Intervention de l'amiral Pierre Vandier

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la marine :

…cela fait vingt ans que nous en avons dans la Marine. À la mer ou sur le terrain, leur présence est dorénavant totalement banalisée.

De 20 à 32 ans, elles s'investissent avec dynamisme dans leur cursus professionnel, y compris embarqué, à l'identique de leurs homologues masculins. J'ai d'ailleurs constaté sur le Charles-de-Gaulle que leur rapport au travail est un défi pour les garçons – et ce n'est pas de la flagornerie ! J'ai commandé le groupement opération du Charles-de-Gaulle, qui est le plus féminisé du porte-avions. Je disais souvent aux garçons : si on compare la moyenne des filles à celle des garçons, il est temps de vous y mettre sérieusement ! En revanche, elles s'évaporent en deuxième partie de carrière.

Alors que nous recrutons 15 % à 18 % de femmes officiers, elles ne représentent plus que 1 % des capitaines de vaisseau. Entre 30 et 40 ans, les femmes nous quittent à cause des sujétions militaires, de l'absence de volant de gestion et des profils de carrière très normés. Nous avons aussi encore du mal à nous organiser pour être capables de garder les femmes dans la course tout en prenant en compte leurs maternités. À chaque maternité c'est comme si, lors du marathon de Paris, elle était obligée de s'arrêter à chaque stand pour renouer ses lacets. Elle ne sera jamais sur le podium final ! Après avoir interrogé l'EMA et le cabinet de la ministre, je pense que les outils nous manquent. Vous aviez d'ailleurs abordé la question à travers un amendement. Il me manque aussi du personnel pour faire face aux grossesses. Je sais exactement, année par année, combien de femmes ne seront pas là à cause des congés de maternité, mais elles ne sont pas remplacées. C'est très contraignant pour les unités opérationnelles, dont les effectifs sont taillés au plus juste. La pression morale devient si forte que certaines finissent par renoncer à concilier une carrière exigeante et une vie de famille épanouie. Dans toute administration civile, une femme peut continuer à travailler jusqu'à son congé de maternité. Pas sur un bâtiment de la Marine nationale, en flottille de chasse ou d'hélicoptères ; Dès qu'elle est reconnue enceinte, elle est débarquée de son unité opérationnelle, déclarée temporairement inapte au service à la mer, inapte au service au combat, parce qu'on ne veut pas faire prendre de risque à l'embryon. Les femmes mettent ainsi leur carrière opérationnelle en pause pendant une quinzaine de mois à chaque grossesse. Or, entre 30 et 40 ans, c'est le moment où l'on coche toutes les cases importantes d'une carrière exigeante. Si on ne leur permet pas d'avoir davantage de temps pour cocher ces cases, elles quittent la course. Quand elles ont 40 ans, on a alors mille raisons à opposer à leur promotion : « Tu n'as pas pu commander à la mer », « tu n'as pas occupé tel poste opérationnel », et, déçues de ne pas avoir accès aux mêmes postes décisionnels que leurs camarades de promotion masculins qui n'ont pas été confrontés à cette discontinuité alors qu'elles n'ont pas démérité mais se sont juste absentées pour avoir des enfants, la plupart s'en vont. Je milite, et je vous invite à m'aider à le faire, pour bâtir des carrières qui permettent aux femmes de continuer à rester dans la Marine au moment où elles apportent beaucoup, dans les métiers du haut de la pyramide, c'est-à-dire à partir de 40 ans.

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