Je suis très heureuse d'accueillir le général de corps d'armée Éric Bucquet, qui est à la tête de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) depuis le mois de septembre 2018. Son audition à huis clos est l'avant-dernière de notre cycle consacré au renseignement, que nous conclurons en mai par l'audition de Francis Delon, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Nous aurons très prochainement l'occasion de tirer profit de nos travaux pour ce qui concerne le futur projet de loi relatif au renseignement, qui devrait être présenté en conseil des ministres à la fin du mois et examiné à l'Assemblée nationale au début du mois de juin.
La DRSD est sans doute le moins connu de nos services de renseignement, même si elle appartient au premier cercle. Elle agit dans le cadre particulier de la contre-ingérence. Sa mission principale est de renseigner les autorités sur les vulnérabilités de nos activités de défense, ainsi que sur les menaces internes et externes qui pèsent sur elles, qu'il s'agisse du personnel, du matériel, de l'information, des emprises ou des industries de souveraineté, et de contribuer aux mesures de protection pour y faire face.
Dans un contexte où les menaces hybrides prennent de plus en plus d'importance, chacun conçoit, général, que votre service est appelé à jouer un rôle toujours plus essentiel. Vous nous préciserez la place qu'occupe la DRSD au sein de la sphère du renseignement, son périmètre d'action et, si possible, ses modes d'intervention. Vous êtes particulièrement bien placé pour présenter cette synthèse, ayant été, de 2012 à 2018, directeur des opérations de la direction générale pour la sécurité extérieure (DGSE). Vous avez donc acquis une vue transversale, offensive et défensive, du monde du renseignement, ce qui est un atout déterminant dans les fonctions que vous occupez aujourd'hui.
Nous attendons aussi de vous que vous fassiez le point sur les grands défis que vous devez relever, rassemblés sous l'acronyme TESSCO : terrorisme, sabotage, subversion et crime organisé. Vous nous direz également si nous sommes bien préparés pour faire face de façon efficace aux cybermenaces, qui semblent se multiplier de nos jours, et si les militaires sont désormais bien sensibilisés aux risques de profilage numérique liés à l'usage des réseaux sociaux et des applications de sport, telles que Strava, qui a récemment défrayé la chronique. S'agissant de l'implantation, en Alsace, d'une usine Huawei à proximité de plusieurs sites sensibles de l'armée de Terre, quelle appréciation portez-vous sur la gestion du risque d'espionnage induit ?
Nous sommes également particulièrement préoccupés par le risque d'ingérence économique au sein de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Les travaux de notre commission ont montré qu'il résulte de la crise économique provoquée par la crise sanitaire une vulnérabilité accrue de certaines entreprises, notamment des PME ayant développé des savoir-faire de pointe. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur cette fragilité ? Existe-t-il une menace sur la chaîne d'approvisionnement et, partant, sur notre autonomie et notre souveraineté ?
La DRSD a également pour mission de veiller au respect de l'intégrité du secret-défense. Vous nous rappellerez l'importance que celui-ci revêt et les principes qu'il convient, de votre point de vue, de mettre en avant à l'heure où nous nous apprêtons à rénover l'articulation entre la protection du secret de la défense nationale et le libre accès aux archives datées de plus de cinquante ans, conformément aux annonces faites par le Président de la République le 9 mars dernier.
Enfin, puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur les procédures et les budgets qui sont les vôtres, vous nous direz si les moyens dont vous disposez vous semblent suffisants et si vous souhaitez appeler notre attention sur certains points de vigilance, notamment dans le cadre de l'application de la loi du 19 mars 2015 relative au renseignement, et de l'évolution de la jurisprudence européenne relative à la collecte et à la conservation des données.