Intervention de Fabien Gouttefarde

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Gouttefarde :

Je vais être très franc, je suis mal à l'aise avec cette initiative car, pour faire court, plus le temps passe, plus on fait de la politique et plus on s'éloigne de la science.

Avant d'être élu, entre 2011 et 2013, alors que M. Morin était ministre, j'ai instruit pendant deux ans les dossiers transmis au CIVEN. C'était avant que cet organisme ne devienne une autorité administrative indépendante (AAI). Travaillant à la direction juridique, j'ai d'ailleurs participé à sa transformation. Il s'agissait à l'époque d'indemniser le plus largement possible, sur la base de critères scientifiques. Après avoir quitté son poste, le ministre avait d'ailleurs fait part de sa surprise quant au peu de victimes indemnisées.

Bastien Lachaud a évoqué l'injustice faite aux victimes des essais nucléaires ; le président Chassaigne a dit qu'il fallait faire preuve d'éthique ; je souhaiterais pour ma part que nous fassions preuve de raison et que nous nous attachions à la science. Je ne voudrais pas caricaturer nos débats, mais que faites-vous des données scientifiques qui ne vous plaisent pas ? Vous les changez ! C'est le cas pour le critère du 1 millisievert.

Personne ici ne se demande pourquoi, entre 2011 et 2013, le CIVEN a rejeté 99 % des dossiers qui lui étaient soumis, pas uniquement par des Polynésiens, mais aussi par des soldats du contingent, présents sur les bateaux. Devant le CIVEN, les demandeurs doivent démontrer leur présence sur place – ce n'est pas difficile ; ils doivent également démontrer leur exposition, ce qu'ils peuvent aussi faire puisque les marins étaient équipés de dosimètres individuels. Mais, de 1975 à 1991, les essais deviennent sous-marins et souterrains et il est donc extrêmement difficile de démontrer une exposition importante en mer, les dosimètres individuels enregistrant alors une dose extrêmement faible.

Nous sommes face à un problème de preuve. En 2017, quand le CIVEN devient une AAI et que l'on s'émeut de la faiblesse des indemnisations, qui compose l'organisme ? Ce sont les plus grands radiologues de France, des cancérologues, des épidémiologistes, etc. Ce sont donc des scientifiques. Vous avez confiance en eux quand vous les consultez, individuellement, pour un cancer ou une autre maladie. Feraient-ils moins sérieusement leur travail dès lors qu'ils intègrent une AAI ? Comme nous tous, bien évidemment, ils souhaitent réparer les préjudices, mais font face à un problème de preuve. La radioactivité étant moins forte, l'impact sur les organismes était également moindre. C'est d'ailleurs ce que souligne le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), un an avant l'enquête de Disclose. J'aurais tendance à faire davantage confiance au premier qu'au second. Or ses conclusions sont totalement opposées.

À une époque où la science est souvent balayée d'un revers de main et où le relativisme prolifère, soyons rationnels. S'il est important de faire preuve d'éthique, on peut aussi faire preuve de raison et croire à la science.

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