Sur les limites capacitaires, comme l'évoquait Mme Nathalie Serre, il y a très certainement le transport lourd. Je voudrais juste profiter de cette question pour rappeler à quel point nous avons pu constater sur le théâtre, et nous y étions ensemble avec d'excellents souvenirs, que les règles d'engagement de chaque pays étaient un souci quotidien pour les états-majors. Je me souviens par exemple de l'incapacité des Merlin danois à se poser de nuit sur des terrains sableux, qui obligeait à calculer sans-arrêt les départs et retours de mission pour respecter cette règle d'engagement donnée par les parlementaires aux militaires danois, règle donc parfaitement respectée par la France. C'est quand même assez extraordinaire de constater que non seulement nous imposons nos propres règles à nos militaires, mais qu'à travers la coopération, ils prennent à leur charge les règles pour les autres. Évidemment que le départ des Merlin danois est un sujet aujourd'hui, il nous reste sur le segment du transport lourd les Chinooks anglais, avec, pour l'instant, un maintien de la capacité. Tous les pays européens sont dotés de capacités de transport lourd, on espère que la promotion du besoin donnera une réponse des autres pays qui la possède.
Sur la question des drones, il faut accroître nos moyens capacitaires, avec des objectifs importants, à la fois en termes de certification de nouveaux matériels, mais aussi en matière de formation des équipages, parce que nous sommes au début de l'utilisation des drones, nous avons assez peu d'équipages formés et c'est un grand défi pour la base aérienne de Cognac, que malheureusement nous n'avons pas pu visiter, mais dont on connaît la nature des défis. Au rang des enjeux : la lutte anti-drone (LAD), qui demeure capitale pour protéger les sites, puisqu'actuellement nous avons des pôles très sécurisés pour la protection de nos soldats contre les attaques extérieures.
Sur la question de M. Ferrara concernant le retour de l'État, il faut faire attention à comment et pourquoi remet-on l'État dans les territoires. La question des colonnes foraines qui avait été abordée devant nous, nous l'avons beaucoup creusée, notamment avec les chercheurs, de toute « obédience intellectuelle ». Ces derniers doutent de la durabilité dans le temps. Par exemple, ils ont peur que le préfet qui était revenu s'installer reparte au bout de quelques mois parce que le développement local n'est pas suffisant pour lui et sa famille par rapport aux grandes villes, et donc que la conquête des zones rurales soit un problème, et qu'on s'en tienne à une forme d'État bunker concentré dans des zones plus sécurisées et plus urbaines. Évidemment que l'accès à des services de base est très important : nous avons parlé de la santé, de la justice ou encore de l'éducation. Il a parfois été compliqué d'entendre lors des auditions, et je le dis en nos deux noms, que la charia pouvait représenter une vraie alternative en matière de justice pour les populations locales. S'il est compliqué pour des Occidentaux comme nous d'entendre cela, je pense qu'il faut accepter l'idée qu'aujourd'hui, c'est une forme de réalité et notamment dans les zones d'implantation du RVIM. Nous pouvons y observer une stratégie moins violente, davantage dans la négociation, avec une volonté affichée d'être une alternative à l'État. Lors de son audition, la docteure Niagalé Bagayoko nous a aussi rappelé certaines choses éclairantes sur les décisions de justice ; lorsque vous êtes dans un système de castes, et que vous donnez raison à quelqu'un d'une caste inférieure, cela n'a pas de sens, y compris quand vous êtes Malien. Comment des gens peuvent faire leur, une justice qui est rendue dans une langue qui n'est pas la leur, avec des valeurs qui, sans être occidentales, peuvent être plaquées sur des échelles de valeurs qui ne sont pas celles de toutes les ethnies présentes ?