Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mardi 9 février 2021 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme :

Ma carrière est, en effet, plutôt celle d'un homme de l'ombre. J'ai notamment été directeur général de la sécurité intérieure avant d'être davantage dans la lumière, jusqu'au 15 juillet 2020.

La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme est une structure qui existe depuis 2008. À l'époque, elle était surtout chargée de faire remonter l'information au Président de la République : elle recevait les notes d'information de tous les services de renseignement, et était chargée de transmettre l'information utile. Les choses ont un peu évolué. En 2017, le Président de la République a souhaité donner à cette instance une dimension plus opérationnelle, même si elle ne dit pas complètement son nom. En plus de recevoir la production des services de renseignement, on nous demande de nous assurer que les services travaillent bien ensemble sur le plan opérationnel, dans des objectifs communs et, surtout, en partenariat étroit. Dans l'histoire du renseignement français, cela n'a pas toujours été le cas. Le Président de la République veille à ce que les services de renseignement travaillent sans qu'il y ait de trou dans la raquette. Sur des sujets comme la lutte contre le terrorisme, nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il en soit autrement. Y compris dans la lutte contre les ingérences étrangères en matière d'espionage, nous veillons à ce que les services partagent le plus possible leurs informations.

La mission d'origine de la coordination est toujours la même. Sa structure s'est étoffée et comprend quinze conseillers de haut niveau, qui viennent, pour la plupart, de services de renseignement et ont des expériences dans ce domaine. Nous recevons l'ensemble de la production des services de renseignement français – les six services spécialisés du premier cercle et les quatre principaux services du second. Cela nous permet de vérifier que les orientations qui sont données aux services de renseignement sont bien suivies notamment à travers de l'analyse de la production de notes.

Notre deuxième mission consiste, sur la base d'une évaluation globale des menaces sécuritaires élaborée avec les services de renseignement ( terrorisme, ingérence étrangère, protection économique, subversion violente, criminalité organisée), à rédiger avec la contribution des cabinets ministériels des documents de planification correspondant à leurs besoins en renseignements, et de vérifier qu'ils sont bien respectés par les services. Dans chaque domaine de recherche, nous fixons des besoins prioritaires à creuser.

Pour la lutte contre le terrorisme, l'objectif est simple : éviter des attentats, travailler sur la radicalisation de certaines mouvances idéologiques, car effectivement la menace terroriste évolue, à l'étranger comme sur le territoire national. Pour d'autres thématiques comme l'ingérence ou la protection économique, nous orientons l'action des services. Le sujet de la protection économique est beaucoup plus vaste. Certains secteurs français sont à protéger en priorité, car ils détiennent un savoir-faire, une maîtrise technologique qui suscitent des convoitises, donc des prédations de services étrangers, directement ou par l'intermédiaire de ce que l'on appelle des « proxis ».

Pour orienter l'action des services de renseignement, nous nous élaborons une stratégie nationale du renseignement (SNR), qui est un document que mon prédécesseur avait souhaité rendre public. Elle identifie les grands enjeux pour le renseignement, enjeux face aux menaces mais aussi défis en termes d'organisation et de fonctionnement. Elle peut être révisée autant que de besoin. Dans le cadre de cette stratégie, nous mettons régulièrement à jour le plan national d'orientation du renseignement (PNOR) qui s'alimente de réunions de travail avec les cabinets ministériels et des décisions prises au cours de conseils de défense et de sécurité nationale (CDSN) ou des conseils nationaux de renseignement (CNR). Le Président de la République a souhaité intensifier le mouvement de communication sur l'action des services de renseignement, dans le respect du secret de la défense nationale. Pierre de Bousquet avait commencé, et il me revient aujourd'hui de briser certains mythes sur ces services et de donner quelques indications sur certaines de nos orientations. Ces orientations sont une façon de se protéger : en donnant des informations sur l'adversaire, elles sensibilisent à ce qu'il est, à ses modes d'action – vous le savez, car les parlementaires sont aussi les cibles de certains services étrangers. Donner à voir ce que sont les services de renseignement est donc une façon de se protéger et de sensibiliser.

Outre les documents d'orientation, depuis 2017, s'appliquent des doctrines de travail partagées entre les services de renseignement, pour chaque thématique. Elles définissent des obligations de travail en commun, en échangeant des informations et partageant des objectifs. Ce n'est pas un hasard si le DGSE et le DGSI viennent parler ensemble devant cette commission – cela ne se faisait pas avant 2017. Dans les grandes thématiques – ingérence économique, contre-espionnage –, les deux directeurs travaillent sur la base de feuilles de route conjointes. Si l'un détecte une menace, il échange avec l'autre. Ils se répartissent les actions opérationnelles et échangent en permanence sur les actions qu'ils mènent. C'est ce que l'on retrouve dans les doctrines validées en Conseil national de renseignement présidé par le Président de la République et qui restent confidentielles. Thématique par thématique, elles encadrent les pratiques des services, notamment dans leur collaboration. Les documents sont élaborés avec les services, de manière à être le plus légitime et efficace possible.

Cette mission d'orientation consiste donc à rendre les choses fluides. De sa place, la coordination voit tout de suite s'il faut rappeler à l'ordre certains services. Nous savons immédiatement si deux services qui ont écrit des notes sur une même menace se sont parlé ou non. C'est l'occasion de faire des rappels à l'ordre ou de provoquer des réunions sur le dossier concerné, pour réorienter la répartition des rôles entre les services.

La troisième fonction de mon service est de suivre tous les aspects transverses aux services de renseignement. Nous suivons, avec Matignon, les textes législatifs et réglementaires qui concernent le renseignement. Nous sommes évidemment associés au travail en cours sur la loi relative au renseignement, dite loi Rens, et sur tous les sujets qui concernent l'antiterrorisme. Nous sommes associés aux questions budgétaires et de personnels des services de renseignement, et pilotons le travail sur la mutualisation des moyens techniques des services – la DGSE y joue un rôle majeur mais ces outils sont partagés entre les services. Nous nous intéressons aussi aux relations internationales. Nous étudions, par exemple, les conséquences de la jurisprudence Tele2, qui est un vrai sujet de préoccupation pour les services. Je suis certain que leurs représentants l'ont évoqué, et je le ferai à mon tour car l'arrêt est très préoccupant. Défendre une stratégie face à une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dont on pense qu'elle peut poser de gros problèmes en matière de renseignement et au plan judiciaire fait aussi partie de mes attributions.

Pour ce qui concerne l'état de la menace, la menace terroriste reste très présente. Il s'agit toujours de la menace islamiste sunnite, responsable des trente-trois attentats déjoués qu'a évoqués Mme la présidente. D'autres projets concernaient des mouvances d'ultradroite et d'ultragauche. Le DGSE et le DGSI ont sans doute évoqué le terrorisme d'État, qui demeure une préoccupation, même s'il n'est pas actif ces dernières années, y compris sur le territoire national. Certains États l'ont pratiqué par le passé, et n'ont pas abandonné leurs structures, qui font l'objet d'une surveillance étroite.

S'agissant du terrorisme islamiste sunnite endogène, le directeur général de la sécurité intérieure a dû vous dire que le maillage de la lutte opérationnelle antiterroriste dont la DGSI est le chef de file a révélé que les dernières attaques que nous avons subies sont le plus souvent le fait d'individus isolés, qui se radicalisent très vite et ne sont pas suivis par les services, ni connus en tant que tels. Ils donnent assez peu à voir leur radicalisation, ce qui donne lieu à débat après les attentats – il y a toujours quelqu'un pour s'interroger sur le point de savoir si on aurait pu détecter la radicalisation du Tchétchène qui a massacré Samuel Paty. En réalité, ce qui est donné à voir est toujours assez faible. Sur le territoire national, c'est la menace à laquelle on est confronté, celle d'un individu non connu des services, qui se radicalise vite et n'a plus de contact opérationnel avec des djihadistes sur zone, comme c'était encore le cas en 2016 ou 2017. Il faut le détecter très vite, alors qu'il n'y a pas de possibilité d'intercepter des conversations à défaut de connaître l'objectif. Au niveau national, le suivi de cette menace terroriste islamiste sunnite devient donc compliqué.

Au niveau international, les choses sont en train de se compliquer également. Il y a encore peu de temps, nous considérions que l'affaiblissement de l'État islamique et d'Al-Qaïda rendait les menaces projetées peu probables – ces mouvements n'ont plus la capacité de projeter une équipe comme ils l'avaient fait en novembre 2015. Nous continuons de le penser, sauf qu'une reconstitution de l'État islamique dans la clandestinité est en cours, qui inquiète. On voit qu'il se reconstitue dans le désert de la Badia, dans le Nord-Ouest syrien ou au nord de l'Irak. Dans certains territoires, plusieurs centaines de djihadistes mènent sur zone des attentats dirigés contre les forces syriennes, irakiennes ou kurdes, qui font des dégâts humains considérables –il y a eu deux attaques suicides au cœur de Bagdad. Nous savons que ces groupes ont des velléités de projection en Europe et sur le territoire national. C'est un sujet d'inquiétude qui mobilise beaucoup la DGSE et la DGSI, bien que celle-ci travaille sur le territoire national. On ne peut pas exclure que certaines de ces personnes, lorsqu'il s'agit de djihadistes français, continuent à avoir des relations avec le territoire national.

Autre élément d'inquiétude : la dissémination des djihadistes français – la plupart sont retenus dans des camps ou emprisonnés, mais on en sait certains en Turquie – et des djihadistes européens ou provenant d'autres zones. Il y a notamment eu de nombreux retours de ressortissants des pays des Balkans ou du Maghreb. Ils sont donc peu éloignés de nous. Du point de vue de la menace extérieure et du risque de projection, c'est aussi une préoccupation majeure. L'auteur de l'attaque de Vienne, début novembre, était en lien étroit avec des djihadistes provenant des Balkans, dont certains étaient allés sur zone et revenus dans leur pays. La menace exogène continue donc de préoccuper les services. Même si, je le répète, les attaques projetées sont peu probables, nous restons tout de même très vigilants.

Madame la présidente, vous avez évoqué à juste titre la montée de l'ultradroite. Il ne s'agit plus des mouvements traditionnels, que les services de renseignement connaissent bien – Action française, Œuvre française, Jeunesses nationalistes révolutionnaires, Génération identitaire, Bastion social. Certains sont suivis, dissous. Les dissolutions sont, en général, très efficaces ; les mouvements ne se reconstituent jamais véritablement. Christophe Castaner a ainsi dissous Bastion social, et Manuel Valls s'était occupé des Jeunesses nationalistes révolutionnaires et de l'Œuvre française, en 2013, après la rixe qui avait conduit au décès du militant d'ultragauche Clément Méric. Cette ultradroite traditionnelle s'inscrivait dans des processus démonstratifs violents – coup de poing avec les antifas, actions revendicatives dont le caractère violent peut faire tomber sous le coup d'une dissolution administrative. Certains des mouvements que j'ai cités, organisés en groupes de combat, ont été dissous pour violence sur la voie publique.

Ce que l'on voit actuellement, ce sont des groupes qui s'inscrivent directement dans la clandestinité sur des thèmes d'ultradroite – patriotisme exacerbé, antisémitisme, arguments antisystèmes, anti-institutions, antipolitiques, complotistes – et qui, assez rapidement, fomentent des actions violentes contre des institutions ou des intérêts musulmans pour le jour où il y aura un attentat. Ces groupes inquiètent, car ils essaient de recruter des personnes d'âge mûr. Souvent, ils sont armés légalement, au titre du tir sportif ou de la chasse. Depuis 2017, cinq groupes ont été démantelés, qui étaient assez structurés et dont certains avaient des objectifs précis. Pour l'un, l'enquête judiciaire a révélé que deux hommes politiques, actuellement présidents de groupe à l'Assemblée nationale, étaient visés. Ce n'était pas une plaisanterie : l'action avait été évoquée, même s'il n'y avait pas eu d'acte préparatoire. Un autre groupe voulait s'en prendre au Président de la République au moment des commémorations de novembre 2018. Il a également été démantelé.

Nous nous en inquiétons, car ce phénomène ressemble à ce qu'on voit dans d'autres pays, aux États-Unis ou en Australie, où l'ultradroite est responsable de la majorité des dernières attaques. La préoccupation, avec la menace d'ultradroite actuelle, c'est son organisation en clandestinité par exemple sur le mode du survivalisme – isolement, entraînement, parfois fabrication d'explosifs –, sa volonté de passer à l'action.

Quant à l'ultragauche, ses mouvements sont plus insurrectionnels, plus portés sur les dégradations. Néanmoins, fin 2020, pour la première fois depuis treize ans et l'affaire Coupat, une saisine a été faite en antiterrorisme sur un groupe d'ultragauche mené par un militant connu, qui s'était aguerri chez les Kurdes en Syrie où il s'était battu, qui vivait dans la clandestinité et préparait des projets d'action violente. Sur fond de subversion violente, on voit donc monter ces mouvements, qui sont inquiétants.

Les autres types de menace, moins connus mais toujours importants, qui mobilisent beaucoup les services de renseignement sont liés à l'ingérence de puissances étrangères – les directeurs généraux en ont certainement parlé. L'engagement dans des actions d'ingérence et d'espionnage de certaines puissances renvoie, pour certaines, à l'époque de la guerre froide. Très présents sur le territoire national, ces pays bien connus essayent d'y développer des relais ou d'approcher des personnes influentes ou au fait de sujets politiques ou technologiques. Certains s'intéressent beaucoup à l'armement, pour essayer de capter le maximum de savoir-faire.

En matière de protection économique, on retrouve la même volonté de prédation, par exemple à travers des stagiaires ou des salariés qui travaillent pour des intérêts étrangers. Chaque pays a ses modes opératoires, que nous finissons par connaître – encore faut-il détecter les personnes. La prédation économique peut aussi prendre la forme de prises d'intérêt dans des sociétés à haute valeur ajoutée, suivies de transferts et de volontés de délocalisation, ou encore de cyberattaques pour obtenir des technologies. Les ingérences sont un domaine extrêmement important pour les services de renseignement.

Une fois que les services détectent une ingérence, une entrave est lancée, qui peut prendre des formes très variées – rappel d'agents diplomatiques qui n'en sont pas vraiment, rappels à l'ordre entre services, judiciarisation. Cette dernière voie est celle que nous privilégions pour les ingérences, sur l'accusation de trahison pour un ressortissant français et d'espionnage pour un ressortissant étranger. La judiciarisation est de plus en plus utilisée comme une façon de se protéger.

La menace prend des formes de plus en plus variées. On parle, en particulier, de plus en plus de menaces hybrides. On a vu ces derniers mois, en période d'élections, en France et ailleurs, des manœuvres de désinformation, de manipulation de l'information. Chacun sait que cela existe, mais on sait peut-être moins qu'elles peuvent être orchestrées par des Etats. Il faut évidemment avoir cela en tête, et je le dis parce que les services documentent cette manipulation de l'information comme orchestrée parfois par des États étrangers, voire par des services de renseignement étrangers. Dans cette guerre de l'information, il nous faut sans doute apprendre à détecter mieux, beaucoup plus en amont, et également à mieux réagir : jusqu'à preuve du contraire, une des façons de contrer la manipulation de l'information est de rétablir un contre-discours. C'est actuellement une de nos préoccupations de progresser dans ce domaine, où les services de renseignement français n'ont pas développé une culture de l'action puisque ce qu'on leur demande, c'est de détecter une menace. Nous avons donc beaucoup de progrès à faire dans la réaction et l'élaboration d'une réponse adaptée à la menace laquelle ne relève pour le coup pas des services de renseignement.

En matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme, les coopérations internationales sont fondamentales. Nous veillons – et c'est vital à nos yeux – à ne jamais verser dans la coopération multilatérale ou la mutualisation du renseignement. Pour parler clairement, des velléités se font jour au sein des institutions de l'Union européenne, d'Europol, afin de capter le renseignement et de le mutualiser, ce qui, pour nous, serait suicidaire. Nous le répétons devant la représentation nationale chaque fois que nous en avons l'occasion. Le renseignement s'obtient par des ressources techniques, des sources humaines, à travers des partenariats avec des pays étrangers, et il existe une règle fondamentale dans les services de renseignement dite du tiers service : une information ne peut être partagée qu'avec l'accord de celui qui l'a communiquée.

Nous nous battons pour contrecarrer une proposition de la Commission européenne visant à ce qu'Europol puisse inscrire la liste de tous les noms des djihadistes étrangers qui nous sont donnés par nos partenaires sur le fichier Système d'information Schengen (SIS), de manière à ce qu'ils « matchent » où qu'ils se trouvent en cas de contrôle. Or les choses ne sont pas aussi simples : les services de renseignement doivent opérer un certain nombre de vérifications, être certains de leur identité ; nous avons des investigations à mener avant d'enregistrer ces personnes au SIS ce que nous faisons évidemment systématiquement une fois ces recherches effectuées. Il n'y aucun intérêt opérationnel à partager des données non vérifiées et donc non fiables.

La coopération entre services de renseignement existe, elle a même atteint un niveau inédit depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, mais dans un cadre bilatéral, qui peut certes être également multilatéral mais toujours intergouvernemental, c'est le cas du GAT en matière de contre-terrorisme.

En matière de coopération internationale, je n'ai pas les mêmes prérogatives que le DGSE et le DGSI dont les interlocuteurs, aux États-Unis par exemple, sont respectivement la CIA et le FBI. Le statut de mes homologues est, quant à lui, très variable : certains sont membres d'un gouvernement, comme c'est le cas en Allemagne avec un secrétariat d'État ; aux États-Unis, le Director of National Intelligence (DNI) a le même statut que moi. Quoi qu'il en soit, nous laissons tout ce qui relève du domaine opérationnel aux services.

La jurisprudence Tele2 nous inquiète beaucoup. La Cour de justice de l'Union européenne a rendu, le 6 octobre 2020, une décision en réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat français s'agissant de la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion. A l'heure actuelle, les opérateurs de communication électroniques et les fournisseurs d'accès à internet sont tenus de procéder à une telle conservation pendant une durée d'un an mais, si cette décision devait être appliquée, cela ne serait possible que dans certaines conditions, très restrictives. Nous attendons la décision du Conseil d'État, qui demeure saisi du contentieux au fond, avec un peu d'inquiétude. Les données de connexion et de géolocalisation sont, en effet, les outils de base des services de renseignement et de la police judiciaire. Il sera toujours possible de les conserver mais il faudra qu'une situation de menace grave sur la sécurité nationale, réelle ou prévisible soit caractérisée. Or cela sera très difficile pour nous puisque les services de renseignement travaillent précisément à la prévention des menaces à partir de signaux faibles, alors que celles-ci ne sont pas encore avérées.

En outre, nous avons la crainte que certaines des finalités du renseignement ne puissent être rattachées à la sécurité nationale telle qu'elle est définie par la Cour de justice. Ce pourrait être le cas de la protection économique et des subversions violentes. Il n'est pas sûr que les manifestants violents qui font dégénérer les manifestations puissent être regardés comme une menace pour la sécurité nationale. Par ailleurs, si on suit l'arrêt de la Cour, la géolocalisation en temps réel ne serait plus possible qu'en matière de terrorisme alors qu'elle est principalement utilisée dans bien d'autres domaines. Dans le domaine judiciaire, la situation serait encore pire puisqu'il ne serait possible de conserver les données de connexion que pour les infractions les plus graves, qui devraient être définies à l'avance, et uniquement dans certains secteurs géographiques ou pour certaines catégories d'individus.

Enfin, la coordination s'étend au-delà des services de renseignement, conformément à ce qu'a souhaité le Président de la République, en englobant les services de police judiciaire, eux aussi concernés par l'antiterrorisme, car ils participent au quotidien à la prévention de la menace et au renseignement. C'est d'ailleurs à ce titre que, comme d'autres services, ils doivent solliciter du Premier ministre l'autorisation d'utiliser des techniques de renseignement et qu'ils sont soumis, à cette occasion, au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Avant 2017, une telle coordination n'existait pas. C'est une avancée très importante à laquelle je tiens particulièrement. Lorsque des groupes d'ultradroite ou d'ultragauche partent s'entraîner dans des campagnes, en zone de gendarmerie, tous les services peuvent travailler ensemble. Nous sommes attachés à un tel mode de fonctionnement, qui participe du décloisonnement des services au profit de la sécurité des français. Si certaines réformes de structure peuvent être utiles lorsque nécessaires, il nous semble plus important de parvenir à faire travailler tout le monde sur un objectif commun.

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