Intervention de Gwendal Rouillard

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 17h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGwendal Rouillard, rapporteur :

Venons-en donc au cœur de notre sujet, en commençant par la situation géopolitique du Moyen-Orient.

Tout en étant un ensemble géopolitique à part entière, le Moyen-Orient peut être divisé en trois espaces dont les histoires, les sociologies, les cultures et les représentations sont différentes :

– l'espace Sykes-Picot, qui constitue l'épicentre du Moyen-Orient et qui regroupe Israël et les pays dans lesquels l'État peine à s'affirmer, soit l'Irak, la Jordanie, la Syrie et le Liban ;

– l'espace des pays du Golfe, qui regroupe notamment l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, qui ont cependant tous les deux des histoires très différentes ;

– et l'espace des empires, qui regroupe les États situés en dehors du Moyen-Orient mais qui y exercent une forte influence, c'est-à-dire la Turquie et l'Iran.

Au Moyen-Orient, et en particulier au sein de l'espace Sykes-Picot, la stabilité ne peut s'envisager qu'à travers le prisme de l'histoire. Il convient de distinguer les conflits de nature structurelle, voire existentielle, issus de cet espace, et les conflits conjoncturels, d'intérêts de puissance, qui s'appuient souvent sur les conflits structurels.

Les conflits structurels-existentiels trouvent leurs sources dans l'absence de solution à la question nationale et concernent en premier lieu les Palestiniens et les Kurdes. 40 à 50 millions de personnes se retrouvent sans reconnaissance politique ou bénéficient d'une autonomie plus ou moins grande au sein d'États. Par ailleurs, ces conflits structurels-existentiels trouvent leurs sources dans la tension entre l'appartenance à une communauté et l'appartenance à une nation. La guerre civile au Yémen est une des illustrations de cette tension. La troisième origine des conflits structurels-existentiels est liée à l'enjeu de la citoyenneté, dont les Printemps arabes et les révoltes de 2019 sont des illustrations dont nous reparlerons. Enfin, la quatrième et dernière source des conflits structurels-existentiels est liée aux territoires. Les conflits entre le Liban et la Syrie, entre la Palestine et Israël ou entre l'Irak et le Koweït en sont des exemples, sur lesquels nous reviendrons.

Les conflits conjoncturels, eux, trouvent leurs sources dans les conflits structurels-existentiels précités mais ont des caractéristiques plus classiques. Depuis 10 ans, les États-Unis ont vu leur influence décliner dans la région au profit des puissances environnantes comme l'Iran, la Russie et la Turquie. En particulier, l'Iran développe une stratégie d'influence mais également, à en croire les dirigeants iraniens, de défense. Leur objectif est de construire un archipel chiite au Moyen-Orient. Ils ont été paradoxalement aidés en cela par les États-Unis avec la chute du régime de Saddam Hussein, qui a permis l'implantation de l'Iran et le développement des milices chiites en Irak.

Un tournant majeur pour les Occidentaux a eu lieu en août 2013, lorsque Barack Obama a indiqué que les États-Unis interviendraient en Syrie dès lors que Bachar al-Assad utiliserait des armes chimiques. Mais comme nous le savons, ils ne sont finalement pas intervenus à la suite d'un changement d'avis de dernière minute du président américain et du veto du Parlement britannique. Ces décisions ont eu des effets majeurs vis-à-vis de la Russie, qui en a déduit qu'elle pouvait intervenir en Syrie sans craindre de représailles de la part des Occidentaux ; d'où son intervention sur le terrain à partir de 2015. De manière générale et plus actuelle, les États-Unis veulent se retirer du Moyen-Orient, même s'ils y conservent une présence et des intérêts. Les premiers pas de l'administration Biden laissent entendre que les États-Unis ont une stratégie globale, en rupture partielle avec la précédente administration, et à cet égard, la réaffirmation du caractère impérieux du droit international vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, le retour dans les négociations sur l'accord de Vienne ainsi que la reconnaissance du génocide arménien en témoignent.

C'est dans ce contexte de « rivalités de puissances » que la France doit définir sa stratégie d'influence et se positionner vis-à-vis des divers foyers d'instabilité et des conflits qui minent la région, dont nous allons vous parler désormais.

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