Intervention de le vice-amiral d'escadre Philippe Hello

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le vice-amiral d'escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère de la défense :

Concernant la DETT, je suis allé à la Cour de justice européenne lors des plaidoiries nationales, à côté des représentants d'autres États. Notre délégation, très unie, était composée de la secrétaire générale aux affaires européennes, des représentants opérationnels, des représentants du secrétariat général et la directrice des affaires juridiques (DAJ). Les débats ont été tendus. Notre position est un peu isolée, notre modèle d'armée étant lui-même spécifique. Le sujet est complexe. Certaines personnes ne défendaient pas toujours la position de leur propre pays, ce qui montre la forte intégration européenne au sein de la Commission et le niveau de cohésion sur ces sujets. Pour l'anecdote, on nous a cité cette pensée du général de Gaulle rapportée dans Les Chênes qu'on abat… : « travailler sans cesse rend fou ». Au-delà de la caricature, les positions des grands pays sont diverses et certains d'entre eux ont décliné la directive. Nous nous sommes battus farouchement en faisant valoir de nombreux arguments juridiques et des principes constitutionnels comme la libre disposition de la force armée, point majeur que nous continuerons à affirmer.

Quant à l'effet de la DETT, aucun sur la loi de programmation militaire mais assurément sur le format des armées, s'il fallait passer à un régime de ce type, sachant que des exceptions seraient toujours possibles. L'avocat général a rappelé dans ses conclusions que l'on pourrait fournir des pourcentages. La gendarmerie avait calculé que même en ayant des dérogations assez larges, elle pourrait avoir besoin de 6 % à 10 % d'effectifs supplémentaires. Mais c'est surtout une question d'état d'esprit : nous sommes attachés à la disponibilité totale de nos personnels. Lorsqu'il le faut, ils ne comptent pas leur temps. Vous le savez, l'activité militaire est régie par des textes permettant de ménager des temps de repos entre les activités opérationnelles. Au demeurant, le devoir du chef est de savoir préserver sa ressource humaine. La directive irait gravement à l'encontre de la gestion collective de la force militaire. Par essence, nous agissons en groupe et instaurer une comptabilité individuelle de l'activité nous paraît totalement antinomique par rapport à l'organisation de nos forces armées nationales. Pour le reste, il s'agit d'un débat politique qui m'échappe complètement.

En ce qui concerne la fidélisation, les outils sont-ils suffisants ? Par définition, ils ne le sont jamais. On me dit régulièrement qu'il n'y a pas assez de ressources pour fidéliser les personnels. En l'occurrence, la prime de lien au service est un dispositif visant à améliorer la situation, non en arrosant largement en finances l'ensemble des personnels mais en ciblant les effets RH que l'on veut provoquer. Tel est le sens de la nouvelle politique de rémunération des militaires et de la PLS, qui en est le précurseur. Ce n'est pas une mesure catégorielle de revalorisation de la condition militaire : il s'agit d'un dispositif visant à cibler des effets RH dans les catégories et les métiers que nous voulons fidéliser. L'objectif n'est pas de fidéliser en masse : le coût d'une mesure de cet ordre serait inacceptable. L'arbitrage interministériel ne le tolérerait pas.

Certes, les « terriens » ont constaté que la PLS n'était pas suffisante, mais c'était au début d'un processus qui est monté progressivement en puissance sur trois ans et qui fonctionne désormais à plein régime, fort de 65 millions d'euros. Nous avons définitivement remplacé les primes préexistantes et donné plus de souplesse aux armées – directions et services – pour l'utiliser, moyennant des plafonds et des contingentements mais en laissant une grande liberté dans les métiers en tension. L'exercice est complexe dans la mesure où les métiers déficitaires dans une armée ne le sont pas nécessairement dans une autre. Les catégories de personnels déficitaires ne sont pas les mêmes dans les trois armées, dont les modèles sont différents en termes d'équilibres et de pyramides.

Nous aurons toujours besoin de plus, mais il faut savoir faire avec ce que l'on a. Les réponses ne se déclinent pas seulement en termes de rémunération. La politique d'accompagnement social a été évoquée en préambule. La reconversion est un élément d'attractivité essentiel. Garantir à des personnels exerçant des métiers opérationnels qu'on saura les reconvertir dans des métiers recherchés sur le marché du travail est rassurant pour quelqu'un qui doit faire une seconde carrière. Il n'est pas question de retenir tous les militaires durant toute leur vie professionnelle. Notre modèle vise une armée jeune, fondée sur la sélection pour des fonctions complexes, mettant en œuvre des outils coûteux et faisant risquer des vies. Nous serons donc toujours conduits à travailler en flux et nous ne retiendrons pas tout le monde. C'est une affaire de dosage. J'attends beaucoup de la nouvelle politique de rémunération des militaires, essentielle pour un modèle d'armée moderne, car elle sera à la fois lisible et simple à appréhender.

En termes de rémunérations, nous avons terminé les années 2019 et 2020 à l'équilibre. Nous avons connu des soubresauts en plus et en moins, mais nous avons su, direction des affaires financières et direction des ressources humaines, piloter étroitement les facteurs de dépense et de gain afin d'équilibrer la masse salariale. L'un des grands progrès des dernières années est d'avoir réussi à mieux répartir les rôles et à établir une programmation plus précise. Nous disposons d'outils numériques plus élaborés pour faire de la prévision et, en aval, assurer le pilotage des treize budgets opérationnels de programme (BOP) du titre 2.

En définitive, la crise sanitaire a eu peu d'effets sur la masse salariale – même au prix de grosses distorsions en dynamique – et en matière d'embauche. Si le premier confinement a entraîné la perte de 2 700 recrutements, nous avons eu près de 3 000 départs en moins, liés pour partie au contexte économique, pour partie à la prime de lien au service – qui, nous l'avions mesuré au premier trimestre, avait produit ses effets avant le début de la crise. Les choses s'équilibrent donc assez bien. Nous avons même terminé l'année avec 67 effectifs supplémentaires par rapport à notre cible, situation que nous allons corriger dans le schéma d'emploi de l'année suivante. Déjà, en 2019, nous avions terminé très légèrement en dessous de la cible – de l'ordre d'une cinquantaine d'effectifs.

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