J'aurai, pour commencer, une pensée pour les huit militaires qui ont donné leur vie durant cette période de fêtes : les trois gendarmes au cœur du pays où je vis et les cinq soldats engagés au Sahel. Ces morts nous bouleversent tous, mais je sais combien elles vous affectent tout particulièrement, Mesdames les ministres – je l'ai constaté, chère Florence Parly, lors de votre venue à Ambert.
Sur les conflits au Sahel et l'opération Barkhane, je ferai trois constats.
L'intervention française est de plus en plus critiquée par les peuples sahéliens. Beaucoup considèrent que notre armée ne parvient pas à les protéger et ont le sentiment que la France est présente, au Mali notamment, surtout pour protéger les ressources minières et en uranium.
L'aide publique au développement est utile – vous avez d'ailleurs souligné, Madame la ministre, que la solution n'était pas seulement militaire. Elle reste néanmoins insuffisante. De plus, elle ne parvient pas à garantir la paix sociale, parce qu'elle n'engendre pas une amélioration notable de la situation des habitants du fait de systèmes politiques qui se refusent à lutter contre les inégalités socio-économiques et de dirigeants parfois plus corrompus que compétents.
L'implication européenne est aujourd'hui essentiellement assurée par la France et l'Estonie, à travers le déploiement de la force Takuba dans le cadre de l'opération Bourrasque ; on est dans l'attente d'un déploiement des Suédois, des Tchèques, des Grecs, des Italiens. L'émergence d'une force européenne est extrêmement lente. Quant à la montée en puissance du G5 Sahel, avec des troupes nationales tchadiennes, maliennes, burkinabè, mauritaniennes et nigériennes, elle reste très insuffisante.
Comment analysez-vous les résultats de la présence armée française en regard de notre engagement, de son coût humain extrêmement lourd, des moyens déployés – Barkhane mobilise, pour la seule armée de terre, plus de 500 véhicules blindés et 400 véhicules de transport logistique – et d'un coût financier en augmentation constante ? J'ai lu qu'il y aurait un surcoût de 10 % par rapport aux prévisions en 2020. Or on recense toujours autant d'attaques de la part des groupes terroristes, qui sont loin d'être affaiblis. Pour la seule année 2019, l'ONU a comptabilisé plus de 4 000 victimes du terrorisme, militaires et civiles, au Burkina Faso, au Niger et au Mali. Peut-être n'apprécierez-vous pas cette comparaison, mais c'est un peu notre Afghanistan. Nous nous trouvons dans la même situation que les Américains : si nous restons, cela ne permettra pas de résoudre les problèmes, voire cela risquera de les aggraver ; si nous partons, cela pourrait être extrêmement dangereux à court terme.
Comment sortir de ce bourbier ? Quel arbitrage sera rendu s'agissant du devenir de Barkhane – arbitrage qui avait été annoncé par le Président de la République pour la fin 2020 ?