Le problème des blessures psychologiques ne date pas d'aujourd'hui. L'anecdote qui va suivre n'a pas pour objet une quelconque mise en valeur par procuration. En 1920, mon grand-père est venu faire pacager ses brebis sur le Champ-de-Mars, et a passé tout l'hiver à Paris. Bien longtemps après, je lui en ai demandé la raison. Il m'a expliqué qu'alors qu'il était en permission et attendait la correspondance à la gare Montparnasse – comme mon autre grand-père il avait fait toute la première guerre mondiale –, il fit un tour dans le quartier. C'était le printemps ; des couples dansaient sous les tonnelles et à la terrasse des bistrots tandis qu'il avait vécu l'enfer à 170 kilomètres de là. Un homme l'apostropha en ces termes : « Espèce de salopards de troufions, quand allez-vous arrêter vos jeux ? Vous ne voyez pas que vous êtes en train de détruire le pays ? » En 1920, mon grand-père a eu besoin de vérifier si tous les Français étaient pareils.
Comme beaucoup de collègues, j'ai rencontré un certain nombre de traumatisés. Mais un profond changement a eu lieu avec le passage de l'armée de conscription à celle de métier. C'est toute une nation qui avait appris au fil du temps à prendre en charge, bien ou mal, les générations successives de conscrits. Aujourd'hui il n'y a plus rien de comparable. Une prise de conscience populaire est donc nécessaire, et il faut voter ce texte afin de faire un pas de plus. Parce que ces hommes, à un moment donné, ont fait don de leur corps à la Patrie. Le groupe LT votera pour cette proposition de loi et ne déposera pas d'amendements, parce que le texte se suffit à lui-même.