Intervention de Sereine Mauborgne

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSereine Mauborgne, co-rapporteure :

Mais le sursaut civil, c'est aussi un affermissement des piliers 3 et 4 de la Coalition, c'est-à-dire le retour de l'État et le développement. Je ne détaillerai pas les choses faute de temps, mais tiens à insister sur un point qui nous semble primordial : méfions-nous du « retour de l'État » !

Car dans nombre de territoires, pour une partie de la population, l'État n'a jamais été présent, et quand il l'était, il agissait non comme un État protecteur, mais comme un État prédateur : c'est le gendarme qui rackette ou le juge corrompu. L'État peut également paraître lointain, géographiquement, d'abord, lorsque les services sont concentrés dans le chef-lieu, mais également culturellement, quand le juge rend la justice dans une langue inconnue, ou mal maîtrisée, et lentement, alors qu'un litige d'accès aux ressources a des conséquences immédiates. Dans ce contexte, il peut arriver que certaines communautés estiment que l'alternative proposée par les groupes terroristes n'est pas pire, d'autant que certains, en particulier le RVIM, appliquent des règles claires et offrent un modèle de gouvernance concurrent.

Pour couper l'herbe sous le pied des terroristes, il est donc indispensable de concentrer le redéploiement des services de l'État sur les services de base : éducation, santé, justice. Surtout dans les zones rurales.

Par ailleurs, le redéploiement des services étatiques sur les territoires doit s'accompagner d'une profonde réforme des États eux-mêmes, en vue notamment de mettre un terme à la corruption endémique qui les minent à tous les étages. Le haut niveau de corruption de certaines élites est de plus en plus décrié localement, tandis que de nombreuses voix s'interrogent sur la détermination de la communauté internationale à y mettre un terme.

Ce n'est qu'à ce prix que nous parviendrons, collectivement, à permettre les conditions d'une stabilisation du Sahel.

Mais si Barkhane ne peut constituer la seule réponse à la crise sahélienne – nul ne l'a jamais pensé du reste, Barkhane reste indispensable.

La stabilisation du Sahel prendra de nombreuses années, et, comme le dit régulièrement le chef d'état-major des armées, il nous faut apprendre la « patience stratégique ». Le format du dispositif français au Sahel n'est toutefois pas figé, et Barkhane évoluera à mesure de l'affermissement de la montée en puissance des forces locales et de l'amplification de l'engagement de nos partenaires, sahéliens et occidentaux.

Opération extérieure, Barkhane pourrait changer de nom, et évoluer vers un dispositif de coopération structurelle régionale, sans que la responsabilisation croissante des forces locales n'induise le retrait complet des troupes françaises. Des décisions seront sans doute prises à l'été, et je ne doute pas que nous aurons alors l'occasion de débattre à nouveau de Barkhane. Il le faut, car en débattant de Barkhane, on apprend à mieux connaître cette opération, à mieux en comprendre le sens, à la rendre plus visible. Et nos soldats le méritent.

Je vous remercie. Et avant de conclure, je souhaite aussi vous remercier, Madame la présidente, pour la grande disponibilité dont vous avez fait preuve, ainsi que l'ensemble des membres de la mission et les personnes auditionnées. Je dirai enfin que les qualités qui ont présidé à nos travaux ont été la bienveillance, l'écoute et la tolérance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.