Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mardi 9 février 2021 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • individu
  • ingérence
  • renseignement
  • terrorisme

La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

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Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle consacré au renseignement en accueillant le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), M. Laurent Nuñez. Comme, la semaine dernière, celle des directeurs généraux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), cette audition revêt un caractère particulier : elle est en présentiel et se déroule à huis clos, ce qui implique de notre part le strict respect de la confidentialité des propos échangés.

Monsieur le coordonnateur national, je vous remercie d'avoir accepté cette audition devant notre commission. Nous nous connaissons bien, je peux le dire, puisque nous sommes en contact régulier au titre de ma fonction de présidente de la délégation parlementaire au renseignement, mais je suis ravie de vous rencontrer également dans le cadre d'un échange avec les membres de la commission de la défense.

Chacun connaît votre prestigieux parcours de grand serviteur de l'État. Pour ne citer que vos derniers postes, vous avez été directeur général de la sécurité intérieure, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et, depuis le 15 juillet 2020, vous avez succédé à M. Pierre de Bousquet de Florian en tant que coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Vous êtes donc, au sein de l'État, l'homme qui a la vision la plus complète à la fois de l'articulation entre les services de renseignement et de la diversité des menaces ; celui qui vérifie qu'il n'existe pas de « trou dans la raquette ». Votre expérience de préfet de police, en particulier, est précieuse pour le Président de la République comme pour le pays tout entier.

La menace est terroriste, votre fonction le souligne, mais pas seulement ; elle concerne aussi la subversion violente, l'ingérence économique et l'espionnage. Pour y faire face, un décret de 2015 classe la communauté du renseignement en deux cercles : les services dits du premier cercle, qui comprennent les services spécialisés, au nombre de six, comme la DGSE et la DGSI ; les services dits du second cercle, plus hétérogènes, parmi lesquels notamment la direction du renseignement de la préfecture de police, les services de renseignement territorial de la police et de la gendarmerie et les services du renseignement pénitentiaire.

Nous souhaiterions savoir comment vous faites en sorte qu'il n'y ait pas d'angle mort dans la lutte antiterroriste, comme dans les autres activités des services de renseignement. En quoi consistent exactement vos missions de coordonnateur et comment les différents services des premier et second cercles articulent-ils leurs actions de renseignement intérieur, extérieur, militaire, financier, douanier ou pénitentiaire ? Selon vous, avec tous les efforts qui ont été réalisés, ces services disposent-ils des moyens humains, matériels et juridiques nécessaires à leur action ?

La crise sanitaire a mis en évidence l'importance de prémunir notre indépendance et notre souveraineté nationales contre toute forme d'ingérence étrangère. Quels enseignements avez-vous tirés de cette crise ? A-t-elle entraîné des adaptations de nos actions ?

Nous sommes également intéressés par votre diagnostic sur l'évolution de la menace. Notre assemblée débat en ce moment même d'un projet de loi confortant le respect des principes de la République. Le Président de la République le disait le 2 octobre dernier, aux Mureaux : « Il y a un islamisme radical qui conduit à nier les lois de la République, qui conduit à banaliser la violence et qui a conduit certains de nos citoyens, de nos enfants à choisir le pire ou à considérer que le pire était devenu naturel, et donc à créer des conditions de dérives politiques mais aussi de dérives violentes, celles du terrorisme islamiste».

La menace islamiste est intérieure, alimentée par la propagande en ligne ; elle est aussi extérieure, en provenance des théâtres d'opérations, au Sahel et au Levant. L'ennemi se transforme, change ses méthodes, ses moyens d'action et les lieux où il sévit. Il serait utile que vous reveniez sur l'évolution de cette menace ainsi que sur la coopération de la France avec ses partenaires étrangers, qu'ils soient européens, américains ou autres, au Sahel ou au Moyen-Orient.

Dans un récent entretien télévisé, vous avez évoqué la menace qu'à la fois l'ultragauche et l'ultra-droite font peser sur la sécurité nationale. Vous pourriez nous faire part de l'action de la communauté du renseignement en ce domaine.

Je termine en renouvelant, au nom de tous mes collègues ici présents, l'hommage rendu à l'ensemble des agents des services de renseignement qui, chaque jour, risquent leur vie pour assurer la sécurité des Français. Leur action est tellement discrète, sinon secrète, qu'il est rare de pouvoir leur rendre directement hommage. C'est grâce à eux que, depuis 2017, une trentaine d'attentats ont été déjoués, soit un attentat par mois. On n'en parle pas, pourtant ce sont autant de victoires sur l'ennemi, parfois invisible, contre lequel de nombreux agents continuent de se battre, au péril de leur vie.

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Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

Ma carrière est, en effet, plutôt celle d'un homme de l'ombre. J'ai notamment été directeur général de la sécurité intérieure avant d'être davantage dans la lumière, jusqu'au 15 juillet 2020.

La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme est une structure qui existe depuis 2008. À l'époque, elle était surtout chargée de faire remonter l'information au Président de la République : elle recevait les notes d'information de tous les services de renseignement, et était chargée de transmettre l'information utile. Les choses ont un peu évolué. En 2017, le Président de la République a souhaité donner à cette instance une dimension plus opérationnelle, même si elle ne dit pas complètement son nom. En plus de recevoir la production des services de renseignement, on nous demande de nous assurer que les services travaillent bien ensemble sur le plan opérationnel, dans des objectifs communs et, surtout, en partenariat étroit. Dans l'histoire du renseignement français, cela n'a pas toujours été le cas. Le Président de la République veille à ce que les services de renseignement travaillent sans qu'il y ait de trou dans la raquette. Sur des sujets comme la lutte contre le terrorisme, nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il en soit autrement. Y compris dans la lutte contre les ingérences étrangères en matière d'espionage, nous veillons à ce que les services partagent le plus possible leurs informations.

La mission d'origine de la coordination est toujours la même. Sa structure s'est étoffée et comprend quinze conseillers de haut niveau, qui viennent, pour la plupart, de services de renseignement et ont des expériences dans ce domaine. Nous recevons l'ensemble de la production des services de renseignement français – les six services spécialisés du premier cercle et les quatre principaux services du second. Cela nous permet de vérifier que les orientations qui sont données aux services de renseignement sont bien suivies notamment à travers de l'analyse de la production de notes.

Notre deuxième mission consiste, sur la base d'une évaluation globale des menaces sécuritaires élaborée avec les services de renseignement ( terrorisme, ingérence étrangère, protection économique, subversion violente, criminalité organisée), à rédiger avec la contribution des cabinets ministériels des documents de planification correspondant à leurs besoins en renseignements, et de vérifier qu'ils sont bien respectés par les services. Dans chaque domaine de recherche, nous fixons des besoins prioritaires à creuser.

Pour la lutte contre le terrorisme, l'objectif est simple : éviter des attentats, travailler sur la radicalisation de certaines mouvances idéologiques, car effectivement la menace terroriste évolue, à l'étranger comme sur le territoire national. Pour d'autres thématiques comme l'ingérence ou la protection économique, nous orientons l'action des services. Le sujet de la protection économique est beaucoup plus vaste. Certains secteurs français sont à protéger en priorité, car ils détiennent un savoir-faire, une maîtrise technologique qui suscitent des convoitises, donc des prédations de services étrangers, directement ou par l'intermédiaire de ce que l'on appelle des « proxis ».

Pour orienter l'action des services de renseignement, nous nous élaborons une stratégie nationale du renseignement (SNR), qui est un document que mon prédécesseur avait souhaité rendre public. Elle identifie les grands enjeux pour le renseignement, enjeux face aux menaces mais aussi défis en termes d'organisation et de fonctionnement. Elle peut être révisée autant que de besoin. Dans le cadre de cette stratégie, nous mettons régulièrement à jour le plan national d'orientation du renseignement (PNOR) qui s'alimente de réunions de travail avec les cabinets ministériels et des décisions prises au cours de conseils de défense et de sécurité nationale (CDSN) ou des conseils nationaux de renseignement (CNR). Le Président de la République a souhaité intensifier le mouvement de communication sur l'action des services de renseignement, dans le respect du secret de la défense nationale. Pierre de Bousquet avait commencé, et il me revient aujourd'hui de briser certains mythes sur ces services et de donner quelques indications sur certaines de nos orientations. Ces orientations sont une façon de se protéger : en donnant des informations sur l'adversaire, elles sensibilisent à ce qu'il est, à ses modes d'action – vous le savez, car les parlementaires sont aussi les cibles de certains services étrangers. Donner à voir ce que sont les services de renseignement est donc une façon de se protéger et de sensibiliser.

Outre les documents d'orientation, depuis 2017, s'appliquent des doctrines de travail partagées entre les services de renseignement, pour chaque thématique. Elles définissent des obligations de travail en commun, en échangeant des informations et partageant des objectifs. Ce n'est pas un hasard si le DGSE et le DGSI viennent parler ensemble devant cette commission – cela ne se faisait pas avant 2017. Dans les grandes thématiques – ingérence économique, contre-espionnage –, les deux directeurs travaillent sur la base de feuilles de route conjointes. Si l'un détecte une menace, il échange avec l'autre. Ils se répartissent les actions opérationnelles et échangent en permanence sur les actions qu'ils mènent. C'est ce que l'on retrouve dans les doctrines validées en Conseil national de renseignement présidé par le Président de la République et qui restent confidentielles. Thématique par thématique, elles encadrent les pratiques des services, notamment dans leur collaboration. Les documents sont élaborés avec les services, de manière à être le plus légitime et efficace possible.

Cette mission d'orientation consiste donc à rendre les choses fluides. De sa place, la coordination voit tout de suite s'il faut rappeler à l'ordre certains services. Nous savons immédiatement si deux services qui ont écrit des notes sur une même menace se sont parlé ou non. C'est l'occasion de faire des rappels à l'ordre ou de provoquer des réunions sur le dossier concerné, pour réorienter la répartition des rôles entre les services.

La troisième fonction de mon service est de suivre tous les aspects transverses aux services de renseignement. Nous suivons, avec Matignon, les textes législatifs et réglementaires qui concernent le renseignement. Nous sommes évidemment associés au travail en cours sur la loi relative au renseignement, dite loi Rens, et sur tous les sujets qui concernent l'antiterrorisme. Nous sommes associés aux questions budgétaires et de personnels des services de renseignement, et pilotons le travail sur la mutualisation des moyens techniques des services – la DGSE y joue un rôle majeur mais ces outils sont partagés entre les services. Nous nous intéressons aussi aux relations internationales. Nous étudions, par exemple, les conséquences de la jurisprudence Tele2, qui est un vrai sujet de préoccupation pour les services. Je suis certain que leurs représentants l'ont évoqué, et je le ferai à mon tour car l'arrêt est très préoccupant. Défendre une stratégie face à une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dont on pense qu'elle peut poser de gros problèmes en matière de renseignement et au plan judiciaire fait aussi partie de mes attributions.

Pour ce qui concerne l'état de la menace, la menace terroriste reste très présente. Il s'agit toujours de la menace islamiste sunnite, responsable des trente-trois attentats déjoués qu'a évoqués Mme la présidente. D'autres projets concernaient des mouvances d'ultradroite et d'ultragauche. Le DGSE et le DGSI ont sans doute évoqué le terrorisme d'État, qui demeure une préoccupation, même s'il n'est pas actif ces dernières années, y compris sur le territoire national. Certains États l'ont pratiqué par le passé, et n'ont pas abandonné leurs structures, qui font l'objet d'une surveillance étroite.

S'agissant du terrorisme islamiste sunnite endogène, le directeur général de la sécurité intérieure a dû vous dire que le maillage de la lutte opérationnelle antiterroriste dont la DGSI est le chef de file a révélé que les dernières attaques que nous avons subies sont le plus souvent le fait d'individus isolés, qui se radicalisent très vite et ne sont pas suivis par les services, ni connus en tant que tels. Ils donnent assez peu à voir leur radicalisation, ce qui donne lieu à débat après les attentats – il y a toujours quelqu'un pour s'interroger sur le point de savoir si on aurait pu détecter la radicalisation du Tchétchène qui a massacré Samuel Paty. En réalité, ce qui est donné à voir est toujours assez faible. Sur le territoire national, c'est la menace à laquelle on est confronté, celle d'un individu non connu des services, qui se radicalise vite et n'a plus de contact opérationnel avec des djihadistes sur zone, comme c'était encore le cas en 2016 ou 2017. Il faut le détecter très vite, alors qu'il n'y a pas de possibilité d'intercepter des conversations à défaut de connaître l'objectif. Au niveau national, le suivi de cette menace terroriste islamiste sunnite devient donc compliqué.

Au niveau international, les choses sont en train de se compliquer également. Il y a encore peu de temps, nous considérions que l'affaiblissement de l'État islamique et d'Al-Qaïda rendait les menaces projetées peu probables – ces mouvements n'ont plus la capacité de projeter une équipe comme ils l'avaient fait en novembre 2015. Nous continuons de le penser, sauf qu'une reconstitution de l'État islamique dans la clandestinité est en cours, qui inquiète. On voit qu'il se reconstitue dans le désert de la Badia, dans le Nord-Ouest syrien ou au nord de l'Irak. Dans certains territoires, plusieurs centaines de djihadistes mènent sur zone des attentats dirigés contre les forces syriennes, irakiennes ou kurdes, qui font des dégâts humains considérables –il y a eu deux attaques suicides au cœur de Bagdad. Nous savons que ces groupes ont des velléités de projection en Europe et sur le territoire national. C'est un sujet d'inquiétude qui mobilise beaucoup la DGSE et la DGSI, bien que celle-ci travaille sur le territoire national. On ne peut pas exclure que certaines de ces personnes, lorsqu'il s'agit de djihadistes français, continuent à avoir des relations avec le territoire national.

Autre élément d'inquiétude : la dissémination des djihadistes français – la plupart sont retenus dans des camps ou emprisonnés, mais on en sait certains en Turquie – et des djihadistes européens ou provenant d'autres zones. Il y a notamment eu de nombreux retours de ressortissants des pays des Balkans ou du Maghreb. Ils sont donc peu éloignés de nous. Du point de vue de la menace extérieure et du risque de projection, c'est aussi une préoccupation majeure. L'auteur de l'attaque de Vienne, début novembre, était en lien étroit avec des djihadistes provenant des Balkans, dont certains étaient allés sur zone et revenus dans leur pays. La menace exogène continue donc de préoccuper les services. Même si, je le répète, les attaques projetées sont peu probables, nous restons tout de même très vigilants.

Madame la présidente, vous avez évoqué à juste titre la montée de l'ultradroite. Il ne s'agit plus des mouvements traditionnels, que les services de renseignement connaissent bien – Action française, Œuvre française, Jeunesses nationalistes révolutionnaires, Génération identitaire, Bastion social. Certains sont suivis, dissous. Les dissolutions sont, en général, très efficaces ; les mouvements ne se reconstituent jamais véritablement. Christophe Castaner a ainsi dissous Bastion social, et Manuel Valls s'était occupé des Jeunesses nationalistes révolutionnaires et de l'Œuvre française, en 2013, après la rixe qui avait conduit au décès du militant d'ultragauche Clément Méric. Cette ultradroite traditionnelle s'inscrivait dans des processus démonstratifs violents – coup de poing avec les antifas, actions revendicatives dont le caractère violent peut faire tomber sous le coup d'une dissolution administrative. Certains des mouvements que j'ai cités, organisés en groupes de combat, ont été dissous pour violence sur la voie publique.

Ce que l'on voit actuellement, ce sont des groupes qui s'inscrivent directement dans la clandestinité sur des thèmes d'ultradroite – patriotisme exacerbé, antisémitisme, arguments antisystèmes, anti-institutions, antipolitiques, complotistes – et qui, assez rapidement, fomentent des actions violentes contre des institutions ou des intérêts musulmans pour le jour où il y aura un attentat. Ces groupes inquiètent, car ils essaient de recruter des personnes d'âge mûr. Souvent, ils sont armés légalement, au titre du tir sportif ou de la chasse. Depuis 2017, cinq groupes ont été démantelés, qui étaient assez structurés et dont certains avaient des objectifs précis. Pour l'un, l'enquête judiciaire a révélé que deux hommes politiques, actuellement présidents de groupe à l'Assemblée nationale, étaient visés. Ce n'était pas une plaisanterie : l'action avait été évoquée, même s'il n'y avait pas eu d'acte préparatoire. Un autre groupe voulait s'en prendre au Président de la République au moment des commémorations de novembre 2018. Il a également été démantelé.

Nous nous en inquiétons, car ce phénomène ressemble à ce qu'on voit dans d'autres pays, aux États-Unis ou en Australie, où l'ultradroite est responsable de la majorité des dernières attaques. La préoccupation, avec la menace d'ultradroite actuelle, c'est son organisation en clandestinité par exemple sur le mode du survivalisme – isolement, entraînement, parfois fabrication d'explosifs –, sa volonté de passer à l'action.

Quant à l'ultragauche, ses mouvements sont plus insurrectionnels, plus portés sur les dégradations. Néanmoins, fin 2020, pour la première fois depuis treize ans et l'affaire Coupat, une saisine a été faite en antiterrorisme sur un groupe d'ultragauche mené par un militant connu, qui s'était aguerri chez les Kurdes en Syrie où il s'était battu, qui vivait dans la clandestinité et préparait des projets d'action violente. Sur fond de subversion violente, on voit donc monter ces mouvements, qui sont inquiétants.

Les autres types de menace, moins connus mais toujours importants, qui mobilisent beaucoup les services de renseignement sont liés à l'ingérence de puissances étrangères – les directeurs généraux en ont certainement parlé. L'engagement dans des actions d'ingérence et d'espionnage de certaines puissances renvoie, pour certaines, à l'époque de la guerre froide. Très présents sur le territoire national, ces pays bien connus essayent d'y développer des relais ou d'approcher des personnes influentes ou au fait de sujets politiques ou technologiques. Certains s'intéressent beaucoup à l'armement, pour essayer de capter le maximum de savoir-faire.

En matière de protection économique, on retrouve la même volonté de prédation, par exemple à travers des stagiaires ou des salariés qui travaillent pour des intérêts étrangers. Chaque pays a ses modes opératoires, que nous finissons par connaître – encore faut-il détecter les personnes. La prédation économique peut aussi prendre la forme de prises d'intérêt dans des sociétés à haute valeur ajoutée, suivies de transferts et de volontés de délocalisation, ou encore de cyberattaques pour obtenir des technologies. Les ingérences sont un domaine extrêmement important pour les services de renseignement.

Une fois que les services détectent une ingérence, une entrave est lancée, qui peut prendre des formes très variées – rappel d'agents diplomatiques qui n'en sont pas vraiment, rappels à l'ordre entre services, judiciarisation. Cette dernière voie est celle que nous privilégions pour les ingérences, sur l'accusation de trahison pour un ressortissant français et d'espionnage pour un ressortissant étranger. La judiciarisation est de plus en plus utilisée comme une façon de se protéger.

La menace prend des formes de plus en plus variées. On parle, en particulier, de plus en plus de menaces hybrides. On a vu ces derniers mois, en période d'élections, en France et ailleurs, des manœuvres de désinformation, de manipulation de l'information. Chacun sait que cela existe, mais on sait peut-être moins qu'elles peuvent être orchestrées par des Etats. Il faut évidemment avoir cela en tête, et je le dis parce que les services documentent cette manipulation de l'information comme orchestrée parfois par des États étrangers, voire par des services de renseignement étrangers. Dans cette guerre de l'information, il nous faut sans doute apprendre à détecter mieux, beaucoup plus en amont, et également à mieux réagir : jusqu'à preuve du contraire, une des façons de contrer la manipulation de l'information est de rétablir un contre-discours. C'est actuellement une de nos préoccupations de progresser dans ce domaine, où les services de renseignement français n'ont pas développé une culture de l'action puisque ce qu'on leur demande, c'est de détecter une menace. Nous avons donc beaucoup de progrès à faire dans la réaction et l'élaboration d'une réponse adaptée à la menace laquelle ne relève pour le coup pas des services de renseignement.

En matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme, les coopérations internationales sont fondamentales. Nous veillons – et c'est vital à nos yeux – à ne jamais verser dans la coopération multilatérale ou la mutualisation du renseignement. Pour parler clairement, des velléités se font jour au sein des institutions de l'Union européenne, d'Europol, afin de capter le renseignement et de le mutualiser, ce qui, pour nous, serait suicidaire. Nous le répétons devant la représentation nationale chaque fois que nous en avons l'occasion. Le renseignement s'obtient par des ressources techniques, des sources humaines, à travers des partenariats avec des pays étrangers, et il existe une règle fondamentale dans les services de renseignement dite du tiers service : une information ne peut être partagée qu'avec l'accord de celui qui l'a communiquée.

Nous nous battons pour contrecarrer une proposition de la Commission européenne visant à ce qu'Europol puisse inscrire la liste de tous les noms des djihadistes étrangers qui nous sont donnés par nos partenaires sur le fichier Système d'information Schengen (SIS), de manière à ce qu'ils « matchent » où qu'ils se trouvent en cas de contrôle. Or les choses ne sont pas aussi simples : les services de renseignement doivent opérer un certain nombre de vérifications, être certains de leur identité ; nous avons des investigations à mener avant d'enregistrer ces personnes au SIS ce que nous faisons évidemment systématiquement une fois ces recherches effectuées. Il n'y aucun intérêt opérationnel à partager des données non vérifiées et donc non fiables.

La coopération entre services de renseignement existe, elle a même atteint un niveau inédit depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, mais dans un cadre bilatéral, qui peut certes être également multilatéral mais toujours intergouvernemental, c'est le cas du GAT en matière de contre-terrorisme.

En matière de coopération internationale, je n'ai pas les mêmes prérogatives que le DGSE et le DGSI dont les interlocuteurs, aux États-Unis par exemple, sont respectivement la CIA et le FBI. Le statut de mes homologues est, quant à lui, très variable : certains sont membres d'un gouvernement, comme c'est le cas en Allemagne avec un secrétariat d'État ; aux États-Unis, le Director of National Intelligence (DNI) a le même statut que moi. Quoi qu'il en soit, nous laissons tout ce qui relève du domaine opérationnel aux services.

La jurisprudence Tele2 nous inquiète beaucoup. La Cour de justice de l'Union européenne a rendu, le 6 octobre 2020, une décision en réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat français s'agissant de la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion. A l'heure actuelle, les opérateurs de communication électroniques et les fournisseurs d'accès à internet sont tenus de procéder à une telle conservation pendant une durée d'un an mais, si cette décision devait être appliquée, cela ne serait possible que dans certaines conditions, très restrictives. Nous attendons la décision du Conseil d'État, qui demeure saisi du contentieux au fond, avec un peu d'inquiétude. Les données de connexion et de géolocalisation sont, en effet, les outils de base des services de renseignement et de la police judiciaire. Il sera toujours possible de les conserver mais il faudra qu'une situation de menace grave sur la sécurité nationale, réelle ou prévisible soit caractérisée. Or cela sera très difficile pour nous puisque les services de renseignement travaillent précisément à la prévention des menaces à partir de signaux faibles, alors que celles-ci ne sont pas encore avérées.

En outre, nous avons la crainte que certaines des finalités du renseignement ne puissent être rattachées à la sécurité nationale telle qu'elle est définie par la Cour de justice. Ce pourrait être le cas de la protection économique et des subversions violentes. Il n'est pas sûr que les manifestants violents qui font dégénérer les manifestations puissent être regardés comme une menace pour la sécurité nationale. Par ailleurs, si on suit l'arrêt de la Cour, la géolocalisation en temps réel ne serait plus possible qu'en matière de terrorisme alors qu'elle est principalement utilisée dans bien d'autres domaines. Dans le domaine judiciaire, la situation serait encore pire puisqu'il ne serait possible de conserver les données de connexion que pour les infractions les plus graves, qui devraient être définies à l'avance, et uniquement dans certains secteurs géographiques ou pour certaines catégories d'individus.

Enfin, la coordination s'étend au-delà des services de renseignement, conformément à ce qu'a souhaité le Président de la République, en englobant les services de police judiciaire, eux aussi concernés par l'antiterrorisme, car ils participent au quotidien à la prévention de la menace et au renseignement. C'est d'ailleurs à ce titre que, comme d'autres services, ils doivent solliciter du Premier ministre l'autorisation d'utiliser des techniques de renseignement et qu'ils sont soumis, à cette occasion, au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Avant 2017, une telle coordination n'existait pas. C'est une avancée très importante à laquelle je tiens particulièrement. Lorsque des groupes d'ultradroite ou d'ultragauche partent s'entraîner dans des campagnes, en zone de gendarmerie, tous les services peuvent travailler ensemble. Nous sommes attachés à un tel mode de fonctionnement, qui participe du décloisonnement des services au profit de la sécurité des français. Si certaines réformes de structure peuvent être utiles lorsque nécessaires, il nous semble plus important de parvenir à faire travailler tout le monde sur un objectif commun.

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Pourriez-vous revenir sur la différence entre « confidentiel défense » et « secret défense » ?

Si la DGSE et la DGSI, parfois, ne sont pas parvenues à travailler ensemble, le même reproche a été formulé à l'endroit du RAID et du GIGN. Votre mission consiste-t-elle également à réfléchir à l'organisation régionale des deux services ? La coordination de la prévention et des actions opérationnelles devrait-elle relever de vos attributions ?

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En France comme ailleurs, des organisations promeuvent des idéologies extrémistes visant à déstabiliser nos institutions démocratiques. Bien que la lutte contre le terrorisme islamiste demeure, à juste titre, la priorité de vos services, la montée d'un terrorisme d'ultradroite et d'ultragauche doit cependant nous inquiéter. À Hanau, en Allemagne, dix personnes ont ainsi perdu la vie ; dans le Puy-de-Dôme, trois gendarmes ont été assassinés, et des affrontements ont lieu régulièrement avec les forces de l'ordre en marge des manifestations.

Pour la première fois depuis 2008, la qualification d'association de malfaiteurs terroriste a été retenue à l'encontre de sept militants d'ultragauche soupçonnés de s'être préparés à commettre une action violente. Dans un climat anxiogène, les réseaux sociaux, souvent manipulés par des puissances étrangères, bombardent des citoyens déboussolés de discours complotistes, extrémistes, voire insurrectionnels. Le Président de la République a, quant à lui, qualifié le mouvement des « gilets jaunes » et le récent assaut du Capitole américain de « nouvelles violences dans nos démocraties ».

Toutefois, à la différence du terrorisme islamiste, il est difficile de relier l'ensemble de ces individus à des organisations précises. En l'absence de preuve d'appartenance à une organisation terroriste connue, les juges ne peuvent se fonder que sur la seule gravité des faits pour retenir le motif de terrorisme. Or, souvent, elle ne constitue pas à elle seule un motif suffisant pour qu'il en soit ainsi.

Pour vos services, comment distinguer liberté d'expression, aussi extrême fût-elle, et entreprise terroriste « visant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » ?

Sans préjuger de la tâche complexe incombant aux magistrats, pensez-vous que l'arsenal juridique antiterroriste soit suffisant pour prendre en compte l'émergence d'un nouveau terrorisme politique, qui se coordonne à travers les réseaux sociaux et qui tend à déstabiliser nos démocraties en visant des cibles institutionnelles ?

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Face à la menace terroriste, l'ennemi, bien que multiple, reste le même à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières.

Le terrorisme est aussi au carrefour de plusieurs criminalités, dont il se nourrit, ce qui suppose de nombreuses interactions entre, par exemple, la défense nationale et la police nationale. Lors des assises territoriales de la sécurité intérieure, à la veille de la finalisation du Livre blanc, j'avais déjà eu l'occasion de regretter que le rôle des services de renseignement et de nos armées ne soit pas mieux pris en compte dans nos textes afin de mieux intégrer ces derniers à ce que la loi a fini par appeler la « sécurité globale ».

Je ne veux pas minimiser les échanges d'informations qui ont lieu entre services, car ceux-ci font un travail remarquable, auquel je rends hommage, mais compte tenu des différences de culture, ne peut-on craindre une différenciation, voire, un cloisonnement du traitement des renseignements ? Comment conjuguer de telles différences et un manque formel de connexion, étant entendu que le Parlement ne dispose que de peu d'éléments ou de moyens d'évaluation ?

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Je vous remercie d'avoir rappelé que le renseignement est une politique publique, que vous avez fort bien décrite, avec ses documents d'orientation, son plan national d'orientation du renseignement, la CNRLT, etc. Vous avez également rappelé les progrès considérables qui ont été accomplis pour faire travailler les services – et au-delà –ensemble, à travers des échanges d'informations dont ils n'avaient pas forcément l'habitude.

La menace terroriste présente deux nouveaux aspects inquiétants : le nombre d'auteurs potentiels et leurs profils. Les sept derniers auteurs d'attaques terroristes n'étaient pas fichés par les services de renseignement ; ils se sont radicalisés très rapidement ; un certain nombre d'entre eux étaient jeunes ou avaient des problèmes psychiques.

À cela s'ajoute le nombre de personnes incarcérées pour fait de terrorisme, apologie du terrorisme, ou qui se sont radicalisées au contact de ces détenus et qui s'apprêtent à sortir de prison. En quoi de nouvelles techniques, comme les algorithmes, sont-elles susceptibles de traiter cette menace ? Quel travail est-il possible de mener en collaboration avec les psychiatres ?

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Des casseurs sont désormais infiltrés dans quasiment toutes les manifestations importantes. Vous l'avez dit dans un entretien récemment paru dans Le Figaro, leur méthode consiste à faire dégénérer les manifestations en s'en prenant aux forces de l'ordre et aux biens. Chaque fois, les Français s'interrogent : pourquoi les forces de l'ordre ont-elles tant de mal à faire cesser ces violences ?

Pourriez-vous nous indiquer le nombre de casseurs identifiés et suivis par les services de renseignement ? Pourriez-vous dresser le portrait-robot de ces individus ? Une interdiction administrative de manifester, très encadrée, prise par le préfet, serait-elle une réponse pertinente afin de mettre un terme à ces scènes de guérillas urbaines ? Je pense également à l'article 3 de la proposition de loi de nos collègues sénateurs visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, censuré par le Conseil constitutionnel en raison de sa rédaction trop imprécise.

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Vous avez abordé la question de la menace en provenance de l'ultradroite qui, me semble-t-il, n'a guère été évoquée lors de l'audition du DGSE et du DGSI. Selon les auteurs de La Poudrière, 2 500 à 3 000 personnes la composent, d'après une note de 2004 des renseignements généraux. Confirmez-vous ces chiffres ? Quelle en est la dynamique ?

Ce phénomène inquiétant, sans minimiser les autres menaces, est souvent un peu minoré dans le débat public alors qu'à vous écouter, il n'en est pas moins réel. Qui plus est, ces gens sont souvent exercés au maniement des armes, ce qui n'est pas toujours le cas par ailleurs. Au-delà de leur nombre, vos services semblent considérer qu'ils ont une réelle influence, notamment à travers les réseaux sociaux.

Quel bilan faites-vous de l'opération Barkhane dans la lutte contre le terrorisme ? Quels en sont les apports en matière de renseignement ?

Vous avez également évoqué la menace que représentent certains États – Russie, Chine… – et nous avons tous compris que la guerre froide était, d'une certaine façon, de retour. Comme nous l'avons vu avec le dossier Alstom, les États-Unis ne se montrent pas non plus particulièrement amicaux en matière industrielle – c'est un euphémisme. Comment éviter de telles pressions visant à mettre à mal des outils indispensables à notre indépendance économique ?

Enfin, l'anticipation d'une épidémie entre-t-elle dans vos missions ? Nous constatons à quel point la pandémie de covid-19 a des conséquences économiques, stratégiques ; combien un État peut être déstabilisé par un phénomène originellement sanitaire. Disposez-vous d'outils en la matière ? Est-il possible d'en développer ?

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Au mois de décembre, près d'Ambert, à quelques encablures de mon domicile, trois gendarmes ont été tués. Le « trou dans la raquette » me semble, en l'occurrence, patent. Sur ce territoire, le maillage de la gendarmerie est pourtant correct : proximité, renseignement, les gendarmes font bien leur travail. Or l'assassin était inscrit dans un club de tir – d'ailleurs éloigné de son domicile, ce qui interroge –, détenait des armes de guerre et les maîtrisait parfaitement, au point que l'on peut se demander s'il avait reçu un entraînement spécifique : il a tout de même tué trois gendarmes très protégés, vêtus de gilets pare-balles, et qui sont intervenus en respectant tous les protocoles de sécurité. Un problème de coordination s'est sans doute posé avec les services judiciaires mais comment se fait-il qu'un tel individu, qui faisait, en outre, l'objet de plaintes pour violences conjugales, soit passé à travers les mailles du filet ? La population locale est inquiète et les élus locaux s'interrogent.

J'ajoute que, dès le lendemain, des sites d'ultradroite, et même nazis, ont glorifié cet individu, ce qui donne envie de pleurer ou de vomir. Sa sépulture, pour certains, pourrait devenir un lieu de pèlerinage où honorer le héros…

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Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

À la coordination entre le GIGN et le RAID, il faut ajouter un autre acteur, à Paris : la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de la préfecture de police. Depuis le quinquennat précédent, une planification des forces d'intervention sur l'ensemble du territoire national a été prévue en cas d'attaque violente. Ces unités sont déployées de manière à être à moins de vingt minutes d'un lieu possible d'intervention et à pouvoir agir de façon coordonnée, ce qui passe par des exercices communs. À ma connaissance, aucune difficulté particulière n'a été constatée. Le RAID et le GIGN ont appris à travailler ensemble, de même que le RAID et la BRI à Paris. L'ensemble des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie est désormais également formé à la primo intervention, de même que des forces intermédiaires comme certaines brigades anticriminalité (BAC) et les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie classés Sabre (Psig Sabre).

Le « secret défense » constitue une protection supérieure par rapport au « confidentiel défense » : informations très confidentielles en matière de contre-espionnage, d'organisation d'un service, etc. Les règles de protection sont beaucoup plus fortes que pour les documents ou informations « confidentiel défense », dont la diffusion peut être un peu plus large, uniquement bien sûr auprès de personnes habilitées. J'ajoute que ces classifications seront révisées à partir du 1er juillet. Je manipule bien évidemment des notes « secret défense » mais un service de renseignement n'en produit que quelques-unes, lorsque les destinataires d'informations très sensibles sont peu nombreux : par exemple, sur un plan opérationnel, des informations en provenance d'une source humaine, laquelle doit être impérativement protégée, et sur des thématiques très sensibles. Le « confidentiel défense » est en quelque sorte le droit commun de la classification.

Dans les services de renseignement, importe également ce que l'on appelle le « besoin d'en connaître » : une personne habilitée à consulter des documents classifiés n'a pas à tout connaître. C'est d'ailleurs pourquoi il n'est pas possible d'organiser des réunions de service avec tout le monde, où serait évoqué l'ensemble des dossiers.

L'arsenal judiciaire antiterroriste me paraît suffisant. Adapter la réglementation antiterroriste dans un sens plus restrictif en raison de la présence accrue de mouvements ultras pourrait être vu par certains, politiquement, comme une forme de criminalisation de l'opposition. Si la liberté d'expression est totale en France, l'apologie du terrorisme ou l'incitation à passer à l'acte n'en font pas partie et nous avons déjà des possibilités d'action lorsque tel est le cas. Il est vrai que nous nous intéressons moins aux structures qu'aux actes. Il y a une définition très précise du terrorisme qui permet, dans certaines conditions, de qualifier de terroriste un individu seul qui voudrait passer à l'action. Quelques ajustements seront discutés dans les semaines à venir mais l'ensemble des dispositions me semble suffisant.

Comment s'assurer que les services conjuguent bien leurs différences ? C'est précisément notre rôle, qui est couvert par le secret de la défense nationale. Je peux donc vous dire que cela fonctionne correctement mais vous n'êtes pas obligés de me croire ! C'est même votre rôle de ne pas me croire et de contrôler le travail de l'exécutif. À cet égard, la délégation parlementaire au renseignement peut mener des investigations assez poussées. D'autres organes de contrôle, tels que la Cour des comptes, se montrent aussi vigilants : des doublons existent-ils ? La coopération est-elle satisfaisante ? La politique publique du renseignement est, en définitive, l'une des plus contrôlées. Même si ces contrôles représentent une contrainte, notamment en termes de temps, pour les services, ils l'acceptent comme une condition de l'acceptation par nos concitoyens de techniques très intrusives, dont il faut s'assurer de la proportionnalité avec les impératifs de protection de la sécurité nationale.

Effectivement, des individus situés dans le « bas du spectre », et même inconnus, passent à l'action. L'attaque de la rue de l'Opéra au mois de mai 2017 ou celle de Trèbes près de Carcassonne, en mars 2018, sont le fait d'individus connus des services, mais au titre de l'appartenance à un réseau dont ils étaient en bas du spectre. Cela pose effectivement la question des algorithmes capables de détecter, à partir des données de connexion des utilisateurs, des contacts ou des déplacements suspects d'individus connus ou non, une menace. À titre personnel, je pense qu'il s'agit d'une technique d'avenir en matière de renseignement, même si je comprends qu'elle puisse poser des problèmes éthiques et juridiques dont la représentation nationale doit débattre. Il faut vraiment convaincre de l'utilité de cet outil, que l'évolution de la menace rend indispensable. Vous pourrez en juger au vu du bilan qui sera tiré de l'expérimentation d'un certain nombre de techniques qui avait été prévue dans la loi de 2015.

Le suivi des individus radicalisés atteints de troubles psychiatriques ou comportementaux constitue un véritable enjeu. La plupart des auteurs d'actes terroristes souffrent de difficultés psychologiques. Pour les auteurs de trois des sept dernières attaques sur le territoire national, elles étaient même d'ordre psychiatrique. Les échanges entre les mondes de la psychiatrie et du renseignement doivent donc progresser, mais le secret médical rend les choses compliquées. La matière est sensible ; il faut en discuter. S'agissant d'un individu connu pour être radicalisé interné en psychiatrie, il ne serait pas choquant que, lors de sa sortie ou de la rupture de son traitement, le chef d'établissement ou le médecin puisse prévenir l'autorité de renseignement : dans le cas d'une ou deux attaques, cette information aurait pu être utile.

Il n'est pas si simple d'empêcher des infiltrés d'entrer dans les manifestations. Il faut avoir le courage de le dire, aucun pouvoir n'a fait mieux qu'un autre. Je n'ai jamais vu qu'on intercepte des gens sur la seule foi d'une information selon laquelle ils sont connus par un service de renseignement pour leur appartenance à une mouvance. Rien ne dit qu'ils vont causer des troubles pour autant. En revanche, quand les informations concernent l'intention de groupes connus de venir pour commettre des exactions, on les empêche d'accéder, quand on le peut, soit par des contrôles d'identité organisés par le procureur, soit parce qu'on les trouve porteurs d'engins, par exemple. Des individus connus qui se donnent rendez-vous, cela constitue un élément d'ambiance pour les services de sécurité publique, mais il reste très compliqué de les contenir à l'extérieur de la manifestation. Il y a des règles à respecter.

D'autant qu'à Paris, où la mouvance de l'ultragauche la plus dure regroupe peut-être un millier personnes, on a vu, dans les manifestations les plus récentes, d'autres individus s'agréger à ces groupes et adopter les mêmes comportements. Ce sont, par exemple, ceux que nous désignons comme les ultrajaunes, des individus appartenant au mouvement des « gilets jaunes », qui sont très radicalisés plutôt que revendicatifs, mais qui ne sont pas connus.

Je ne dis pas que l'on ne peut rien faire : lorsque l'on sait que cela va être très chaud, que ces individus viendront pour commettre des exactions, on peut évidemment intervenir.

En 2019, j'avais défendu, en tant que secrétaire d'État, la possibilité de prononcer une interdiction administrative de manifester. Juridiquement complexe, cette mesure n'a pas été retenue. Reste l'interdiction judiciaire, que la représentation nationale avait trouvée plus rassurante et plus protectrice des libertés. De fait, l'interdiction administrative se fonde sur des troubles éventuels, alors que l'interdiction judiciaire repose sur la commission de ceux-ci. Encore faut-il qu'elle soit mise en œuvre.

L'ultradroite, à laquelle le livre La poudrière est consacré, a été désignée comme une menace dès 2016 par mon prédécesseur à la DGSI, Patrick Calvar, notamment les groupes qui s'organisent par rapport à la menace islamiste et qui sont susceptibles de passer à l'action. Quatre de ces groupes qui voulaient passer à l'action violente ont été démantelés depuis 2017 par la DGSI, un autre l'ayant été par la gendarmerie. Il ne s'agit donc vraiment pas d'une menace que nous minimisons, pas plus que celle que représente l'ultragauche, dont les ressorts et les motivations sont différents.

La crainte, vis-à-vis de ces groupes, c'est qu'un ou plusieurs individus en leur sein aient envie d'aller plus vite et de passer à l'action. C'est ce qui nous a incités, lorsque j'étais directeur de la DGSI, à lancer, sous l'autorité du parquet de Paris, une procédure judiciaire pour en démanteler deux. Nous redoutons particulièrement un scénario à la Breivik ou Christchurch, d'un individu isolé, et nous surveillons les réseaux sociaux, sur lesquels ces groupes sont très présents.

Il est difficile d'évoquer l'opération Barkhane sans penser aux cinquante et un militaires de la force qui sont morts pour la France ou ceux de l'opération Serval avant eux, mais le bilan est quand même positif : nous avons empêché le Mali de tomber aux mains des djihadistes et de devenir un foyer à partir duquel ils attaqueraient les intérêts français dans la zone, l'Europe et le territoire national – car tel est bien leur but. Je doute de la possibilité d'attaques projetées depuis le Sahel, mais il faut tout de même faire attention : il y a eu quelques djihadistes français au Sahel, les groupes n'ont pas été éradiqués et ils ont des velléités d'extension vers le Sud. C'est pourquoi le Président de la République a appelé à ce que les pays de la zone montent en puissance et à ce que nous soyons accompagnés par davantage de partenaires : c'est la réflexion qui va s'ouvrir à N'Djamena.

À propos des ingérences, j'ai évoqué la guerre froide en référence certes à la Russie, mais également à la Chine, à la Turquie et, évidemment, aux États-Unis, qui pratiquent l'ingérence entre alliés sous d'autres formes – leurs règlements en matière d'extraterritorialité constituent de véritables difficultés pour nos entreprises. En la matière, nous avons beaucoup moins d'alliés qu'en matière d'antiterrorisme.

Anticiper l'épidémie fait-il partie du job des services de renseignement ? Tout est du ressort du renseignement dès lors qu'une menace est susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. La déstabilisation engendrée par la crise sanitaire est dans ce registre. Même si l'entrave ne peut pas répondre à un virus, il nous faudra tirer les enseignements de ce phénomène inédit.

L'affaire évoquée par le président Chassaigne interpelle. Elle ne m'est pas remontée puisqu'il ne s'agit pas d'une action terroriste, mais d'après ce que le procureur du Puy-de-Dôme et ses compagnes successives ont dit de l'auteur des faits, en particulier son adhésion au complotisme et au survivalisme, cet individu avait tout à fait le profil pour intégrer une des cellules dont j'ai parlé. Il y a donc une réflexion à avoir, et nous ne l'éluderons pas, sur les capteurs locaux. L'organisation du renseignement en gendarmerie, qui fait de chaque gendarme un capteur, est, selon moi, assez performante. Mais il y a eu des plaintes, il a tué trois gendarmes ; il aurait pu être dans une mouvance. Il faut savoir si les capteurs de proximité ont ou non fonctionné. Que connaissait-on de lui ? Surtout, que donnait-il à voir de sa forme de radicalité ? Je n'éluderai pas ce travail de retour d'expérience.

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L'anticipation, l'analyse et le suivi sont les trois conduites qui permettent d'appréhender les mouvements sociaux et sociétaux opérant sur notre territoire. Dans cette perspective, la connaissance de la vie locale par les différents services de renseignement est primordiale.

S'ils doivent respecter strictement les règles de protection du secret de la défense nationale, peut-on néanmoins imaginer une action de coordination avec les élus locaux impliquant plus de transparence et davantage d'échanges d'informations, notamment en matière de lutte contre le terrorisme ? Lorsque j'étais maire, j'ai parfois été gêné par l'absence d'informations sur ma commune.

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Pensez-vous utile, voire nécessaire, d'élargir aux agents du renseignement pénitentiaire la possibilité de recourir à une identité d'emprunt ou à une fausse qualité, déjà offerte à ceux des services du premier cercle ?

Quels champs d'investigation un tel élargissement pourrait-il leur ouvrir ? En quoi pourrait-il leur être utile ?

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D'indéniables progrès ont été accomplis, au niveau central, en matière de coopération interservices dans le domaine de la lutte antiterroriste. Les résultats sont là, puisqu'une soixantaine d'attentats ont été déjoués depuis 2015. Vous transmettrez nos félicitations aux services.

Toutefois, des améliorations semblent encore possibles au niveau territorial, puisque les délégués militaires départementaux (DMD) ne seraient pas toujours conviés aux réunions hebdomadaires de sécurité tenues par les préfets, alors que 30 000 militaires sont déployables sur le territoire national sur court préavis.

Avez-vous eu vent de telles difficultés ? Seule une directive du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme permettrait, à mon sens, d'y remédier.

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J'ai lu plusieurs articles sur un « djihadisme des champs » : des personnes assez isolées, vivant en milieu rural, de nationalité française, sans liens familiaux avec la culture arabo-musulmane, en détresse sociale se convertissent pour partir faire le djihad ou commettre des attentats sur le territoire national. Nos services seraient quelque peu déboussolés face à ce nouveau visage d'un terrorisme endogène d'inspiration islamiste, que l'on pourrait rapprocher de l'appel d'Al-Qaïda lancé à des loups solitaires pour commettre des attentats en France. Quelles pistes suivent-ils pour essayer de les appréhender ?

Par ailleurs, Gilles Kepel a récemment relevé que le discours des Mureaux n'avait même pas été traduit en langue arabe et que lorsqu'il l'a été, l'expression « islamiste radical » a été traduite par « musulman » : il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, que dans le monde musulman, la France soit accusée de s'attaquer à l'islam. Disposez-vous de suffisamment de moyens pour lutter contre ce terrorisme islamique, notamment des personnels ayant une connaissance parfaite de la langue arabe ?

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Je reviens sur l'arrêt Tele2 de la Cour de justice de l'Union européenne de 2016, qui vient d'être confirmé au mois d'octobre par d'autres arrêts. La Cour estime que la directive s'oppose à ce que des mesures législatives imposent aux fournisseurs de services de communications électroniques une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et à la localisation. Si la Cour lit cette directive à la lumière des droits fondamentaux, une telle évolution entrave en quelque sorte le travail de notre renseignement, même s'il est aujourd'hui possible de recueillir de telles données lorsque les personnes sont bien identifiées.

Cette directive doit être remplacée par un projet de règlement en discussion depuis quatre ans au niveau européen. Lors du Comité des représentants permanents (COREPER) qui aura lieu demain, le Conseil sera, semble-t-il, invité à soutenir le projet de compromis préparé par la présidence portugaise. Quelle appréciation portez-vous sur celui-ci ?

La même présidence affirme que le changement le plus important est la réintroduction de la possibilité de traiter les métadonnées des communications électroniques et d'utiliser les capacités de traitement et de stockage de l'équipement terminal des utilisateurs finaux, y compris en collecte des informations en vue d'un traitement compatible ultérieurement. Ce compromis, tout d'abord refusé par la présidence allemande, constitue-t-il, selon vous, une porte de sortie, la question de la conservation, qui selon la Cour serait possible pour une période limitée éventuellement prolongée en cas de menace sur la sécurité publique, continuant de se poser ?

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Puisque vous avez déjà abordé la question, je veux simplement dire que le terrorisme du coin de la rue, c'est-à-dire la menace terroriste que représentent des individus isolés servant des causes d'ultragauche ou d'ultradroite, se livrant à des actes qu'il est difficile d'anticiper et dont la montée en puissance est exponentielle m'inspire une réelle inquiétude que partagent nombre d'élus locaux, notamment dans les territoires ruraux.

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Les ingérences de puissances étrangères sur les réseaux sociaux dans les pays démocratiques, notamment au cours des campagnes électorales et des élections, en influencent certainement les résultats : quelles actions menez-vous ou souhaiteriez-vous mener les concernant ?

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Thématiques classiques du renseignement, l'espionnage et l'ingérence restent des menaces particulièrement prégnantes, qui mobilisent beaucoup nos services de renseignement. La France constitue une cible privilégiée pour les puissances et les structures étrangères, notamment pour les pouvoirs turc ou qatarien, qui cherchent à s'approprier nos savoir-faire et se livrent à des opérations de manipulation de l'information. Il semble que ces tentatives d'infiltration soient de plus en plus fortes et offensives : quelle adaptation structurelle induisent-elles pour nos services de renseignement ?

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Pouvez-vous nous donner des précisions sur le profil des individus qui composent la mouvance de l'ultragauche ? Quelles sont leurs nouvelles cibles ?

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Le 11 janvier dernier, l'émetteur TDF des Cars, situé en Haute-Vienne, dans ma circonscription, a fait l'objet d'un incendie criminel revendiqué par un mouvement anti-5G issu de l'ultragauche. Cette attaque a notamment touché la télédiffusion de la télévision numérique terrestre (TNT), les télécommunications mobiles civiles des services d'incendie et de secours et de nos forces de sécurité intérieure, mais également celles de l'armée, et plus particulièrement de l'aviation.

Cette menace pesant sur notre souveraineté est en recrudescence : en trois ans, 180 émetteurs hertziens, dont 43 appartenant à TDF, ont subi des dégradations. Du fait de leur caractère stratégique, leur sécurité fait l'objet d'une convention de protection et de prévention des actes terroristes liant TDF à certains services. Cette convention concerne-t-elle des moyens du renseignement ?

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Les gens suivis au titre du fichier S en sont souvent informés, car leur signalement leur vaut d'être arrêtés dans les aéroports par d'autres services de douane ou de police que les nôtres. Cela arrive également à ceux dont le fichage résulte de leurs activités politiques et militantes en France. S'agit-il d'une anomalie de notre système ?

Beaucoup des parlementaires impliqués dans les questions de défense ou de géopolitique ont été exposés à des ingérences étrangères. Celles-ci prennent parfois la forme de demandes, de plus en plus nombreuses, de signature de pétitions en rapport avec des conflits notamment entre différents pays du Golfe, émanant de lobbyistes dont certains ont des idées politiques mais d'autres sont clairement instrumentalisés, voire payés. Cela me pose un vrai problème.

Enfin, je veux faire entendre la voix d'un honnête tireur sportif. L'armée, dans sa communication, notamment pour les forces spéciales, met souvent en avant des stages survivalistes ou des incitations au tir sportif. Notre pays compte d'ailleurs des champions dans cette discipline. Les individus correspondant aux profils d'ultradroite que vous avez dressés, dont je ne remets pas du tout en cause la dangerosité, sont parfois inscrits de manière légale mais détiennent souvent illégalement des armes, dont le nombre en France s'élève à plusieurs dizaines de millions.

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La guerre informationnelle devient aujourd'hui un champ de conflictualité : comment entraver, voire contrer, l'ingérence étrangère en la matière ? Les services participent-ils à la guerre de l'information ? Devraient-ils y participer davantage ?

Outre l'ultragauche et l'ultradroite, existe-t-il une menace terroriste écologiste ou ultra-animaliste ?

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On parle de plus en plus des cryptomonnaies, qui sont un moyen de fluidifier les circuits financiers. Elon Musk a annoncé la semaine dernière qu'il allait acquérir 1,5 milliard de dollars de bitcoins. Cette évolution va-t-elle ajouter à votre travail ? Vous inquiétez-vous de ce que ces plus-values latentes peuvent enrichir des structures terroristes ?

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Une soixantaine de détenus condamnés pour terrorisme doivent sortir des prisons françaises dans l'année. Comment comptez-vous les gérer ? Quelles sont les mesures appliquées par la coordination nationale du renseignement pour lutter contre la radicalisation ? A-t-on des statistiques sur le risque de radicalisation en prison ?

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Je pose cette question au nom de Mme Monica Michel. M. Bernard Émié, directeur de la DGSE, a indiqué que le terrorisme international a désormais deux épicentres : dans la zone irako-syrienne et au Sahel. Le risque d'attentat projeté depuis la région sahélienne est de plus en plus prégnant. Ce constat a-t-il été dressé par la CNRLT ? Cette nouvelle priorité justifie-t-elle l'adaptation des moyens techniques et humains de nos services de renseignement ?

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Le groupe chinois Huawei va s'implanter – c'est désormais officiel – à proximité de bases françaises et européennes, à Brumath, près de Strasbourg, dans le Bas-Rhin. Si les enjeux économiques et les perspectives d'embauches sont réels, on peut aussi nourrir des craintes d'espionnage. Plusieurs pays ont refusé l'installation de l'entreprise chinoise sur leur territoire pour cette raison. Quelle appréciation portent vos services sur l'implantation en France d'une entreprise à la réputation sulfureuse ? Plus généralement, nos services de renseignement sont-ils attentifs à l'implantation d'entreprises étrangères qui travaillent sur des produits de haute technologie et sont en mesure de piller nos technologies sensibles, militaires ou civiles ?

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Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

La coordination avec les élus locaux en matière de lutte contre le terrorisme est une question complexe. Je l'ai vécue des deux côtés, comme chef d'un service de renseignement et comme préfet de police. Depuis une circulaire signée par Christophe Castaner à son arrivée au ministère de l'intérieur, les préfets ont un devoir d'information des maires. Auparavant, on recommandait d'informer les maires qu'une personne était connue des services de police comme étant radicalisée lorsqu'elle travaillait dans les services municipaux ou était susceptible d'être embauchée, ou lorsque la mairie était sollicitée pour mener des actions de suivi des personnes radicalisées. L'information était donc circonscrite à des cas assez limités, et n'était délivrée qu'après l'autorisation du procureur. Il y a donc déjà une avancée.

Informer le maire de la présence de tous les individus suivis dans la commune me paraît risqué. Je ne doute pas de la relation de confiance existant entre le préfet ou le sous-préfet et le maire, mais seuls les services spécialisés ont à connaître des actions opérationnelles pouvant être menées. Le dispositif qui a été institué en 2019 doit être réellement appliqué, ce qui, si j'en juge par les interventions du président de l'Association des maires de France, n'est pas toujours le cas. Je rappelle que le maire doit être informé dans trois cas : lorsqu'il doit recruter une personne connue de nos services ; lorsqu'on le sollicite pour l'attribution d'une prestation, pour aider quelqu'un à se sortir de la radicalisation ; quand il signale un individu radicalisé, il doit avoir le retour sur ce signalement. Le champ ainsi couvert par la circulaire Castaner de 2019 me paraît suffisamment large.

Les services dits du premier cercle peuvent recourir à des identités d'emprunt et aller jusqu'à se faire délivrer de « vrais faux » documents d'identité. Les services du deuxième cercle, dont font partie les agents du renseignement pénitentiaire, souhaitent pouvoir emprunter, eux aussi, d'autres identités. Je suis ouvert à cette proposition. J'ai toutefois constaté lors d'entretiens récents qu'ils ne demandent à bénéficier de « vrais faux » documents qu'en cas de réelle nécessité. Ce n'est pas rien, en effet, de créer ce genre de titre d'identité et cela doit être contrôlé. Ces agents ont parfois besoin de faire usage d'un autre nom, au moyen, par exemple d'une carte professionnelle. Je suis plutôt favorable a priori à leur demande, et nous allons y travailler. Les services juridiques du ministère de l'intérieur, qui gèrent les titres d'identité, exigent un dispositif de traçabilité et de suivi : l'intéressé devrait indiquer pourquoi il requiert un autre titre d'identité, justifier du caractère indispensable de sa demande ; surtout, il faudrait déterminer qui détruit le titre et à quel moment. Cette faculté doit être encadrée de la même façon que pour les services du premier cercle. Nous y travaillons avec le ministère de l'intérieur.

Les GED doivent normalement réunir tous les acteurs, parmi lesquels les antennes de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Chaque fois que l'on discute, au sein d'un GED, de la situation d'un individu qui est, de près ou de loin, lié aux armées, la DRSD doit être associée. On rappellera cette instruction. Dans les faits, lorsque le préfet a connaissance de ce type de cas, il associe le DMD. Tout ne se passe pas lors des GED, les DMD participent aux réunions « sécurité » des préfectures (EMS)..

Je n'ai pas eu de remontée des services au sujet du « djihadisme des champs ». J'imagine qu'il s'agit de personnes isolées à la campagne, se radicalisant seules. Si, par leur comportement, elles manifestent extérieurement leur radicalisation, cela les rend plus détectables.

Nous avons beaucoup d'arabisants dans les services de renseignement, mais, pour d'autres langues, nous devons nous partager les traducteurs, ce qui est préoccupant. Vous avez parfaitement raison : on doit veiller, dans les interventions publiques, à la traduction. « Islamisme », en arabe, c'est la même chose qu'« islam », ce qui peut entraîner des confusions. Cela nous a été signalé. M. Le Drian est attentif de longue date à cette question, et c'est un sujet que le Conseil de défense, où j'ai l'honneur de siéger depuis 2017, examine de manière récurrente. Nous nous appliquons ce principe à nous-mêmes. Ainsi, Matignon a demandé que l'intervention que j'avais faite lors d'un séminaire, en présence de M. Kepel, soit traduite en arabe avant d'être mise en ligne, pour éviter que d'autres ne s'en chargent et ne déforment le contenu de nos propositions.

S'agissant de la jurisprudence Tele2, je n'ai pas connaissance du dispositif proposé par les portugais. Pour ce que je comprends de ce que vous me dites, la solution consisterait à modifier le projet de réglement e-privacy qui doit remplacer la directive du même nom. Le texte en cause, dans cette affaire, obligeait les opérateurs à conserver les données. Nous souhaitons que cette obligation soit maintenue pour la sécurité nationale. Il faut certes protéger les droits et libertés fondamentaux, mais n'oublions pas, comme la Cour semble le faire, que selon l'article 4.2 du traité sur l'Union européenne, la « sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ». On doit montrer que l'Europe protège. Si les États membres n'ont pas souhaité déléguer à l'Union européenne leur souveraineté en matière de sécurité nationale, c'est qu'il y a des raisons. Quand un problème survient dans un État membre, les députés que vous êtes demandent des comptes au Président de la République, au gouvernement de la France, et pas à l'Union européenne. La France est très attachée à ce que l'antiterrorisme, la sécurité nationale demeure une compétence des États membres en matière de renseignement.

S'il fallait que l'on modifie le projet de réglement e-privacy, dans l'hypothèse où le Conseil d'État suivrait la jurisprudence de la CJUE, on exclurait la sécurité nationale de son champ d'application, en prévoyant que les opérateurs conservent les données s'y rapportant. D'après ce que vous me dites, vous proposez que l'on puisse accéder à ces données sur les terminaux des gens. Pour notre part, nous demandons aux opérateurs de conserver les données de connexion, afin, éventuellement, d'y avoir accès. Accéder aux terminaux est très intrusif. Nous disposons déjà d'une technique – le recueil de données informatiques (RDI) – qui nous permet de collecter les informations à partir des appareils que nous saisissons mais en nombre limité et pour des objectifs connus. J'exprime ici une opinion personnelle, qui ne saurait engager la France devant le COREPER.

Il y a, effectivement, un « terrorisme du coin de la rue » dans la mouvance d'ultragauche. Les actions de dégradation, notamment de pylônes de téléphonie, sont parties d'un appel de l'ultragauche, comme celui de 2017. Il y avait eu, à l'époque, un mouvement d'interpellation en Italie, dans la mouvance anarcho autonome et un appel à commettre des dégradations partout en Europe. Parmi beaucoup d'autres actions, on a alors relevé des tentatives d'incendie de gendarmeries. En mars 2020, un deuxième appel a été lancé, à la suite duquel plus de 170 actions de dégradations – dont de nombreux pylônes de téléphonie - ont été menées à ce jour. On a constaté que les individus interpellés n'appartiennent pas uniquement à la mouvance de l'ultragauche, mais peuvent être des personnes résidant à proximité, qui s'inscrivent dans une mouvance insurrectionnelle ou répondent tout simplement à ces appels. Ce sont des dégradations, et non des actes terroristes, mais ils sont bien, comme vous le dites, « du coin de la rue ». C'est une source d'inquiétude.

L'ingérence informationnelle lors des élections est également l'une de nos préoccupations fortes. Une loi de 2018 autorise le CSA à suspendre l'activité des plateformes – voire la diffusion de chaînes – en période électorale, en cas de manipulation avérée de l'information. Je ne suis pas sûr que nous soyons si performants en la matière : on voit qu'il y a une manipulation, mais comprend-on immédiatement qu'un État étranger en est à l'origine ? L'imputation technique visant à attribuer une campagne de désinformation à un Etat est un exercice complexe. On doit clarifier la répartition des tâches. Les services de renseignement ne sont pas seuls à l'œuvre : ils agissent aux côtés de nombreuses autres administrations, à commencer, par exemple, par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et les services de nos ambassades. En effet, l'information part souvent d'États étrangers, avant d'être relayée au plan local. Nous devons encore progresser dans la détection de la manipulation, pour comprendre très vite l'émergence d'un phénomène. Nous devons être extrêmement performants pour riposter par un contre-discours.

Dans un État démocratique comme le nôtre, il faut mener une riposte politique, tenir un contre-discours, se livrer, dans une certaine mesure, à la contre-influence. Dans d'autres pays, les services de renseignement détectent, entravent et conduisent des actions, y compris offensives, par exemple en attaquant un média. Je ne pense pas que ce soit le rôle des services de renseignement. La manipulation de l'information intéresse les services de renseignement, soit parce qu'elle déstabilise nos intérêts fondamentaux, soit parce qu'elle a pour origine l'ingérence d'un État étranger et souvent les deux en même temps du reste. En France, les acteurs sont trop nombreux, trop éclatés. On ne recoupe pas nécessairement les informations détectées. On travaille en sources ouvertes, ce qui explique que des sociétés privées soient très performantes dans la détection des ingérences informationnelles.

Au cours des dernières semaines, la Turquie a engagé des actions extrêmement offensives de manipulation de l'information, notamment à la suite du discours du Président de la République aux Mureaux. On peut penser qu'elles sont instrumentalisées par le pouvoir en place. Nous devons savoir anticiper ces manipulations, qui visent à saper les fondements de notre démocratie. Les chaînes russes ont ainsi relayé et donné une ampleur qu'elles n'avaient pas aux actions des « gilets jaunes » – ou, du moins, aux incidents qu'ils ont créés. En essayant de diviser la société, les auteurs des manipulations portaient atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Vous avez mis le doigt sur une préoccupation très forte du moment, tant pour la France que pour les États de l'Union européenne, les grandes démocraties, qui s'interrogent sur la manière de détecter les manipulations de l'information et d'y riposter.

L'ultragauche cible tous les symboles du grand capital, au sens large. Je ne parle pas du terrorisme mais des actions de dégradation, qui visent, pour plus de la moitié d'entre elles, les antennes et les pylônes de téléphonie. Les grands groupes, les collectivités locales d'une certaine dimension, les forces de sécurité intérieure sont aussi visés. L'organisation qui a été démantelée, pour laquelle le parquet national antiterroriste a été saisi, ciblait les forces de l'ordre ou autre cible institutionnelle. Les militants présents dans ces cellules sont assez chevronnés, même si des individus habitant à proximité peuvent participer à des actions de dégradation d'un pylône.

Les services de renseignement et de police judiciaire travaillent sur la dernière attaque, commise en Haute-Vienne que vous venez d'évoquer. Des conventions sont passées avec les opérateurs. Sur ces sujets, une coordination a été instituée entre la DGSI, le renseignement de la préfecture de police de Paris, le renseignement territorial et la gendarmerie nationale. Nous échangeons des informations en permanence, concernant, par exemple, les modes opératoires. Nous suivons et nous nous efforçons de détecter les mouvements des individus susceptibles d'être les auteurs de ces actes.

Il peut arriver, même en France, qu'un membre de la police aux frontières informe un individu qu'il est fiché S, ce qui n'est évidemment pas très malin. Nous faisons des rappels à l'ordre réguliers. En présence d'un fiché S, notre rôle ne consiste pas seulement à signaler un passage mais, la plupart du temps, même si l'individu fiché pour terrorisme est contrôlé un peu plus longtemps que d'habitude, il ne se rend compte de rien. Il n'en va pas de même, toutefois, lorsque la fiche S comporte des mentions spécifiques et prescrit, par exemple, le contrôle ou l'interpellation.

Il y a plusieurs dizaines de milliers de fichés S. Parmi eux, beaucoup le sont pour des faits de radicalisation, mais il arrive aussi qu'ils le soient pour des actes d'ingérence, soit dans le champ économique, soit en matière d'espionnage. Quand ils sont fichés pour ingérence, les intéressés comprennent vite pourquoi ils sont contrôlés un peu plus longtemps que la moyenne. Ils savent qu'ils sont tracés.

Je n'ai pas connaissance que des élus soient rémunérés pour des actions de lobbying. La nouveauté, en ce domaine, est qu'il y a de plus en plus de lobbyistes étrangers. Il faut distinguer le lobbying de l'ingérence, laquelle consiste à essayer d'orienter la décision en faveur des intérêts d'un pays, non d'une firme, et, parfois, de soutirer un peu d'information. Grâce aux actions de sensibilisation menées par la DGSI, les parlementaires sont à présent bien informés.

On ne met pas tous les tireurs sportifs dans le même sac, mais les sympathisants d'ultradroite qui détiennent légalement des armes dans le cadre du tir sportif, en possèdent souvent d'autres de manière illégale.

Dans le domaine de la guerre informationnelle, on doit être beaucoup plus coordonnés pour préparer le contre-discours. Une ministre pakistanaise avait prêté au Président de la République des propos outranciers qu'il n'avait pas tenus, ce qui a été détecté très vite par le poste diplomatique. Le Quai d'Orsay a démenti très vite.

Sans aller jusqu'au terrorisme, des actions violentes sont commises au nom de l'écologie et de l'animalisme. Il arrive, dans d'autres pays, qu'on s'approche du terrorisme, comme ce fut le cas au Royaume-Uni il y a quelques années. Beaucoup d'actions ont été menées en France par des groupes animalistes tels que L269, L214, Boucherie abolition… À la suite des actions judiciaires engagées, certains semblent avoir accusé le coup et cessé leurs actions. Le parquet a entendu réprimer de manière assez offensive l'irruption dans des exploitations agricoles. Une jurisprudence considérait qu'en l'absence d'effraction et de dégradation, on ne pouvait retenir la qualification d'intrusion, quand bien même les personnes entrant dans les exploitations agricoles traumatisaient les animaux. À la suite d'une circulaire du garde des Sceaux de l'année dernière, des condamnations ont été prononcées. La gendarmerie s'est beaucoup mobilisée. Force est de constater que ces actions sont devenues moins fréquentes.

Les cryptomonnaies doivent effectivement faire l'objet d'un suivi, d'une traçabilité, compte tenu, notamment, de leur rôle dans le financement du terrorisme. De fait, les derniers dossiers relatifs au financement du terrorisme ont concerné ces moyens de paiement. C'est un sujet technique, complexe, qui appelle l'élaboration d'une réglementation.

Cette année, cinquante-huit détenus condamnés pour des faits de terrorisme vont sortir. Si ce chiffre demeure raisonnable, cela n'en constitue pas moins une véritable préoccupation et un point d'attention majeur. Il s'agit de personnes condamnées avant 2016, à une époque où la politique pénale n'était pas aussi offensive qu'aujourd'hui ; on a donc affaire à de « gros clients ». Grâce au suivi du renseignement pénitentiaire, on a une bonne connaissance de leur degré de radicalisation, et des raisons sérieuses de penser qu'il faut rester attentif au comportement de la majorité d'entre eux. Pour preuve, la plupart de ces détenus font l'objet de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), les services étant en mesure de justifier l'existence d'un risque. Celui-ci n'est pas avéré car, si tel était le cas, la personne resterait en prison, mais cela n'en révèle pas moins une difficulté.

Dès qu'ils sortent, le dispositif de renseignement est activé et ils font l'objet d'un suivi. Par ailleurs, des MICAS les obligent à pointer. Des mesures judiciaires, issues d'une proposition de loi présentée par Mme Braun Pivet, étaient prévues, mais ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Une réflexion est en cours pour déterminer s'il convient de les reprendre sous une autre forme. Pour revenir sur la question de Loïc Kervran, ces personnes pourraient faire l'objet d'un suivi algorithmique pour savoir ce qu'elles font, les lieux qu'elles fréquentent, les personnes qu'elles rencontrent.

Un autre sujet est la radicalisation de détenus de droit commun au contact d'autres détenus. Ils font aussi l'objet d'un suivi.

Le DGSE a dit, lundi dernier, dans une intervention à Orléans, qu'on ne pouvait pas exclure une attaque projetée depuis le Sahel. Il n'évoquait pas un projet précis. Le fait est que, dans leur doctrine, les groupes présents au Sahel, à savoir Daech à travers l'État islamique dans le grand Sahara (EIGS), et Al-Qaïda à travers le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GNIM), ont l'intention de nous attaquer, d'une manière ou d'une autre. Leur simple existence fait peser sur nous une menace. Plus il y a de foyers djihadistes, plus le risque est élevé. Personnellement, je crois assez peu à une attaque projetée depuis le Sahel mais il faut rester extrêmement vigilant. La France a des intérêts à proximité. Ces groupes veulent s'en prendre, de manière générale, aux démocraties occidentales.

Nous sommes extrêmement attentifs à Huawei, notamment en ce qui concerne les réseaux de téléphonie mobile. Le Gouvernement a adopté une position prudente, en refusant l'implantation du groupe au plus près de nos cœurs de réseau. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs validé, il y a quelques jours, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, les dispositions de la loi du 1er août 2019. Ce groupe a une technologie assez développée. Nous savons, grâce à la coopération que nous entretenons avec d'autres États, que Huawei fait peser le risque de captations de données dans plusieurs pays. Nous savons aussi que la loi chinoise permet aux services de renseignement d'adresser des demandes à tout ressortissant chinois – y compris à des personnes ayant la nationalité d'autres pays mais étant d'origine chinoise. Ils peuvent faire peser sur eux des contraintes, les soumettre à des pressions qui peuvent s'étendre à leur famille lorsqu'elle réside en Chine.

Cela étant, nous ne sommes pas dans la même position que les Britanniques, les Américains et les Australiens, qui ont exclu la technologie de Huawei. Nous agissons avec précaution. Ils le savent, puisqu'ils disposent d'un certain nombre de relais, et veulent changer leur image. Nous restons prudents, pour une raison – la défense des intérêts fondamentaux de la Nation – que le Conseil constitutionnel a jugée légitime.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, Monsieur le coordonnateur, pour la précision de vos réponses et le temps que vous nous avez consacré.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.