Intervention de Françoise Dumas

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente :

Je me réjouis de l'exercice inédit qui est aujourd'hui le nôtre, à savoir l'audition par des députés français, de l'inspecteur général Eberhard Zorn, l'équivalent pour l'Allemagne de notre chef d'état-major des armées. Je vous remercie, Général, pour votre présence aujourd'hui, à mes côtés.

Cette audition aura son symétrique à Berlin, puisqu'il est prévu une intervention du général François Lecointre devant la commission de la défense du Bundestag avant la fin de ce mois.

Vous êtes, Général, un fin connaisseur de la France, que vous avez appris à connaître, notamment lors de votre passage à Paris, au collège interarmées de défense, de 1993 à 1995. Les us et coutumes français ne vous sont donc pas étrangers et vous parlez un français magnifique. C'est en tout cas pour nous un grand honneur que vous vous exprimiez ce matin en français. C'est vraiment très élégant de votre part.

Cette audition s'inscrit dans un contexte général où, plus que jamais, la coopération franco-allemande est ressentie comme une nécessité non seulement pour l'Europe, mais également pour la stabilité du monde. Depuis 2017, face à la menace terroriste et au retour de la compétition entre les puissances, le voisinage apparaît de plus en plus désordonné. La France et l'Allemagne sont à l'origine d'une coopération européenne renforcée, qui a notamment pris la forme d'une coopération structurée permanente, enfin effective dans le domaine de la défense, telle que prévue par les traités, assortie d'un fonds européen de la défense doté de sept milliards d'euros constants.

Grâce à l'action conjointe de nos deux pays, pour la première fois, nous assistons à un financement communautaire des capacités de défense, ce qui représente une avancée absolument considérable. La France et l'Allemagne partagent désormais l'ambition d'une Europe capable de se défendre, d'être un allié crédible et de relever les défis nombreux qui surviennent dans son voisinage.

Au Sahel, dans une région vaste comme l'Europe, la France et l'Allemagne œuvrent de concert pour rétablir la paix afin d'empêcher cette région du monde de devenir un sanctuaire pour les djihadistes, un foyer de criminalité organisée et le point de départ de millions de migrants, jetés sur des routes périlleuses par la pauvreté.

La contribution allemande à la mission de formation des forces maliennes par des militaires de l'Union européenne (EUTM) est particulièrement déterminante, tout comme celle de l'Allemagne à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dont elle est le premier contributeur européen.

En présence du Général Zorn, je tiens à souligner très sincèrement l'importance que revêt à mes yeux l'engagement de la Bundeswehr au Sahel, en complémentarité des actions françaises, notamment de la force Barkhane, au service de l'amélioration des conditions de vie de millions de Sahéliens et de la sécurité des Européens.

Le traité de coopération et d'intégration franco-allemand, conclu à Aix-la-Chapelle le 22 janvier 2019, cinquante-six ans exactement après la signature du traité de l'Élysée, doit permettre d'intensifier encore la coopération entre nos deux pays, notamment en matière de politique étrangère et de défense.

Par notre coopération dans le domaine de l'armement, nous voulons mettre fin à l'absurdité qui consiste à disposer de dix-sept chars lourds différents sur le sol européen, quand les États-Unis affichent un modèle unique, de vingt-neuf types de frégates quand les États-Unis n'en font coexister que quatre et de vingt avions de chasse quand les États-Unis n'en ont que six. En unissant nos forces, nous pourrons améliorer cette situation.

Alors que partout les dépenses consacrées à la Défense augmentent, nous courons le risque d'un déclassement technologique qui se traduira, s'il se réalise, en déclassement stratégique. Nos militaires engagent leur vie pour nous défendre. Nous leur devons les meilleurs équipements possible pour affronter les nouvelles menaces.

Dès 2017, notre revue stratégique de défense et de sécurité avait listé les domaines dans lesquels la France devait rechercher à s'équiper en coopération avec ses alliés et partenaires européens. Ce paradigme, nous l'assumons. Il nous oblige à une étroite collaboration avec nos partenaires et au premier chef avec nos partenaires allemands. C'est le sens de très nombreux projets de coopération en cours. Le système de combat aérien du futur (SCAF), l'avion du futur, le système de combat terrestre principal (abrégé en anglais MGCS pour Main Ground Combat System ), le char du futur, l'évolution capacitaire de l'hélicoptère Tigre vers le standard 3, etc. Bref, la France attache une grande importance politique et opérationnelle à la réussite de ces programmes et nous espérons bien sûr que les négociations industrielles en cours aboutiront très prochainement. Il convient d'apporter une traduction industrielle concrète à la convergence des besoins opérationnels identifiés par les états-majors allemands et français - vous nous confirmerez probablement l'ampleur de cette réalité – de sorte à garantir nos souverainetés technologiques.

Général, je pense pouvoir dire, au nom de l'ensemble de mes collègues, combien nous apprécions la marque de confiance et d'amitié que symbolise votre présence devant nous. Je souhaiterais que cette audition contribue à une meilleure compréhension entre nos deux pays. C'est pourquoi j'aimerais, si vous le voulez bien, que vous commenciez par quelques rappels utiles et par quelques considérations liminaires à l'attention de nos collègues et de nos concitoyens, qui nous écoutent. Il me paraît en effet essentiel de rappeler quelles sont les spécificités constitutionnelles de nos deux pays en matière de défense. Les dispositions qui encadrent l'intervention des forces armées sont très différentes en France et en Allemagne non seulement pour des raisons historiques, mais aussi parce que l'Allemagne est une République fédérale dans laquelle l'exécutif est très étroitement contrôlé par le Parlement et les Länder, quelles que soient ses interventions. Je souhaiterais que vous nous rappeliez ces différences et éventuellement que vous nous signaliez dans quelles occasions ces différences, ou la méconnaissance de part et d'autre de ces différences, ont pu susciter des incompréhensions ou freiner notre coopération dans le domaine de la défense.

Ensuite, nous aimerions connaître votre analyse de la situation internationale et des menaces, ainsi que votre avis quant à la diversité des missions opérationnelles que conduit la Bundeswehr non seulement en Europe, mais également au Sahel, en Afghanistan ou en Méditerranée.

Quels sont nos points de convergence et nos différences en regard de l'actualisation de notre revue stratégique ?

Avez-vous le sentiment que les citoyens français et allemands sont bien informés de ces nouvelles menaces ?

Vos armées partagent-elles avec le reste de la population sur l'analyse des risques ?

Qu'attendez-vous de la future boussole stratégique européenne qui devrait être adoptée au premier semestre 2022 ?

Plus précisément, nous souhaiterions que vous nous dressiez le panorama de vos missions opérationnelles, que vous nous indiquiez de quelle façon vous prenez en compte l'émergence de nouveaux champs de confrontation (le cyber, l'espace, la guerre informationnelle) et de quelle façon vous ajustez votre doctrine d'emploi, par exemple, après le retour d'expérience qui peut être fait du récent conflit au Haut-Karabakh.

Voici, Général, quelques questions liminaires, mais avant de vous laisser la parole, je voudrais, mes chers collègues, que vous regardiez une courte vidéo, enregistrée par mon homologue du Bundestag, M. Wolfgang Hellmich.

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