La montée en puissance des forces locales passe aussi par des réformes structurelles, permettant de mettre en place un cycle opérationnel vertueux et de mieux considérer les militaires, en commençant par « bancariser » les soldes. Pour l'heure, au Mali, la bancarisation ne concerne que les officiers…
Au-delà, il s'agit de poursuivre l'accompagnement de la force conjointe et d'accroître ses capacités. À terme, il pourrait être envisagé de la placer sous « Chapitre VII » de l'ONU, afin notamment d'espérer pérenniser ses financements.
J'en viens immédiatement au deuxième axe : l'approfondissement de l'internationalisation.
Je me concentrerai sur trois points :
- la clarification du mandat de la MINUSMA, qui semble au milieu du gué et hésiter à basculer dans une logique d'imposition de la paix dans le Centre du Mali, comme son mandat l'y invite pourtant depuis 2019. Nous pourrons y revenir dans les questions ;
- la levée des doutes quant à la pérennité de l'engagement américain, si essentiel au Sahel.
- l'ancrage de la durée de la force Takuba, ce qui suppose que l'ensemble de nos partenaires tiennent leurs engagements.
Le troisième axe d'effort que nous avons identifié est particulièrement sensible. Il s'agit d'ériger en principes cardinaux la lutte contre les exactions et la protection des populations civiles.
Vous avez tous lu dans la presse qu'il y a deux semaines, des militaires tchadiens déployés au sein du 8e bataillon de la force conjointe avaient violé trois femmes, au moins, âgées de 32, 23 et 11 ans dans le village de Tera, au Niger. Il ne s'agit malheureusement que d'un exemple parmi d'autres des exactions commises par les forces de défense et de sécurité locales dont sont victimes les populations civiles. Au printemps 2020, l'ONU relevait ainsi que les forces de défense et de sécurité maliennes avaient procédé à près d'une centaine d'exécutions sommaires et arbitraires en trois mois.
En la matière, il est aussi de la responsabilité des armées occidentales, qui forment les armées locales, d'intensifier la formation aux droits de l'homme et au droit international humanitaire, comme d'accompagner les réformes des armées locales. À ce titre, il faut d'ailleurs se féliciter que la force conjointe se soit doté d'un dispositif ad hoc, le Mécanisme d'identification, de suivi et d'analyse des dommages causés aux civils, ou MISAD, dont vous pouvez trouver la présentation dans le rapport.
En outre, la lutte contre les exactions passe aussi par la lutte contre l'impunité. D'autant que si les pays sahéliens n'instituent pas une chaîne pénale robuste et équitable et que les crimes des milices communautaires ou les exactions des forces de défense et de sécurité demeurent impunis, les populations locales seront « jetées dans les bras des GAT ».