Intervention de Jean-Charles Larsonneur

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Larsonneur, co-rapporteur :

Comme Alexis Corbière, je tiens à rappeler combien je suis attaché à une protection fonctionnelle clairement définie, efficace et de nature à promouvoir tant la sécurité des agents que le bon fonctionnement de nos armées sur les théâtres extérieurs. Si le « livre noir » de la protection des PCRL a été régulièrement écrit par des commentateurs assumant leur orientation critique, voire à charge, rarement un travail visant à un réel effort d'objectivité a été conduit. Ce rapport en est l'occasion. Il présente des éléments inédits et j'espère qu'il sera lu par ceux qui s'intéressent à ce sujet. Je constate que, malgré l'urgence initiale et le caractère protéiforme, irrégulier dans le temps et souvent sensible des demandes effectuées, des efforts importants ont été accomplis par l'administration française pour s'adapter à la situation et relocaliser ces anciens personnels sur le territoire national.

Je voudrais remettre en perspective la citation du général François Lecointre qu'a faite à l'instant Alexis Corbière – citation issue d'une audition devant cette même commission en octobre 2018, car elle est un peu plus complète. Le chef d'état-major des Armées indiquait : « Lorsque j'étais en poste à Matignon, je me suis beaucoup occupé de la question des interprètes afghans, qui relevait de la plus grande complexité. Beaucoup a été fait, par l'ambassade de France en Afghanistan ainsi que par le préfet qui avait été désigné par décision interministérielle pour gérer ces PCRL ; ils ont accompli un travail considérable. Bien évidemment, nous continuons de recourir à ces personnels, parmi lesquels nous comptons d'ailleurs peu d'interprètes. Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent. Très clairement, le jour où nous quitterons le Mali, dont j'espère qu'il aura alors retrouvé la paix, nous devrons nous poser la question et anticiper le nécessaire digne traitement des PCRL. C'est à juste titre que vous posez la question ; nous allons mettre en place les moyens d'une anticipation, y compris d'un suivi de ces personnels dans la durée. Nous devons établir des bases de données afin de les recenser, car souvent des personnes indiquent avoir servi l'armée française alors que nous n'en avons aucune trace. Je veillerai à ce que ces moyens soient bien mis en œuvre. Par ailleurs, le Mali n'est pas l'Afghanistan, et vous savez que j'ai dit que cette opération sera nécessairement longue, car notre ambition est de ramener ce pays à la paix. » C'est aussi un point important et on y reviendra peut-être dans les questions : le Mali n'est pas l'Afghanistan. Nous avons des relations anciennes avec ce pays, parfois des PCRL travaillent depuis des générations au service de l'armée française. Par conséquent, il est évident que les conditions de suivi et d'accompagnement de ces personnels ne sont et ne seront pas les mêmes en Afrique que celles connues en Afghanistan. Je tiens également à rappeler ce qu'est la protection fonctionnelle, sa raison d'être, son utilité même. Il s'agit de la sécurité d'agents ayant servi l'armée française. À ce titre, je ne pense pas qu'elle doit être indûment étendue, confondue avec le droit d'asile ou encore galvaudée par l'octroi de droits exorbitants a priori. Recruter des personnels de qualité au service de la France, les rémunérer et les protéger d'éventuelles menaces liées à leur emploi, c'est autant l'intérêt de nos armées que la fierté de notre pays. Mais instituer, dès la signature d'un contrat avec un PCRL, un droit automatique à l'installation en France avec sa famille et ses collatéraux, assorti de l'ensemble des droits sociaux offerts par la France à ses ressortissants, c'est trahir l'esprit et la lettre de la protection fonctionnelle. Je rappelle que les collatéraux de nos propres militaires ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle. Ce serait aussi, possiblement, inciter à des comportements opportunistes qui ne seraient pas forcément bénéfiques à nos armées et, en outre, contraire à l'objectif que la France s'est donnée de manière générale à l'étranger : promouvoir des partenariats bénéfiques à l'activité locale plutôt que de susciter des espoirs d'expatriation.

Sur l'idée d'un dispositif légal de relocalisation, je dois confesser une forme de scepticisme. Parmi les différents pays de la coalition internationale intervenue en Afghanistan, l'ISAF, certains ont privilégié cette voie légale, par exemple les États-Unis, d'autres non, par exemple le Royaume-Uni, mais tous ont adapté leur dispositif au fil de l'eau. Je constate que l'inscription dans la loi de ce dispositif n'est pas la garantie en soi d'une meilleure protection. À ce jour, la jurisprudence du Conseil d'État paraît suffisamment extensive et complète pour couvrir l'ensemble des situations présentes en Afghanistan, sur de futurs théâtres, et répondre à une grande diversité de situations. D'ailleurs, même si le cas ne s'est pas encore présenté au contentieux, cette jurisprudence paraît aussi suffisante concernant des personnels recrutés par des sociétés d'intérim. À mon avis, il vaut mieux travailler sur l'information, le recensement, le suivi et, le cas échéant, l'accompagnement des personnels.

Voilà nos quelques remarques sur les PCRL. Nous allons à présent élargir notre propos à l'ensemble du champ de notre rapport.

Si nous avons présenté la grande diversité des statuts des personnels civils du ministère des Armées, nous voudrions également insister sur la richesse des métiers qu'ils exercent. Dans les limites physiques de notre rapport, nous ne pouvons pas présenter tous ces métiers oralement aujourd'hui. Nous avons fait le choix d'en présenter les grands ensembles et de mettre en lumière la diversité des métiers exercés dans deux services du ministère des Armées, que nous avons retenus pour des raisons opposées :

– l'un, parce qu'il est peu connu : le service interarmées des munitions, avec les métiers de la pyrotechnie ;

– l'autre, parce qu'il est au contraire très connu par ses hôpitaux et qu'il a très médiatisé pendant la crise sanitaire : le service de santé des armées.

Nous n'avons pas le temps, dans le cadre de cette présentation orale, de revenir sur tous les métiers de ces deux services. Nous vous renvoyons à notre rapport pour en découvrir la richesse. Nous nous contenterons ce matin de rendre hommage au rôle indispensable de l'ensemble des personnels civils – comme des personnels militaires, d'ailleurs – du service de santé des armées dans la crise sanitaire et d'insister sur l'urgence de transposer à leur profit les mesures du Ségur de la santé.

Je dirai maintenant quelques mots de la gestion des personnels civils au ministère des Armées. Cette gestion est très différente de celle des personnels militaires qui, elle, est directement assurée par chacune des trois armées. La gestion des civils fait apparaître une distinction entre autorités gestionnaires et autorités employeurs. Une entité gestionnaire est chargée de l'administration de 82 % des personnels civils du ministère : le service des ressources humaines civiles (SRHC), opérateur placé au sein de la direction des ressources humaines. Les 18 % restant sont directement gérés, pour des raisons sur lesquelles nous revenons en détail dans le rapport, par le service de santé des armées (SSA), par la direction générale de l'armement (DGA) et par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Face au service des ressources humaines civiles de la DRH-MD, on trouve trois grands employeurs : l'état-major des armées, le secrétariat général pour l'administration et la direction générale de l'armement. Cette organisation duale entre gestionnaires et employeurs se retrouve aux échelons national, régional et local.

Pour synthétiser notre sentiment à l'égard de cette gestion, nous pouvons dire au terme de nos auditions qu'elle est cohérente mais qu'elle pourrait, sur certains points, gagner en souplesse. Nous en prendrons deux exemples. Le premier est celui du référentiel en organisation, outil de gestion instauré en 2017, dans lequel chaque employeur exprime ses besoins en matière de ressources humaines. Cet outil est exprimé pour l'année N+1 et l'année N+6, au moyen d'emplois-types définis dans le référentiel des emplois ministériels. L'organisation de chaque service y est décrite de manière très précise avec une couleur d'uniforme – ou pas, si un poste est décrit comme destiné à un civil – et un grade. Cet outil paraît en première approche d'une grande simplicité et a le mérite de l'efficacité. Cependant, il semble poser des difficultés à plusieurs directions et services.

Un autre aspect technique qui a été pointé par les directions et services est la sincérisation des marges frictionnelles. La marge frictionnelle correspond à une marge de gestion allant au-delà des effectifs autorisés. Ce mécanisme offre notamment la possibilité d'assurer un tuilage entre personnels sortants et entrants dans un service. Le ministère des Armées a demandé à l'ensemble de ses employeurs de supprimer cette marge frictionnelle dans un objectif de mise en cohérence entre la description des postes en référentiel en organisation et les effectifs autorisés. Cette marge frictionnelle a été supprimée et remplacée par une marge de gestion très nettement moins importante. Si cette suppression ne pose pas problème à tous les services, dans certains d'entre eux, pour des raisons historiques, cette marge frictionnelle correspondait à un besoin essentiel. Pour eux, la suppression brutale de cette marge de manière ponctuelle a posé des problèmes d'organisation.

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