Pour ma part, si je me félicite des avancées jurisprudentielles de 2018 et 2019 ayant permis de mieux protéger nos personnels civils de recrutement local, je tiens tout d'abord à souligner les carences graves des précédentes procédures de relocalisation. Il aura fallu trois procédures de relocalisation, entre 2012 et 2018, pour traiter les demandes de nos anciens auxiliaires afghans s'étant engagés aux côtés de nos armées, parfois au péril de leur vie. Sur un théâtre d'opération où le Conseil d'État a reconnu lui-même des risques élevés pour ces personnels, certaines demandes n'ont pu aboutir que six ans après le départ des troupes françaises, tandis que d'autres sont toujours en cours d'examen. Or, rappelons-le : pour de nombreux PCRL, leur coopération avec les forces françaises a été la cause d'un danger accru pour leurs personnes et celles de leur entourage : une telle attente a été préjudiciable et périlleuse. Ces trois procédures témoignent donc d'une impréparation des gouvernements successifs quant au sort réservé à ces personnels traduisant une certaine indifférence à leur égard. Je ne reviendrai pas sur les failles déjà évoquées de ces trois procédures expérimentales et sans base légale qui confirment ce diagnostic.
Aussi, en dépit de ces trois processus de relocalisation, d'autres PCRL – sans que le Gouvernement sache combien précisément – furent contraints à l'exil pour échapper aux menaces qui planaient sur eux du fait de leur engagement aux côtés de nos forces. Cette problématique n'appartient donc pas au passé. Au contraire, elle intéresse les théâtres d'opérations actuels et futurs, comme dans le cadre de l'opération Barkhane où les mêmes interrogations se poseront. Certaines réponses des autorités semblent parfois manquer d'esprit d'anticipation. Le 18 octobre 2018, en réponse à une question de mon collègue Bastien Lachaud, le Général Lecointre déclarait à propos des PCRL déployés en Afghanistan : « Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent ». Éviter de reproduire les écueils des précédentes relocalisations implique de prévoir des dispositifs clairs et objectifs, d'anticiper au regard de l'expérience acquise pour mieux protéger ces PCRL. C'est précisément la raison pour laquelle j'estime nécessaire l'adoption d'un dispositif légal de relocalisation, entérinant les avancées jurisprudentielles ayant étendu le champ de la protection fonctionnelle aux personnels civils de recrutement local. L'objectif n'est pas d'être généreux mais juste. Il n'est pas rigide mais adapté et serait adaptable par des modifications ultérieures. Il éviterait la précipitation car garanti par la loi, qui reste selon moi la plus grande source de sécurité et d'égalité. Un tel dispositif permettra aux PCRL, que leur contrat soit en droit français ou en droit local, de bénéficier de droits spécifiques : soit du versement d'une indemnité forfaitaire dans le pays d'intervention, soit d'une relocalisation par l'obtention d'une carte de résident, d'un droit d'accès au logement social et de droits sociaux si le PCRL est exposé à des menaces en raison de son recrutement par nos forces armées. Les mêmes droits devront être ouverts aux PCRL arrivés la suite d'une procédure contentieuse, par suite d'une décision de justice. Ainsi, je préconise l'extension du champ de la protection fonctionnelle au noyau familial des PCRL, c'est-à-dire aux descendants et collatéraux tels que les frères et sœurs. Pour ma part, considérant que le recrutement des PCRL est cadré et limité – leur recrutement n'est pas infini et répond à des besoins précis – je ne crois pas que cette mesure risquerait de créer un effet d'opportunité ou de conduire à de faux espoirs. Elle serait au contraire une mesure de bon sens, en assurant protection et suivi pour chaque personnel menacé, tout en exprimant la pleine reconnaissance de nos Armées et de la France à leur égard.