Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PCRL
  • civil
  • local
  • militaire
  • personnels civils
  • recrutement

La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Nous sommes réunis ce matin pour entendre les co-rapporteurs Alexis Corbière et Jean-Charles Larsonneur présenter leur rapport sur les personnels civils de la Défense. Vous avez auditionné un très grand nombre de services relevant de l'état-major des armées, du secrétariat général pour l'administration et de la direction générale de l'armement. Vous avez également effectué en janvier dernier un déplacement dans le Finistère – à Brest, à Landivisiau et à Guipavas – où les personnels civils que vous avez rencontrés vous ont fait part de leurs préoccupations quotidiennes.

Les civils de la Défense sont environ 63 000, soit quelque 23 % des effectifs du ministère. Ils se caractérisent par leur grande diversité, tant du point de vue de leurs statuts que de leurs métiers. Si ces personnels sont nombreux, ils représentent un enjeu majeur de recrutement. La loi de programmation militaire a en effet fixé des objectifs de recrutement ambitieux, en particulier dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et des nouvelles technologies. La loi de programmation militaire se veut « à hauteur d'homme » et la ministre des Armées a affirmé sa volonté de « replacer l'humain au cœur du ministère » : cela concerne aussi bien les personnels civils que les personnels militaires du ministère des Armées. Aussi, il nous a semblé important de consacrer un rapport à ces personnels trop souvent méconnus et qui jouent un rôle complémentaire à celui des militaires.

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Nous vous présentons ce matin le fruit de deux mois de travail intensif, mené dans les conditions particulières, bien que désormais usuelles, de la crise sanitaire. En dépit des circonstances, tous les services du ministère des Armées se sont mobilisés pour nous présenter leur organisation et leur fonctionnement et répondre à nos interrogations sur le sujet très vaste des personnels civils de la défense.

Pourquoi un tel rapport aujourd'hui ? La question se pose dans la mesure où en décembre 2015, le contrôle général des armées rendait au ministre de la défense Jean-Yves Le Drian un rapport sur la place du personnel civil au sein des armées et services, couramment désigné sous l'appellation de « rapport Hamel », du nom de l'un de ses quatre rédacteurs. Bien que ce rapport n'ait pas été rendu public, les organisations syndicales représentatives du ministère des Armées se sont publiquement exprimées sur ses grandes lignes et en ont également évoqué la substance lors de nos auditions. La mission confiée par le ministre au contrôle général des armées consistait notamment à déterminer les conditions de relance de la politique de rééquilibrage entre personnels civils et militaires dans les différents métiers du soutien – politique annoncée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019. La doctrine d'emploi des personnels civils, contrainte à l'époque par le resserrement des effectifs, consistait alors à spécialiser les personnels civils sur les fonctions de soutien, les personnels militaires étant appelés à se concentrer sur les missions opérationnelles. Cependant, ce postulat s'est avéré délicat à mettre en œuvre pour les tâches de soutien car il est indispensable de conserver des effectifs militaires projetables. L'arrêt des déflations d'effectifs au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement – consécutif aux tragiques événements qu'a connus le pays en 2015 – a entraîné une évolution majeure du cadre de réflexion sur les personnels civils du ministère des Armées et sur cette doctrine d'emploi. Dans une période de relance progressive des recrutements et d'amélioration de l'attractivité, la question des ressources humaines du ministère des Armées s'appréhende désormais sous l'angle d'une complémentarité civilo-militaire. La loi de programmation militaire pour 2019-2025 confirme et amplifie la dynamique de recrutement de personnels civils et militaires enclenchée en 2015. Dans un tel contexte, l'enjeu majeur est peut-être moins de « civilianiser » les métiers du soutien que de relever les défis démographique et technologique. L'âge moyen des personnels civils du ministère est de 47 ans. En décembre 2019, 11 000 civils se trouvaient à moins de cinq ans de l'âge légal de la retraite et plus de 2 000 avaient atteint ou dépassé l'âge de la retraite. Dans les six ans à venir, le volume des départs à la retraite est estimé à environ 12 000, dont 5 000 pour les ouvriers de l'État et 3 300 pour les civils de catégorie C.

Si le recrutement de personnels civils de haut niveau dans des spécialités pointues et dans des métiers rares sur le plan technique ou technologique est l'enjeu primordial pour les Armées, la fidélisation des personnels civils est également déterminante dans un contexte où la concurrence du secteur privé est grande. Les personnels civils hautement qualifiés ayant engrangé une expérience professionnelle d'excellent niveau dans un ministère comme celui des Armées sont un vivier alléchant pour les entreprises privées – entreprises avec lesquelles les civils du ministère sont d'ailleurs au contact au quotidien dans l'exécution de leurs missions. La politique de fidélisation du ministère des Armées suppose d'offrir aux personnels recrutés non seulement des niveaux de rémunération compétitifs mais aussi d'actionner tous les leviers à la main des gestionnaires et employeurs pour offrir à ces personnels de vrais parcours de carrière et de leur garantir le maintien de conditions de travail et de vie optimales.

Si le défi de recrutement est la première raison ayant motivé ce rapport, il en est une seconde : rendre hommage à l'engagement et au dévouement sans faille des personnels civils du ministère des Armées. Il a beaucoup été fait allusion – à très juste titre – au rôle indispensable de nos militaires dans la gestion de la crise sanitaire, en particulier dans le cadre de l'opération Résilience. Le rôle tout aussi indispensable des personnels civils, qui œuvrent chaque jour au soutien des forces, a sans doute été moins mis en lumière. Le fil rouge du présent rapport est bien le caractère indispensable de la ressource humaine – « remise au cœur du ministère » par la ministre des Armées – et, en l'occurrence, de la ressource humaine civile au profit de la souveraineté et de la résilience de la Nation.

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Notre réflexion sur les personnels civils s'articule en deux temps. Nous souhaitons tout d'abord présenter les personnels civils en mettant l'accent à la fois sur leur singularité et sur leur très grande diversité. Nous présentons également la gestion de ces personnels qui diffère grandement de la gestion des personnels militaires. Dans un second temps, nous reviendrons sur les grands enjeux auxquels le ministère est confronté et que le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur vient de vous citer brièvement : recruter pour répondre au défi démographique, fidéliser en actionnant tous les leviers à disposition, notamment la rémunération, valoriser ou ne serait-ce que construire de vrais parcours professionnels et enfin, garantir des conditions de travail dignes en associant les organisations syndicales.

Premier point, les personnels civils qui sont 23,3 % des effectifs, soit 63 000 personnes environ, du ministère des Armées, sont caractérisés par leur très grande diversité – tant sur le plan statutaire que sur le plan des métiers exercés.

Les personnels civils, qui travaillent chaque jour aux côtés des militaires, s'en distinguent à la fois sur le plan statutaire et sur le plan de la gestion puisque les civils font l'objet d'une gestion de stock quand les militaires font l'objet d'une gestion de flux. De même, le statut et la condition militaire soumettent les personnels militaires à de nombreuses sujétions, ce qui n'est pas le cas des personnels civils. En dépit de ces différences majeures de statut, personnels civils et militaires travaillent en complémentarité étroite. Cela a été souligné plusieurs fois et mis en lumière pendant la crise sanitaire : les personnels civils contribuent à la souveraineté de notre pays et à notre indépendance. Ils sont parfaitement conscients que de leur travail dépend la vie de leurs camarades militaires parfois projetés sur les théâtres d'opération.

Une fois rappelé ce point important, venons-en à la grande diversité des personnels civils. Cette diversité concerne tant le statut que les métiers. On distingue quatre statuts principaux : les personnels civils fonctionnaires, recrutés par concours ; les personnels contractuels ; les ouvriers de l'État ; enfin, les personnels civils de recrutement local, sur lesquels nous nous attarderons dans cette présentation. Compte tenu du temps imparti, je ne reviendrai pas sur le statut des fonctionnaires de l'État, bien connu de tous ici. Quant aux personnels contractuels, nous en reparlerons lorsque nous présenterons la seconde partie du rapport.

Avant d'évoquer plus en détail les personnels civils de recrutement local, je reviendrai quelques instants sur les ouvriers de l'État car le maintien de cette catégorie constitue un enjeu majeur pour les services du ministère des Armées. Ces personnels ouvriers bénéficient d'un statut ad hoc. Ce ne sont pas des fonctionnaires et en ce sens, ils bénéficient de leur propre grille de rémunération et de leur propre système de retraite. Ils ne sont pas recrutés par concours mais après essais. En décembre 2016, la liste des métiers ouverts au statut d'ouvrier de l'État a été resserrée puisque seuls vingt-et-un métiers peuvent désormais donner lieu à recrutement d'ouvriers de l'État. Leur population est aujourd'hui en baisse, ce d'autant plus que les plus âgés d'entre eux partiront à la retraire dans les deux ans qui viennent. Si ce statut d'ouvrier de l'État est régulièrement critiqué, nous tenons tous deux à insister sur son caractère indispensable dans des métiers de pointe : il n'est pas possible ni pertinent de recruter des fonctionnaires de catégorie C pour exercer l'un des vingt-et-un métiers – hautement techniques et nécessitant des savoir-faire de pointe – qui sont aujourd'hui identifiés par décret. Ce statut doit impérativement être maintenu pour permettre au ministère des Armées de disposer de la ressource humaine nécessaire à l'accomplissement de ses missions.

Nous en venons à présent aux personnels civils de recrutement local. Permettez-nous de nous attarder quelques instants sur cette catégorie de personnels. En effet, la question de leur sort lors du retrait des forces françaises a soulevé d'importantes questions depuis 2012, notamment concernant le conflit en Afghanistan.

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Employés depuis des décennies par les forces armées françaises déployées à l'étranger, les personnels civils de recrutement local ont vu leur droit à la protection fonctionnelle reconnu par la jurisprudence et leur cadre d'emploi évoluer à la suite de la relocalisation d'anciens personnels de recrutement local afghans. Les personnels civils de recrutement local, ou PCRL, exercent des missions de soutien des forces mais aussi parfois une assistance aux forces armées dans la conduite de leurs opérations.

Lors des opérations militaires menées en soutien du gouvernement afghan, la France a eu recours à des personnels civils de recrutement local. Certains ont été employés en tant qu'interprètes dans les déploiements des forces sur le terrain, d'autres ont occupé des fonctions de soutien variées, comme la restauration ou le gardiennage dans les lieux de vie des emprises militaires françaises. À la diversité des emplois occupés par les personnels civils de recrutement local s'ajoute une hétérogénéité des durées des contrats souscrits, pouvant aller de quelques jours à plusieurs années. Au total, 1 067 personnels civils de recrutement local ont servi les forces armées françaises en Afghanistan, dont 538 interprètes.

Si le retrait des forces françaises d'opérations extérieures n'avait jusqu'alors jamais suscité de requêtes notables d'anciens personnels de recrutement local – dans la mesure où à l'issue de ce retrait, la situation du pays concerné s'était nettement améliorée –, tel n'a pas été le cas en Afghanistan, pays qui demeure l'un des plus dangereux du monde. C'est dans ce contexte sécuritaire que le Gouvernement français a été saisi de demandes de relocalisation, en trois temps.

La première phase de relocalisation en 2012-2013 a consisté en un dispositif d'exfiltration en urgence et dans la discrétion. Cette phase fut lancée à l'initiative des forces françaises présentes sur le théâtre. Le processus a comporté l'octroi aux anciens personnels civils de recrutement local d'une prime de licenciement ; l'octroi à ces derniers, le cas échéant, d'une indemnité forfaitaire à la mobilité en Afghanistan ; pour les cas les plus sensibles, un accueil en France. Soixante-quatorze dossiers ont été examinés, ce qui représentait 183 visas en comptant les familles. L'élaboration du processus de sélection des personnels civils de recrutement local admissibles à l'obtention d'une protection diplomatique par la France a soulevé la question des anciens personnels recrutés localement ayant été employés par les forces françaises. En avril 2013, près de 110 dossiers de demandes de visas ont été écartés. Selon le ministère des Armées, ces demandes émanaient de civils afghans qui, certes, avaient travaillé aux côtes des Français, mais n'étaient pas, d'après lui, « directement employés par la Force ».

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Le périmètre de ce premier dispositif a été contesté par un collectif d'avocats, créé par Mme Caroline Decroix, alors avocate au barreau de Paris, dans une lettre ouverte en date du 8 avril 2015 au Président de la République. Ce collectif souhaitait interpeller le chef de l'État sur la situation des personnels civils recrutés en Afghanistan par les forces armées françaises et sur ce que ce collectif considérait comme « les carences du dispositif ad hoc mis en place et visant en théorie à assurer la protection de ces personnels ». Le 5 mars 2015, d'anciens interprètes recherchant la protection de la France ont alors manifesté devant l'ambassade de France à Kaboul. La deuxième vague de relocalisations s'est déroulée sous l'égide de l'ambassade de France, les forces françaises n'étant plus présentes en Afghanistan à cette date. Des représentants du ministère des Armées étaient néanmoins présents dans les commissions d'examen. Cette deuxième vague a conduit à l'arrivée en France de nombreux ex-PCRL et de leurs familles en deux temps.

En août 2015, 11 ex-PCRL et leurs familles, soit 41 personnes au total, sont arrivés en France et ont été hébergés dans des logements du ministère de la défense. Entre mars et novembre 2016, en neuf arrivées successives, 103 ex-PCRL et leurs familles, soit 377 personnes, sont arrivés en France et ont été accueillis dans 35 villes. La vice-présidente de l'Association des interprètes et auxiliaires afghans de l'armée française, Mme Caroline Decroix, indique « qu'à l'époque déjà, le collectif d'avocats s'est interrogé sur le choix du Gouvernement de mettre en place une procédure ad hoc ne faisant pas l'objet de mesures de publicité ». N'ayant pas pu, faute de moyens, introduire de recours contentieux concernant les 149 personnels ayant essuyé un refus de visa, le collectif d'avocats a introduit 39 contentieux devant le tribunal administratif de Nantes et 9 pourvois en cassation devant le Conseil d'État. Dans deux décisions de décembre 2017, le juge administratif a considéré que l'urgence justifiait que soit prononcée la suspension d'un refus de visa lorsque l'exécution d'une telle décision de refus portait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation de deux interprètes afghans.

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La troisième vague de relocalisations d'anciens personnels civils recrutés en Afghanistan, en 2018, a fait suite à la volonté du Président de la République de voir reconsidérée la situation des ex-PCRL dont les demandes de visa avaient été rejetées. À la fin de l'année 2018, l'État a envoyé une mission interministérielle comprenant des représentants des ministères de l'Europe et des affaires étrangères, des Armées et de l'Intérieur pendant un mois à Islamabad pour auditionner les demandeurs. Cinquante-et-un ex-PCRL et leurs familles, soit 218 personnes, se sont vu délivrer un visa de long séjour.

Dans deux décisions rendues à la fin de l'année 2018 et au début de l'année 2019, le Conseil d'État a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que le principe général du droit de protection des agents publics s'étendait aux agents recrutés sous contrat de droit local et que la protection fonctionnelle pouvait dans certaines circonstances prendre la forme de la délivrance d'un visa ou d'un titre de séjour. Les PCRL arrivés en France en exécution de décisions de justice en matière de visa, d'asile ou de protection fonctionnelle, titulaires d'un visa de long séjour, se voient délivrer, comme leurs conjointes, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dès leur entrée sur le territoire national et bénéficient d'un droit au séjour pérenne. Ils ont ainsi la possibilité d'accéder au marché du travail et de solliciter le bénéfice des mécanismes d'aide sociale de droit commun.

L'état-major des armées a tiré plusieurs enseignements du désengagement des forces armées des opérations récentes afin de mieux circonscrire les risques associés à la phase de désengagement d'une opération. Nous avons eu avec le co-rapporteur Alexis Corbière des échanges nourris sur les leçons à tirer de cette expérience.

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Pour ma part, si je me félicite des avancées jurisprudentielles de 2018 et 2019 ayant permis de mieux protéger nos personnels civils de recrutement local, je tiens tout d'abord à souligner les carences graves des précédentes procédures de relocalisation. Il aura fallu trois procédures de relocalisation, entre 2012 et 2018, pour traiter les demandes de nos anciens auxiliaires afghans s'étant engagés aux côtés de nos armées, parfois au péril de leur vie. Sur un théâtre d'opération où le Conseil d'État a reconnu lui-même des risques élevés pour ces personnels, certaines demandes n'ont pu aboutir que six ans après le départ des troupes françaises, tandis que d'autres sont toujours en cours d'examen. Or, rappelons-le : pour de nombreux PCRL, leur coopération avec les forces françaises a été la cause d'un danger accru pour leurs personnes et celles de leur entourage : une telle attente a été préjudiciable et périlleuse. Ces trois procédures témoignent donc d'une impréparation des gouvernements successifs quant au sort réservé à ces personnels traduisant une certaine indifférence à leur égard. Je ne reviendrai pas sur les failles déjà évoquées de ces trois procédures expérimentales et sans base légale qui confirment ce diagnostic.

Aussi, en dépit de ces trois processus de relocalisation, d'autres PCRL – sans que le Gouvernement sache combien précisément – furent contraints à l'exil pour échapper aux menaces qui planaient sur eux du fait de leur engagement aux côtés de nos forces. Cette problématique n'appartient donc pas au passé. Au contraire, elle intéresse les théâtres d'opérations actuels et futurs, comme dans le cadre de l'opération Barkhane où les mêmes interrogations se poseront. Certaines réponses des autorités semblent parfois manquer d'esprit d'anticipation. Le 18 octobre 2018, en réponse à une question de mon collègue Bastien Lachaud, le Général Lecointre déclarait à propos des PCRL déployés en Afghanistan : « Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent ». Éviter de reproduire les écueils des précédentes relocalisations implique de prévoir des dispositifs clairs et objectifs, d'anticiper au regard de l'expérience acquise pour mieux protéger ces PCRL. C'est précisément la raison pour laquelle j'estime nécessaire l'adoption d'un dispositif légal de relocalisation, entérinant les avancées jurisprudentielles ayant étendu le champ de la protection fonctionnelle aux personnels civils de recrutement local. L'objectif n'est pas d'être généreux mais juste. Il n'est pas rigide mais adapté et serait adaptable par des modifications ultérieures. Il éviterait la précipitation car garanti par la loi, qui reste selon moi la plus grande source de sécurité et d'égalité. Un tel dispositif permettra aux PCRL, que leur contrat soit en droit français ou en droit local, de bénéficier de droits spécifiques : soit du versement d'une indemnité forfaitaire dans le pays d'intervention, soit d'une relocalisation par l'obtention d'une carte de résident, d'un droit d'accès au logement social et de droits sociaux si le PCRL est exposé à des menaces en raison de son recrutement par nos forces armées. Les mêmes droits devront être ouverts aux PCRL arrivés la suite d'une procédure contentieuse, par suite d'une décision de justice. Ainsi, je préconise l'extension du champ de la protection fonctionnelle au noyau familial des PCRL, c'est-à-dire aux descendants et collatéraux tels que les frères et sœurs. Pour ma part, considérant que le recrutement des PCRL est cadré et limité – leur recrutement n'est pas infini et répond à des besoins précis – je ne crois pas que cette mesure risquerait de créer un effet d'opportunité ou de conduire à de faux espoirs. Elle serait au contraire une mesure de bon sens, en assurant protection et suivi pour chaque personnel menacé, tout en exprimant la pleine reconnaissance de nos Armées et de la France à leur égard.

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Comme Alexis Corbière, je tiens à rappeler combien je suis attaché à une protection fonctionnelle clairement définie, efficace et de nature à promouvoir tant la sécurité des agents que le bon fonctionnement de nos armées sur les théâtres extérieurs. Si le « livre noir » de la protection des PCRL a été régulièrement écrit par des commentateurs assumant leur orientation critique, voire à charge, rarement un travail visant à un réel effort d'objectivité a été conduit. Ce rapport en est l'occasion. Il présente des éléments inédits et j'espère qu'il sera lu par ceux qui s'intéressent à ce sujet. Je constate que, malgré l'urgence initiale et le caractère protéiforme, irrégulier dans le temps et souvent sensible des demandes effectuées, des efforts importants ont été accomplis par l'administration française pour s'adapter à la situation et relocaliser ces anciens personnels sur le territoire national.

Je voudrais remettre en perspective la citation du général François Lecointre qu'a faite à l'instant Alexis Corbière – citation issue d'une audition devant cette même commission en octobre 2018, car elle est un peu plus complète. Le chef d'état-major des Armées indiquait : « Lorsque j'étais en poste à Matignon, je me suis beaucoup occupé de la question des interprètes afghans, qui relevait de la plus grande complexité. Beaucoup a été fait, par l'ambassade de France en Afghanistan ainsi que par le préfet qui avait été désigné par décision interministérielle pour gérer ces PCRL ; ils ont accompli un travail considérable. Bien évidemment, nous continuons de recourir à ces personnels, parmi lesquels nous comptons d'ailleurs peu d'interprètes. Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent. Très clairement, le jour où nous quitterons le Mali, dont j'espère qu'il aura alors retrouvé la paix, nous devrons nous poser la question et anticiper le nécessaire digne traitement des PCRL. C'est à juste titre que vous posez la question ; nous allons mettre en place les moyens d'une anticipation, y compris d'un suivi de ces personnels dans la durée. Nous devons établir des bases de données afin de les recenser, car souvent des personnes indiquent avoir servi l'armée française alors que nous n'en avons aucune trace. Je veillerai à ce que ces moyens soient bien mis en œuvre. Par ailleurs, le Mali n'est pas l'Afghanistan, et vous savez que j'ai dit que cette opération sera nécessairement longue, car notre ambition est de ramener ce pays à la paix. » C'est aussi un point important et on y reviendra peut-être dans les questions : le Mali n'est pas l'Afghanistan. Nous avons des relations anciennes avec ce pays, parfois des PCRL travaillent depuis des générations au service de l'armée française. Par conséquent, il est évident que les conditions de suivi et d'accompagnement de ces personnels ne sont et ne seront pas les mêmes en Afrique que celles connues en Afghanistan. Je tiens également à rappeler ce qu'est la protection fonctionnelle, sa raison d'être, son utilité même. Il s'agit de la sécurité d'agents ayant servi l'armée française. À ce titre, je ne pense pas qu'elle doit être indûment étendue, confondue avec le droit d'asile ou encore galvaudée par l'octroi de droits exorbitants a priori. Recruter des personnels de qualité au service de la France, les rémunérer et les protéger d'éventuelles menaces liées à leur emploi, c'est autant l'intérêt de nos armées que la fierté de notre pays. Mais instituer, dès la signature d'un contrat avec un PCRL, un droit automatique à l'installation en France avec sa famille et ses collatéraux, assorti de l'ensemble des droits sociaux offerts par la France à ses ressortissants, c'est trahir l'esprit et la lettre de la protection fonctionnelle. Je rappelle que les collatéraux de nos propres militaires ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle. Ce serait aussi, possiblement, inciter à des comportements opportunistes qui ne seraient pas forcément bénéfiques à nos armées et, en outre, contraire à l'objectif que la France s'est donnée de manière générale à l'étranger : promouvoir des partenariats bénéfiques à l'activité locale plutôt que de susciter des espoirs d'expatriation.

Sur l'idée d'un dispositif légal de relocalisation, je dois confesser une forme de scepticisme. Parmi les différents pays de la coalition internationale intervenue en Afghanistan, l'ISAF, certains ont privilégié cette voie légale, par exemple les États-Unis, d'autres non, par exemple le Royaume-Uni, mais tous ont adapté leur dispositif au fil de l'eau. Je constate que l'inscription dans la loi de ce dispositif n'est pas la garantie en soi d'une meilleure protection. À ce jour, la jurisprudence du Conseil d'État paraît suffisamment extensive et complète pour couvrir l'ensemble des situations présentes en Afghanistan, sur de futurs théâtres, et répondre à une grande diversité de situations. D'ailleurs, même si le cas ne s'est pas encore présenté au contentieux, cette jurisprudence paraît aussi suffisante concernant des personnels recrutés par des sociétés d'intérim. À mon avis, il vaut mieux travailler sur l'information, le recensement, le suivi et, le cas échéant, l'accompagnement des personnels.

Voilà nos quelques remarques sur les PCRL. Nous allons à présent élargir notre propos à l'ensemble du champ de notre rapport.

Si nous avons présenté la grande diversité des statuts des personnels civils du ministère des Armées, nous voudrions également insister sur la richesse des métiers qu'ils exercent. Dans les limites physiques de notre rapport, nous ne pouvons pas présenter tous ces métiers oralement aujourd'hui. Nous avons fait le choix d'en présenter les grands ensembles et de mettre en lumière la diversité des métiers exercés dans deux services du ministère des Armées, que nous avons retenus pour des raisons opposées :

– l'un, parce qu'il est peu connu : le service interarmées des munitions, avec les métiers de la pyrotechnie ;

– l'autre, parce qu'il est au contraire très connu par ses hôpitaux et qu'il a très médiatisé pendant la crise sanitaire : le service de santé des armées.

Nous n'avons pas le temps, dans le cadre de cette présentation orale, de revenir sur tous les métiers de ces deux services. Nous vous renvoyons à notre rapport pour en découvrir la richesse. Nous nous contenterons ce matin de rendre hommage au rôle indispensable de l'ensemble des personnels civils – comme des personnels militaires, d'ailleurs – du service de santé des armées dans la crise sanitaire et d'insister sur l'urgence de transposer à leur profit les mesures du Ségur de la santé.

Je dirai maintenant quelques mots de la gestion des personnels civils au ministère des Armées. Cette gestion est très différente de celle des personnels militaires qui, elle, est directement assurée par chacune des trois armées. La gestion des civils fait apparaître une distinction entre autorités gestionnaires et autorités employeurs. Une entité gestionnaire est chargée de l'administration de 82 % des personnels civils du ministère : le service des ressources humaines civiles (SRHC), opérateur placé au sein de la direction des ressources humaines. Les 18 % restant sont directement gérés, pour des raisons sur lesquelles nous revenons en détail dans le rapport, par le service de santé des armées (SSA), par la direction générale de l'armement (DGA) et par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Face au service des ressources humaines civiles de la DRH-MD, on trouve trois grands employeurs : l'état-major des armées, le secrétariat général pour l'administration et la direction générale de l'armement. Cette organisation duale entre gestionnaires et employeurs se retrouve aux échelons national, régional et local.

Pour synthétiser notre sentiment à l'égard de cette gestion, nous pouvons dire au terme de nos auditions qu'elle est cohérente mais qu'elle pourrait, sur certains points, gagner en souplesse. Nous en prendrons deux exemples. Le premier est celui du référentiel en organisation, outil de gestion instauré en 2017, dans lequel chaque employeur exprime ses besoins en matière de ressources humaines. Cet outil est exprimé pour l'année N+1 et l'année N+6, au moyen d'emplois-types définis dans le référentiel des emplois ministériels. L'organisation de chaque service y est décrite de manière très précise avec une couleur d'uniforme – ou pas, si un poste est décrit comme destiné à un civil – et un grade. Cet outil paraît en première approche d'une grande simplicité et a le mérite de l'efficacité. Cependant, il semble poser des difficultés à plusieurs directions et services.

Un autre aspect technique qui a été pointé par les directions et services est la sincérisation des marges frictionnelles. La marge frictionnelle correspond à une marge de gestion allant au-delà des effectifs autorisés. Ce mécanisme offre notamment la possibilité d'assurer un tuilage entre personnels sortants et entrants dans un service. Le ministère des Armées a demandé à l'ensemble de ses employeurs de supprimer cette marge frictionnelle dans un objectif de mise en cohérence entre la description des postes en référentiel en organisation et les effectifs autorisés. Cette marge frictionnelle a été supprimée et remplacée par une marge de gestion très nettement moins importante. Si cette suppression ne pose pas problème à tous les services, dans certains d'entre eux, pour des raisons historiques, cette marge frictionnelle correspondait à un besoin essentiel. Pour eux, la suppression brutale de cette marge de manière ponctuelle a posé des problèmes d'organisation.

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Nous en venons maintenant à la seconde partie du rapport qui décrit les enjeux identifiés par la mission d'information. Ces enjeux sont de quatre ordres : recruter, fidéliser, valoriser les parcours professionnels des agents et, enfin, leur garantir des conditions de travail dignes et un dialogue social de qualité.

Le recrutement est évidemment le défi numéro un du ministère des Armées, pour les civils comme pour les militaires. S'agissant des civils, ce défi de recrutement s'explique par deux phénomènes cumulatifs. D'une part, les suppressions de postes massives ayant été imposées au ministère dans le cadre de la revue générale des politiques publiques – entre 2009 et 2015. Ces suppressions sont venues s'ajouter aux restructurations des années 2000, avec la fin des arsenaux qui fut un coup assez dur porté à notre souveraineté industrielle en matière de Défense. D'autre part, le deuxième phénomène est démographique. L'âge moyen des personnels civils du ministère est de 47 ans et 46 % des personnels civils ont 50 ans ou plus. En décembre 2019, 11 009 civils se trouvaient à moins de cinq ans de l'âge légal de la retraite et 2 152 avaient atteint ou dépassé l'âge de la retraite. Les départs à la retraite représentent 45 % des sorties définitives enregistrées chaque année – 69,5 % de ces sorties définitives chez les ouvriers de l'État. Dans les six ans à venir, le volume des départs à la retraite est estimé à environ 12 000, dont 5 000 pour les ouvriers de l'État et 3 300 pour les civils de catégorie C.

Dans ce contexte, le ministère recourt à toutes les voies possibles de recrutement.

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Le recrutement par concours, bien sûr, mais aussi le recrutement par contrat qui est devenu en 2020 le premier mode de recrutement des nouveaux arrivants. Si le recours au contrat se développe, c'est notamment parce que l'organisation de concours présente des rigidités – il faut jusqu'à onze mois avant l'arrivée des lauréats – et parce que, parfois, les nouvelles générations ont une moindre appétence que les précédentes pour les carrières très linéaires. C'est aussi parce que le contrat est le seul moyen d'offrir des rémunérations compétitives dans les secteurs soumis à une forte concurrence avec le secteur privé – qu'il s'agisse des ingénieurs, des data scientists, des traducteurs interprètes de langue rare ou des spécialistes des métiers des nouvelles technologies et du cyber, pour ne citer que quelques exemples. Le législateur, dans la loi de programmation militaire puis la loi de transformation de la fonction publique, a progressivement étendu la possibilité pour le ministère des Armées de recourir au contrat pour recruter.

En dehors du concours et du contrat, les services du ministère peuvent aussi recruter des militaires souhaitant se reconvertir dans le civil, ce qui présente pour ces services l'avantage de recruter des personnels acculturés au milieu et expérimentés. Enfin, le ministère des Armées mène une politique très active en matière d'apprentissage. S'il signe désormais 2 000 contrats d'apprentissage par an, il poursuit aussi ses efforts pour garder les apprentis qu'il a formés, une fois leur contrat terminé.

Compte tenu de l'enjeu majeur que constitue la nécessité de recruter 5 000 civils par an, la cellule de communication du SGA mène une politique de communication très active et vient tout juste de créer la marque « Civils de la défense » pour donner plus de visibilité à ces métiers. Cette communication passe par de multiples relais, tels que les réseaux sociaux et les salons de recrutement.

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Le deuxième enjeu pour le ministère, une fois les personnels recrutés, est de les fidéliser. Cette fidélisation passe par plusieurs vecteurs. On en citera quatre : le statut, tout d'abord, la rémunération, bien sûr, la formation et, enfin, la nature des missions exercées. S'agissant de la rémunération, le ministère des Armées tend à définir les grilles les plus attractives possible pour éviter à ses personnels contractuels d'être tentés d'aller dans le secteur privé, souvent à proximité des lieux de production. Certains formateurs regrettent que sitôt formés, des jeunes s'en aillent travailler pour des entreprises privées, en particulier dans les domaines concurrentiels dont on a parlé tout à l'heure. S'agissant des fonctionnaires, le ministère actionne le levier indemnitaire pour valoriser l'effort accompli par ses agents. En matière de formation, le ministère vise aussi à développer une politique active mais on constate que les personnels ont parfois des difficultés à suivre les formations proposées, non seulement parce qu'ils n'ont pas de temps réservé à la formation dans leur parcours professionnel mais aussi parce que les formations ne sont pas toujours proposées en nombre suffisant : les personnels se heurtent alors à des phénomènes d'engorgement. Enfin, les centres de formation du ministère des Armées sont localisés à Bourges et à Arcueil, ce qui – pardonnez-moi l'expression – n'est pas toujours la porte à côté pour un personnel civil employé à Brest, à Canjuers ou ailleurs. La question des formations nous paraît cruciale pour les personnels civils du ministère des Armées car ceux-ci voient que leurs camarades des armées sont, eux, perpétuellement en entraînement lorsqu'ils ne sont pas projetés en opération.

Le quatrième levier est bien sûr celui de la nature et du sens de la mission exercée. Plusieurs chefs de service du ministère des Armées l'ont souligné : les missions proposées aux personnels civils de la défense sont uniques, elles n'ont bien souvent aucun équivalent dans le secteur privé. En travaillant pour la défense nationale, les personnels civils du ministère des Armées contribuent à la souveraineté de l'outil militaire.

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Après le recrutement et la fidélisation, j'en viens à présent au troisième enjeu que nous avons identifié pour les personnels civils : celui de la valorisation des parcours professionnels civils. Cette question n'est pas simple d'autant que les personnels civils du ministère des Armées côtoient des militaires qui, eux, ont un parcours de carrière bien défini. Pourquoi cette question est-elle complexe ? Parce que les personnels civils, contrairement aux personnels militaires, ne se voient pas imposer d'obligations de mobilité. Malgré l'affirmation du principe d'obligation de mobilité lors d'un changement de grade ou de corps et de la possibilité d'assortir certains postes de durées minimales ou maximales d'affectation, la mobilité reste choisie par les personnels civils. Selon les chefs de service auditionnés, cela empêche ou limite la possibilité d'ouvrir plus largement des postes à responsabilité aux agents civils. En outre, il convient de trouver un point d'équilibre entre la nécessaire mobilité permettant d'enrichir les parcours individuels et l'exigence de fidélisation des personnels leur permettant de capitaliser leur expérience au regard de la complexité croissante des métiers.

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Quatrième et dernier point abordé dans la seconde partie du rapport : l'importance de garantir aux personnels civils un dialogue social et des conditions de travail dignes.

Premier point, le dialogue social a connu des évolutions aux dernières élections professionnelles de décembre 2018. Désormais, quatre organisations syndicales sont représentatives : la CFDT, FO, la CGT et l'UNSA. Ce dialogue social est globalement constructif et apaisé, c'est pourquoi il importe de le préserver. À cet égard, on peut s'interroger quant à la pertinence de la réforme des commissions administratives paritaires qui, désormais, ne se prononcent plus sur les décisions individuelles en matière d'avancement.

Second point, s'agissant des conditions de travail, nous revenons dans le rapport sur deux aspects. D'une part, sur les mesures du plan famille dont bénéficient les personnels et, d'autre part, sur la gestion de la crise sanitaire au ministère des Armées. Pendant cette crise, comme le reste de l'administration de l'État, le ministère des Armées a mis en application un plan de continuité de l'activité et s'est réorganisé dans un double objectif : protéger ses agents tout en garantissant l'exécution de ses missions essentielles. La mise en application du plan de continuité de l'activité a ainsi été adaptée à chaque service. La DIRISI a distribué des clefs de travail à distance et du matériel permettant la mise en télétravail des personnels. Il reste que le fonctionnement de bon nombre de services du ministère nécessite le maintien d'un travail en présentiel. Dans les services concernés, un système de travail en bordées a été instauré afin d'éviter au maximum le contact entre les personnels. Enfin, certains services, tels que la DGA, ont été particulièrement innovants, voyant dans la crise sanitaire l'occasion de réétudier son organisation du travail.

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En conclusion, nous souhaiterions évoquer à nouveau l'impression générale qui s'est dégagée de l'ensemble de nos travaux, tant lors de notre déplacement à Brest que lors de nos auditions. Celle de personnels dévoués, pleinement impliqués dans leur mission – au service de la souveraineté de la France et de la résilience de la Nation. Ce sens du service public, cet engagement, ce dévouement : voilà ce qu'il nous importait de mettre en valeur dans ce rapport – par-delà la multiplicité et la richesse des profils des personnels civils dont nous avons voulu rendre compte.

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Ce rapport me touche particulièrement, moi qui étais, qui suis encore statutairement et qui redeviendrai peut-être un personnel civil de la défense. L'exercice est un peu difficile puisque l'on n'a pas eu la chance d'avoir votre rapport quelques jours avant l'audition. Plusieurs de mes questions ont trouvé réponse dans votre présentation, notamment celle de savoir si les problématiques rencontrées en Afghanistan risquaient de se retrouver au Mali ou lors d'opérations futures. Je comprends du propos d'Alexis Corbière que c'est possible. Le temps que vous avez consacré à la question des personnels civils de recrutement local (PCRL) m'a interrogé sur la problématique de votre rapport. Je me suis demandé si le thème des personnels civils n'était pas une excuse, voire un prétexte, pour aborder en réalité le problème des PCRL et mettre de côté l'ensemble des personnels civils. Je comprends que votre rapport est plus équilibré. Les personnels civils sont un objet conséquent et on peut donc s'interroger sur la manière dont vous avez trouvé la problématique sur un sujet aussi large.

Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, lorsque j'ai choisi la voie du concours pour entrer dans cette administration, un de mes camarades de promotion, sorti également au ministère de la Défense, a reçu la mission de mettre fin au corps des ouvriers d'État du ministère de la Défense, corps dont vous avez un peu parlé. Avez-vous pu évaluer la dynamique de ce corps ? Considérez-vous que son existence est toujours pertinente, puisqu'on a considéré qu'il coûtait cher aux finances publiques ? Je crois que cette spécificité existe aussi dans d'autres ministères, de manière assez minoritaire.

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Les ouvriers d'État exercent des tâches très spécifiques qu'il serait impossible de transposer dans un concours. Ces tâches nécessitant une compétence particulière, il faut garder ce statut qui nous permet de recruter des gens compétents présentant une adaptabilité aux situations.

Nous sommes conscients que la partie consacrée aux PCRL dans notre présentation était peut-être trop longue et disproportionnée du point de vue des effectifs. Toutefois, ce sujet a suscité une certaine mobilisation, des articles dans la presse et il est bon pour l'honneur de notre pays que nous ayons la possibilité de réfléchir sur le sujet afin que la situation ne se reproduise pas. J'espère que les personnels qui nous ont écoutés ne croient pas qu'il y a un désintérêt à leur égard dans le rapport, lequel n'est évidemment pas seulement consacré à cette question. Malgré une sensibilité différente, Jean-Charles Larsonneur et moi-même avons essayé de vous présenter notre angle d'analyse sur le sujet, par loyauté et par respect pour la commission. Nous aurions aimé que nos préconisations et notre réflexion permettent d'éviter que la question soulevée ne se pose à nouveau à l'avenir.

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Sur les ouvriers de l'État, comme vous l'avez dit, monsieur Fabien Gouttefarde, nous revenons de loin. La dynamique historique est bien connue : arsenaux, politique de déflation, privatisations… Point essentiel, en 2015 et 2016, on a sanctuarisé 21 métiers rares, considérés comme des métiers de pointe où des compétences sont difficiles à trouver et parfois faciles à perdre. On a conforté l'idée que des filières particulières avec un système d'essais, de formation et de garantie de progression dans la carrière devaient exister pour ces métiers afin de les rendre attractifs. Sans cela, nous ne trouverions pas de personnel pour remplir ces missions, pourtant absolument essentielles à nos armées. Nous nous accordons sur ce point avec Alexis Corbière : il faut conforter ce dispositif. Lors de nos échanges avec différents services, a été évoquée l'opportunité de l'étendre, parfois, à quelques catégories supplémentaires de métiers. Je pense notamment à la logistique, revenue très régulièrement dans les discours des services et aux chaînes d'approvisionnement qui sont en effet un secteur stratégique, sur lequel il n'est pas toujours aisé de trouver des personnels formés à des métiers beaucoup plus techniques qu'il n'y paraît.

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Samedi dernier, la ministre des Armées a demandé à ce que sept des huit hôpitaux militaires implantés en métropole s'emploient à contribuer à l'accélération de la vaccination des personnes recensées comme prioritaires. Dans cette lignée, la ministre a également émis le souhait qu'en cas de nécessité, les armées se concertent avec les préfets et les agences régionales de santé pour que des centres de vaccination mobiles soient parallèlement déployés sur le territoire. Bien sûr, ce n'est pas la première fois que le service de santé des armées (SSA) apporte sa contribution depuis le début de la crise sanitaire, celui-ci ayant notamment permis la mise en place d'un établissement militaire de réanimation à Mulhouse ainsi que son récent aménagement à Mayotte. Néanmoins, les militaires eux-mêmes sont susceptibles de contracter le virus et, pour cette raison, doivent également pouvoir bénéficier d'une vaccination rapide. Cela représente donc une charge de travail conséquente pour les personnels civils qui œuvrent de manière journalière au sein du SSA, d'autant plus qu'un plan de recrutement d'une centaine de médecins généralistes a été lancé par ce même service. Dès lors, sur la base de ces différents éléments, doit-on craindre que l'épidémie que nous traversons ait un impact sur la capacité opérationnelle de nos armées, dont les personnels médicaux sont réquisitionnés à cet effet ?

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Permettez-moi de saluer l'engagement des 63 000 personnels civils du ministère des Armées qui contribuent pleinement à la souveraineté de notre pays. Dans la continuité de notre collègue, M. Jean-Pierre Cubertafon, ma question portera sur le rôle des personnels civils du SSA dans la crise sanitaire que nous traversons. Cette semaine, le ministère des Armées a en effet annoncé son objectif de vacciner 50 000 Français par semaine, dans le cadre de la stratégie nationale au travers de sept hôpitaux militaires. Comment vont être employés les personnels civils du SSA dans cette crise ? En outre, l'avenir stratégique est incertain et les armées doivent avoir la capacité de gérer des pics d'activité dans une logique de stocks et pas uniquement de flux. Cela concerne bien sûr les ressources humaines, y compris les personnels civils opérant parfois des missions critiques, notamment le service interarmées des munitions (SIMu), que vous avez mentionné. Existe-t-il une réflexion sur le renforcement des personnels civils en cas de crise majeure ? Serait-il par exemple possible de davantage les mobiliser au-delà du cadre des heures supplémentaires ? Souvent, lorsqu'on parle des réservistes, on ne pense qu'aux réservistes de statut militaire. Or, il existe de nombreuses réserves civiles, de police, d'éducation ou de santé. Une telle réserve existe-t-elle pour les personnels civils du ministère des Armées ?

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Comme notre collègue Fabien Gouttefarde, j'étais au début surpris par le développement sur les PCRL mais en définitive, je trouve bien que l'on puisse se concentrer sur des situations un peu particulières dans nos rapports, d'autant plus qu'on touche ici à des problèmes pétris d'humanité.

Concernant les ouvriers d'État, je voudrais vous interroger sur la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC). Je sais que les organisations syndicales parviennent quelquefois à signer des accords, comme cela a été le cas l'an dernier à Naval Group, avec cependant des insuffisances constatées sur l'absence d'engagement annuel chiffré pour rééquilibrer les effectifs. D'ailleurs, la demande des organisations syndicales se fait en lien avec le plan de charge qui, si l'on prend l'exemple de Naval Group, est extrêmement important et doit conduire à augmenter les capacités de production, à augmenter le nombre de salariés et à s'attacher à la qualité des formations. Au vu des rencontres que vous avez pu avoir en la matière, avez-vous des précisions à apporter ?

Ma deuxième question porte plus particulièrement sur les conséquences de l'évolution du maintien en condition opérationnelle (MCO) du matériel. Nous allons vers une implication beaucoup plus forte de l'industrie privée, notamment dans la maintenance terrestre au profit du ministère des Armées. Il y a deux ans, on relevait 15 % d'appels aux entreprises privées, tandis que l'objectif est aujourd'hui de monter à 40 %. Cela a-t-il des conséquences sur le personnel civil du ministère des Armées ? Cela ne risque-t-il pas de poser un problème de souveraineté et d'indépendance vis-à-vis des industriels privés ? Ne risque-t-on pas d'avoir une forme de perte de compétences qui pourrait s'avérer préjudiciable par la suite ?

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Messieurs les rapporteurs, j'ai le sentiment qu'une l'évolution est en cours en faveur d'une plus grande implication du peuple dans l'armée, et réciproquement. Cette évolution ne peut qu'entraîner une meilleure compréhension de l'ensemble de notre pays.

Avez-vous pu prendre connaissance des préoccupations ou des revendications des personnels civils du ministère des Armées concernant l'amélioration du suivi de leurs carrières, l'anticipation de leur avenir professionnel et de leur métier, ainsi que l'accès aux formations continues ?

De nouveaux métiers sont-ils proposés aux personnels civils du ministère des Armées ?

Enfin, qu'entreprend le service des ressources humaines du ministère pour permettre aux jeunes issus des quartiers défavorisés d'accéder à des postes au sein du ministère ?

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Ma question porte sur le recrutement et la fidélisation. Vous avez évoqué la nécessité de fidéliser les personnels civils mais quelle est l'attractivité des métiers civils du ministère des Armées face à la concurrence, lors du recrutement des agents ? En quoi les métiers civils du ministère peuvent-ils attirer les jeunes ?

En complément de salaires compétitifs, pouvons-nous envisager, pour améliorer cette attractivité, un partenariat contractuel avec des entreprises ? Un jeune pourrait être recruté par le ministère des Armées pour une période contractuelle, de cinq ans par exemple, pour ensuite être accueilli par une entreprise. Cela permettrait d'accueillir des compétences, soit au niveau apprenti, soit au niveau ingénieur, pendant au moins cinq ans, sans avoir à affronter la concurrence des entreprises.

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Au sein des armées, que le personnel soit civil ou militaire, reviennent régulièrement les questions de la fidélisation et de l'attractivité des postes. Ces enjeux ont notamment été mis en lumière dans le domaine sanitaire avec la crise de la Covid-19, s'agissant en particulier du recrutement de professionnels au service de santé des armées, et ce, dans plusieurs spécialités. Vous l'avez d'ailleurs évoqué, la comparaison, en termes de revenus, avec le secteur libéral ou privé, est souvent avancée. Au cours de vos auditions, avez-vous ressenti chez les responsables du ministère, le besoin, d'une part, de donner du sens et de valoriser les différentes missions pour mieux fidéliser les personnels civils, et d'autre part, de valoriser les grilles indiciaires du traitement des personnels civils du ministère ?

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Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de l'exhaustivité et de la précision de votre rapport qui a permis de mettre en valeur l'apport essentiel de milliers de femmes et d'hommes engagés pour notre pays aux côtés des militaires. Comme vous avez pu le montrer de manière exhaustive, le personnel de santé du ministère des Armées, même s'il ne représente qu'un pourcent de l'offre de soins en France, a constitué un renfort essentiel pour lutter contre le virus. Le 13 juillet dernier, les accords du Ségur ont été signés, mobilisant près de 19 milliards d'euros afin de permettre des investissements fondamentaux en termes de personnels et de lits pour répondre à la crise. Ces accords, rappelons-le, ont été signés par trois des syndicats majoritaires. Dans ce contexte, quelle transposition concrète du Ségur de la santé concerne-t-elle directement les personnels civils des Armées ?

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J'aimerais revenir à la question des interprètes afghans. En 2018, j'avais participé à une audition de l'Association des interprètes et auxiliaires afghans de l'armée française, qui représente les intérêts de ces PCRL. À ce moment-là, il y avait encore plusieurs cas en suspens, et je comprends, d'après vos interventions, que le ministère des Armées a vraiment porté une grande attention à ces cas-là. Mais je pense néanmoins que le Parlement doit s'assurer que les enseignements ont bien été tirés de cette situation. Il y a certainement aussi des aspects de sécurité qu'il ne faut pas négliger, quant à l'arrivée de certains ex-PCRL sur notre territoire national.

M'étaient apparues à cette époque-là des difficultés de transmission des dossiers d'un ministère à l'autre. Plusieurs ministères se sont investis dans le traitement de cette question, le ministère des Armées, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur pour la question des visas. Avez-vous pu constater une évolution qui aille dans le sens d'une action plus concertée entre les différents ministères ?

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En réponse à M. Jean-Pierre Cubertafon et à plusieurs autres collègues, le rôle des hôpitaux d'instruction des armées (HIA), du SSA et des personnels civils du ministère des Armées intervenant dans le domaine de la santé est évidemment essentiel. On a beaucoup parlé de l'opération Résilience et de ce qui a été accompli à Mulhouse. On a mis en avant l'action des militaires, un peu moins parfois celle des personnels civils qui ont aussi été extrêmement mobilisés et impliqués dans des métiers très divers : des aides-soignants aux infirmiers. Ces métiers sont variés et sous tension. Nos hôpitaux militaires jouent un rôle essentiel dans la résilience sanitaire du pays. Nous avons donc souhaité regarder ce sujet de près.

Cela a déjà été dit, les HIA vont jouer un rôle particulier dans la vaccination. Cependant, et c'est un point que j'avais soutenu, ils vont le faire en tant qu'HIA. Certes ils participeront à l'effort de guerre, puisque c'est le vocabulaire employé contre le virus, en lien avec les hôpitaux publics et avec le dispositif sanitaire global mais ils vont le faire en tant qu'hôpitaux des Armées. C'est un point important qui met en lumière tout leur savoir-faire, toute leur compétence ainsi que leur emprise et leur empreinte sur le territoire. Cette empreinte doit être préservée si l'on veut garder un maillage important et efficace de médecine militaire sur le territoire national.

Nous avons regardé comment se déroulait le parcours de ces personnels qui ont tant contribué à l'effort de guerre sanitaire, comment simplifier certains statuts et résoudre certaines difficultés liées au passage des concours ou liées à certaines catégories. Nombre de personnels sont passés de catégorie C en B au cours de ces dernières années. Nous avons également regardé quelles mesures prendre en faveur du service de santé des armées.

Nous insistons dans le rapport sur des mesures qui nous semblent importantes. S'agissant du traitement indiciaire, un décret du 19 septembre 2020 s'applique au personnel hospitalier du ministère des Armées mais nous souhaiterions qu'il s'applique également à tous les personnels du SSA, notamment à ceux qui sont chargés du ravitaillement et de la médecine des forces, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je l'ai évoqué brièvement, on constate en effet que pour des raisons administratives, les mesures du Ségur de la santé sont appliquées avec retard au SSA. Nous appelons de nos vœux une transposition rapide de ces mesures pour tous les personnels de ce service.

Toujours concernant le SSA, Thomas Gassilloud nous a demandé si l'on pouvait mobiliser les personnels civils en cas de crise majeure. Tout d'abord, nous tenons à le dire, lorsque nous nous sommes rendus en déplacement dans des services, nous avons pu constater l'extrême mobilisation de ces personnels et leur enthousiasme à contribuer à la mission, leur sens de la mission, mais aussi la frustration de ne pas pouvoir en faire autant que les personnels militaires dans certaines missions. Nous avons ressenti une vraie complémentarité entre civils et militaires et le sentiment de participer à une mission commune. Peut-on mobiliser les personnels civils en cas de crise ? Ils le sont déjà et c'est notamment le cas dans le cadre de la crise sanitaire. Ce qu'on ne peut pas faire – et c'est là la ligne de départage – c'est les projeter en opération, la projection étant l'apanage des militaires. Il reste que les civils ont été extrêmement sollicités, qu'ils ont répondu à l'appel et qu'ils souhaiteraient parfois en faire plus.

S'agissant des ouvriers de l'État, qui intéressent tout particulièrement André Chassaigne, je crois que nous avons déjà dit l'essentiel.

Concernant le dialogue social et les engagements chiffrés en termes d'effectifs, je voudrais distinguer ce qui se fait au sein de Naval group, et qui relève du dialogue social de l'entreprise, de ce qui se fait au sein du ministère des Armées. Le dialogue social au ministère est plutôt de bon niveau au sens où celui-ci est dense. Les syndicats ont exprimé le regret d'être moins impliqués que par le passé dans le traitement des questions d'avancement.

Aujourd'hui, on peut sans doute aller un peu plus loin pour élaborer une véritable gestion prévisionnelle des emplois civils, qui permettrait à l'ensemble des employeurs des personnels civils de mieux positionner la ressource humaine, parce qu'elle est comptée, et de mieux offrir à chaque personne des perspectives de carrière, de manière plus valorisante, selon une logique de gains réciproques : pour les employeurs, il s'agit de disposer d'une ressource bien positionnée, et pour l'individu d'avoir une réelle vision sur le déroulement de sa carrière. Il faudrait par exemple pouvoir compléter les formations communes du monde civil par des briques de formation de spécialité plus ciblées, quitte à renforcer les capacités de formation pour absorber cette charge. Si la gestion prévisionnelle reste perfectible, elle fonctionne néanmoins.

Sur le maintien en condition opérationnelle, M. André Chassaigne se demandait comment se passe le dialogue entre le secteur privé et les civils de la Défense dans ce domaine. Le MCO a connu des évolutions nombreuses dans la période récente. Est ressortie de nos auditions la nécessité de réarmer les compétences du ministère, y compris par des personnels civils, pour être à niveau techniquement avec les industriels. Le mouvement de privatisation d'activités relevant auparavant des arsenaux est bien connu. Le MCO a évolué avec une gestion en plateformes. De nombreux services, tels que le MCO aéronautique, ont souligné l'importance de mieux armer les compétences et les savoir-faire étatiques pour permettre au ministère d'entretenir un dialogue d'égal à égal avec les industriels et être à niveau techniquement. Cela suppose le recrutement ciblé de personnes compétentes, ce qui nous ramène aux parcours de carrière et à la gestion prévisionnelle que j'évoquais à l'instant.

Ensuite, y a-t-il délestage vers le privé ou pas, en cas de hausse de charge urgente ? Les services de MCO du ministère sont les premiers sollicités en cas de hausse de charge. Lorsque la capacité du MCO est saturée, le secteur privé prend le relais. Il y a donc une certaine complémentarité entre le privé et le public, dans une logique de délestage. Je ne crois pas qu'il y ait une remise en cause fondamentale de la souveraineté ni des compétences avec ce MCO réformé mais plutôt une complémentarité, supposant, comme je le disais précédemment, que l'État dispose de personnels compétents. C'est là tout l'enjeu de recrutement et de fidélisation pour les années à venir.

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Quant à savoir si les personnels civils des armées vont être mobilisés face à la crise dans la période à venir, ils le sont déjà.

S'agissant, Madame Ballet-Blu, de l'extension du bénéfice des accords du Ségur aux personnels civils du service de santé des armées, cette extension est en cours et nous sommes favorables à ce que les dispositions proposées pour les personnels hospitaliers soient généralisées à l'ensemble des personnels du service de santé des armées. Nous allons veiller à cette extension qui nous semble la nécessaire reconnaissance de la mobilisation particulière de ces personnels.

S'agissant, monsieur Jean-Philippe Ardouin, de la fidélisation, nous avons essayé dans ce rapport – évidemment plus complet que la présentation que nous vous en avons faite – de traiter à la fois de l'évolution des grilles indiciaires, de la formation et des concours à affectation régionale. L'objectif de ces derniers est de permettre aux personnels, ayant parfois quelques années de maison et étant attachés à leur région, notamment parce qu'ils y ont établi leur vie de famille, d'avoir une certaine visibilité sur leur futur lieu d'affectation avant de s'inscrire à un concours. La régionalisation de l'affectation des lauréats aux concours évite aux personnels d'être dissuadés de passer des concours au motif qu'ils ne connaîtraient pas leur futur lieu d'affectation.

Nous abordons aussi dans le rapport certaines questions concrètes, telles que celle des aides accordées aux personnels militaires souhaitant passer des concours, aides pouvant prendre la forme d'une prise en charge de leur déplacement et de leur hébergement. Cette dimension contribue à la fidélisation qui, on le sait, passe aussi par la rémunération. Il est difficile au ministère des Armées d'avoir la capacité de s'aligner sur les propositions de rémunération qui sont faites par des groupes privés. Cela étant, nous avons aussi l'impression que les personnels sont attachés à un certain « esprit maison ».

Monsieur Marilossian, tout partenariat avec les entreprises est utile, dans les métiers à haute compétence notamment, mais comment faire en sorte que cela n'amplifie pas les difficultés que nous avons ? En effet, au ministère des Armées, les tuteurs forment des jeunes qui, ensuite, partent dans le secteur privé, parce que la rémunération y est plus élevée ou parce qu'on est venu les débaucher.

Mme Natalia Pouzyreff a évoqué à juste raison les « femmes et les hommes », ce qui me conduit à penser que nous n'avons peut-être pas assez insisté dans notre rapport sur la place des femmes. Il y a 16,1 % de femmes chez les militaires et 32,4 % parmi les personnels civils. J'insiste sur ce point, même si les pourcentages diffèrent selon les services : on compte 22 % de femmes à la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) mais 31 % au service d'infrastructures de la Défense (SID). Les professions civiles sont évidemment plus féminines que celles de nos personnels militaires. Même si on n'atteint pas encore les 50 %, les femmes sont bien présentes au ministère.

S'agissant des PCRL, il est évident qu'un travail interministériel est mené. Bien que je sois apparu aux oreilles de certains comme plus laxiste que mon collègue co-rapporteur, il est évident que le Gouvernement, notamment le ministère des Affaires étrangères, procède à des vérifications visant à garantir la sécurité, et que les dossiers sont examinés dans le cadre d'un travail interministériel. Ce travail est fait et que je crois qu'il faut faire.

Monsieur Lassalle, je crains qu'il n'y ait pas de dispositif de recrutement particulièrement dédié aux jeunes des quartiers mais cela reste à vérifier.

Beaucoup des questions que vous avez posées relèvent de choix politiques dont j'ignore s'ils seront faits – ou pas – par le Gouvernement quant à l'utilisation de ces personnels.

Enfin, mon collègue et ami André Chassaigne nous a demandé si on n'était pas exposé à un risque de perte de compétences, voire de perte d'indépendance. Je pense comme vous, monsieur Chassaigne, qu'il faut veiller à éviter toute perte de compétences. C'est le sens de nos préconisations : éviter que toutes ces compétences, parfois très pointues, partent vers le secteur privé. Le ministère des Armées doit indiscutablement mener une réflexion à ce sujet, a fortiori dans un contexte de vieillissement et de fort renouvellement des personnels dans les prochaines années. Nous allons recruter dans tous les secteurs et il faudra veiller à ce que ce recrutement soit pertinent et efficace, et qu'il assure la stabilité des personnels recrutés.

Notre rapport est évidemment plus complet que la présentation que nous en faisons, et nous pourrons éventuellement apporter des réponses écrites plus précises aux collègues qui le souhaitent, compte tenu de l'importance de ces enjeux.

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Je compléterai la réponse d'Alexis Corbière à la question de Natalia Pouzyreff sur la coordination interministérielle. Je vous remercie tout d'abord d'avoir noté que des efforts très substantiels ont en effet été menés pour faire évoluer le dispositif en faveur de ces PCRL. Comme nous l'avons décrit un peu brièvement précédemment, mais de manière bien plus complète dans le rapport, le dispositif interministériel a évolué au fil du temps. Ce dispositif concerne évidemment plusieurs ministères : celui des Armées, celui de l'Intérieur, s'agissant par exemple des demandes de visas, et celui des Affaires étrangères sur la situation du pays – sans compter la question d'utilisation de données sensibles : il est en effet des cas où des personnels ont été en contact avec des forces hostiles et il est bien légitime que nous cherchions à nous protéger de situations susceptibles de mettre en danger des Français sur le territoire national.

Eu égard à la coordination interministérielle, il y a eu plusieurs évolutions. Dans la deuxième phase que l'on a citée tout à l'heure, a été désigné un préfet référent, entouré d'une cellule de coordination. Ensuite, une mission interministérielle a été envoyée à Islamabad, impliquant non seulement les ministères régaliens dont j'ai parlé à l'instant mais aussi les ministères du Logement, pour reloger ces personnes, ou des Affaires sociales, ce qui montre que le sujet a été pris dans sa dimension la plus humaine possible. Il existe bien sûr une délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés qui joue pleinement son rôle, elle aussi. Faudrait-il avoir une instance permanente ? Pour ma part, je ne suis pas favorable à la création de comités Théodule. Il faut rester réactif. Je pense que le dispositif s'est adapté, de manière pertinente, au cours du temps, répondant à des besoins divers qui ont eux aussi évolué. Je suis donc favorable à la coordination interministérielle et aux formules ad hoc qui répondraient à des besoins éventuels, y compris sur des futurs théâtres d'opération.

Je remercie Jean Lassalle de ses propos. La formation continue, l'apprentissage et l'accompagnement des jeunes sont évidemment essentiels. Comme le disait Alexis Corbière, il importe de toucher ces publics et de leur montrer toute la richesse de ces carrières. Quand on pense aux armées, on pense surtout aux carrières militaires alors que les métiers civils sont nombreux, essentiels et parfois méconnus, alors même qu'ils offrent de belles carrières et de belles possibilités d'évolution. Nous avons beaucoup mis l'accent dans le rapport sur le fait que le ministère fait des efforts pour faire connaître ces métiers mais qu'il faudra aller encore plus loin, parce que le défi de recrutement est majeur. L'apprentissage a du succès mais il ne faut pas perdre les apprentis au terme de leur contrat. Certes, on peut toujours faire mieux et plus en matière de formation continue, tant elle est importante. La complémentarité entre le civil et le militaire est l'évidence même et est pleinement intégrée. Nous l'avons senti lors de nos différentes visites sur le terrain : le sens de la mission est partagé.

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Merci, chers collègues, pour ce travail important.

Je pense que ce rapport sera lu avec beaucoup d'attention par de nombreuses personnes, autant par les décideurs que par les employeurs, par l'ensemble des personnels civils de la Défense et bien au-delà. Vous l'avez démontré, et je tiens à le saluer, la grande diversité des métiers et des possibilités de carrière est au cœur des enjeux du ministère, tout comme l'est la question des nombreux départs à la retraite dans les prochaines années. Il faudra aussi envisager la possibilité de faire, de manière plus souple, des allers-retours entre les secteurs public et privé.

Je retiens, parmi la multitude de vos propositions, l'enjeu de recrutement des personnels civils d'ici à 2025, notamment dans les nombreux services de soutien essentiels à nos opérations tels que le service interarmées des munitions (SIMu), le service de santé des armées, le service du commissariat des armées ou encore le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer). Je retiens aussi l'émergence de la marque employeur « Civils de la défense ». Peut-être faudra-t-il encore davantage la diffuser auprès du monde civil, des jeunes et des missions locales. Son succès est une garantie indispensable à la valorisation des parcours professionnels civils, au service de nos opérations et de notre souveraineté.

Enfin, s'agissant des personnels civils de recrutement local, je relève l'ampleur des efforts qui ont été faits depuis quelques années et qui permettent de régler nombre de situations. Je pense que la France a réussi, malgré tout, à être à la hauteur des enjeux et du niveau d'implication de ces personnels que nous saluons.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur les personnels civils de la Défense en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures trente