La proposition de loi de Moetai Brotherson est inscrite à l'ordre du jour réservé au groupe que j'ai l'honneur de présider.
Je laisse au rapporteur le soin de répondre sur le fond aux interventions ; je ne doute pas qu'il apportera des arguments d'un autre niveau que certains prétextes qui ont été avancés. Ce ne sont que des artifices, et ceux qui les emploient poursuivent d'autres objectifs. Quant aux propos renvoyant à la fameuse table ronde, ils ne m'ont absolument pas convaincu. À entendre leurs auteurs, tout serait dans les tuyaux. Derrière tout cela, il y a vraisemblablement des considérations géopolitiques n'ayant rien à voir avec le texte lui-même.
Selon moi, il faut voter cette proposition de loi, de façon consensuelle et apaisée – pour reprendre certains termes utilisés précédemment.
Oui ou non, la loi Morin présente-t-elle des manques, s'agissant aussi bien des conséquences environnementales que des conséquences humaines des essais nucléaires ? Une table ronde – j'aimerais d'ailleurs que l'on m'explique ce que recouvre exactement le terme – sera-t-elle en mesure de mener un travail aussi durable et approfondi que la commission que M. Brotherson propose de créer ? Celle-ci serait chargée d'établir un programme de dépollution, de traitement, d'assainissement et de gestion des sites des essais nucléaires, ainsi que des matières et déchets issus de l'activité nucléaire. Certes, il faut mener des travaux supplémentaires, mais ces derniers doivent être approfondis. On ne saurait se contenter de faire de la communication et de sauter comme des cabris en disant : « Table ronde ! Table ronde ! Table ronde ! »
D'ailleurs, l'urgence est là. En effet, oui ou non, l'atoll de Moruroa représente-t-il une menace extrêmement grave ? Oui ou non, risque-t-il de s'effondrer, alors même qu'il contient des déchets d'essais nucléaires ? Il faut prendre en compte ce risque dès aujourd'hui, en menant un travail approfondi.
Concernant l'indemnisation des victimes directes ou de leurs proches, oui ou non, les critères appliqués actuellement sont-ils trop restreints ? Oui ou non, les dossiers sont-ils trop complexes à monter pour les victimes ? Ne faut-il pas élargir la loi Morin pour indemniser les victimes de maladies transgénérationnelles dues aux essais nucléaires ? Ne faut-il pas appliquer le principe de précaution en permettant la présomption de causalité entre une maladie radio-induite et les essais nucléaires militaires ? Ne faut-il pas faire reconnaître un droit à l'indemnisation en faveur de ceux qui assistent et accompagnent les personnes souffrant de maladies radio-induites ?
Oui ou non, l'État doit-il prendre en charge les victimes de maladies radio-induites ? Est-il normal que ce soit la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie qui prenne en charge les victimes et que ce soient les cotisations des Polynésiens qui paient pour les dégâts causés par la France ? C'est extrêmement injuste, vous en conviendrez.
Telles sont les dimensions de la question. Il faut les prendre en considération au moment de se prononcer sur le texte.
Moetai Brotherson a parlé de l'honneur du Parlement. Je m'appuierai pour ma part sur trois éléments.
Tout d'abord, je considère que le vote que nous allons émettre relève de l'éthique. Il doit donc être abordé de façon individuelle. « L'éthique, c'est l'esthétique du dedans », disait un poète. Faisons preuve d'éthique ; ne soyons pas des soldats obéissant à quelque consigne donnée pour des raisons plus ou moins occultes.
Ensuite, attachons-nous à la transparence et à la clarté, qui sont les manifestations de l'honnêteté républicaine.
Enfin, c'est une question de justice, valeur fondamentale à nos yeux.
Soyons donc attentifs, au moment d'émettre notre vote, à ne pas nous enfermer dans quelque contexte que ce soit – car on sent bien ce qu'il y a derrière les considérations qui nous ont été exposées. Pensons aux victimes, pensons aux devoirs qu'a la France. Alors, nous pourrons sortir de ce débat la tête haute.