Intervention de Nathalie Serre

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Serre, co-rapporteure :

Mais parce que la voie politique constitue la seule issue de long terme à la crise du Sahel. Parce que la menace terroriste ne s'épuisera qu'une fois épuisé le terreau sur lequel elle prospère. Il faut surtout mettre en œuvre le « sursaut civil ».

Pour ce faire, il est d'abord indispensable que le Mali retrouve la paix.

À N'Djamena, l'accent a été porté sur la mise en œuvre de l'APR. Si l'on ne peut que souhaiter un apaisement de la question du Nord du Mali, l'APR semble aujourd'hui poser davantage de questions qu'il n'en résout. D'abord, car l'APR lui-même est au point mort, qu'il fait l'objet de nombreuses critiques de la part de la population elle-même et que les groupes armés signataires ont fortement changé depuis 2015.

Par ailleurs, alors que le Mali apparaît toujours plus fragmenté, la question qu'il faut se poser est celle de l'opportunité d'un nouveau processus de dialogue national, à même de déboucher sur un accord de sécurité plus global dont l'APR ne serait que l'un des piliers. En somme faut-il un nouvel accord ?

Et ce faisant, surgit une question particulièrement sensible pour nous, Français : faut-il négocier avec les terroristes ?

La position officielle de la France est claire : c'est non.

Mais de notre point de vue, aussi ferme soit elle, cette position appelle plusieurs commentaires, car pour la plupart de nos interlocuteurs, l'ouverture de négociations avec certains groupes terroristes paraît à terme inévitable, car telle est la volonté des autorités et des populations sahéliennes.

D'après nous, il faut donc anticiper les choses et :

- nous assurer que nos partenaires sahéliens n'ouvrent pas des canaux de discussions à notre insu ;

- déterminer les « lignes rouges » à ne pas franchir dans le cadre d'éventuelles discussions, comme l'intégrité du territoire malien, la liberté religieuse, l'exercice uniforme des services régaliens ;

- identifier les conditions que poseraient les groupes terroristes pour l'ouverture de telles négociations ;

- retarder l'ouverture de telles discussions, le temps de se trouver dans la position la plus favorable possible, c'est-à-dire idéalement parvenir à neutraliser les chefs des groupes terroristes.

Si nous sommes évidemment défavorables à l'ouverture de telles négociations, il s'agit d'un scénario hautement probable auquel il faut donc se préparer, y compris moralement. Car au Sahel, des négociations ont déjà été engagées au niveau local, parfois avec l'assentiment du gouvernement.

Pour que le Mali retrouve la paix, il faut aussi que le retour à une vie démocratique « normale » ne souffre aucun retard, près de huit mois après le coup d'État du 18 août. Il convient en effet de nous montrer vigilants quant au respect des engagements pris par les équipes de la Transition, et notamment s'agissant du calendrier électoral. Et ce d'autant que d'importants retard ont d'ores et déjà été constatés.

Or, la mise entre parenthèses prolongée de la vie démocratique peut être exploitée par ceux qui veulent déstabiliser le pays, qu'il s'agisse des groupes terroristes ou de certains religieux qui, tel l'imam Dicko, pourraient tenter de proposer une troisième voie, hasardeuse pour le Mali et les Maliens.

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