France et qu'elle nous offre l'occasion de poursuivre la modernisation de nos équipements et le renouveau de la condition militaire, dont dépend l'efficacité opérationnelle de nos armées – je sais que vous y êtes très attachées.
La fin de l'année 2020 a été dramatiquement endeuillée par la mort de cinq soldats français engagés au Mali, au sein de la force Barkhane. La représentation nationale, après le président de l'Assemblée nationale cet après-midi, tient à leur rendre hommage et à s'incliner devant leur mémoire : le maréchal des logis Tanerii Mauri, les brigadiers Dorian Issakhanian et Quentin Pauchet, du 1er régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse, ainsi que le sergent-chef Yvonne Huyhn et le brigadier-chef Loïc Risser, du 2e régiment de hussards de Haguenau. Nous assurons leurs sœurs et frères d'armes de notre solidarité. En ce début d'année, pas plus tard que vendredi dernier, nous avons aussi déploré, toujours au Mali, six militaires blessés lors d'un attentat au véhicule piégé.
Ces morts et ces blessés nous obligent. Ils méritent plus qu'une simple réponse émotionnelle. Comme l'a rappelé le Président de la République, la mort d'un militaire pour la France n'est jamais vaine. Le sacrifice suprême pour notre pays et ses compatriotes témoigne du prix de nos libertés, de nos façons de vivre, de notre projet politique et de notre souveraineté. Accepter de l'assumer jusqu'au bout fait toute la grandeur de nos militaires.
Ne nous leurrons pas, le monde, en cette année nouvelle, n'est pas moins menaçant qu'en 2020. La crise de la covid-19 n'a provoqué aucune trêve dans les conflits en cours. Il faudra donc continuer à faire preuve d'adaptation et de réactivité face à l'évolution des menaces. L'opération Barkhane en constitue un bon exemple. Certes, les auditions récentes du commandant de la force conjointe du G5 Sahel, le général Namata Gazama, ainsi que des généraux Conruyt et Mille, ont été l'occasion d'évoquer les importants succès tactiques remportés au Sahel au cours des derniers mois. Toutefois, nul n'a jamais imaginé que l'action militaire serait susceptible, à elle seule, de stabiliser la région et d'éradiquer la menace djihadiste. Le prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel, prévu à N'Djamena le mois prochain, devrait être l'occasion de rappeler cet état de fait et de faire le point, un an après les décisions prises au sommet de Pau sur la configuration de notre engagement militaire.
Bien entendu, la présente audition n'a pas pour objet de préfigurer les décisions qui seront prises à N'Djamena. Toutefois, nous aimerions connaître votre analyse de la situation, ainsi que le bilan que vous dressez de l'application des décisions du sommet de Pau et les réponses que vous opposez au reproche d'enlisement que certains formulent, bien hâtivement à mes yeux. Nous aimerions également connaître votre sentiment sur la campagne de désinformation visant les frappes françaises menées près du village malien de Bounty. À ce sujet, la commission a récemment créé une mission d'information sur l'opération Barkhane, dont j'assure la présidence, et dont les co-rapporteures sont Mme Sereine Mauborgne et Mme Nathalie Serre. Trois autres missions d'information sont en cours ; elles portent sur les réserves, le personnel civil et les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées.
Madame la ministre, vous avez évoqué ce week-end un risque de résurgence de Daech en Syrie et en Irak. Pouvez-vous approfondir ces mises en garde ? Pouvez-vous également faire le point sur l'autre opération extérieure, dont on parle moins, mais qui est complémentaire de Barkhane, qu'est l'opération Chammal, menée au Proche-Orient et au Moyen-Orient ?
Enfin, nous aimerions obtenir des informations sur divers sujets d'actualité, tels que l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, prévue pour cette année, sous une forme encore indéterminée – nous espérons fortement qu'elle emprunte un véhicule législatif. S'agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), sur laquelle notre commission travaille beaucoup – une mission flash sur son financement est en cours –, nous souhaitons recueillir votre avis sur divers sujets industriels, comme l'avenir des Chantiers de l'Atlantique, les perspectives de vente de Rafale en 2021 et la coopération franco-allemande, sur le Système de combat aérien du futur (SCAF) et la réforme de la gouvernance de KMW + Nexter Defense Systems (KNDS), qui revêt à nos yeux un caractère fondamental.
Après l'intervention de Mme la ministre des armées, je donnerai la parole à Mme la ministre déléguée, qui est plus particulièrement chargée du monde combattant, auquel nous consacrons également une mission flash, et qui est l'incarnation de la solidarité nationale entre nos concitoyens comme de la solidarité entre les générations.
Je suis heureuse de vous retrouver en cette nouvelle année et vous présente nos vœux les plus sincères de bonne et heureuse année 2021.
Geneviève Darrieussecq et moi-même souhaitons, après le président de l'Assemblée nationale tout à l'heure dans l'hémicycle, rendre hommage, avec beaucoup d'émotion, à la mémoire du sergent-chef Yvonne Huyhn, du maréchal des logis-chef Tanerii Mauri, du brigadier-chef Loic Risser, du brigadier Quentin Pauchet et du brigadier Dorian Issakhanian. Ces cinq militaires sont morts pour la France. Ils sont tombés pour nous protéger. Ces cinq noms resteront à jamais dans nos mémoires. Ils nous rappellent que la mission ne cesse jamais et que, chaque jour, des milliers de jeunes Françaises et de jeunes Français veillent sur nous, en tout temps, en tout lieu, sur notre territoire et en opérations extérieures.
J'aimerais ouvrir mon propos par un tour d'horizon de nos opérations, en revenant sur les temps forts de l'année 2020.
Le premier de ces temps forts fut la crise sanitaire. Dans le cadre de l'opération Résilience, déclenchée par le Président de la République, les armées ont œuvré au plus près des Français, offrant soutien médical, transport logistique et protection. Nous nous tenons toujours disponibles et prêts à agir si nécessaire.
La crise sanitaire, même si elle a bouleversé notre quotidien en 2020, n'a pas mis à mal les combats de la France. La lutte contre le terrorisme s'est poursuivie sans relâche, sur le territoire national, dans le cadre de l'opération Sentinelle, renforcée depuis l'attentat de Nice – avec une forte réactivité, son dimensionnement est passé de 3 000 à 7 000 militaires –, et à l'étranger, principalement au Levant et au Sahel.
Au Sahel, où 5 100 militaires français sont déployés, nous continuons de désorganiser profondément les groupes armés terroristes, notamment en éliminant des responsables clés de ces organisations, tel l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, neutralisé au mois de juin 2020. Depuis un an, conformément au souhait du Président de la République, nous concentrons nos efforts sur l'affaiblissement de l'État islamique au Grand Sahara, qui est la filiale sahélienne de Daech. L'opération Bourrasque, conduite entre le 28 septembre et le 1er novembre 2020, a notamment permis de perturber la logistique des groupes terroristes et de saisir de très nombreux matériels – motos, ordinateurs, moyens de communication, composants d'engins explosifs improvisés –, tout en mettant hors de combat de nombreux terroristes. Il s'agissait d'une opération intégrée – j'insiste sur ce terme. Elle a été menée conjointement par 3 000 soldats – 1 600 français et 1 400 appartenant aux forces partenaires nigériennes et maliennes –, avec le soutien de moyens aériens français et alliés britanniques, espagnols, américains et danois. À cette occasion, la Task force Takuba, que nous avons évoquée à plusieurs reprises, a été engagée dans sa première opération d'envergure.
Outre ses succès tactiques, cette opération a contribué, comme d'autres auparavant, au retour de l'administration dans la zone des trois frontières. Nous l'avons toujours dit, au Sahel, la solution n'est pas exclusivement militaire. On ne combat pas le terrorisme uniquement avec des armes. En définitive, l'unique rôle de l'action militaire est d'ouvrir la voie, afin de créer un espace propice à l'action politique, au retour de l'État et au développement ; telles étaient exactement les conclusions du sommet de Pau, qui s'est tenu le 13 janvier 2020. Lors du sommet de N'Djamena, prévu à la mi-février, nous aurons l'occasion de dresser le bilan des efforts initiés par le sommet de Pau, de consolider nos partenariats stratégiques avec les acteurs régionaux, ainsi qu'avec les acteurs européens et internationaux, et de maintenir cette dynamique de coopération, notamment au sein de la coalition pour le Sahel, à l'aube de cette nouvelle année.
J'aimerais également dire un mot du Levant ; c'est volontairement que je serai brève, car de nombreuses questions porteront sans doute sur ce sujet. Au Levant, près de 900 militaires français sont engagés. Dans le cadre de l'opération Chammal, ils poursuivent la lutte contre Daech, au sein de la coalition internationale. À ce propos, j'annonce que la prochaine mission du porte-avions Charles de Gaulle consistera à renforcer le dispositif de l'opération Chammal. Le groupe aéronaval se déploiera en Méditerranée et dans l'océan Indien au cours du premier semestre 2021. Cet engagement démontre, s'il en était besoin, notre volonté de lutter, en permanence et sans condition, contre le terrorisme.
En République centrafricaine (RCA), nous agissons dans le cadre de l'action de la communauté internationale pour garantir le retour progressif de l'État dans l'ensemble du pays. Près de 300 militaires français y sont déployés. Certains participent à la formation des forces armées centrafricaines (FACA) dans le cadre de la mission de formation de l'Union européenne en République centrafricaine (EUTM-RCA), d'autres apportent leur appui à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Vous avez certainement observé, samedi 9 janvier, que le Président de la République a ordonné, à la demande du président Touadéra et en appui de la MINUSCA, une deuxième mission de survol du territoire centrafricain par des avions de chasse français, après une première mission effectuée le 23 décembre dernier. Cette mission entendait affirmer notre détermination à appuyer les efforts de normalisation engagés par la communauté internationale. Elle a eu des effets immédiats sur le terrain, notamment dans la région de Bouar, où les combats ont cessé. Ces opérations démontrent la solidarité de la France avec le peuple centrafricain, ainsi que la condamnation des tentatives de déstabilisation d'un processus de normalisation que nous savons très fragile.
Je ne peux achever ce tour d'horizon sans réaffirmer toute la vigilance des armées françaises en mer Méditerranée, dont nous avons constaté, en 2020, qu'elle est devenue le théâtre de nombreuses tensions, de rivalités et même de convoitises. Par le biais de ses actions nationales et de sa participation à l'opération européenne Irini, la France défend le respect du droit international, notamment le principe de la liberté de navigation, face à des acteurs qui n'hésitent pas à les remettre en cause. Avec nos partenaires, nous redoublerons d'attention dans cette zone en 2021.
J'en viens aux défis qui nous attendent et aux menaces qui nous guettent, ainsi qu'à la façon dont nous y sommes préparés. Le monde devient de plus en plus dangereux. Plus que jamais, la France doit s'efforcer de promouvoir une convergence de vues et d'actions à l'échelle européenne, seule manière d'affronter durablement les menaces qui se présentent à nous, en tant que Français et en tant qu'Européens. Nous avons donc effectué, au cours des derniers mois, un important travail d'actualisation de notre analyse du contexte géostratégique. Nous publierons prochainement ces travaux sous la forme d'une version révisée de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, à l'aune des événements et des évolutions des trois dernières années. Madame la présidente, je ne vois que des avantages à l'organisation d'une audition spécifiquement consacrée à ce sujet, si vous le souhaitez, afin que nous puissions en débattre. Les conclusions de cette revue stratégique actualisée démontrent que les ambitions et les priorités de la LPM 2019-2025 conservent toute leur pertinence.
En 2021, cinq priorités doivent guider notre action.
La première est la relance économique de notre pays. Le ministère des armées compte bien prendre toute sa part à l'effort de relance économique de la France, qui est nécessaire pour se relever de la crise sanitaire dans laquelle nous sommes toujours. Dans ce contexte, la loi de programmation militaire constitue une contribution essentielle, avec l'injection dans l'économie, entre 2019 et 2023, de 110 milliards d'euros pour financer les équipements et les infrastructures, et leur maintien en condition opérationnelle. Il s'agit donc, je le dis avec force, d'un plan de relance en soi, consacré aux seules questions de défense. Je rappelle également que nous serons le premier recruteur de l'État en 2021, avec 26 000 recrutements – davantage encore que les années précédentes. Enfin, dans le cadre des appels à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments, prévus par le plan de relance, plus de 200 millions d'euros – 207 pour être précis – ont été attribués au ministère des armées, pour mener à bien des projets de rénovation énergétique de ses infrastructures.
La deuxième priorité, nul n'en sera surpris, est de poursuivre la lutte contre le terrorisme au Levant et au Sahel, où nous devons pérenniser nos partenariats. Au Levant, la France est toujours engagée, car nous considérons que Daech y est toujours présent, et connaît même une forme de résurgence en Syrie et en Irak. Depuis la chute de Baghouz, au mois de mars 2019, l'État islamique reprend des forces et fait des victimes. Il représente aussi, nous ne l'oublions jamais, une menace pour l'Europe et pour la France. Nous nous souvenons que les attentats des mois de janvier et de novembre 2015 ont été planifiés depuis cette zone, et que les terroristes qui ont frappé cet automne à Conflans et à Nice ont été inspirés par les discours de haine tenus par cette organisation et par ses semblables. Au Sahel, le sommet de Pau a permis d'ancrer des partenariats, qui sont de plus en plus solides, avec les pays sahéliens, ainsi qu'avec nos alliés européens et internationaux. Il faudra les proroger et les renforcer. Je ne développe pas davantage, ne doutant pas que plusieurs questions porteront sur ce sujet.
La troisième priorité est la poursuite de la construction de l'Europe de la défense, en contribuant activement à la préparation de la présidence française de l'Union européenne. Je ne me lasse pas de rappeler les progrès réalisés en la matière. Nous avons avancé sur tous les plans, qu'il s'agisse du domaine opérationnel, de la réflexion stratégique, de la coopération industrielle ou des financements : la facilité européenne pour la paix sera déployée – enfin ! – cette année ; le Fonds européen de la défense a finalement été doté, à hauteur de 8 milliards d'euros ; les travaux d'élaboration de la boussole stratégique nous permettront, pour la première fois, d'établir une analyse des menaces pesant sur l'Union européenne agréée par les vingt-sept États membres. Lorsque notre pays assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne, cet outil nous permettra de nourrir une ambition renouvelée pour l'Europe de la défense. Nous reparlerons des coopérations industrielles dans le cadre du SCAF et du char de combat du futur (MGCS), ainsi que des autres projets de coopération industrielle en cours avec nos voisins européens, les Allemands au premier chef.
Quatrième priorité, nous continuerons de moderniser nos armées pour faire face aux menaces du futur dans les nouveaux champs de confrontation – c'est toute la raison d'être de la LPM. Ces nouveaux champs sont le cyberespace, dont relève l'attaque informatique qui a visé l'hôpital militaire de Sainte-Anne en 2019 ; l'espace, dans lequel nous investissons beaucoup – à ce propos, je me réjouis du lancement réussi du satellite CSO-2, le 29 décembre dernier ; le champ informationnel, qui voit se multiplier les campagnes de désinformation, notamment en République centrafricaine et au Sahel.
La cinquième priorité est de donner un nouveau souffle à nos alliances. Aux États-Unis, l'installation prochaine d'une nouvelle administration apporte l'espoir que le principe du dialogue et de la coopération retrouvera sa place centrale. Bien entendu, nous ne serons pas d'accord sur tout, mais nous aurons la possibilité de dialoguer de façon constructive sur les grands défis de sécurité, tels que le terrorisme, la prolifération nucléaire – notamment le cas iranien – et la maîtrise des armements, ainsi que les stratégies de puissance de la Russie et de la Chine. L'OTAN demeure, en dépit des questionnements qu'elle doit affronter, la pierre angulaire de notre sécurité collective. Elle a engagé une réflexion approfondie pour renforcer sa cohésion interne et s'adapter aux nouveaux défis de sécurité. Quant au Royaume-Uni, il demeure, au lendemain du Brexit, un partenaire essentiel pour la sécurité de l'Europe, avec lequel nous poursuivrons notre coopération, tant dans le cadre de l'Union européenne que dans celui des accords bilatéraux de Lancaster House.
J'ajoute une dernière priorité, que j'ai constamment à l'esprit depuis que j'ai pris la tête de ce ministère : communiquer et expliquer sans cesse le sens de notre action aux Français. Les moyens exceptionnels qui nous sont attribués par la représentation nationale, par le contribuable français, nous confèrent une responsabilité non moins exceptionnelle. J'ai dit maintes fois devant vous que chaque euro dépensé doit être un euro utile, ce qui me semble d'autant plus indispensable que la nation traverse des épreuves inédites. Nos armées jouissent d'un fort soutien de la population, qui leur est précieux, mais ne doit jamais être tenu pour acquis. Je sais que vous œuvrez quotidiennement, à nos côtés, pour l'entretenir. Je ne peux que vous encourager à persévérer.
Permettez-moi de vous adresser, à mon tour, un unique vœu : le meilleur pour cette année – chacun placera le curseur là où cela lui semble le plus pertinent.
L'année 2020 restera dans nos mémoires comme un temps d'épreuve, mais aussi, notamment dans notre ministère, un temps où les qualités de nos armées ont été mises en avant – l'agilité, l'adaptation et l'esprit de solidarité qui permettent de faire face. Je remercie tout particulièrement le service de santé des armées (SSA), qui a participé et participe toujours à la gestion de la crise sanitaire, ainsi que les unités engagées dans l'opération Résilience, assurant notamment des fonctions logistiques, tant dans l'armée de l'air que dans la marine et l'armée de terre.
Nous avons dû aussi faire preuve d'agilité et de capacité d'adaptation pour mettre en œuvre les politiques à destination de la jeunesse, particulièrement pour l'organisation du dispositif essentiel de la journée défense et citoyenneté (JDC), qui a été très perturbée par la crise sanitaire. Je veux rendre hommage aux équipes de la direction du service national et de la jeunesse, qui ont su adapter le dispositif avec l'organisation de demi-journées défense citoyenneté à partir du mois de septembre et de journées numériques permettant une participation à distance à compter du mois de novembre, ce qui a permis à près de 250 000 jeunes de remplir leurs obligations légales en novembre et décembre, et de rattraper le retard que nous avions accumulé durant le premier semestre 2020. Ces rencontres entre l'armée et la jeunesse sont essentielles, en premier lieu pour les jeunes, mais aussi pour l'armée, car elles sont une source d'attractivité, ainsi que pour notre société, puisqu'y sont présentées de nombreuses notions ayant trait à la citoyenneté.
Nous nous appuyons sur de très nombreux acteurs pour développer, sur le terrain, des actions en direction de la jeunesse. Je suis très heureuse de travailler en partenariat avec l'éducation nationale, par exemple dans le cadre des classes de défense et de sécurité globale, dont j'ai dressé un bilan hier à Orléans et qui rencontrent un succès croissant : il y en a aujourd'hui 355 contre 270 en 2017, leur nombre augmentant régulièrement. Je souhaite que de plus en plus d'établissements s'emparent de cette véritable pépite, dont le succès rejaillit sur l'ensemble de l'établissement.
Et puis il y a, bien sûr, ce dispositif que vous connaissez tous : le service militaire volontaire (SMV), qui sera encore amplifié, puisque nous avons décidé, Florence Parly et moi, que 1 200 jeunes volontaires seront pris en charge en 2021 et 1 500 à partir de 2022.
Si des adaptations ont été nécessaires, nos services et nos armées ont donc été au rendez-vous pour que tous ces dispositifs se poursuivent dans les meilleures conditions, malgré la crise sanitaire.
J'en viens, pour terminer, à un sujet qui est cher à toutes et tous : le monde combattant et la mémoire. L'année 2020 restera dans les esprits comme marquée par la solidarité, mais aussi par l'adaptation et l'agilité dont ont fait preuve l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG, dit ONAC) et les associations : ils ont été à l'écoute des anciens qui ont souffert du confinement et de l'impossibilité de se réunir, en particulier pour des commémorations, ce qui fut pour eux un crève-cœur. Je crois que nous avons su les entourer afin que cette période se passe de la meilleure façon pour eux. Les crédits que vous avez votés pour l'action sociale de l'ONAC sont maintenus : c'est essentiel dans une période où la solidarité doit jouer à fond pour les anciens combattants et les conjoints survivants. Cette action est menée avec enthousiasme, si j'ose dire, par l'ONAC et ses services départementaux, qui font un travail extraordinaire.
L'année 2021 sera la première de la mise en œuvre du nouveau contrat d'objectifs et de performance de l'ONAC. Nous avons souhaité qu'il permette la transformation numérique de l'Office, tout en maintenant le réseau départemental. Je m'y étais engagée parce que nous avons besoin, la crise sanitaire le montre, de lien humain et de proximité : c'est une des caractéristiques de l'établissement et cela doit le rester.
J'ai mis en place, à la fin de l'année 2020, comme je m'y étais engagée, la commission tripartite qui doit « plancher » sur le point d'indice de la pension militaire d'invalidité (PMI). Cette commission a été installée le 7 décembre ; elle s'est déjà réunie à deux reprises, et la conclusion de ses travaux devrait intervenir vers le 15 mars. Je souhaite vivement qu'elle nous fasse des propositions étayées qui nous permettront de prendre les décisions les plus pertinentes pour la suite.
Nos concitoyens sont attachés à la mémoire nationale. En dépit des conditions sanitaires, 2020 fut une année intense du point de vue des commémorations. Dans les prochains mois, nous célébrerons le quatre-vingtième anniversaire de l'affirmation de la France libre, sur le territoire hexagonal comme dans les territoires ultramarins et en Afrique ; le serment de Koufra sera, bien entendu, commémoré. En ce moment même, nous nous souvenons de la guerre du Golfe et de l'opération Daguet. Je me rendrai dimanche matin au musée de l'air et de l'espace pour l'entrée dans les collections du musée d'un Jaguar qui avait été engagé dans l'opération Daguet et touché par un missile.
La prochaine année sera encore riche sur le plan mémoriel. Nous devrons nous adapter et innover, comme nous l'avons fait cette année, pour que la mémoire combattante continue à vivre, notamment en nous saisissant davantage de l'outil numérique. En 2020 ont été diffusées des web-séries sur l'année 1940 et sur le conflit de 1870, et nous avons retransmis sur nos réseaux plusieurs cérémonies afin que les anciens, et tous ceux qui le souhaitent, puissent les suivre en direct. Désireuse d'aller encore plus loin, j'ai lancé un appel à projet à destination des créateurs pour commémorer autrement et proposer des innovations au service de la mémoire. Les réponses devront être envoyées avant le 15 février. J'espère que cela nous permettra de déployer des outils innovants afin de transmettre la mémoire combattante. Le flambeau de la mémoire doit passer dans les mains non seulement de la jeunesse, mais de toutes les générations, afin de toucher le plus grand nombre.
Puisqu'il me revient l'honneur de m'exprimer en tant qu'oratrice du groupe La République en marche, permettez-moi de présenter, en son nom, à chacun d'entre vous mes meilleurs vœux pour 2021.
La cour du régiment de Thierville-sur-Meuse était calme, ce mardi 5 janvier, et le vent agitait la drisse du drapeau en un cliquetis régulier, ajoutant une présence à la cérémonie. J'ai eu l'honneur de représenter notre commission à cet hommage à vos côtés, Mesdames les ministres, vous qui mettez tant de solennité, d'humanité et de courage dans l'accompagnement des familles des soldats morts pour la France. Je veux dire ici, en tant que rapporteure pour avis pour la préparation et l'emploi des forces terrestres, combien, dans les missions, le choix des véhicules est important, nécessitant des chefs qu'ils arbitrent entre la maniabilité, la taille, la furtivité et la masse. Je veux aussi témoigner de l'engagement de l'ensemble de nos forces armées dans les opérations militaires extérieures (OPEX), en particulier celui des régiments du matériel, auxquels j'ai consacré cette année la partie thématique de mon rapport pour avis. Les VBL MK-1 qui sont partis au Mali étaient prêts, sortis des ateliers pour être fonctionnels et préserver les soldats de pannes en opération. Depuis 2018, les métiers du soutien industriel, l'État et la direction générale de l'armement (DGA) réfléchissent à améliorer les véhicules blindés légers (VBL) afin de mieux protéger nos soldats. Une solution technique a été trouvée et les kits de renfort commandés, homologués et livrés. Les régiments du matériel sont prêts à modifier leur rythme de travail et à redoubler d'efforts pour engager l'adaptation nécessaire afin de répondre à la menace que représentent les engins explosifs et protéger leurs frères d'armes.
Pourriez-vous présenter à la représentation nationale les objectifs et le plan de charge de ces travaux ? On attend avec impatience un Transall rempli de VBL plus protecteurs : ce serait une belle image de résilience ! Êtes-vous, plus généralement, favorable à une accélération du projet VBAE (Véhicules blindés d'aide à l'engagement) de remplacement des véhicules blindés légers actuellement en service mené dans le cadre du programme Scorpion (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation) ?
Je m'associe, au nom du groupe Les Républicains, aux vœux qui vous ont été adressés, Mesdames les ministres, ainsi qu'à l'hommage rendu à nos cinq militaires tombés au Mali.
Quel rôle les grandes puissances jouent-elles au Sahel ? La Russie cherche-t-elle, si ce n'est à nous en chasser, du moins à gêner notre action ? Qu'attendez-vous de la nouvelle administration américaine ? J'ai bien conscience que, dans le cadre d'une audition ouverte à la presse, vous ne pourrez pas nous livrer le fond de votre pensée, mais pourriez-vous tout de même nous donner quelques indications sur ces points très importants, car il est notable qu'il y a au Sahel, et plus généralement en Afrique, interférence des grandes puissances ?
Vous avez annoncé 26 000 recrutements. Or, en 2020, nous avons eu beaucoup de mal à recruter toutes les femmes et tous les hommes attendus – du moins pour ce qui concerne l'armée de terre. Le taux de recrutement s'est établi à une personne recrutée pour un candidat, ou presque : c'est problématique ! Pensez-vous que cette tendance va se confirmer ? Quelles actions envisagez-vous afin de rendre plus attractif le métier des armes ?
Madame la présidente, merci de m'avoir demandé d'aller, au pied levé, représenter la commission de la défense nationale et des forces armées à la cérémonie d'adieu au sergent-chef Yvonne Huynh et au brigadier-chef Loïc Risser. Ceux d'entre nous qui ont fait le voyage au Sahel à l'automne 2018 se souviennent que le chef de corps du 2e régiment de hussards leur avait proposé une démonstration statique à Gao et fait présenter par ses troupes leur matériel et leurs missions. C'est donc avec une émotion particulière que j'ai représenté notre commission à ces levées de corps.
Je voudrais exprimer l'entier soutien des députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés à l'ensemble de nos forces engagées sur des théâtres d'opérations, que ce soit au Sahel ou au Levant, dans l'opération Sentinelle ou dans la force de dissuasion permanente, ainsi qu'à leurs bases arrière et à tous ceux qui, sans partir, font en sorte que nos actions puissent être menées à bien.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les événements survenus le 3 janvier dans le village de Bounti, situé à proximité de Douentza et Hombori ? Des journaux dignes de confiance ont en effet fait état d'une contestation de notre version des faits, à savoir un assaut mené contre des éléments terroristes dûment identifiés.
M. David Habib vous prie de bien vouloir l'excuser et me demande de vous lire la question qu'il souhaitait vous poser au nom du groupe Socialistes et apparentés :
« Quelles limites le Gouvernement fixe-t-il aux négociations que certains pays du Sahel ont engagées avec des mouvements djihadistes ? Il ne s'agit pas de nous immiscer dans leur conduite ; en revanche, il serait difficile d'imaginer que notre pays assure une protection des territoires et des populations de ces États et que, simultanément, leurs dirigeants procèdent à des négociations avec ces mouvements. Nous profitons de cette audition pour rappeler que la lutte contre le terrorisme sur notre sol passe aussi par le démantèlement de ces organisations sur le continent africain, ce qui justifie notre soutien à l'opération Barkhane. »
Je veux tout d'abord dire, au nom du groupe Agir ensemble, combien la mort de nos cinq soldats nous bouleverse. Je suis l'un des plus jeunes membres de cette commission, et pourtant, quand je regarde les dates de naissance de Tanerii, de Quentin, de Dorian, d'Yvonne et de mon homonyme, Loïc, je vois qu'elles sont toutes postérieures à la mienne. Oui, la France a perdu cinq de ses enfants, mais je crois qu'une façon de leur rendre hommage est de rappeler qu'ils n'ont pas perdu la vie comme on la perd dans un accident, mais qu'ils l'ont donnée pour notre nation. Dans la douleur, si quelque chose peut avoir un sens, c'est bien cela. Je redis donc notre solidarité, notre reconnaissance, notre admiration et notre soutien à leurs familles, à leurs proches, à leurs camarades.
Je veux aussi saluer ce ministère des armées qui fait la nation française de tant de manières différentes. On l'envisage comme recours dès que cela va mal, dans tous les domaines, de l'éducation des jeunes à la vaccination. Élu d'une circonscription rurale, je voudrais m'attacher plus particulièrement au rôle qu'il joue dans l'aménagement du territoire. J'étais, il y a quelques jours, sur la base aérienne 702 Avord, dans le Cher, et j'ai vu les effets concrets des budgets pour lesquels nous nous sommes battus côte à côte : les travaux engagés, les entreprises locales qui les mènent. Ces sommes, petites ou grandes, du plan famille, de la dissuasion, de la LPM dans son ensemble, du plan de relance, changent la vie des femmes et des hommes qui servent notre pays, mais aussi celle des territoires qui font la France. Le ministère des armées assume ses responsabilités envers eux, notamment les territoires ruraux, et, ce faisant, bâtit un pays plus résilient – puisse-t-il en inspirer d'autres !
Dans le contexte actuel, marqué par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques que vous avez décrites, pensez-vous qu'il serait nécessaire de revoir significativement les orientations budgétaires actuelles, notamment la trajectoire de croissance du budget des armées fixée en début de quinquennat ?
Tous mes vœux pour l'année 2021 !
Je veux, pour commencer, rendre hommage à nos soldats récemment tombés ou blessés au Mali. Je ferai observer que, sur les cinquante et un que nous avons perdus dans l'opération Barkhane ou celle qui l'avait précédée, un quart sont morts dans des VBL. Il me semble urgent soit de renforcer le blindage des VBL, soit d'envisager leur remplacement par de petits véhicules protégés (PVP), qui, s'ils sont moins mobiles, moins véloces et moins polyvalents, disposent d'un blindage de stanag supérieur – c'est une réflexion que j'ai déjà entendue au sein de nos forces.
Au Mali, la situation est extrêmement complexe. Il est évident que notre départ permettrait aux terroristes de se constituer un sanctuaire d'où ils pourraient nous attaquer : nous ne pouvons pas partir. L'Union européenne, qui n'a pas conscience de son intérêt en matière de sécurité, ne nous apporte qu'une aide symbolique, et les régimes locaux, au Mali en particulier, nous font trop souvent défaut en n'assurant pas les services essentiels à la population, sans lesquels on ne fera pas reculer les djihadistes et la barbarie. On a dit que la reconstruction de cet État prendrait du temps, mais cela fait déjà longtemps que nous sommes sur place. Sans doute faudrait-il « faire le point » sur l'état d'avancée de la reconstruction de ces États, voire, pour certains d'entre eux, sur leur progressive déconstruction malgré notre présence. Le problème, c'est que la situation actuelle donne l'impression qu'il y a une forme de découplage entre la France, qui a sa stratégie, et certains de ces régimes, y compris au Mali, qui veulent négocier avec des djihadistes. On ne peut pas combattre pour le compte des autres si ceux-ci agissent en sens contraire ! Qu'en pensez-vous ?
Vous nous avez livré une information inquiétante concernant la résurgence de Daech au Moyen-Orient. J'imagine que, dans le cadre de cette audition, nous ne pourrons pas obtenir plus d'informations, mais il serait bon, Madame la présidente, que nous entendions Mme la ministre des armées à huis clos afin que l'on sache si l'on risque l'ouverture d'un deuxième front. Après la trahison par les Américains de nos alliés kurdes, nous nous trouverions, dans cette hypothèse, singulièrement démunis.
Cette trahison, qui fut le fait de l'administration Trump, a profité à la Turquie. Les tensions en Méditerranée, que vous avez évoquées très diplomatiquement, sont en grande partie le fait de la Turquie. Une nouvelle administration américaine va entrer en fonction : le groupe UDI et indépendants attend de sa part une clarification sur la question turque. Il ne peut y avoir en permanence des tensions avec un pays qui se prétend notre allié, mais qui ne l'est en réalité plus depuis longtemps, notamment en Syrie, en Libye, voire dans ses relations avec la Grèce. Il y a un problème turc, et il faudra bien qu'un jour l'OTAN accepte de le traiter. Nous espérons que la France y contribuera et réussira à convaincre les États-Unis qu'entre alliés, on doit se comporter correctement.
Madame la ministre des armées, je vous ai interrogée tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement, sur la situation au Mali. Alors que je vous demandais quel était le plan du Gouvernement – s'il existe – pour organiser le retour de nos soldats, vous avez répondu à côté, dirons-nous, en posant vous-même une question. Après cet échange, vous m'avez néanmoins assuré que vous étiez disponible pour présenter à la commission de la défense un compte rendu régulier de l'opération Barkhane et des réflexions du ministère à son sujet. Je salue cette disposition d'esprit et suggère à notre présidente que nous décidions dès à présent de vous recevoir disons une fois par mois, compte tenu de l'évolution rapide de la situation. Toutefois, comprenons-nous bien : il ne saurait être question de simplement lister les sujets sur lesquels nous pourrions vous interroger, comme vous venez de le faire brillamment ; il nous faudra également des réponses détaillées.
Parmi les nombreux sujets que j'aurais souhaité aborder, je ne retiendrai que deux questions budgétaires. Je souhaiterais que vous nous indiquiez comment s'est conclu l'exercice 2020, quel est le montant des crédits qui ont été dégelés et celui des crédits qui ont été annulés – sauf erreur de ma part, ces informations n'ont pas été rendues publiques. J'aimerais aussi savoir où en sont les réflexions du ministère concernant la clause de revoyure de la LPM. L'accroissement des tensions dans le monde et l'évolution de la conflictualité ont justifié la rédaction d'un nouveau document d'orientation de l'innovation de défense. D'aucuns préconisent la rédaction d'un nouveau livre blanc, et j'y souscris, mais vous faites le choix d'une nouvelle revue stratégique. Il semble que le Président de la République ait d'ailleurs déjà rendu ses arbitrages au mois de décembre sur ces questions. De fait, l'annonce de la construction du porte-avions de nouvelle génération est de nature à peser sur les décisions à prendre. Il serait regrettable que l'Assemblée soit placée une fois encore devant le fait accompli, plutôt qu'associée à une véritable réflexion collective.
J'aurai, pour commencer, une pensée pour les huit militaires qui ont donné leur vie durant cette période de fêtes : les trois gendarmes au cœur du pays où je vis et les cinq soldats engagés au Sahel. Ces morts nous bouleversent tous, mais je sais combien elles vous affectent tout particulièrement, Mesdames les ministres – je l'ai constaté, chère Florence Parly, lors de votre venue à Ambert.
Sur les conflits au Sahel et l'opération Barkhane, je ferai trois constats.
L'intervention française est de plus en plus critiquée par les peuples sahéliens. Beaucoup considèrent que notre armée ne parvient pas à les protéger et ont le sentiment que la France est présente, au Mali notamment, surtout pour protéger les ressources minières et en uranium.
L'aide publique au développement est utile – vous avez d'ailleurs souligné, Madame la ministre, que la solution n'était pas seulement militaire. Elle reste néanmoins insuffisante. De plus, elle ne parvient pas à garantir la paix sociale, parce qu'elle n'engendre pas une amélioration notable de la situation des habitants du fait de systèmes politiques qui se refusent à lutter contre les inégalités socio-économiques et de dirigeants parfois plus corrompus que compétents.
L'implication européenne est aujourd'hui essentiellement assurée par la France et l'Estonie, à travers le déploiement de la force Takuba dans le cadre de l'opération Bourrasque ; on est dans l'attente d'un déploiement des Suédois, des Tchèques, des Grecs, des Italiens. L'émergence d'une force européenne est extrêmement lente. Quant à la montée en puissance du G5 Sahel, avec des troupes nationales tchadiennes, maliennes, burkinabè, mauritaniennes et nigériennes, elle reste très insuffisante.
Comment analysez-vous les résultats de la présence armée française en regard de notre engagement, de son coût humain extrêmement lourd, des moyens déployés – Barkhane mobilise, pour la seule armée de terre, plus de 500 véhicules blindés et 400 véhicules de transport logistique – et d'un coût financier en augmentation constante ? J'ai lu qu'il y aurait un surcoût de 10 % par rapport aux prévisions en 2020. Or on recense toujours autant d'attaques de la part des groupes terroristes, qui sont loin d'être affaiblis. Pour la seule année 2019, l'ONU a comptabilisé plus de 4 000 victimes du terrorisme, militaires et civiles, au Burkina Faso, au Niger et au Mali. Peut-être n'apprécierez-vous pas cette comparaison, mais c'est un peu notre Afghanistan. Nous nous trouvons dans la même situation que les Américains : si nous restons, cela ne permettra pas de résoudre les problèmes, voire cela risquera de les aggraver ; si nous partons, cela pourrait être extrêmement dangereux à court terme.
Comment sortir de ce bourbier ? Quel arbitrage sera rendu s'agissant du devenir de Barkhane – arbitrage qui avait été annoncé par le Président de la République pour la fin 2020 ?
Nous avons appris à mieux connaître la menace liée aux engins explosifs improvisés, notamment en Afghanistan, où nous avons amorcé le processus de protection active et passive des véhicules – blindage, brouillage, organisation des chargements et, surtout, en amont des convois, renseignement, afin de déceler des signaux faibles et de tenter d'entraver les tentatives ennemies. Au Mali, les conditions d'engagement sont différentes : même si nous disposons des meilleurs moyens qui soient et des acquis de l'expérience, des vulnérabilités spécifiques n'en demeurent pas moins.
Nous avons en effet subi de nombreuses pertes de personnels circulant dans des VBL utilisés lors des missions de reconnaissance. Nous cherchons donc à renforcer les véhicules blindés légers. Un nouveau modèle, plus sûr, équipera nos forces au Sahel dès le premier semestre. À plus long terme, nous travaillons sur un programme de véhicules blindés un peu plus lourds, dont nous souhaitons qu'il soit mené dans le cadre de la coopération européenne, en nous appuyant sur les financements du Fonds européen de la défense. En 2021, nous déploierons également, dans le cadre du programme Scorpion, les engins les plus récents dont nous disposons, les Griffons, qui sont dotés d'un niveau de protection beaucoup plus élevé. Néanmoins, quelle que soit la force du blindage, les quantités d'explosifs utilisés au Mali ces derniers mois sont telles que le meilleur engin blindé, face à 40 kilos d'explosifs, ne protégerait en rien les soldats. S'il est nécessaire de continuer à explorer cette piste, elle ne suffira pas.
Nous travaillons donc sur des technologies de détection, comme les radars pénétrateurs de sols destinés aux engins ouvrant les itinéraires, les radars aériens embarqués, afin de déceler d'éventuelles modifications de terrain ou encore les véhicules autonomes d'ouverture d'itinéraires qui seraient couplés aux engins de tête. À ce stade, ces matériels ne sont pas encore opérationnels, mais ce sont des pistes très prometteuses. J'ajoute que la longueur des itinéraires, au Sahel, est sans commune mesure avec celle que nous avons connue en Afghanistan.
Le génie dispose de moyens permettant de « nettoyer » un itinéraire en avant mais, compte tenu du nombre de déplacements sur un théâtre d'opérations aussi gigantesque, tous les itinéraires ne peuvent pas être préalablement sécurisés. Des reconnaissances par drone sont certes effectuées, mais il n'en reste pas moins que les engins explosifs improvisés sont meurtriers pour nos soldats et pour les populations civiles. Peu après l'explosion qui a tué trois de nos militaires, fin décembre, deux engins civils ont également sauté quelques heures plus tard à quelques centaines de mètres.
Comme vous tous, je ressens une très grande frustration de ne pas pouvoir aller plus vite, mais les avancées dont je viens de faire état n'en sont pas moins réelles.
Comme bien d'autres régions du monde qui sont en crise, le Sahel est un enjeu d'influences entre les grandes puissances. Certaines d'entre elles, qui ne sont pas engagées militairement, cherchent toutefois à nous concurrencer en intervenant en particulier dans le domaine informationnel. La Turquie et la Russie cherchent à s'imposer, à s'infiltrer dans les interstices et, toujours, à nous discréditer. Le champ informationnel est devenu un champ de confrontations et d'actions à part entière, sur lequel nous sommes présents.
Les États-Unis sont l'un de nos principaux partenaires au Sahel. Ils nous apportent un soutien précieux dans le ravitaillement, le transport et, surtout, le renseignement, notamment par drones. Nous abordons les discussions avec la nouvelle administration américaine après que le soutien à la force Barkhane a été récemment confirmé et, donc, sécurisé.
En 2020, malgré toutes les difficultés liées à la crise sanitaire, nous avons atteint les objectifs précis que nous nous étions fixés en matière de recrutement pour toutes nos armées. Je tire un coup de chapeau aux directions des ressources humaines de chacune d'entre elles, qui a réussi une telle prouesse en mobilisant les nouveaux outils numériques pour s'adresser aux jeunes. Il faut saluer ce très grand succès. Nous avons besoin de ces jeunes Français, qui bénéficient ainsi d'une opportunité professionnelle dans un contexte économique et d'emploi que nous savons beaucoup plus difficile qu'il ne l'a jamais été ces dernières années.
Il est encore un peu tôt pour vous donner des chiffres exacts de l'exécution budgétaire de 2020 – sans doute ne manquerez-vous pas de m'inviter à vous les présenter complètement ! – mais, là encore, malgré les perturbations liées à la crise sanitaire, nous avons consommé les 37,5 milliards prévus en loi de finances initiale. Nous avons, par ailleurs, bénéficié de 800 millions d'euros de crédits dégelés en novembre, date qui n'avait jamais été aussi précoce. Ils étaient d'autant plus attendus qu'ils étaient destinés à des industries et à des entreprises de défense qui, dans le contexte que nous connaissons, ont particulièrement besoin de la commande publique.
Dans un communiqué de presse, l'état-major des armées a relaté l'opération qui s'est déroulée le 3 janvier dernier dans une localité proche du village de Bounty, situé dans le centre du Mali. Deux Mirage de notre armée de l'air ont décollé de Niamey et, à 15 heures, ont bombardé, au cours d'une frappe unique, un groupe armé terroriste dit katiba Serma qui, comme de nombreux autres dans ce secteur, est affilié au RVIM, c'est-à-dire à Al-Qaïda. Dans cette région, ce groupe dispose d'emprises logistiques – instruction, maniement des armes, confection d'engins explosifs improvisés. Cette action a permis de neutraliser une trentaine de terroristes, qui avait été identifiés en amont grâce au renseignement, comme l'attaque l'a d'ailleurs confirmé.
Voilà les faits. Ensuite, de très nombreuses rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux – un hélicoptère aurait ainsi fait des victimes parmi les femmes et les enfants. Je le dis et je le répète : la France n'a jamais engagé d'hélicoptère, ce jour-là, dans une action de combat ; aucun dommage collatéral n'a été observé : là où la frappe a eu lieu, il n'y avait ni mariage ni rassemblement festif. Je sais que, en dehors des réseaux sociaux, certains médias ont relayé cette polémique. Le ministère des armées et les réseaux sociaux procèdent d'une manière assez différente lorsqu'il s'agit de restituer une opération : nous ne communiquons que sur des faits vérifiés et recoupés, et les éléments que je viens de vous présenter l'ont été.
Nous savons qu'il existe une forme de guerre informationnelle. Cette « sortie » médiatique n'est donc pas tout à fait innocente, au moment où les groupes terroristes, en particulier le RVIM, ont eux-mêmes communiqué pour expliquer que les armées françaises devaient quitter le Sahel. Il n'est donc pas anodin que les réseaux sociaux et certains médias aient pu faire état d'une « bavure », idée que je récuse donc absolument : le 3 janvier, les forces françaises n'ont pas occasionné ce dont elles sont accusées. Je le dis avec une certaine solennité, car il importe de faire la lumière sur tout cela. Nous n'avons jamais caché quoi que ce soit, nous respectons le droit de la guerre et le droit humanitaire international : tout est fait pour éviter les dommages collatéraux.
Nous avons été très clairs et je vais essayer de l'être à nouveau. Nous avons toujours dit que notre ennemi, au Sahel, n'est pas homogène ; les groupes djihadistes profitent de l'existence de tensions communautaires. Certains combattants, manipulés et embrigadés sous la bannière du djihad international, qui choisiraient de déposer les armes et d'intégrer le processus d'Alger doivent pouvoir retrouver toute leur place dans la vie de leur pays. Nous en sommes les premiers convaincus : il faut savoir faire le distinguo entre ceux-là et les groupes radicaux internationalistes qui se proclament franchises d'Al-Qaïda et de Daech, qui veulent la destruction des États sahéliens, notre propre destruction, et qui mènent un projet politique d'asservissement des populations. Toute négociation avec ces groupes-là n'est évidemment pas envisageable.
Nous avons engagé l'actualisation de la revue stratégique de 2017 en commençant par nous interroger sur les menaces auxquelles nous risquons d'être confrontés dans les années à venir. D'un mot : non seulement elles n'ont pas disparu mais elles se sont amplifiées. La confrontation devient de plus en plus dure dans les nouveaux champs que nous avions bien identifiés : cyber, espace, information… Des travaux sont en cours afin de nous assurer de la « congruence » entre cette analyse actualisée des menaces et ce que nous avions prévu dans la loi de programmation militaire. Nous vous les présenterons dès leur achèvement.
Je suis, bien entendu, à votre disposition pour évoquer la situation dans les pays du Levant, peut-être à huis clos, mais je peux d'ores et déjà vous dire qu'en Irak, la situation sécuritaire est complexe puisque de nombreuses attaques ont eu lieu ces derniers mois. En Syrie, des bus sont visés et les victimes nombreuses dans des zones où Daech est en train de retrouver des capacités d'action.
La France a été la première à poser la question turque dans l'OTAN en des termes assez directs. Si la Turquie en est membre et, à ce titre, est un allié, elle ne se comporte pas comme tel. Nous avons pris de nombreuses initiatives dans le cadre de l'OTAN et nous avons également agi sur le terrain pour manifester notre volonté de voir le droit international respecté, en particulier en Méditerranée, lorsque la zone économique exclusive de Chypre et les droits de la Grèce ont été contestés. Nous avons noté la nette inflexion de l'administration américaine sortante à l'encontre de la Turquie lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN, en décembre, de même que les intentions très récemment exprimées par la Turquie visant à renouer un dialogue avec les Européens. Si tel est le cas, très bien, mais nous jugerons sur les actes.
Monsieur le président Chassaigne, 2020 a été une année riche en opérations au Sahel. Après le sommet de Pau, l'engagement opérationnel a été très fort, avec un rythme très soutenu, et il n'a été ni entravé ni ralenti par le putsch du mois d'août à Bamako. Nous avons continué à mettre une très forte pression sur les groupes terroristes dans la zone des trois frontières avec les opérations Malvern, Bourrasque, Giboulées et, en ce moment même, l'opération Éclipse.
Que cherchons-nous à faire ? À entraver les groupes terroristes et à neutraliser leurs chefs. En juin 2020, nous avons ainsi neutralisé l'émir d'Aqmi, Droukdel, ainsi que son adjoint, Toufik Chaïb et, plus récemment, en novembre, l'un des plus hauts responsables d'Aqmi, Bah Ag Moussa, ainsi que d'autres lieutenants du responsable d'Aqmi dans la région, Iyad Ag Ghali. Nous avons également neutralisé l'émir de Ménaka. De telles neutralisations désorganisant en profondeur les groupes armés, je crois pouvoir dire que 2020 a été efficace.
Nous avons également marqué des points importants en permettant aux forces sahéliennes de monter en puissance. J'y inclus, bien évidemment, les forces nationales, mais aussi la force conjointe du G5 Sahel. En 2020, nous avons donc construit un partenariat de combat d'un niveau inégalé, l'intégration entre les forces françaises et sahéliennes étant inédite, ce qui est heureux puisqu'il s'agissait de l'un des objectifs prioritaires fixés lors du sommet de Pau. L'opération Bourrasque a mobilisé pendant cinq semaines 3 000 hommes, pour moitié militaires français et pour moitié militaires maliens et nigériens. Nous y avons également associé des moyens de renseignement européens et américains. À la suite du sommet de Pau, un commandement intégré, basé à Niamey, a été créé. Grâce à celui-ci et au renseignement dont nous avons pu faire le meilleur usage opérationnel, les résultats de l'opération Bourrasque ont été très tangibles. Sans attendre, nous avons donc lancé l'opération Éclipse, le 1er janvier, avec les forces armées maliennes, nigériennes et burkinabè.
Désorganiser les groupes terroristes par la neutralisation de leurs chefs et de hauts responsables, permettre aux armées sahéliennes de prendre de plus en plus toute leur part aux combats donne des résultats concrets même si, j'en suis bien d'accord, le problème n'est pas réglé. Je suis d'ailleurs convaincue que l'action militaire, à elle seule, n'est pas le seul moyen de stabiliser le Sahel et que d'autres actions doivent être conduites. Ainsi, moins de quinze jours après l'opération Bourrasque menée dans une localité, tous les enfants ont pu regagner l'école. C'est exactement, me semble-t-il, ce que nous souhaitons tous : que la vie reprenne normalement.
Je suis certaine que le sommet de N'Djamena permettra de faire le point sur les éléments que je viens d'évoquer, mais aussi sur les conditions du succès du retour de l'État et sur la situation en termes de développement économique, lequel implique au préalable un minimum de sécurité.
Permettez qu'à mon tour j'exprime une pensée émue pour les cinq soldats et trois gendarmes tombés pour la France. J'y associe les cinquante hommes et femmes tombés en défendant nos valeurs au Mali, et toutes celles et ceux qui ont été blessés en opération, comme nos six concitoyens vendredi dernier.
Je ne suis pas de ceux qui instrumentalisent la mort de nos soldats ou remettent en cause notre implication au Sahel. Ceux-là se voilent la face ou ils ont perdu de vue notre objectif : combattre le terrorisme sur notre sol comme sur celui de nos alliés.
Nous ne vaincrons pas le terrorisme seuls. En Européen convaincu, je salue votre action déterminante qui a amené onze de nos voisins européens à signer, le 27 mars dernier, une lettre d'intention dans laquelle ils s'engagent avec nous sur le théâtre sahélien au sein de la Task force Takuba. Cinq de nos alliés ont déployé leurs forces à nos côtés ou sont en train de le faire, et nous espérons que cette Task force sera pleinement opérationnelle l'été prochain. Pouvez-vous nous éclairer sur les prochaines étapes de votre action pour impliquer l'ensemble de nos partenaires européens dans la lutte contre le terrorisme ?
Avec la présidente et notre collègue Sereine Mauborgne, nous avons pu constater sur le terrain que la montée en puissance de la coalition pour le Sahel était effective. Pensez-vous qu'il faille élargir le G5 Sahel, à l'Ouest, au Sénégal et, au Sud, à la Côte d'Ivoire, voire au Nigeria qui subit de nombreuses attaques djihadistes ?
Une première ébauche de la boussole stratégique devrait être présentée au Conseil européen en novembre 2021, en vue d'une adoption au premier semestre 2022, sous la présidence française. Or la notion d'une structure stratégique commune, qui nous est chère, est contestée par les États membres de l'Est. Ils se sont opposés à l'utilisation du terme dans les conclusions du Conseil de juin 2020 pour préférer celui, plus neutre, de structure européenne de sécurité et de défense.
Il faut aller au-delà d'une simple mise en ordre de l'existant et proposer de nouveaux axes de travail. Comment les discussions vont être organisées, et sous quel format ? Il ne semble pas que la défense fasse partie des priorités annoncées par les futures présidences du Portugal et de la Slovénie.
Grâce à ses outre-mer, la France est le seul pays au monde sur lequel le soleil ne se couche jamais. L'Astrolabe a effectué une mission de protection dans le canal du Mozambique, dans la zone économique exclusive des îles Éparses, il y a quelques mois. Quel est le bilan de cette mission ? Quelle est la situation sécuritaire dans la zone ? Quels enseignements ont été tirés s'agissant des moyens dont disposent les forces armées de la zone sud de l'océan Indien pour lutter contre les diverses menaces : terrorisme, piraterie et trafics ?
Madame la ministre, j'ai eu le plaisir de vous accompagner, en compagnie de la présidente, à l'inauguration du Battle Lab Terre, à Satory, la semaine dernière. Cette nouvelle entité fait travailler des personnels des forces armées en synergie avec l'écosystème académique et industriel pour favoriser l'innovation en matière d'équipement, et son implantation plus rapide, grâce aux retours d'expérience du terrain. Il est essentiel de répondre aux besoins capacitaires de nos troupes, très sollicitées, notamment dans la bande sahélo-saharienne, avec des équipements performants adaptés aux contraintes de leurs missions. Vous avez évoqué la possibilité d'un programme dans le cadre européen pour remplacer les véhicules blindés légers, bénéficiant de financements de l'Union européenne. J'aimerais en savoir plus sur cette possibilité.
Pour assurer l'appui de nos troupes au sol, il semble également nécessaire d'adopter le standard MK3 du Tigre, du fait de l'obsolescence de certains sous-systèmes, notamment la composante missiles. Le nouveau standard du Tigre est développé avec nos partenaires allemands et espagnols, et s'inscrit déjà dans le cadre européen de la coopération structurée permanente. Pourriez-vous nous éclairer sur l'avancée de ces projets et la position de nos partenaires européens ? Quelle est la nature du dialogue avec eux ? Sont-ils conscients des réalités opérationnelles auxquelles sont confrontés chaque jour nos soldats et de la nécessité de disposer d'une capacité d'action autonome ?
Je me joins à l'hommage rendu aux cinq soldats décédés au Sahel. Continuer la mission, c'est aussi les honorer et les faire vivre : ainsi, leur sacrifice ne sera pas vain.
Nous avons adopté, dans la loi de finances de 2021, le retour à l'économat des armées de la concession des services de restauration de nos forces, auparavant attribuée à des compagnies de restauration privées. Nos armées regorgeant de compétences diverses, l'exercice de fonctions essentielles par les militaires est une réflexion cohérente qui mériterait d'être étendue à l'entretien des bâtiments, au transport de troupes et du matériel, ou à la politique immobilière. Ainsi pourraient être employés des talents et des compétences techniques, matérielles et humaines déjà existantes au sein de nos forces. Quel regard portez-vous sur l'emploi de compagnies privées pour soutenir la logistique de nos armées ?
Au regard de l'engagement, ces derniers mois, des forces à la fois dans l'opération Barkhane et en Afrique, pour lutter contre le terrorisme international, et dans le soutien et l'assistance au profit des hôpitaux civils, une réflexion est-elle engagée sur l'accroissement des moyens et du personnel du service de santé des armées, pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux futurs ? Cette adaptation pourrait-elle se concevoir dans un cadre européen ?
On peut se réjouir des résultats récents de l'opération Barkhane, qui a permis de casser les flux logistiques des terroristes, mais aussi, en neutralisant un certain nombre de hauts responsables, de déstructurer leur action. Dans ces opérations, le renseignement électromagnétique fourni par les drones est indispensable : les images et la triangulation permettent de localiser les groupes terroristes, et des frappes sont parfois effectuées par drones.
Dans la loi de programmation militaire 2019-2025, nous avions consenti au développement de l'Eurodrone, qui devait voir le jour en 2028 ; aujourd'hui, on parle plutôt de 2030. Au Sahel, les Américains nous aident particulièrement dans le champ du renseignement avec leurs drones Reaper. Toutefois, je sais, par mon expérience d'ancien militaire, qu'ils donneront toujours la priorité à leurs propres forces. La disponibilité des drones américains n'est donc pas garantie.
En attendant l'Eurodrone, avons-nous étudié des pistes pour que la France ait des drones MALE (moyenne altitude, longue endurance) qui permettent de récolter des images et de réaliser la triangulation et la neutralisation ? Ces moyens sont indispensables sur un théâtre d'opérations comme le Sahel, grand comme l'Europe. Sans eux, nous aurions même des difficultés à nous désengager. Si nous voulons garder le schéma que vous évoquez, qui me semble très bien, cet outil est indispensable.
La coopération européenne est essentielle. Pensez-vous que la période de précampagne électorale en Allemagne aura un impact sur le programme MGCS (Système de combat terrestre principal – Main Ground Combat System ) ? On sait que le SPD a publiquement indiqué son désir de ne pas soutenir l'objectif de consacrer 2 % du budget aux dépenses de défense, et que les Verts sont allés plus loin.
Le ministre britannique a annoncé que la Suède avait rejoint le programme Tempest . Le programme du SCAF en sera-t-il affecté ?
Ces projets sont vitaux pour l'avenir de nos armées, auxquelles notre mission est de donner les meilleurs équipements possibles.
Dans le cadre de la mission flash sur le monde associatif combattant, de nombreuses associations nationales, acteurs essentiels du devoir de mémoire, si important pour le lien entre l'armée et la nation, ont régulièrement signalé que l'affaiblissement de leurs effectifs leur rend malheureusement difficile de remplir les missions qui leur sont confiées. En tant qu'interlocutrices privilégiées de ces associations, que pourriez-vous préconiser pour renforcer leur utile représentativité ?
Cette baisse constatée des effectifs met en question la pérennité de l'exercice du devoir de mémoire dans les territoires. À cet égard, je salue les nombreuses initiatives prises par le Président de la République, ainsi que vos engagements pour le développement du tourisme mémoriel.
Les associations combattantes ont aussi regretté la disparition, année après année, des cérémonies de commémoration d'événements locaux, riches d'histoire et de héros qu'il convient de continuer à honorer. Nous vous savons très impliquées en faveur du maintien de la mémoire nationale dans toutes nos régions et de la préservation de la mémoire locale de nos territoires. Par quelles actions entendez-vous redynamiser la politique mémorielle locale, en lien avec les élus et les associations de nos territoires ?
Sur le Charles de Gaulle, 1 064 marins ont été contaminés par la covid-19, ce qui a obligé le navire à rentrer au port. Quelles dispositions ont été prévues pour la vaccination de nos militaires ?
Nos anciens militaires souffrant d'affection due à l'amiante présente dans des bâtiments de la marine nationale à bord desquels ils ont servi, perçoivent une pension d'invalidité pour trois ans. On sait cette maladie incurable : serait-il possible de rendre cette pension définitive ?
Le 18 décembre dernier, le ministère des armées a opposé son veto au rachat de l'entreprise française Photonis par l'américain Teledyne, exprimant ainsi la volonté politique forte de conserver sous l'étendard français cette entreprise d'excellence, en pointe dans l'optronique. Déjà, au mois de novembre dernier, la décision du ministère de répondre à la levée de fonds d'Earthcube, devenue Preligens, permettait d'assurer l'avenir français de cette start-up d'exception, leader européen dans son secteur. Outre des choix stratégiques, cette politique démontre le soutien sans faille de notre nation aux acteurs de la base industrielle et technologique de défense.
En qualité de rapporteur pour avis du programme budgétaire 146 « Équipement des forces », j'ai recueilli les craintes légitimes de certaines de nos entreprises, fragilisées par la crise sanitaire. En plus de la baisse d'activité et des difficultés pour voyager, elles doivent faire face à un niveau de prédation élevé de la part d'entreprises et de pays étrangers. Dans ce climat délétère, outre la forte mobilisation de la DGA, l'État peut apporter son soutien en s'appuyant sur la nouvelle réglementation relative aux investissements étrangers, adoptée au printemps dernier. Vous avez fait le premier usage de ce veto de l'État : doit-on y déceler une nouvelle doctrine de protection de nos intérêts stratégiques ? À plus court terme, pouvez-vous nous en dire davantage sur les solutions de reprise de Photonis ?
Nous célébrons cette semaine les 150 ans des batailles de Villersexel et d'Héricourt, au cours desquelles se sont affrontées la France et la Prusse au cours de la guerre de 1870-1871. Le souvenir de la bravoure de l'Armée de l'Est, menée par le général Bourbaki, a fortement marqué ma circonscription. Je tiens à saluer le travail réalisé par le Souvenir français, qui œuvre depuis 1887 pour la mémoire des défenseurs de la patrie. La crise sanitaire nous a contraints à revoir à la baisse le format de ces célébrations, pourtant si importantes pour la transmission de notre histoire. Quelle politique prônez-vous afin que ces commémorations de notre mémoire nationale puissent avoir la force qu'elles méritent ?
Le Président de la République a confirmé, le 8 décembre dernier, au Creusot, que le prochain porte-avions fonctionnerait avec une propulsion nucléaire, lançant ainsi la phase opérationnelle du programme du futur porte-avions de nouvelle génération. Je m'en réjouis pour notre pays. Le futur porte-avions sera mis à la mer dans une quinzaine d'années et nécessitera un équipage d'environ 2 000 marins. Pour que celui-ci soit formé et complètement opérationnel à cette échéance, il faudrait que la marine prévoie une centaine de recrutements par an.
Vous avez choisi d'expérimenter le double équipage sur les frégates multi-missions. C'est un choix judicieux qui contribue à de meilleures conditions au service des bateaux et des équipages, mais qui impose aussi un supplément de recrutements pour notre marine nationale.
Si les bruits de coursive faisant état du choix d'avancer le programme de construction et de livraison des frégates de défense et d'intervention qui sont construites à Lorient se vérifient, il sera nécessaire d'effectuer plus de recrutements que n'en prévoit la LPM. Quand et comment seront recrutés ces marins supplémentaires ? Au passage, je me réjouis que l'objectif de recrutement de 4 000 marins ait été atteint cette année.
Le domaine de la défense n'est pas concerné par l'accord conclu le 24 décembre, dans le cadre du Brexit, entre le Royaume-Uni et l'Union européenne pour fixer les relations économiques et commerciales. En novembre, Boris Johnson a annoncé une hausse très significative du budget de la défense britannique, de plus de 16 milliards de livres sterling sur quatre ans. C'est une hausse de 10 % par an pour un budget de 41 milliards de livres. Les priorités militaires britanniques pour l'avenir sont le cyber, le spatial, mais aussi la marine. La marine britannique aura deux porte-avions, huit frégates de type 26 et cinq nouvelles frégates de type 31. Boris Johnson estime qu'elle sera alors la première marine d'Europe, ce qui permettra de créer de nombreux emplois dans les chantiers navals.
Avec Charles de la Verpillière, nous avons conclu notre rapport sur le bilan des accords de Lancaster House de novembre 2010 en évoquant les futurs axes de la coopération franco-britannique : le nucléaire et les missiles, mais aussi le cyber et les nouvelles perspectives capacitaires dans l'aéronautique et le naval. Après la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, quelles sont les nouvelles pistes de coopération militaire avec notre partenaire britannique dans le cadre d'un « Lancaster House, saison 2 » ? Comment notre commission peut-elle vous aider ?
L'entreprise Man Energy solutions, à Saint-Nazaire, qui emploie 600 salariés, produit les générateurs diesel de secours de nos sous-marins nucléaires d'attaque et lanceurs d'engin, les moteurs PA4. Elle a été rachetée par Volkswagen en 2011, qui s'est engagé à maintenir la filière et l'activité sur le site. Après l'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi cet automne, le groupe allemand a fait part de son intention de céder cette activité, en violation de ses engagements. Des doutes se font jour sur la pérennité de cette activité essentielle à notre autonomie stratégique.
Je me félicite qu'un dialogue se soit établi entre Bercy, la DGA et Volkswagen au titre de la réglementation sur les investissements étrangers en France. On évoque la possibilité de sanctions et un éventuel repreneur français. Pouvez-vous préciser la position du Gouvernement sur ce sujet ?
Le lancement des études sur le SNLE de troisième génération permet-il d'envisager le maintien de la filière des moteurs diesel en France ?
Comme à son habitude, le Président de la République s'est donné les moyens de concrétiser ses propositions de campagne de 2017. S'agissant du service national universel (SNU), vous êtes le fer de lance du déploiement de ce service civique profondément républicain. Malheureusement, en 2020, la crise sanitaire en a bouleversé le déroulement. Dans ce contexte épidémique incertain, le séjour de cohésion de près de 30 000 jeunes a été annulé. À la suite des annonces de Mme Sarah El Haïry et de la campagne de recrutement lancée cette semaine, pouvez-vous nous dire dans quelles conditions seront organisées ces journées, et si un protocole adapté sera instauré ?
La France doit continuer à être un grand pays du spatial », a déclaré le Président de la République lors de sa visite, aujourd'hui, du site d'Ariane Group, à Vernon. En ce domaine, nous avons bien terminé l'année 2020, avec le lancement réussi, depuis le Centre spatial guyanais, du satellite d'observation militaire CSO-2. Ce deuxième satellite de la constellation CSO participe à la modernisation de nos capacités spatiales de défense, déterminante pour la souveraineté nationale et l'autonomie stratégique de l'Europe. Il va fortement accroître nos capacités de surveillance et de renseignement, ce qui permettra à notre pays de s'assurer une plus grande autonomie en matière d'appréciation de situation et de décision. Ce lancement est une illustration concrète du renforcement de nos moyens spatiaux et militaires, qui requiert des investissements à la hauteur des enjeux et des défis.
Pouvez-vous détailler le financement de CSO-2 et préciser comment la France pourra financer le renouvellement de ses capacités spatiales d'observation, de communication et de renseignement électromagnétique, pour répondre aux nouvelles menaces et lui permettre ainsi de préserver la liberté d'accès et d'utilisation de l'espace, indispensable à notre autonomie stratégique ?
Je me joins à l'hommage rendu aux militaires décédés, et je souhaite y associer René Billotet, vétéran des forces aériennes françaises libres, dernier survivant du groupe de bombardement Lorraine, réserviste de la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun, et habitant de Rillieux-la-Pape. Il s'est éteint le 18 novembre dernier à l'âge de 95 ans. Il me semblait important de rappeler son engagement exceptionnel pour la France et d'honorer sa mémoire.
Dans le rapport rédigé avec ma collègue Laurence Trastour-Isnart sur le suivi des militaires blessés, nous avons souligné les efforts entrepris pour accompagner leur processus de reconversion, et la nécessité de poursuivre et développer les partenariats avec les entreprises. Sur le terrain, le ministère des armées et les entreprises continuent de se mobiliser pour cette cause. C'est l'objet du colloque sur la reconversion des militaires en entreprise, organisé par le MEDEF du Rhône en partenariat avec le gouverneur militaire de Lyon, et auquel je suis associée, qui devrait se dérouler le 4 février prochain aux écoles militaires de santé Lyon-Bron. Vous y êtes, bien sûr, invitées.
Pourriez-vous présenter le bilan et les perspectives des dispositifs de reconversion au cours de l'année écoulée ? Je sais que ce projet vous tient à cœur et qu'il est très apprécié des militaires et de leurs familles. Pourriez-vous rappeler les derniers engagements pris dans le cadre du plan famille, qu'il nous faut continuer de valoriser et de faire connaître ?
Quel regard porte la France sur la levée de l'embargo du Qatar par l'Arabie Saoudite ? Quelles conséquences aura cette décision sur les enjeux de défense et de sécurité internationale au Moyen-Orient ?
Les armées françaises sont mises à contribution dans le cadre de la campagne de vaccination contre la covid-19. En décembre, à la demande du ministère de la santé et des solidarités, elles ont apporté un soutien logistique en transportant vers la Guadeloupe et la Martinique des congélateurs très basse température, nécessaires pour la conservation des vaccins. Pouvez-vous nous informer sur la suite de l'implication de nos armées dans le déploiement de la stratégie vaccinale ?
En juillet dernier, le garde des sceaux a indiqué envisager avec vous de reprendre une proposition consistant à encadrer militairement des mineurs et des jeunes délinquants. Il a réaffirmé cette intention en octobre dernier, et fait état de discussions avec vous en vue de la tenue d'expérimentations de cette nature. Quelle est votre position à ce sujet ? Où en est l'avancement des discussions ? Un calendrier est-il déjà établi ?
Au cours des journées défense et citoyenneté, les jeunes passent des tests pour mesurer leurs capacités. Un classement – entre un et quatre – permet de détecter les jeunes en décrochage. Du fait du confinement et de la période trouble que vivent ces jeunes, les résultats de ces tests sont-ils plus alarmants que d'habitude ?
La France s'apprête à assurer la présidence du Conseil de l'Union européenne à partir du 1er janvier 2022. Cette responsabilité institutionnelle et politique doit être, pour notre pays, l'occasion de mettre en avant notre engagement pour une Union européenne forte. En novembre dernier, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a exposé les principaux enjeux de cette présidence. Parmi ceux-ci, la souveraineté figure en bonne place.
En annonçant que cette présidence se construirait autour des notions de relance, puissance et appartenance, la France confirme son ambition à l'échelle européenne. Vous l'avez d'ailleurs rappelé dans vos propos liminaires. Quelle sera, en termes de défense, la priorité pour la France lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne ?
Grâce aux nouvelles technologies et aux avancées scientifiques, notre modèle militaire pourrait durablement s'ancrer dans de nouvelles mutations. À la fin de l'année 2019, le ministère a créé un comité d'éthique de la défense afin de réfléchir sur ces enjeux et de voir dans quel cadre il pourrait sortir de ses limites naturelles. Au lancement de ses travaux en 2020, un triple objectif lui a été fixé : rechercher les voies et moyens permettant de maintenir la supériorité opérationnelle de nos armées ; ne rien céder quant aux valeurs fondamentales de notre civilisation et se conformer aux principes et aux règles qui régissent l'action de nos armées et au droit humanitaire.
À la fin de l'année dernière, le comité a rendu ses travaux et donné son feu vert afin de pousser les innovations militaires, pour ne pas prendre de retard par rapport à d'autres pays qui se lancent dans ces recherches. Toutefois, des limites ont été fixées concernant notamment les techniques dites invasives, les analyses bénéfice/risque ou la réversibilité des augmentations. Quelle est la position de votre ministère, et quelles suites seront données aux travaux de ce comité ?
Mesdames les ministres, je vous présente mes meilleurs vœux pour la nouvelle année. Je m'associe aux hommages rendus à nos militaires disparus.
Le cycle mémoriel de 2021 s'annonce particulièrement dense, et il importe de donner aux collectivités locales les moyens de se saisir davantage de la politique de mémoire. À cet égard, le livret Aux combattants d'Afrique, la France reconnaissante, publié par le ministère l'été dernier à l'attention des maires et composé de cent fiches biographiques, me semble être un outil particulièrement bien conçu et pertinent. D'autres publications analogues, offrant aux collectivités locales des outils mémoriels clés en main, sont-elles prévues en 2021 ?
Meilleurs vœux à tous ! Mesdames les ministres, vous devez répondre à tant de questions qu'on pourrait s'interroger sur notre méthode.
Les récents événements montrent qu'on ne peut pas voir un succès politique dans la situation au Mali, et votre réponse, Madame la ministre, cet après-midi, lors de la séance de questions au Gouvernement, selon laquelle elle serait pire si nous n'étions pas intervenus est politiquement discutable. En huit ans, cinquante-cinq soldats sont tombés. J'ai eu l'honneur de rendre visite aux militaires de l'opération Barkhane il y a un an et demi. Ses officiers considéraient déjà que, compte tenu de la faiblesse du tissu politique local, nous pourrions être engagés pour vingt ans. À ce rythme, ce sont plusieurs centaines de nos soldats qui pourraient tomber.
L'objectif politique de l'opération n'est pas compris par la population, ni même, d'ailleurs, par le parlementaire que je suis. C'est l'une des tares de la Ve République et une faiblesse de cette commission que nous ne discutons pas politiquement de ce que nous faisons là-bas, ni des voies que nous cherchons à ouvrir, non plus que de nos éventuels succès ou échecs au regard d'un objectif politique. Vous l'avez dit, l'usage de la force n'est qu'un élément d'un dispositif politique ; il est donc temps d'en parler, et de parler de la responsabilité que nous porterions dans l'exacerbation d'un problème politique de fond si ce que nous entreprenons échouait.
J'estime que la situation dégénère et que nous en perdons le contrôle, non pas militairement mais politiquement. Seule la clarification de nos objectifs nous permettra d'être à la hauteur de l'honneur que nous font nos soldats en risquant leur vie, et parfois en la donnant, pour la nation. N'est-il pas temps d'avoir enfin un débat ?
Il me semble que nous avons ce débat en permanence dans cette commission, cher collègue. Peut-être nos disponibilités ne coïncident-elles pas !
Madame la présidente, en commentant mes propos, il me semble que vous abusez de vos prérogatives. Je ne me permets pas de commenter les vôtres. J'ai le droit de considérer que nos débats à ce sujet ne sont pas satisfaisants.
Le service de santé des armées est au cœur de la mise en œuvre des opérations extérieures. Il constitue une composante particulièrement importante de notre capacité opérationnelle. Le plan de transformation SSA 2020 touchant à son terme, nous lui avons demandé de définir une nouvelle ambition, en cohérence avec celle que nous nourrissons pour nos armées à l'horizon 2030 et adaptée aux besoins correspondants. Depuis 2017, nous avons mis un terme à la déflation programmée des effectifs. Grâce à une hausse de 15 % du nombre d'élèves formés à l'école de santé des armées, 100 nouveaux emplois ont été ouverts dans le SSA. En outre, vous avez voté une augmentation budgétaire significative pour 2021.
Grâce à ses capacités de déploiement et de coordination avec d'autres nations, notre SSA est reconnu comme un modèle du genre. Dans la bande sahélo-saharienne, par exemple, le rôle 2 de la force Barkhane est en capacité de prendre en charge des blessés graves avant leur évacuation, et soutient les détachements allemands et britanniques déployés à Gao. Les médecins et les auxiliaires sanitaires britanniques et allemands travaillent en étroite coordination avec les équipes françaises. Ainsi, le SSA assure un soutien aux détachements européens. L'excellence de nos structures médicales en opération rassure nos partenaires et influe directement sur leur décision d'engager des militaires sur le terrain, car ils savent que ceux-ci seront bien pris en charge. Florence Parly et moi-même portons une attention particulière au SSA.
Le monde combattant est dans une période de transition d'une dizaine d'années. Le gros des troupes est formé par les anciens combattants du conflit d'Algérie ; des troupes plus jeunes l'intègrent progressivement, car les militaires ont désormais accès à la carte du combattant après avoir passé quatre mois en OPEX. Depuis la modification législative adoptée en 2015, plus de 110 000 cartes du combattant ont été attribuées à ce titre. Entre 10 000 et 12 000 cartes sont attribuées chaque année.
Je n'ai pas autorité sur les associations pour les faire évoluer ; elles sont autonomes. J'ai toutefois initié des groupes de réflexion avec elles visant à déterminer ce qu'elles peuvent mettre en commun et sous quelle forme elles pourraient se fédérer pour continuer à agir significativement et à être représentatives dans les années à venir. Elles entament ce travail, certaines avec beaucoup d'envie, d'autres avec un peu d'anxiété.
Il est évident que les associations dont l'objet ne concerne qu'un conflit auront du mal à renouveler leurs membres ; les plus généralistes arriveront peut-être à se maintenir et à développer plus facilement des actions, mais je les incite vraiment à se regrouper et à préparer l'avenir – je vous serais reconnaissante si vous, parlementaires, m'appuyiez à l'échelon local.
Je ne suis pas certaine, Monsieur Ardouin, que les cérémonies locales disparaissent faute d'anciens combattants pour les animer. En tout cas, dans chaque département, le préfet a sous son autorité le directeur départemental de l'ONAC, qui est son bras armé, si j'ose dire, pour développer des actions mémorielles locales. Il a pour instruction de travailler sur les questions mémorielles en liaison avec l'éducation nationale, les établissements scolaires et le monde combattant. Je sais que leurs services sont plutôt actifs en la matière – mais je ne manquerai pas de les interroger à ce sujet. Quoi qu'il en soit, n'hésitez pas à les solliciter.
Le conflit de 1870-1871 a été fondateur à plusieurs égards et j'ai participé à diverses commémorations le concernant. D'abord, il a entraîné la chute du Second Empire et la naissance de la IIIe République. Ensuite, son issue a en partie déterminé le XXe siècle et la dureté des deux guerres mondiales. Avec l'Allemagne, au cours des 150 dernières années, nous avons été en conflit pendant soixante-quinze ans et sommes amis depuis soixante-quinze ans. Nous avons donc, au cours de ces commémorations, salué l'amitié franco-allemande. À Gravelotte, j'ai présidé avec le ministre plénipotentiaire allemand des cérémonies tout à fait émouvantes. Le Souvenir français, qui a été créé après la fin de ce conflit, est bien entendu un partenaire essentiel. J'ai d'ailleurs présidé avec son président général une cérémonie à Mars-la-Tour qui avait un sens tout particulier pour cette belle association. N'ayez crainte, nous persévérerons dans cette voie. Des partenariats ont été noués avec les musées de Sedan, Belfort, Loigny-la-Bataille, Gravelotte pour continuer à entretenir cette mémoire, et le Souvenir français est très actif dans chacun des départements.
Si le service national universel n'a pu être assuré dans son volet séjour de cohésion, il a été demandé aux jeunes qui s'étaient inscrits pour l'effectuer en 2020 de réaliser les missions d'intérêt général. Certains y sont parvenus, mais peut-être pas tous. En tout cas, nous sommes attentifs à ce que ces jeunes obtiennent systématiquement des réponses. Pour 2021, l'objectif de 25 000 jeunes en SNU est maintenu. À ce stade, un séjour de cohésion est toujours prévu entre le 21 juin et le 2 juillet, avec le même protocole sanitaire que celui applicable dans les internats de l'éducation nationale. Une réflexion est par ailleurs en cours pour maintenir une forme de séjour de cohésion adaptée aux conditions sanitaires.
Pour ce qui concerne le ministère, le site de l'École navale de Lanvéoc a accueilli en 2020 pour formation une centaine de futurs chefs de centres de séjour de cohésion. Nous avons revu l'organisation de la journée défense et mémoire. Le seul territoire de la République qui a pu organiser le séjour de cohésion en 2020 est la Nouvelle-Calédonie, où une centaine de jeunes ont pu en bénéficier au mois d'octobre ; ils ont été particulièrement satisfaits des activités proposées, notamment par notre ministère – celui-ci propose plus de six cents missions d'intérêt général. Nous sommes donc très mobilisés en faveur de la réussite du service national universel, qui a pâti, comme tant d'autres actions, de l'état sanitaire du pays.
Le ministère porte une attention toute particulière aux blessés. Nous avons organisé un « parcours du blessé » reposant sur plusieurs piliers. D'abord, il y a un droit à réparation, qui peut comprendre, outre une pension militaire d'invalidité, une allocation du fonds de prévoyance et une indemnisation complémentaire ; nous avons souhaité améliorer la connaissance de ces dispositifs grâce à la plateforme de la maison numérique des blessés et des familles. Ensuite, un accompagnement pluridisciplinaire personnalisé est proposé ; il est assuré dans le domaine du soin et de la réparation physique et psychique par le service de santé des armées, mais il comporte aussi, vous l'avez souligné, un volet reconversion professionnelle. Je tiens, à cet égard, à vous féliciter, Madame Khedher, pour l'action que vous menez dans votre département avec le MEDEF et pour l'organisation de la réunion qui se tiendra en février. Il est certain qu'il existe, à l'échelon local, nombre de PME et de PMI prêtes à s'engager.
L'agence Défense mobilité est, en outre, très active auprès de nos blessés ; grâce à elle, les actions de reconversion ont pu être maintenues au même niveau, malgré les conditions d'emploi difficiles : 182 militaires ont été réinsérés en 2020, contre 183 en 2019. Il faut qu'avec Défense mobilité et tous nos partenaires, nous poursuivions cet effort.
Les reconversions peuvent aussi avoir lieu dans les collectivités territoriales ou les services étatiques, en premier lieu au sein du ministère, puisque nous cherchons en priorité à affecter les blessés à des postes adaptés à leur état physique ou psychique. Les blessés étant bien souvent détenteurs de la carte du combattant, l'ONAC intervient, lui aussi, dans le parcours du blessé, en assurant un suivi sur le long terme, en finançant éventuellement des formations et en proposant une aide à la reconversion après une certaine durée.
L'indemnisation des préjudices des personnels exposés à l'amiante a longtemps été exclue des dispositifs, mais, depuis 2018, les militaires peuvent demander à bénéficier d'une cessation d'activité et percevoir une allocation spécifique en plus de la pension militaire d'invalidité. Ces dispositifs de réparation ne cessent de s'appliquer que lorsque la maladie ou la blessure sont consolidées. Depuis 2015, les PMI sont attribuées à titre définitif pour les plaques pleurales, mais le taux est révisé régulièrement en fonction de l'évolution de la maladie. Pour les autres pathologies, la pension à 100 % est définitive dès lors que le patient suit un traitement.
Nos armées participent au déploiement de la stratégie vaccinale depuis le mois de décembre. Dès le 21 décembre, un Transall a acheminé deux congélateurs très basse température aux Antilles, un en Martinique et un autre en Guadeloupe. La semaine dernière, un aéronef C-130 a livré un autre congélateur pour stocker des vaccins Pfizer. Deux autres transports pourraient avoir lieu très prochainement vers Mayotte et La Réunion. Le 7 janvier, un A330 a livré 15 000 doses de vaccin en Nouvelle-Calédonie et 15 000 autres l'ont été à Tahiti le 8 janvier. Cet appoint logistique est concentré à destination des territoires éloignés de la métropole à travers des moyens aériens. Un renforcement terrestre est possible, même si les matériels des armées ne sont pas spécifiquement adaptés au transport de produits nécessitant des conditions de conservation particulières. Les missions seront donc adaptées à nos moyens mais en faisant preuve du même volontarisme pour aider les Français dans ces circonstances.
Le service de santé des armées ne représente qu'1 % de la santé publique. Il interviendra selon ses capacités et, certainement, d'abord en fonction des besoins du ministère des armées. Comme dans tous les hôpitaux, les vaccinations ont commencé pour les soignants, de même qu'à l'Institut national des Invalides pour les soignants et les pensionnaires, conformément à la stratégie gouvernementale classique, que nous suivons.
À propos de l'encadrement militaire des délinquants, avec Florence Parly, nous avons rencontré le garde des Sceaux, à sa demande, à la fin de l'année. Nous sommes convenus de poursuivre la réflexion sur ce sujet très sensible, mais les expériences qui ont eu lieu il y a quelques années n'ont pas été probantes. De plus, un tel dispositif n'a pas vocation à se substituer à une réponse pénale même si, en effet, nous pouvons contribuer à l'insertion de la jeunesse en donnant un cadre à certains jeunes et en leur faisant accepter l'autorité.
La JDC en ligne présente plusieurs inconvénients même si, à partir du 23 novembre, 165 000 jeunes ont pu en bénéficier : seuls 50 % des jeunes concernés se sont connectés et ont répondu à l'appel de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) ; autre inconvénient, la disparition du test de lecture permettant de recenser ceux qui connaissent de grandes difficultés d'apprentissage. Ce dispositif ne sera donc pas pérennisé sous cette forme. Nous souhaitons le retour le plus rapide possible des JDC « en présentiel », fût-ce pour une demi-journée, où il est possible de réaliser ces tests.
Le livret Aux combattants d'Afrique, la France reconnaissante est une initiative utile à destination des maires souhaitant donner à des rues, à des espaces ou à des bâtiments publics des noms de soldats africains. Quarante-quatre projets sont en cours ou aboutis. Ce livret n'étant pas exhaustif, des noms en sont absents. Les demandes doivent être formulées auprès de l'ONAC, qui les transmettra au service historique de la défense, lequel remettra les biographies aux maires qui le souhaitent.
Nous travaillons à un nouveau livret comportant une centaine de noms en mémoire de nos combattants des outre-mer, particulièrement présents dans tous les conflits, notamment durant la Deuxième Guerre mondiale, avec le ralliement des fameux insurgés des Antilles ou de Polynésie. Ces soldats doivent être, eux aussi, grandement honorés.
La force Takuba est en train de devenir opérationnelle. Un premier contingent franco-estonien a mené de nombreuses opérations depuis le début du mois de juillet ainsi que ces dernières semaines, avec de bons résultats. Le premier bilan est donc positif. Le déploiement franco-tchèque est en cours ; les Suédois arrivent avec un contingent important ; nous attendons les Italiens au cours de ce premier semestre ; nous discutons avec les Danois et les Portugais pour finaliser les conditions de leur déploiement avant la fin de l'année ; nous discutons également des déploiements à venir avec les Pays-Bas notamment.
L'efficacité de cette force dépend beaucoup des Maliens eux-mêmes : les forces maliennes, comme ce fut le cas jusqu'à présent, doivent être disponibles pour combattre aux côtés des forces spéciales européennes. L'objectif est ainsi de créer un cercle vertueux « engagement, régénération, entraînement », qui est en cours.
Au-delà de la force Takuba, les Européens sont présents au Sahel dans le cadre de la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM) et de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Nous ne sommes pas seuls !
Avant d'envisager l'élargissement du G5 Sahel, il faut consolider ce qu'il a été prévu de faire. Mais compte tenu de l'évolution de la menace et de son extension vers le Sud, il faut organiser la coordination avec les pays concernés. C'est ce que nous faisons, notamment grâce à nos forces prépositionnées au Sénégal.
Je ne vais pas me lancer dans une longue description de la boussole stratégique. C'est une analyse des menaces et des vulnérabilités de l'Union européenne, que nous menons pour que l'Union européenne soit capable d'agir, à l'horizon 2030, dans quatre domaines clé : la gestion de crise ; la résilience ; le capacitaire et les partenariats. Il est très important d'aboutir dans le cadre de la présidence française, ce serait une nouvelle étape vers une ambition accrue pour l'Europe de la défense.
Il est faux de dire que le Portugal n'est pas mobilisé sur le sujet de la défense. Ce pays est très impliqué à nos côtés, notamment en République centrafricaine. En tant que président du Conseil de l'Union européenne depuis le début du mois de janvier, le Portugal est très investi à propos des événements graves qui ont lieu au Mozambique, et j'aurai l'occasion de m'en entretenir dès cette semaine avec mon homologue portugais, avec lequel j'ai des rapports extrêmement réguliers. Je ne peux donc laisser dire que le Portugal n'est pas engagé.
Il est vrai que la montée d'un mouvement terroriste qui se réclame de Daech dans le nord du Mozambique est très inquiétante. Nous sommes en train de voir comment, avec de l'entraînement et de la formation, nous pouvons appuyer les forces armées de ce pays. Nous souhaitons le faire avec nos partenaires européens et nous disposons des forces positionnées dans le sud de l'océan Indien, à La Réunion et à Mayotte, pour y contribuer le cas échéant.
L'hélicoptère Tigre nous est absolument essentiel, notamment sur le théâtre sahélien. Il nous faut moderniser ses capacités de feu. J'ai annoncé, au mois de novembre, le lancement d'un nouveau programme : le missile haut de trame, qui sera développé par MBDA. Il équipera les hélicoptères Tigre. Il faut aussi leur donner la capacité de s'intégrer à une bulle de combat collaboratif, donc le moderniser et traiter les obsolescences. Dans le cadre de la LPM, nous avons pour objectif de les rénover au standard MK3, et nous sommes en phase finale de négociation avec les industriels. L'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) pilote ce programme et devrait rendre sa décision finale dans les prochaines semaines.
Je n'ai pas d'a priori sur le recours à des entreprises privées pour la logistique de nos armées. Ce qui est important, c'est que la meilleure qualité de prestation soit offerte à nos armées au meilleur coût. Nous mettons en concurrence les prestataires ; dans certains cas, ce sont des structures publiques telles que l'économat des armées qui remportent les appels d'offres, et nous en sommes très heureux car la qualité de la prestation est au rendez-vous, dans d'autres cas, ce sont des entreprises privées. Il ne faut pas avoir de débat doctrinal sur la nature juridique de ceux qui rendent le service ; il faut qu'ils soient sélectionnés sur les bons critères.
Il est exact que nous n'aurons pas l'Eurodrone avant 2028. C'est pour cela qu'en 2013, Jean-Yves Le Drian avait commandé quatre systèmes de drones Reaper , car il n'existe pas à l'heure actuelle de système de drone MALE européen. Nous disposons déjà de ces capacités ; un premier bloc devra être remis à niveau prochainement, et des blocs plus récents viennent de nous être livrés et devraient être mis en service très prochainement sur le théâtre sahélien.
Avons-nous besoin d'une capacité intermédiaire ? Nous avons prévu de doter l'armée de terre de systèmes de drones tactiques (SDT), en plus des mini-drones. Ces drones tactiques seront livrés à nos forces en 2021. Il ne s'agit pas de drones MALE, mais c'est une capacité complémentaire qui sera fournie à l'armée de terre.
S'agissant de l'impact des élections allemandes sur les grands programmes, nous n'avons pas eu de problème particulier sur les projets structurants jusqu'à présent. Il y a parfois des difficultés, mais nous les dépassons. Nous avons conscience qu'une échéance se présentera au mois de septembre, et qu'un certain nombre de sujets qui nécessitent l'approbation du Parlement allemand doivent être réglés avant l'été, car il ne sera plus en mesure de décider au-delà.
Photonis est une entreprise stratégique pour l'équipement de nos militaires, notamment les jumelles de vision nocturne. Un projet de cession a été lancé par l'actionnaire actuel, et la vente à une entreprise américaine a été envisagée. Ce processus s'est développé sur de longs mois, et nous avons constaté avec Bruno Le Maire que les conditions proposées n'étaient pas de nature à garantir dans la durée la souveraineté de Photonis. Il nous est apparu qu'il fallait défendre cette entreprise et tout faire pour la conserver sous souveraineté nationale. C'est ce que nous avons fait au mois de décembre et nous sommes en train d'étudier comment une solution française pourrait être structurée.
Photonis est une entreprise en très bonne santé économique, qui a beaucoup de projets de développement. Il est important que nous fassions tous les efforts pour la préserver, conformément à notre volonté de protéger notre souveraineté nationale et de construire une souveraineté européenne en termes de base industrielle et technologique de défense.
S'agissant du porte-avions de nouvelle génération, même si la question de sa mise en service ne se posera que dans dix-sept ans, disposer d'un équipage aguerri et formé, maîtrisant toutes les capacités et compétences requises, est en effet un travail de longue haleine. Votre commission aura certainement l'occasion d'auditionner le chef d'état-major de la marine, qui entrera dans le détail de la façon dont il compte s'y prendre.
S'agissant des conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, il est clair que l'accord de Brexit ne couvre pas les questions de sécurité et de défense. Sur ce point, nous devons déterminer un mode d'association du Royaume-Uni à la sécurité du continent européen. Il est évident que ce pays demeurera un acteur majeur de la sécurité en Europe, pour de nombreuses raisons, notamment son rôle dans la dissuasion nucléaire et notre coopération bilatérale dans le cadre des accords de Lancaster House, qui a produit des résultats tangibles dans divers domaines. À présent, il faut identifier de nouvelles pistes de coopération. Tel sera l'enjeu des discussions, prévues dans les jours à venir, entre le délégué général à l'armement et son homologue britannique.
L'entreprise Man Energy Solutions, qui produit, à Saint-Nazaire, les moteurs diesels de secours des sous-marins nucléaires français, c'est une longue histoire. L'entreprise Volkswagen, qui en est actionnaire, a procédé à des investissements insuffisants. Nous lui avons adressé des mises en demeure. À l'issue d'un dialogue complexe, Volkswagen a décidé de conserver cette entreprise au moins jusqu'en 2024. Nos échanges ont pris un tour plus constructif cet été. Plusieurs scénarios de développement de nouveaux produits susceptibles de répondre aux besoins de nos sous-marins sont sur la table. Nous dialoguons activement avec Volkswagen, en liaison avec Naval Group, qui en est le client direct. Je vous assure de mon total engagement et de ma mobilisation, ainsi que de celle des services, pour assurer le maintien de ces compétences critiques sur notre territoire national.
S'agissant du financement du secteur spatial, la LPM 2019-2025 consacrait initialement 3,6 milliards d'euros au renouvellement de l'intégralité de nos moyens spatiaux, notamment des moyens satellitaires. Lorsque j'ai rendu publique la stratégie spatiale de défense souhaitée par le Président de la République, nous avons dû répondre à une ambition accrue, redéployant pour ce faire 700 millions d'euros. Désormais, 4,3 milliards d'euros sont consacrés au secteur spatial dans le cadre de la LPM 2019-2025. Les livraisons – CSO-1, CSO-2 et Syracuse-4 – sont au rendez-vous.
La levée de l'embargo imposé au Qatar par l'Arabie Saoudite est une très bonne nouvelle. Nous avons veillé à adopter une attitude impartiale, afin de ne pas donner le sentiment que nous prenions parti pour les uns ou les autres. Tout cela est propice à apaiser les tensions, dans une région du monde qui n'en manque pas.
S'agissant de la présidence française de l'Union européenne, sa priorité sera de faire franchir à l'Europe de la défense une nouvelle étape. Tout en valorisant l'acquis de la période précédente, nous nous donnerons une nouvelle ambition. J'ai évoqué tout à l'heure les quatre axes de notre action, qui visera à renforcer notre capacité à gérer les crises et nos moyens capacitaires, à défendre notre souveraineté et à développer la BITD européenne.
J'en viens au soldat augmenté. J'ai créé un comité d'éthique au sein du ministère des armées, ce qui n'a été fait dans aucun pays jusqu'à présent. Il m'a semblé indispensable que nous soyons guidés dans notre réflexion, afin de nous éviter toute inhibition face à des développements technologiques dont les enjeux éthiques pourraient faire peur à nous-mêmes mais pas à certains de nos compétiteurs. Il importe de se poser certaines questions, afin d'aborder avec sérénité des recherches technologiques que, à défaut de mener, nous risquons d'être technologiquement déclassés. Ce comité doit nous permettre d'identifier les limites qui ne doivent pas être dépassées et, à l'intérieur de ce cadre, nous aider à définir comment ces innovations sont possibles et utilisables, en ayant toujours pour préoccupation d'assurer la supériorité opérationnelle de nos armées.
Un premier avis sur le soldat augmenté m'a été remis. Cette question n'a rien de neuf ; de nombreuses augmentations sont d'ores et déjà disponibles, tel l'exosquelette. Cet avis distingue entre les évolutions technologiques à caractère invasif et les évolutions technologiques produisant un effet identique sans être invasives – celles que nous devons systématiquement privilégier. L'objectif est de ne pas franchir la barrière humaine, et de préférer, à l'installation d'un implant à l'intérieur du corps d'un soldat, sa dotation en équipements mobiles amovibles, tels que des jumelles de vision nocturne ou un appareil auditif permettant de déceler des ondes indétectables à l'oreille. De tels équipements sont accessibles et ne portent pas atteinte à l'intégrité corporelle et psychique du soldat, qui ne sera pas soldat toute sa vie, et doit donc pouvoir revenir à la vie civile intègre. L'innovation administrative que constitue ce comité d'éthique est très utile, car elle nous permet d'aborder avec sérénité des évolutions technologiques qui peuvent apparaître inquiétantes.
Enfin, je suis désolée de constater que M. Corbière considérait, dans un communiqué mis en ligne avant même le début de cette audition, que je ne serais pas en mesure de répondre précisément aux questions que l'on me poserait. Je me suis efforcée d'y répondre le plus complètement possible, en admettant tout à fait ne pas pouvoir répondre à toutes les questions – qui détient toutes les réponses ? J'ai tenté de vous informer des échéances à venir, s'agissant notamment de notre engagement au Sahel. Je ne prétends pas avoir livré toutes les réponses à vos interrogations ; certaines méritent d'être discutées, au premier chef avec nos partenaires sahéliens. Tel sera l'objet du sommet de N'Djamena.
Il est, en effet, assez compliqué de faire de la politique-fiction. L'effort de transparence et de précision dont vous avez fait preuve au cours de nos auditions, auxquelles vous vous prêtez volontiers l'une et l'autre, nous incite à penser que nous pouvons avoir une totale confiance dans la façon dont sont utilisées nos forces armées. Lorsque nous nous déplaçons dans le cadre de nos missions, nous voyons bien que les choses évoluent de façon positive. Notre mission d'information Barkhane présentera ses conclusions en avril. Je me suis rendue sur place à plusieurs reprises ; j'ai pris la mesure des progrès considérables qui ont été réalisés, en liaison avec les forces combattantes du G5 Sahel. Nous ne pouvons qu'avoir confiance en ceux qui donnent quotidiennement toute leur énergie, et parfois leur vie, pour permettre que les choses évoluent de façon positive. Je ne doute pas que les membres de la commission s'associent à mes propos.
Mesdames les ministres, je vous remercie vivement de vous être prêtées à cet exercice. Le nombre des membres de la commission qui y ont participé témoigne de son intérêt. Nous avons pris la mesure de l'immense diversité de nos champs d'intervention, de la jeunesse à la politique extérieure, en passant par les enjeux européens et le multilatéralisme. Partout, nous occupons une place à la fois singulière et importante. Nous serons heureux de vous recevoir à nouveau, dans le cadre des diverses missions d'information en cours et au sujet des conclusions du sommet de N'Djamena.
La séance est levée à vingt-un heures cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Stéphane Baudu, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, M. Stanislas Guerini, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Catherine Pujol, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Gwendal Rouillard, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. David Habib, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir