La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.
Messieurs les rapporteurs, mes chers collègues. Nous sommes réunis ce soir pour examiner les conclusions de la mission d'information sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l'après Chammal ; une mission d'information que j'ai eue l'honneur de présider et dont les rapporteurs sont Philippe Meyer et Gwendal Rouillard.
Avant toute chose, je tiens à remercier et à féliciter les rapporteurs pour le travail effectué dans le cadre de cette mission. J'ai participé à la majeure partie de ses travaux et ai pu mesurer tout le temps et l'énergie investis par les rapporteurs tout au long de ces trois derniers mois pour préparer ce rapport. Ce lourd investissement nous permet aujourd'hui de vous présenter les conclusions de cette mission trois mois seulement après le début de nos auditions.
Je tiens aussi à adresser mes remerciements à l'ensemble des personnalités avec lesquelles nous avons échangées dans le cadre de cette mission d'information, que ce soient celles que nous avons auditionnées ici à l'Assemblée nationale ou celles que nous avons rencontrées lors de nos déplacements au Moyen-Orient. Ces remerciements s'adressent enfin à tous ceux qui nous ont permis de mener à bien cette mission, et en particulier pour leur aide dans nos déplacements, les forces armées déployées sur zone ainsi que les diplomates et les personnels des ambassades, qui nous ont toutes et tous excellemment accueillis. Je profite de cette occasion pour saluer l'action et le dévouement des femmes et des hommes dans nos ambassades, qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde entier, et à l'approfondissement de nos coopérations dans tous les domaines, malgré des conditions de vie rendues parfois difficiles par les mesures de sécurité draconiennes, indispensables pour leur protection et celle de leurs familles.
En plus des auditions que nous avons menées en visioconférence ou en présentiel, nous avons eu l'opportunité de nous déplacer au Moyen-Orient, plus précisément aux Émirats arabes unis, en Irak et en Jordanie, puis en Égypte ; l'un des rapporteurs, M. Gwendal Rouillard, s'étant rendu de surcroît au Liban. Ces déplacements furent l'occasion de rencontrer nos soldats sur zone, des personnalités politiques et militaires de ces pays, des chercheurs, des universitaires, des représentants d'ONG, de l'OTAN et de l'ONU. Ces échanges ont été l'occasion de croiser de nombreux points de vue, de manière tout à fait libre, spontanée et approfondie, pour alimenter notre réflexion.
La création de cette mission d'information relevait pour moi d'une nécessité, eu égard au rôle que jouent nos armées au Moyen-Orient. Ce rapport intervient après celui de la mission d'information sur l'opération Barkhane, et permettra ainsi de compléter notre tableau des principales opérations militaires françaises, même si Chammal n'a pas dans les médias le même écho que l'opération Barkhane ; et pourtant, notre avenir se joue aussi dans cette région. La stabilité au Moyen-Orient continue d'être un sujet de préoccupation, et il ne faudrait pas croire que la défaite militaire du califat a signé la disparition définitive de la menace terroriste et évacué tout risque de résurgence.
Si cette mission n'avait qu'un message à faire passer, il consisterait à inviter les autorités politiques françaises et internationales à ne surtout pas détourner le regard de cette région du monde, qui connaît toujours de nombreux foyers d'instabilité.
Bien sûr, dans le cadre de cette mission, nous nous sommes particulièrement intéressés à la présence militaire française dans la région, en dehors de l'opération Chammal qui a fait l'objet d'un traitement spécifique, que ce soient les Forces françaises aux Émirats arabes unis ou le rôle de la FINUL dans la stabilisation du Sud-Liban.
La mission d'information s'est intéressée aux perspectives d'évolution de l'opération Chammal : ce que nous avons appelé « l'après Chammal ». En effet, l'opération semble être aujourd'hui à un tournant, eu égard à la fois au calendrier de l'opération Inherent Resolve et à l'évolution du contexte géostratégique en Irak et en Syrie. Le désengagement progressif des États-Unis sur la zone, nourri à la fois par l'expression d'un malaise de la population irakienne vis-à-vis de cette présence militaire et des attaques répétées des milices chiites irakiennes contre les installations américaines, crée un contexte nouveau pour les forces armées françaises déployées sur place et leur impose de l'anticiper.
À travers cette mission, nous avons acquis la conviction que la France est très attendue, particulièrement en Irak, et que l'après Chammal devra notamment inclure une réflexion sur notre relation bilatérale avec ce pays, tant d'ailleurs sur le plan militaire que de manière plus globale pour contribuer à la reconstruction de la souveraineté de l'Irak, conformément au souhait énoncé par le président de la République. À ce titre, nous encourageons plus particulièrement la préparation déterminée de la dynamique de coopération de la Trilatérale – Le Caire, Amman, Bagdad –, socle de stabilité dans la zone au sein duquel la France peut continuer, au-delà des instances internationales, à jouer sa place singulière de puissance d'équilibre.
J'aurais encore beaucoup à dire mais je préfère céder la parole à nos deux rapporteurs pour qu'ils exposent leurs conclusions, à l'issue desquelles nous ouvrirons le débat.
Je suis très heureux de vous présenter les conclusions des travaux de notre mission d'information sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l'après Chammal. À titre liminaire, j'aimerais remercier Madame la présidente pour son accompagnement, sa confiance et son soutien. Je remercie également mon collègue Philippe Meyer pour tout le travail que nous avons mené depuis avril dernier, date à laquelle nous avons commencé cette mission d'information exceptionnelle. Je souhaite également remercier les membres de la mission d'information, avec lesquels nous avons eu l'occasion d'échanger tout au long de nos travaux.
Avant de vous restituer les conclusions de nos travaux, j'aimerais d'abord apporter quelques précisions d'ordre méthodologique. Notre mission d'information sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l'après Chammal se proposait d'évaluer la politique étrangère de la France dans la région, de faire un bilan de la présence militaire française dans la zone et de dresser des perspectives pour penser l'avenir de l'opération Chammal.
À cette fin, comme vous l'avez indiqué Mme la présidente, nous avons participé à plus de 65 entretiens (17 auditions en France et une cinquantaine aux Émirats arabes unis, en Irak, en Jordanie et en Égypte, sans compter ceux auxquels j'ai assisté au Liban). Nous avons bien sûr rencontré les militaires français déployés sur place et les diplomates mais également les autorités politiques et militaires locales, des acteurs associatifs ou encore des chercheurs. Je profite de cette occasion pour remercier l'ensemble des acteurs avec lesquels nous avons interagi dans le cadre de cette mission, et en particulier lors de nos déplacements. Je salue ici l'engagement sans faille de nos militaires, qui font honneur à la France par leur dévouement et qui forcent le respect, ainsi que de nos diplomates, qui contribuent activement au rayonnement de la France à l'étranger.
Je tiens à mon tour à remercier Madame la Présidente et mon collègue Gwendal Rouillard pour tout le travail que nous avons mené depuis avril dernier et je m'associe aux remerciements qui viennent d'être adressés à nos militaires et à nos diplomates. J'ai appris à mieux connaître, grâce aux connaissances précises et encyclopédiques de mon collègue rapporteur, une région magnifique dans laquelle la France doit défendre ses valeurs, ses intérêts et ses alliés.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons délibérément limité le périmètre de notre champ d'étude. En effet, le Moyen-Orient désigne un espace géographique particulièrement large, dont les contours peuvent faire légitimement l'objet de discussions. Nous avons par exemple choisi d'inclure l'Égypte dans notre périmètre car il s'agit d'un partenaire pivot dans la région. Cela ne nous a évidemment pas empêché de nous intéresser à l'influence et à la politique des États environnants dans la zone, parmi lesquels l'Iran et la Turquie, ou d'autres États plus éloignés mais influents comme la Russie.
Par ailleurs, eu égard au caractère limité du temps dont nous disposions et de l'étendue du sujet, nous avons dû procéder à des choix qui nous ont amené à nous concentrer sur certains États et sur certains sujets, parfois au détriment d'autres. À titre d'exemple, la politique étrangère de la France vis-à-vis du Qatar ou encore les actions menées par la Combined Task Force 150 engagée dans la lutte contre les trafics illicites liés au financement des activités terroristes implantée à Bahreïn n'ont pas été étudiés. Nous avons en effet essayé de nous concentrer sur l'essentiel, tout en essayant d'élargir notre spectre d'étude.
Ainsi, notre présentation comprend trois axes :
– un premier axe qui a trait à la géopolitique de la région, perçue par le prisme de l'enjeu de la stabilité, avec, dans un premier temps, une approche globale sur les grandes tendances géopolitiques dans la zone, puis une focalisation sur les trois principaux foyers d'instabilité en plus de l'Irak et la Syrie que sont la guerre civile au Yémen, le conflit israélo-palestinien et la situation du Liban ;
– un deuxième axe qui traitera de la présence militaire de la France dans la zone (hors opération Chammal), au sein de laquelle nous vous parlerons de l'opération Amitié au Liban, de la FINUL, des Forces françaises déployées aux Émirats arabes unis et de l'opération Agénor, ainsi que de la politique d'exportation d'armements française dans la région ;
– et un troisième axe qui traitera spécifiquement de l'opération Chammal, et en particulier de ses perspectives ;
Enfin, au-delà de la dimension informative du rapport, nous avons souhaité tout particulièrement formuler et proposer des recommandations afin de contribuer à la réflexion générale sur cet enjeu crucial.
Venons-en donc au cœur de notre sujet, en commençant par la situation géopolitique du Moyen-Orient.
Tout en étant un ensemble géopolitique à part entière, le Moyen-Orient peut être divisé en trois espaces dont les histoires, les sociologies, les cultures et les représentations sont différentes :
– l'espace Sykes-Picot, qui constitue l'épicentre du Moyen-Orient et qui regroupe Israël et les pays dans lesquels l'État peine à s'affirmer, soit l'Irak, la Jordanie, la Syrie et le Liban ;
– l'espace des pays du Golfe, qui regroupe notamment l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, qui ont cependant tous les deux des histoires très différentes ;
– et l'espace des empires, qui regroupe les États situés en dehors du Moyen-Orient mais qui y exercent une forte influence, c'est-à-dire la Turquie et l'Iran.
Au Moyen-Orient, et en particulier au sein de l'espace Sykes-Picot, la stabilité ne peut s'envisager qu'à travers le prisme de l'histoire. Il convient de distinguer les conflits de nature structurelle, voire existentielle, issus de cet espace, et les conflits conjoncturels, d'intérêts de puissance, qui s'appuient souvent sur les conflits structurels.
Les conflits structurels-existentiels trouvent leurs sources dans l'absence de solution à la question nationale et concernent en premier lieu les Palestiniens et les Kurdes. 40 à 50 millions de personnes se retrouvent sans reconnaissance politique ou bénéficient d'une autonomie plus ou moins grande au sein d'États. Par ailleurs, ces conflits structurels-existentiels trouvent leurs sources dans la tension entre l'appartenance à une communauté et l'appartenance à une nation. La guerre civile au Yémen est une des illustrations de cette tension. La troisième origine des conflits structurels-existentiels est liée à l'enjeu de la citoyenneté, dont les Printemps arabes et les révoltes de 2019 sont des illustrations dont nous reparlerons. Enfin, la quatrième et dernière source des conflits structurels-existentiels est liée aux territoires. Les conflits entre le Liban et la Syrie, entre la Palestine et Israël ou entre l'Irak et le Koweït en sont des exemples, sur lesquels nous reviendrons.
Les conflits conjoncturels, eux, trouvent leurs sources dans les conflits structurels-existentiels précités mais ont des caractéristiques plus classiques. Depuis 10 ans, les États-Unis ont vu leur influence décliner dans la région au profit des puissances environnantes comme l'Iran, la Russie et la Turquie. En particulier, l'Iran développe une stratégie d'influence mais également, à en croire les dirigeants iraniens, de défense. Leur objectif est de construire un archipel chiite au Moyen-Orient. Ils ont été paradoxalement aidés en cela par les États-Unis avec la chute du régime de Saddam Hussein, qui a permis l'implantation de l'Iran et le développement des milices chiites en Irak.
Un tournant majeur pour les Occidentaux a eu lieu en août 2013, lorsque Barack Obama a indiqué que les États-Unis interviendraient en Syrie dès lors que Bachar al-Assad utiliserait des armes chimiques. Mais comme nous le savons, ils ne sont finalement pas intervenus à la suite d'un changement d'avis de dernière minute du président américain et du veto du Parlement britannique. Ces décisions ont eu des effets majeurs vis-à-vis de la Russie, qui en a déduit qu'elle pouvait intervenir en Syrie sans craindre de représailles de la part des Occidentaux ; d'où son intervention sur le terrain à partir de 2015. De manière générale et plus actuelle, les États-Unis veulent se retirer du Moyen-Orient, même s'ils y conservent une présence et des intérêts. Les premiers pas de l'administration Biden laissent entendre que les États-Unis ont une stratégie globale, en rupture partielle avec la précédente administration, et à cet égard, la réaffirmation du caractère impérieux du droit international vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, le retour dans les négociations sur l'accord de Vienne ainsi que la reconnaissance du génocide arménien en témoignent.
C'est dans ce contexte de « rivalités de puissances » que la France doit définir sa stratégie d'influence et se positionner vis-à-vis des divers foyers d'instabilité et des conflits qui minent la région, dont nous allons vous parler désormais.
Commençons par le premier foyer d'instabilité majeur dans la région : la guerre civile au Yémen, un conflit peu couvert par les médias et peu suivi par l'opinion publique.
Sans rentrer dans les détails bien sûr, aujourd'hui, deux projets politiques s'affrontent au Yémen :
– le projet des Houthis, héritiers de la monarchie d'avant 1962, d'essence totalitaire (car il exerce un contrôle total de la société grâce un système policier qui maille l'ensemble du territoire), ségrégationniste (car seuls les Hachémites comptent pour eux) et expansionniste (car ils veulent aller jusqu'à La Mecque). Deux millions d'enfants sont déscolarisés et des personnes sont recrutées de force pour combattre à Marib ;
– et le projet des opposants aux Houthis, qui rassemble plusieurs groupes hétéroclites qui ont en commun de s'opposer au projet des Houthis mais qui manque de cohérence et qui est miné par la corruption.
Par ailleurs, les Houthis se divisent entre l'aile militaire, radicale, et l'aile politique, plus modérée.
L'Arabie Saoudite a considéré ne pas avoir eu d'autre choix que d'intervenir en 2015 car l'intégrité de son territoire était directement menacée par l'expansionnisme des Houthis. Dès lors que les Houthis ont acquis la capacité d'atteindre le territoire saoudien, et en particulier les sites stratégiques de la société Aramco, l'Arabie Saoudite a néanmoins compris qu'il fallait trouver une solution politique à ce conflit. Elle a donc ouvert deux canaux : un canal sécuritaire pour contenir la menace et un canal politique par la signature des accords de Riyad en 2019 et leur mise en œuvre en décembre 2020.
La pression est maximale aujourd'hui sur Marib, toujours aux mains du gouvernement en exil, riche en ressources dont les Houthis ont besoin pour asseoir leur domination. Pour l'instant, le front tient, mais les Houthis forcent les habitants à combattre pour eux en leur donnant en échange des biens volés, issus notamment de l'aide alimentaire.
Les Yéménites sont épuisés par la guerre civile qui dure depuis 7 ans. Ils souffrent d'une absence de service public, de maladies et de la faim. Ils subissent des pénuries d'eau et d'électricité. L'Arabie Saoudite, depuis 2015, a lancé un blocus qui a précipité la crise humanitaire.
Même si les Houthis ont des liens avec l'Iran, comme nous l'a indiqué l'ambassadeur de France au Yémen, je cite, « ils sont avant tout des Yéménites, s'inscrivent dans l'histoire du Yémen et ont des projets au Yémen », fin de citation. De manière générale, il convient de ne pas appréhender le Yémen comme un pion dans un jeu régional et insister sur le caractère « yéménito-yéménite » du conflit en cours dans le pays.
Par ailleurs, l'Arabie Saoudite a réduit son action militaire depuis 2019 et privilégie désormais la désescalade et la négociation. En réalité, l'Arabie Saoudite cherche désormais à se sortir d'un bourbier tout en restant ferme vis-à-vis des Houthis. La France essaie de contribuer modestement au dialogue international pour trouver une issue à la crise, car la relance d'un processus politique est la seule issue. La nomination d'un nouvel envoyé spécial des États-Unis devrait nous aider à évoluer vers une solution politique au conflit. Cela nécessitera néanmoins de renverser le rapport de force au sein des Houthis pour que l'aile politique du mouvement prenne le pas sur son aile militaire.
Le second foyer d'instabilité majeur est le conflit israélo-palestinien, qui dure maintenant depuis plus de 70 ans sans qu'aucune perspective de résolution à court, moyen ou long terme n'existe. Au cours de nos travaux, plusieurs personnes auditionnées nous ont indiqué que ce conflit était en quelque sorte oublié et qu'il n'intéressait plus que secondairement les Occidentaux, et les pays de la région. Il nous avait même été indiqué par des aspects que ce conflit était en réalité gelé et que la situation actuelle de statu quo, caractérisée par une situation de paralysie en Palestine, minée par les oppositions fratricides entre le Fatah et le Hamas, et de colonisation lente mais progressive de la part d'Israël, se poursuivrait à court et à moyen terme.
Or, les affrontements des mois d'avril et mai derniers montrent, de notre point de vue, au moins deux choses : d'une part, tout exercice de prospective vis-à-vis de ce conflit – et, de manière générale, vis-à-vis de tous les conflits dans cette région du monde – appelle à la modestie dans notre analyse ; et, d'autre part, qu'une étincelle suffit à réactiver ce conflit. La France n'a évidemment pas abandonné la perspective d'une résolution de ce conflit qui ne trouvera aucune issue en dehors de la solution à deux États. Un plan de paix avait été proposé par la Ligue arabe en 2002, avec laquelle nous avons eu l'occasion de nous entretenir lors de notre déplacement en Égypte, qui s'inspirait des accords d'Oslo de 1995 et qui semblait pouvoir convenir à l'ensemble des parties prenantes. Or, aujourd'hui, Israël en refuse clairement le principe. En ce qui nous concerne, à l'issue de nos travaux, nous pensons que la France doit continuer à promouvoir la solution à deux États et travailler avec les États de la région, et en particulier avec la Jordanie et l'Égypte, qui, chacun, jouent un rôle crucial en la matière, pour qu'une solution politique à ce conflit soit trouvée. Le nouveau gouvernement israélien, bien que très hétéroclite, doit s'y atteler dans sa composition. En particulier, nous pensons que la gravité de la situation à Gaza, qui nous a été décrite lors d'une audition comme « une poudrière humanitaire, économique et sociale qui se radicalise de plus en plus », doit alerter la France, l'Union européenne et leurs partenaires. Nous avons d'ailleurs pu voir les conséquences concrètes de ce conflit sur la stabilité des États voisins lors de la visite du camp de réfugiés palestiniens géré par l'ONU en Jordanie à proximité d'Amman. Plus de deux millions de Palestiniens vivent en Jordanie. Les personnes que nous avons pu interroger dans ce camp souhaitent revenir dans leur pays dans leur majorité.
Pour finir sur ce conflit, je me contenterais de rappeler que l'Assemblée nationale, sous la précédente législature, a adopté une résolution portant sur la reconnaissance de l'État de Palestine en 2014. La représentation nationale y soulignait que le statu quo est intenable et dangereux car il nourrit les frustrations et la défiance croissante entre les deux parties, qu'il est impératif que les négociations entre les parties reprennent et que la solution des deux États est la seule solution viable, comme mon collègue vient de le rappeler. Elle invitait enfin le Gouvernement français à reconnaître l'État de Palestine en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit. Je pense qu'il est de notre devoir de réaffirmer cette position de l'Assemblée nationale, et même du Parlement car le Sénat avait voté une résolution similaire, et de solliciter en ce sens le Président de la République et le Gouvernement car seule la Justice permettra la Paix dans la durée.
Enfin, le troisième foyer d'instabilité dont nous souhaitons vous parler a trait à la situation chaotique du Liban. Avant même les explosions survenues à Beyrouth le 4 août 2020, les manifestations qui ont débuté en 2019 témoignaient de la situation explosive dans laquelle se trouvait ce pays caractérisé par l'incurie de sa classe politique, la corruption et la mainmise du Hezbollah. Le PIB liban ais s'est en effet massivement contracté en 2020 sous l'effet conjoint de la crise sanitaire et d'une crise économique, financière et bancaire systémique et qui traduit la fin d'un modèle économique basé sur l'attraction de capitaux, la rente et la stabilité de la livre.
Mais cette crise a été aggravée par les destructions causées par les explosions au port de Beyrouth le 4 août 2020. À ce titre, nous avons des pensées émues pour les victimes, leurs familles et les milliers de blessés. Nous souhaitons que la vérité puisse se manifester ces prochains mois concernant les causes et les responsabilités de ces explosions révélatrices de l'effondrement du Liban. Depuis, la situation empire. La livre a perdu environ 100 % de sa valeur en moins de deux ans, 50 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, les secteurs de la santé et de l'éducation sont menacés. Ajoutons que l'accès aux services publics, notamment la fourniture d'eau et d'électricité, est devenu quasiment impossible dans l'ensemble du pays. La situation est telle que de plus en plus de Libanais ne parviennent plus à se nourrir, y compris parmi les forces armées libanaises, comme l'a indiqué l'UNICEF.
La France a répondu présente dès le début de la crise en août 2020 par l'organisation de conférences de donateurs dès le 9 août, qui avait rassemblé une aide de plus de 205 millions d'euros. Une seconde conférence internationale a été ouverte en décembre dernier, conformément à la promesse du Président de la République en septembre, pour fournir une aide d'urgence au pays.
Mais les autres aides financières (notamment celles de la Conférence Cèdre et de Rome 2 en 2018) étaient conditionnées à la formation d'un gouvernement et à la mise en œuvre de réformes structurelles dans le pays. Aujourd'hui, force est de constater que la classe politique libanaise est incapable d'initier de tels changements et que la situation s'aggrave d'heure en heure à l'image des longues files d'attente aux stations-services liées à la pénurie de carburants. La gravité de la situation est telle que certains observateurs n'hésitent pas à estimer que le Liban est aujourd'hui un État failli. De notre point de vue, nous pensons que le Liban ne peut pas être considéré comme un État failli car deux institutions tiennent encore dans le pays : les forces de sécurité intérieure (FSI) d'une part, et les forces armées libanaises (FAL) d'autre part. Mais concernant ces dernières, leur situation est telle qu'elles menacent également de s'effondrer ; à la fois les FSI et les FAL. Nous constatons quelques premières désertions qui nous préoccupent au plus haut point, ce dont je me suis entretenu avec le patron des FSI lors de mon déplacement. Face à l'urgence, le Président de la République et la ministre des Armées ont organisé une conférence internationale de soutien aux FAL et aux FSI le 17 juin dernier avec nos partenaires occidentaux et arabes. Il s'agit d'un enjeu vital pour le pays.
La France sera toujours aux côtés du Liban parce qu'il s'agit d'un grand partenaire et d'un peuple ami depuis longtemps. Mais en réalité, au-delà des aides financières nécessaires à court et moyen termes, la situation actuelle du Liban est le fruit de décennies de renoncements de sa classe politique et le symptôme du mal qui mine ce pays : la logique confessionnelle. J'ai toujours pensé que le devoir de la France, au Liban comme dans d'autres pays minés par le sectarisme confessionnel, est de promouvoir un sentiment d'appartenance à une nation commune et un destin partagé, en dépit des divergences ethniques ou religieuses ; en un mot, l'appartenance à une citoyenneté commune reposant sur l'égalité des droits. Cette aspiration est surtout celle de beaucoup de Libanaises et de Libanais qui souhaitent bâtir un « Nouveau Liban » dans le cadre d'une transition démocratique. Les « forces politiques du changement » et la société civile s'expriment en ce sens avec beaucoup de courage et de dignité, et je pense en priorité aux femmes et aux jeunes en prononçant ces mots. À ce titre, nous encourageons le Gouvernement français, les partenaires de la France et les Nations Unies à garantir la tenue des élections législatives, municipales et présidentielle en 2022 pour permettre au peuple libanais de s'exprimer librement. Enfin, et nous insistons sur ce point, nous recommandons l'installation urgente à Beyrouth d'une task force internationale sous l'égide des Nations Unies et de la Banque mondiale afin d'amplifier les actions humanitaires (alimentation, médicaments, soins, écoles…) et de développement (eau, électricité…). Vous l'avez compris : le Liban d'antan n'existe plus, et la France doit accompagner l'émergence de ce nouveau Liban.
Venons-en à présent au deuxième axe de notre présentation, relatif à la présence militaire française au Moyen-Orient (hors Chammal, qui fera l'objet de développements dans la troisième partie).
L'opération Amitié au Liban a été lancée à la suite des explosions survenues à Beyrouth le 4 août dernier. En coordination avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Solidarités et de la Santé, nos armées ont déployé et acheminé des moyens humains et matériels pour venir en aide au Liban. Le président de la République s'est rendu sur place, suscitant de fortes attentes.
Dès le 5 août, des aéronefs militaires ont permis d'acheminer sur place des produits de première nécessité mais également d'engager les premiers sapeurs-sauveteurs et marins-pompiers. Par la suite, un pont maritime a été mis en place et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et le navire affrété MN CALAO, arrivés respectivement les 13 et 16 août 2020 à Beyrouth, ont permis de compléter cet acheminement. Au total, 750 militaires et 1 200 tonnes de fret humanitaire ont été débarqués au Liban.
Cette opération d'urgence a apporté de très bons résultats, appréciés par les Libanais. Elle a depuis été refermée et l'enjeu de la reconstruction de Beyrouth demeure.
La présence militaire française au Liban s'incarne également par la FINUL. Les grandes lignes de son mandat se fondent sur le chapitre VI de la charte des Nations Unies :
– surveiller la cessation des hostilités ;
– accompagner et appuyer le déploiement au Sud-Liban des FAL ;
– appuyer les FAL, à la fois pour empêcher que des actes hostiles ne soient commis depuis le Sud-Liban, et pour s'assurer que l'aire d'opération soit « sans armes » et que la Blue Line soit respectée ;
– et assurer la coordination de ses activités avec les parties.
Parmi les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, la FINUL est souvent présentée comme une mission robuste, notamment au regard de ses effectifs dépassant 11 000 hommes rapportés à la surface de sa zone d'opération. Ainsi, sa densité de forces est analogue et comparable à celle de la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo entre 1999 et 2000.
La FINUL est une force en transformation permanente depuis 1978. D'ici deux ans, au terme de son plan d'adaptation issu du rapport du Secrétaire général du 1er juin 2020, elle sera probablement encore plus agile : gros véhicules blindés remplacés par de petits véhicules blindés, troupes plus disponibles, reconfiguration des forces navales, plus de moyens de renseignement avec une surveillance radar étendue et un plan d'équipement en caméras visant à surveiller la Blue Line …
Au Sud-Liban, une guerre est possible à tout moment, sans préavis. Des forces armées se font en effet face, sans qu'aucune disposition militaire n'ait été prise pour les séparer lors des cessez-le-feu ou retraits qui se sont succédé entre 1948 et 2006. L'emploi de la force y est décomplexé. Par exemple, Israël n'hésite pas à effectuer des tirs d'artillerie éclairants dès qu'il a un doute sur des individus s'approchant de la Technical Fence. Tous les responsables politiques sont d'anciens militaires qui ont déjà fait la guerre et tous les chefs militaires en place ont servi au Sud-Liban. Aussi, même si les parties ne veulent pas la guerre, et c'est le cas, l'escalade militaire est possible à tout moment, par erreur de calcul ou perte de contrôle, d'autant plus que les exécutifs sont en difficulté aussi bien au Liban qu'en Israël.
Dans ce contexte, la FINUL opère au milieu de deux principaux équilibres :
– un équilibre entre Israël et le Liban autour de la Blue Line ;
– et un équilibre entre les différents acteurs présents au Sud-Liban : les forces armées libanaises, le Hezbollah, la FINUL, etc.
L'opération Daman incarne et matérialise la solidarité de Paris avec Beyrouth au sein de la FINUL avec la présence de 700 soldats. Il existe une cohérence de positionnement entre la centralité politique de la France au Liban comme puissance qui compte à laquelle fait écho la centralité militaire du contingent français au Sud-Liban. À travers le chef d'état-major, la France met son amitié avec le Liban au service de la FINUL, rassemblant 46 pays contributeurs. La Force Commander Reserve (FCR) est au centre de la FINUL, avec son partenaire finlandais, aussi bien géographiquement que fonctionnellement.
Armée par la France, la posture opérationnelle de la FCR est en permanence observée et interprétée, notamment par le Hezbollah, en écho aux prises de parole publiques des autorités françaises sur le Liban. Des mesures spécifiques de protection sur le contingent sont décidées lors des prises de position françaises sur le Liban, compte tenu de leur poids et de la sensibilité politique libanaise.
Les directives données par le centre de planification et de conduite des opérations à Paris pour le contingent français s'inscrivent dans une stratégie régionale bien identifiée. Les échanges de renseignement et analyses entre les différentes forces et ambassades françaises de la région fonctionnent sans difficulté. La FINUL prend sa part dans cette stratégie française, en contribuant à la stabilité du Liban.
La principale réussite de la FINUL est d'avoir permis 15 années de paix et de stabilité au Sud-Liban. Selon les FAL, l'aire d'opération de la FINUL est, de loin, la zone la plus sûre à leurs yeux du Liban, en comparaison avec la lutte antiterroriste dans le Nord et les affrontements claniques dans la plaine de la Bekaa à l'Est. Le règlement définitif du différend ne relève d'ailleurs pas de la FINUL, dont la mission se limite à la création des conditions du dialogue politique, mais du Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le Liban et de sa mission de bons offices.
Alors que débutent les consultations relatives au renouvellement de son mandat, une reconduction technique de la FINUL pour l'année à venir semble à rechercher, dans l'attente de possibles évolutions politiques au Liban en 2022 et d'une évolution de la donne régionale (accord avec l'Iran, dialogue entre l'Iran et l'Arabie Saoudite à Bagdad, mutation du Hezbollah).
L'appui déterminé aux FAL, qui continuent d'incarner la nation libanaise, reste la meilleure stratégie de court, moyen et long termes. Dans le cadre du renouvellement de mandat à venir, il apparaît utile de renforcer l'appui de la FINUL aux FAL en ouvrant la possibilité de fournir un soutien logistique direct dans l'aire d'opération (carburant, etc.).
Dans le contexte politique actuel, il serait illusoire de vouloir faire évoluer le mandat de la FINUL ou de l'étendre. Cette évolution ne recevrait probablement pas de soutien des pays contributeurs européens, dont certains sont fébriles au vu des tensions dans l'aire d'opération. Par ailleurs, la situation ne serait pas tenable sur le plan sécuritaire si la FINUL devait entrer en confrontation avec le Hezbollah, tant son emprise est forte dans l'aire d'opération.
En outre, si des réductions ciblées de la FINUL pourraient être envisagées avec un impact opérationnel limité, leur contrepartie politique et psychologique devrait être mesurée, notamment vis-à-vis des FAL qui pourraient en sortir découragées et se sentir abandonnées. Le redressement économique du Liban et la consolidation des FAL prendront des années. C'est probablement l'horizon de travail de la FINUL qui devra s'adapter pour accompagner ces évolutions.
Les EAU sont le premier partenaire militaire de la France dans la zone. L'accord franco-émirien relatif à la coopération en matière de défense a été signé en 2009 (puis complété par un accord par échange de lettres signées en 2010) et est entré en vigueur le 1er mai 2012 pour une période de 15 ans renouvelable par notification écrite. Il reprend notamment la clause d'assistance prévue dans l'accord de défense antérieur datant de 1995 et formalise l'installation militaire française avec la mise en place des Forces françaises aux Émirats arabes unis. La coopération de défense vise à développer l'interopérabilité entre les forces des deux pays, à renforcer les capacités opérationnelles et à contribuer à la stabilisation de la région. Environ 650 militaires sont présents au sein des FFEAU, répartis entre le 5e régiment de cuirassiers, la base aérienne 104 d'Al Dhafra et une base navale, que nous avons eu l'opportunité de visiter.
Au cours des dix dernières années, la présence des FFEAU a facilité et renforcé la coopération opérationnelle entre la France et les EAU. En premier lieu, cette implantation constitue un point d'appui stratégique pour les opérations menées dans la région, notamment dans le cadre de l'opération Chammal contre Daesh en Irak et en Syrie ou de l'opération Agénor. Par ailleurs, la présence des FFEAU facilite la projection des forces françaises vers la zone indopacifique à travers l'accueil de l'état-major de la zone maritime de l'océan Indien et du commandement des forces françaises aux Émirats arabes unis au sein de la base navale d'Abou Dabi. Enfin, la présence des FFAEU joue un rôle clé dans la mise en œuvre de la coopération militaire bilatérale entre la France et les EAU. Celle-ci s'illustre notamment par la menée d'exercices en commun interarmées, dont l'exercice El Himeimat pour la coopération terrestre ou la mission Skyros fin janvier 2021 pour la coopération aérienne.
Concernant l'opération Agénor, nous avons eu l'occasion de discuter longuement de son avenir avec le contre-amiral Jacques Fayard. Comme vous le savez, il s'agit d'une opération de surveillance maritime au profit de la marine marchande transitant par le détroit d'Ormuz, séparant les Émirats arabes unis et Oman de l'Iran. Ce point de passage est sensible compte tenu du potentiel de déstabilisation par l'Iran pouvant menacer la pérennité des flux commerciaux, en particulier d'hydrocarbures. En place depuis un an, de bons résultats ont été atteints, grâce à la constitution d'un état-major réduit, représentatif des engagements des États européens dans la zone.
Cette dynamique européenne tend toutefois à s'essouffler : depuis quelques mois, seuls les Français déploient des bateaux et avions, au-delà de l'état-major alimenté par les nations. Ce manque d'intérêt des Européens soulève des questions sur la poursuite de l'opération. Par ailleurs, la mission menée par les Américains dans la zone est au point mort depuis trois mois : aucun bateau n'a été déployé dans le cadre de l'opération Sentinel. Enfin, on constate une absence d'escalade dans la région de la part de l'Iran, en particulier depuis l'élection de Joe Biden, à quelques exceptions près et exclusivement au niveau bilatéral avec, par exemple, Israël.
C'est pourquoi nous plaidons dans notre rapport pour une mise en sommeil de l'opération Agénor. Il s'agirait bien d'une mise en sommeil et non de mettre définitivement fin à cette opération, qui pourrait être réactivée en cas de hausse de la menace. Les moyens des FFEAU sont comptés, et eu égard au faible investissement des autres États européens dans le cadre de cette opération, la France ne peut en effet pas porter seule le poids de cette opération.
Mais la présence militaire française dans la région ne se limite pas à la présence des forces armées. Elle fait également écho à la politique d'exportation d'armements de la France dans la zone. En proie à une instabilité chronique, la région émet de fortes demandes en matériels de défense. À titre d'exemple, et comme indiqué dans l'édition 2021 du rapport au Parlement sur les exportations d'armement, l'entrée en vigueur du contrat pour la fourniture de radars de surveillance aérienne pour l'Irak – domaine dans lequel ce pays a de grands besoins, comme on nous l'a indiqué lors de notre déplacement – contribuera au renforcement de sa souveraineté et à celui de la relation bilatérale. Les livraisons des premiers hélicoptères Caracal au Koweït ainsi que le lancement d'un satellite d'observation de la terre pour les EAU participent aussi au renforcement de la maitrise par ces pays de leur environnement régional. Pour illustrer l'importance de la zone « Proche et Moyen-Orient » en matière d'exportation d'armements, mentionnons que sur la période 2011-2020, parmi les 20 principaux clients de la France, 5 États appartiennent à la zone « Proche et Moyen-Orient », parmi lesquels le Qatar (en deuxième position), l'Arabie Saoudite (en troisième position), l'Égypte (en quatrième position), les Émirats arabes unis (en cinquième position) et le Koweït (en neuvième position). À ce titre, nous plaidons également pour une meilleure valorisation de l'expertise de la DCSD et de l'entreprise DCI tant en matière de formation que pour l'utilisation des matériels militaires.
À l'issue de nos travaux, nous retenons deux réflexions concernant la politique d'exportation d'armements de la France au Moyen-Orient.
Premièrement, même si la France est un des États qui exporte le plus ses matériels dans la zone, il convient de rester vigilants et mobilisés quant à la concurrence. Prenons l'exemple de l'Égypte. La politique française d'exportation d'armements vers l'Égypte s'est considérablement développée à partir de 2014. La France a vendu à l'Égypte les deux Mistral initialement destinés à la Russie, une frégate multi-missions (FREMM), 4 corvettes Gowind ainsi qu'un satellite de communication. L'Égypte a par ailleurs été le premier pays à l'export pour le Rafale, avec une vente d'un premier lot de 24 appareils en 2014. La signature de ces contrats a logiquement abouti à de nombreuses coopérations sur le plan opérationnel et en termes de formation, en particulier entre la Marine égyptienne et la Marine française. Le chef d'état-major de la Marine égyptienne a d'ailleurs imposé le choix de la France pour se hisser au rang des grandes marines nationales. À l'inverse, les États-Unis ont régressé en Égypte sur le plan militaire. La France a donc occupé l'espace mais l'Égypte n'hésite pas à mettre ses partenaires en compétition et l'erreur serait de se reposer sur ses lauriers. La France doit impérativement se battre pour conserver ses avantages car la compétition est intense et les positions ne sont jamais acquises, en particulier dans des États où la conclusion de marchés dépend quasi exclusivement des partenariats stratégiques mais aussi des affinités personnelles et politiques du moment.
Deuxièmement, la conclusion de contrats d'armement doit être liée au respect du droit international par les États. La Commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre veille au respect des normes en vigueur, et en particulier au respect de la position commune de 2008 ainsi que des stipulations du traité onusien sur le commerce des armes. Eu égard aux foyers d'instabilité, voire de conflits, dans la région, un contrôle scrupuleux en la matière doit être observé.
Venons-en maintenant, chers collègues, au troisième et dernier axe de notre mission, sur l'avenir de l'opération Chammal.
Lancée le 19 septembre 2014, l'opération Chammal est le nom donné au volet français de l'opération interalliée Inherent Resolve rassemblant plus de 76 États et cinq organisations, sous la supervision du commandement central américain situé à Tampa en Floride. À la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés de la France dans la région, elle vise à apporter un soutien militaire aux forces locales engagées dans le combat contre Daesh sur leur territoire. La zone d'intervention de l'opération Chammal a été étendue à la Syrie le 8 septembre 2015 afin de pouvoir également frapper les centres depuis lesquels Daesh planifie et organise ses attaques.
L'opération Chammal repose sur deux piliers complémentaires :
– un pilier « appui », destiné à soutenir les troupes engagées au sol contre Daesh ;
– et un pilier « formation » au profit des forces de sécurité nationale irakiennes.
Dans le cadre du pilier « appui » de l'opération Chammal, l'armée de l'Air et de l'Espace met actuellement en œuvre 11 Rafale, dont quatre sur la base aérienne projetée au Levant située en Jordanie (230 soldats) et sept sur la base aérienne 104 d'Al Dhafra aux EAU (50 soldats). Nous avons visité ces deux bases organisées de manière exemplaires. Ces chasseurs contribuent à l'appui des troupes au sol en conduisant des missions de renseignement, de reconnaissance armée et de frappes ciblées et planifiées. Depuis le début de l'opération Chammal, plus de 11 600 sorties aériennes ont été effectuées. Plus de 1 560 frappes ont été réalisées, qui ont permis de détruire plus de 2 400 objectifs en Irak ou en Syrie. En 2020, 10 % des missions aériennes de la coalition internationale ont été effectuées par des avions français. Par ailleurs, une frégate française et son équipage (200 marins) sont engagés en soutien direct et participent à des opérations de patrouille en Méditerranée orientale, notamment dans le canal de Syrie.
Le pilier « formation » était auparavant organisé pour former le niveau tactique des unités irakiennes. Désormais, la formation se porte sur les états-majors et sur leur manière d'employer leurs unités, en structurant leur appréhension d'une campagne militaire et de la planification des opérations. Depuis 2020, une entité globale, le Military advisory group, est en charge de la politique de conseil qui est désormais prodiguée aux hautes autorités militaires irakiennes. L'état-major irakien que nous avons rencontré est particulièrement satisfait de la qualité de cette coopération et de ses résultats.
L'opération Chammal se justifie évidemment à plus d'un titre, eu égard aux menaces terroristes qui sévissent en Irak et en Syrie. La principale menace en Irak est incarnée par Daesh, en particulier dans les régions de Kirkouk, Al Anbar, Salaheddine et Ninive (c'est-à-dire dans les régions désertiques). Le commandement de Daesh a connu une très forte période d'attrition qui a débuté en 2020 et qui se poursuit aujourd'hui, après une phase de résilience forte, grâce à des opérations de neutralisation de ses principaux stratèges opérationnels menées par la coalition internationale. Daesh s'adapte néanmoins à son environnement et a enclenché une dynamique de reconstruction. Le Liban, les régions urbanisées du nord et du nord-ouest de la Syrie, marquées par le conflit avec la Turquie, sont des zones favorables à son développement, où Daesh est combattu par les groupes proches d'Al Qaida. De plus, le nombre d'attaques menées par Daesh a connu une baisse significative au premier trimestre 2021, atteignant le plus faible nombre d'attaques depuis la défaite de Baghouz en 2019, et ce en dépit du Ramadan, période pourtant propice aux attaques. La quasi-totalité de leurs attaques se font par la pose d'engins explosifs improvisés ou de tirs de mortiers, soit des attaques de faible intensité qui témoignent du fait que Daesh est redevenu un groupe militaro-terroriste, contraint de se replier dans des espaces désertiques ou ruraux, voire dans des espaces frontaliers, où il entretient néanmoins un climat d'insécurité. Il poursuit son combat contre les forces démocratiques syriennes dans la région de Deir ez-Zor et dans les zones frontalières contre les Kurdes. A contrario, Al-Qaïda demeure une force importante en Syrie et notamment dans la région d'Idleb.
La capacité de projection vers l'étranger de Daesh constitue un des sujets principaux d'attention de la France, qui suit les itinéraires des djihadistes depuis la Syrie. Leur objectif est de sortir de la zone de combat et rejoindre la Turquie dans l'attente, pour certains, d'un retour. La France a observé des tentatives de création de réseaux en Europe pour y perpétrer des attentats mais la menace est, pour l'instant, contenue.
Par ailleurs, en Irak, l'autre facteur de déstabilisation provient des forces de la mobilisation populaires (PMF) composée de milices très majoritairement chiites. Elles mènent des actions violentes contre les forces du Gouvernement régional du Kurdistan mais également contre les États-Unis qui sont régulièrement ciblés par des tirs de mortiers contre leurs bases. De ce point de vue, l'usage des drones par les milices chiites irakiennes constitue un véritable sujet d'inquiétude et une piste de travail pour notre pays et nos partenaires.
Le second sujet d'inquiétude a trait à la situation dans les camps de prisonniers djihadistes. Ils constituent un sujet central. La situation est suivie de très près dans la région. De l'avis de toutes les personnes que nous avons pu rencontrer, ces camps constituent une poudrière, et en dépit des actions menées par les forces démocratiques syriennes pour capturer et surveiller les prisonniers, nous sommes inquiets quant au risque que ces camps échappent à tout contrôle et deviennent, ipso facto, le moteur de la revitalisation de Daesh. À ce stade, la situation dans les prisons est relativement stable. Des transferts de détenus ont lieu d'un camp à l'autre mais les projets d'évasion sont quotidiens car les camps sont en réalité très poreux.
Le choix opéré jusqu'alors a été de maintenir la situation en l'état. Le scénario le plus grave serait que ces camps soient dispersés sous la pression du régime syrien, ce qui posera la question du statut des prisonniers. Cette problématique devra évidemment relever d'arbitrages politiques ces prochains mois. Il s'agit là d'une problématique complexe. L'opinion publique est particulièrement sensible à cette question.
Dans ce contexte, et eu égard à ces menaces, quelles sont donc les pistes pour l'après Chammal ? Nous en avons déterminé deux principales :
- la nécessité de maintenir l'opération Inherent Resolve avec le même mandat qu'actuellement ;
- et la nécessité d'approfondir nos coopérations bilatérales avec l'Irak et nos partenaires en Orient : les pays du Golfe, la Jordanie, l'Égypte et le Liban. À cet égard, nous sommes également attentifs à l'organisation et à l'issue des élections en Irak, prévues le 10 octobre prochain.
Lors de nos échanges en Irak, et en particulier avec le général américain Paul Calvert, nous avons pu observer que la France et les États-Unis, tout en partageant les mêmes appréciations quant à l'importance de la menace terroriste incarnée par Daesh, n'avaient pas la même appréciation quant à la menace incarnée par les milices chiites irakiennes. L'engagement de la France dans le cadre de l'opération Inherent Resolve est la démonstration de sa capacité à tenir son rang dans le cadre de la lutte contre Daesh. Les États-Unis observent les capacités de la France, les reconnaissent et les apprécient. Notre coopération s'illustre également dans le domaine du renseignement, en dépit de la non-appartenance de la France au réseau des Five Eyes. Néanmoins, les États-Unis, qui font l'objet d'attaques régulières de la part des milices chiites irakiennes, souhaitent que celles-ci soient intégrées dans le mandat de l'opération. Nous comprenons la volonté des États-Unis de se protéger contre ces milices chiites irakiennes, dont une grande partie est sous l'influence de l'Iran. Mais nous ne souhaitons pas un changement de mandat de la Coalition car la priorité demeure pour la France la lutte contre Daesh, Al Qaida et leurs filiales.
Par ailleurs, nous sommes bien conscients des conséquences pour la France d'un retrait américain de l'Irak. Sans les États-Unis, la France ne pourra agir militairement avec la même amplitude au Moyen-Orient. La multiplication des attaques contre les États-Unis de la part de ces milices, couplée à la stratégie du pivot asiatique lancée par Barack Obama et poursuivie par Joe Biden qui oriente l'intérêt des États-Unis vers la zone indopacifique, constitue une réelle source d'inquiétude pour la France. Mais nous estimons que la question relative aux milices chiites irakiennes est avant tout une problématique intérieure pour Bagdad et un paramètre du dialogue diplomatique entre les États de la région (Iran, Arabie Saoudite, Syrie, Liban…).
La France ne peut pas s'engager sur tous les fronts. Sur l'ensemble du Moyen-Orient, notre présence, notre action et notre engagement sont forts. Avec des effectifs limités et de grande qualité, les résultats opérationnels sont remarquables. Politiquement, diplomatiquement, militairement, mais également en termes de débouchés économiques liés à la vente d'armes et de matériels militaires français, selon notre analyse, notre déploiement atteint pleinement ses objectifs.
Par ailleurs, nous estimons que la relation bilatérale franco-iraquienne devra constituer l'axe principal de l'après Chammal. Nous avons pu le constater lors de notre déplacement en Irak : il existe une attente forte vis-à-vis de la France dans ce pays. De ce point de vue, la France récolte les fruits de sa politique depuis 2003. Notre Président de la République a déjà commencé à conforter cette relation bilatérale lors de son déplacement en septembre 2020 pour contribuer à la reconstruction de la souveraineté de l'Irak. Il s'agit là d'un enjeu majeur, auquel la France devra nécessairement contribuer. La coopération entre nos deux armées est déjà une réalité, comme nous avons pu l'entendre lors de nos échanges avec le service de contre-terrorisme irakien, et comme nous l'avons constaté sur le terrain. Nous l'avons également constaté lors de notre déplacement au Kurdistan irakien lors de nos échanges avec les Peshmergas. Mais les marges de progression sont d'autant plus grandes que le retrait progressif des États-Unis laisse un vide qu'il nous revient, dans la mesure du possible, de combler.
Cette dynamique de coopérations est également souhaitable avec la Jordanie et l'Égypte. À ce titre, nous encourageons le Président de la République et le Gouvernement à soutenir les nouvelles coopérations de la « Trilatérale » entre Le Caire, Amman et Bagdad dans les domaines de la sécurité (lutte antiterrorisme, lutte contre les trafics de drogues comme le captagon produit en Syrie et au Liban), de l'éducation, de la culture et du développement. Nous pensons également au Liban en accompagnant, par exemple, le développement d'une marine opérationnelle et du Centre régional de déminage.
Voici, mes chers collègues, les résultats de nos travaux. Nous vous remercions pour votre attention et sommes désormais à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.
Merci, chers collègues, pour l'exhaustivité de ce travail et la précision de votre présentation.
Tout d'abord, je tiens à vous féliciter, Messieurs les rapporteurs, au nom de mon groupe, pour la très grande qualité du travail que vous avez fourni dans le cadre de cette mission d'information. Le sujet étant vaste et les enjeux nombreux, nous ne pouvons que vous féliciter pour la menée de votre mission en un temps record. J'étais moi-même membre de cette mission d'information et ai pu assister à quelques auditions, qui furent passionnantes.
Ma question portera sur un service du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères que toute personne qui s'est intéressée à la présence militaire française en Afrique connait bien : la direction de la coopération de sécurité et de défense, la DCSD.
La coopération structurelle de sécurité et de défense, animée par la DCSD au sein de l'État, permet la coordination quotidienne et interministérielle d'un continuum sécurité-défense au service des priorités politiques et diplomatiques arrêtées par le Gouvernement. L'action de la DCSD passe prioritairement par le renforcement régalien des États partenaires. La France possède des intérêts stratégiques vitaux au Moyen-Orient. Comme vous l'avez indiqué dans votre propos liminaire, la France est attendue dans cette région du monde, tant sur le plan militaire bien sûr – et l'édition 2021 du rapport au Parlement sur les exportations d'armement a montré que le Moyen-Orient est un des principaux clients de la France – mais également en matière de formation à l'usage des matériels militaires et en matière de protection civile, comme l'a mentionné M. Gwendal Rouillard au sujet de l'école de déminage au Liban.
Enfin, en Afrique, le réseau des écoles nationales à vocation régionale, les ENVR, est très développé. Il constitue un outil unique de formation et de rayonnement portant sur les thématiques de sécurité et de défense et est au cœur du développement de la relation partenariale portée par la DCSD. Or, le réseau des ENVR se cantonne aujourd'hui à l'Afrique. Il semble pourtant nécessaire de le faire évoluer, et si la DCSD n'est pas absente du Moyen-Orient, une présence plus accrue apparaît souhaitable, eu égard aux besoins exprimés par les États de la région auprès de la France.
Par conséquent, Messieurs les rapporteurs, pensez-vous nécessaire que la DCSD joue un rôle plus important au Moyen-Orient, et si oui, selon quelles modalités et à quelles conditions ? Je vous remercie.
Bien entendu, je m'associe aux félicitations qui ont été adressées à nos deux rapporteurs. C'est un rapport passionnant, et sûrement difficile à rédiger compte-tenu de la complexité de cet immense théâtre d'opérations. Le général de Gaulle disait : « Vers l'Orient compliqué, je voguais avec des idées simples ». Vous avez essayé, et je crois réussi, à dégager quelques idées simples de votre mission. Ce que je retiens également, c'est que la France est attendue, et qu'elle a un rôle à jouer – et pas seulement au Liban, bien que ce dernier reste important. Nous avons parlé aussi des États du Golfe, des Émirats Arabes Unis et de l'Irak.
Par ailleurs, quelle sera l'attitude des États-Unis ? Il s'agit d'un paramètre capital, sur les plans économique, diplomatique comme militaire.
Enfin, vous avez parlé de l'Égypte : quel rôle jouent les grandes puissances régionales que sont l'Iran, la Turquie et l'Arabie Saoudite, et quels sont leurs objectifs stratégiques à long terme ?
Tout d'abord, le groupe démocrate que je représente aujourd'hui tient à vous adresser ses félicitations pour ce rapport dont la présentation que vous venez de nous livrer donne un aperçu très prometteur de vos travaux. Durant cette mission d'information, vous avez eu l'occasion d'auditionner une pluralité d'intervenants dont la fonction leur permet de détenir un rôle et une expertise notable dans la situation au Moyen-Orient ; notamment, en dernier lieu, il vous a été donné d'interroger deux représentants du monde du renseignement : d'une part au sein de la direction du renseignement militaire (DRM), et d'autre part, de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Le renseignement étant indissociable des opérations militaires, nous mesurons l'envergure et la nécessité de ce dernier. L'opération Chammal a marqué la présence de centaines de militaires français au Moyen-Orient et des moyens matériels conséquents. Ce déploiement a donc permis depuis 2014 la captation d'un flux conventionnel – en dehors du non-conventionnel habituel – de renseignement nous permettant d'avoir une vision accrue sur cette région qui demeure un pivot géostratégique fondamental pour les intérêts français.
À la vue de ces éléments, il m'apparaît légitime de vous poser la question suivante : malgré le retrait potentiel de la majorité de nos troupes conventionnelles au Moyen-Orient, la France peut-elle espérer maintenir la captation d'un flux de renseignement suffisant pour ne pas perdre sa vision précise des tensions régionales et des menaces qui pèsent sur la France en provenance de cette région ? Dans quelle mesure nos structures de renseignement pourraient-elles agir en dehors de tout cadre opérationnel ?
Merci beaucoup, Messieurs les rapporteurs, pour cet exposé précis et circonstancié. Dans la lutte contre Daesh et Al-Qaïda – nous avons évoqué le rôle de la France dans la perspective de l'après Chammal – il est un des acteurs que nous avons un peu évoqués auparavant sous l'angle du retour des djihadistes, et en creux, en parlant du Kurdistan, c'est évidemment la Turquie. Pourriez-vous nous en dire un petit plus sur ce qui a été dit dans le cadre de vos travaux sur la position et la vision turques de la zone, notamment en Syrie et en Irak, pour les années à venir, et singulièrement dans la perspective d'un retrait graduel américain, mais aussi sur l'état des relations bilatérales franco-turque et sur ce que nous pourrions en faire dans la zone, dans le contexte que vous venez d'évoquer ?
Merci aux rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je voudrais revenir sur ce qui a été évoqué par Monsieur le rapporteur Gwendal Rouillard, au sujet des trafics de drogue qui financent finalement le terrorisme – et en particulier le captagon. Sauf erreur de compréhension, cette drogue qui a pris racine au Liban commence à s'exporter ailleurs au Moyen-Orient, notamment en Arabie Saoudite, et désormais en Europe. Ce sujet me paraît important dans la mesure où il s'agit d'une source importante de financement du terrorisme. Quelle est l'ampleur du phénomène, et quelles sont les mesures qui peuvent être prises par la France et ses partenaires en réaction ?
Merci mes chers collègues pour cette brillante présentation. Ma réflexion va porter sur la capacité de l'armée irakienne à faire face à la lutte contre le terrorisme. Nous le savons, cette armée doit probablement faire face aux mêmes problèmes que connaissent les États de la bande sahélo-saharienne – problèmes de formation, de gestion de ressource, de gestion humaine, dépolitisation, lutte contre la corruption, etc.
Ma question sera simple : pensez-vous que l'armée irakienne pourra, à long terme, affronter de manière autonome les groupes terroristes sur son territoire, et quel rôle la France peut-elle jouer dans le soutien à l'armée irakienne ?
Merci, mes chers collègues, pour cette présentation précise et passionnante. Fin juin dernier, Amnesty International a déclaré que plus d'un million de personnes dans le Nord de la Syrie risquaient de manquer de ressources vitales dans le cas où le Conseil de sécurité des Nations unies ne renouvellerait pas l'autorisation d'acheminement transfrontalier de l'aide humanitaire par le point de passage de Bab Al-Hawa, à la frontière turque. Considérant le véto russe actuel au prolongement de l'ouverture de ce point d'accès à l'acheminement de l'aide humanitaire et l'opposition avec la Turquie sur ce sujet, quels sont selon-vous les risques et surtout les conséquences d'une telle fermeture, en particulier pour les forces déployées dans le cadre de l'opération Chammal, et par ailleurs, pensez-vous qu'une solution alternative puisse se dessiner ?
Merci chers collègues pour ce rapport extrêmement précis et intéressant. Comme vous l'avez indiqué, la France est très attendue dans la zone. Mais quelle est la perception des populations vis-à-vis de la France ?
Par ailleurs, vous avez parlé de la menace principale, incarnée par Daesh, qui a subi une forte attrition. Pouvez-vous nous parler des liens entre les deux théâtres d'opérations dans lesquels les armées sont déployées que sont la bande sahélo-saharienne et le Levant ? Dans la bande sahélo-saharienne, Daesh est extrêmement présent et la situation y est préoccupante.
Merci M. Gouttefarde pour cette excellente question. Notre réflexion est la suivante : le message principal de notre rapport est de dire que dans le contexte du désengagement relatif américain, si la France entend compter demain et après-demain au Moyen-Orient, si vous me permettez une image digne du Tour de France, elle doit « changer de braquet » ; et changer de braquet, cela signifie conforter ses partenariats stratégiques, mettre davantage de moyens opérationnels, conforter ses moyens militaires, développer une approche et une politique globales – notamment en matière de développement et d'éducation – mais si j'en reviens à l'aspect militaire stricto sensu, elle doit conforter, développer et affirmer la diversité des instruments à sa disposition. C'est là où se situe la discussion sur la DCSD, que nous connaissons en Afrique – M. Gouttefarde l'a rappelé très justement, notamment à travers le réseau des ENVR, que j'ai eu l'occasion de visiter à plusieurs reprises – et d'une certaine manière, le timing est bon parce qu'au moment où nous sommes au Moyen-Orient ensemble, la DCSD réfléchit à sa nouvelle stratégie. Nous avons d'ailleurs échangé en ce sens avec le directeur de la DCSD, le général Thierry Marchand. Nous nous sommes dit que le moment était venu, eu égard à notre volonté de renforcer nos partenariats stratégiques et nos coopérations sécuritaires avec les États évoqués aujourd'hui, « d'orientaliser » davantage la DCSD, qui a parfois souffert de l'image de la Francafrique – je le dis à dessein de cette manière-là. Nous pensons donc aujourd'hui que le moment est venu d'affirmer la place de la DCSD au Moyen-Orient.
M. Gouttefarde nous a interrogé sur les modalités. D'abord, nous avons de l'existant : la DCSD est partenaire en Irak, par exemple pour former des jeunes militaires irakiens. Elle est également présente en Jordanie et au Liban – je vous disais que nous avions eu la chance de visiter l'école régionale de déminage de Beyrouth, qui est un outil performant qui participe de la dynamique libano-libanaise mais aussi du rayonnement de la France au Liban et dans la région. J'en profite d'ailleurs pour exprimer notre volonté de voir le poste de coopérant renouvelé pas seulement l'année qui vient mais les années qui suivront. Nous avons donc déjà des réalités sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Le sujet aujourd'hui est de savoir si l'on peut et si on doit élargir la présence de la DCSD, en complément des autres opérateurs français, comme le Centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Nous pensons que oui. Nous allons clairement inscrire cette volonté dans le rapport que nous transmettrons à nos autorités afin d'encourager la dynamique initiée par Thierry Marchand.
Un dernier mot : le modèle des ENVR en Afrique peut être, de notre point de vue, une source d'inspiration. On pourrait le décliner dans différents domaines comme la lutte contre le terrorisme, la lutte contre les cybermenaces, également dans la lutte contre les mines, et dans bien d'autres domaines encore. Évidemment, les ENVR ne sont qu'une source d'inspiration parmi d'autres, mais le sujet mérite clairement d'être mis sur la table.
Concernant la question de Monsieur le vice-président Charles de la Verpillière, effectivement, la France est attendue plus que jamais - on l'a compris je pense à travers de nos propos – pour notre expertise militaire, pour la qualité de nos troupes présentes sur place, qui sont capables d'apporter un appui fort aux forces irakiennes, qui peuvent bénéficier de notre matériel de qualité. Les pays évoqués sont l'Iran, l'Arabie Saoudite et la Turquie. Concernant la Turquie, elle soutient les Frères musulmans et nous avons pu observer notamment dans la partie kurde de l'Irak des investissements économiques particulièrement importants de sa part. L'influence turque est particulièrement forte là-bas, et la présence de la Turquie est largement liée à la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Concernant l'Égypte et l'Arabie Saoudite : les deux pays travaillent ensemble dans la lutte contre le terrorisme, et ont, bien sûr, des convergences de vues dans le cadre de cette lutte commune.
Enfin, l'Iran cherche à renforcer ce que l'on appelle l'arc chiite depuis la chute de Saddam Hussein. Les chiites sont majoritaires en Irak, dont une partie qui est proche du régime iranien. Aujourd'hui, la France comme le reste de l'Occident est particulièrement vigilante vis-à-vis de la situation de l'Iran et de la question du développement de son programme nucléaire – qui reste au cœur de toutes les préoccupations.
Ces trois pays, Iran, Turquie et Arabie Saoudite – notamment au travers de ce qu'il se passe le long de sa frontière avec le Yémen – sont donc des acteurs très importants dans la zone du Moyen-Orient.
Pour répondre à la question de M. Jean-Pierre Cubertafon sur nos capacités de renseignement, rappelons que depuis 2014, nous avons clairement renforcé notre capacité d'autonomie en matière de renseignement. Certes, nous sommes membres de la coalition et nous partageons une partie de notre renseignement avec les Américains. Nous en avons d'ailleurs parlé avec le général Loïc Mizon, détaché auprès du commandement central des États-Unis situé à Tampa en Floride. Pour autant vous savez que la clef est l'appréciation autonome de la situation. C'est cette appréciation autonome qui nous permet, grâce à nos divers capteurs, de vous parler de la reconstruction de Daesh, de l'affirmation et du développement des milices chiites dans la région ou sur le développement des trafics de captagon. C'est également ce qui nous permet autant que possible de vous répondre du nord-est syrien. M. Cubertafon a évoqué le retrait des forces conventionnelles françaises. C'est vrai que les militaires déployés dans le cadre de la task force Monsabert et de la task force Narvik, et évidemment nos artilleurs avec leurs canons CAESAR en Irak, qui représentent des dizaines et des dizaines de militaires, sont rentrés à la maison. Mais le sujet qui est aujourd'hui sur la table est justement de permettre la remontée en puissance de la présence militaire française auprès de l'armée conventionnelle irakienne.
J'en profite pour répondre à la question de M. Marilossian sur l'armée irakienne. Dans le cadre de la coalition, nous avons un excellent partenariat avec les forces spéciales irakiennes. Nous avons eu un excellent partenariat avec les forces conventionnelles irakiennes. L'idée, qui est exprimée très clairement, est de « remettre du militaire français sur zone » pour participer à la formation de l'armée irakienne conventionnelle, dont nous jugeons les résultats positifs. Certes, le processus sera long mais je me permets de rappeler que l'armée irakienne représente un million de soldats. Nous avons donc du travail. On ne jouera pas sur ces volumes-là, nous préférons nous concentrer sur le haut du spectre et le combat de haute intensité. Nous sommes attendus et les résultats sont positifs.
Concernant la question de Jean-Charles Larsonneur sur les relations franco-turques à l'aune de la situation de la Turquie au Moyen-Orient, et notamment, nous l'évoquions tout à l'heure, la lutte contre le PKK, l'attitude de la France à l'égard de la Turquie est complexe. Nous devons à la fois avoir un dialogue ferme avec la Turquie sur un certain nombre de sujets qui nous lient, et en même temps, nous avons besoin de s'entendre avec ce pays pour lutter contre le terrorisme. L'équilibre est complexe à l'image des échanges, disons virils, que l'on a pu entendre entre le Président Recep Tayyip Erdogan et le Président Emmanuel Macron. C'est un pays avec lequel la France et ses alliés ont besoin de collaborer, mais vis-à-vis duquel nous devons garder une vigilance tout à fait particulière.
Concernant la question de Nathalie Serre sur la perception de la présence française par les populations en Irak, en effet, cette présence est accueillie plutôt positivement. Il n'y a pas d'hostilité à l'égard de nos troupes mais lorsque nous discutons avec les autorités de ces pays, et notamment dans la perspective des élections législatives d'octobre prochain, l'objectif est toujours de permettre à l'Irak de redevenir un État autonome et souverain en se passant de l'aide étrangère. Dans le cadre de ces élections, et depuis l'assassinat du général Qassem Soleimani, les autorités civiles irakiennes en appellent au départ des troupes occidentales de l'Irak.
Pour compléter la réponse de mon collègue rapporteur sur la Turquie, quand on essaye de comprendre ce qu'il se passe à Idleb en termes de diversité des groupes djihadistes, on peut facilement s'y perdre. Le premier groupe dont on nous parle régulièrement est le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, ancien d'Al-Qaïda, qui dit aujourd'hui ne plus appartenir à ce groupe. Deuxièmement, al-Joulani contribue au fait qu'Al-Qaïda « version Afghanistan » ne se développe pas trop en Afghanistan. Le groupe Tahrir al-Cham est lié à Ankara mais, par ailleurs, la Turquie est censée être un allié et est membre de l'OTAN. En français, on peut parler, pour qualifier la situation, d'ambiguïté, voire de contradiction. Cela peut finir par poser un problème entre la Turquie, nous et les alliés de l'OTAN. Notre président de la République et notre ministre des Affaires étrangères demandent des éclaircissements au président turc sur ce sujet parmi d'autres ; ce que nous avons résumé en une formule : les mots c'est bien, les actes c'est mieux ; et en particulier concernant la région d'Idleb. Je me permets de livrer ce sentiment assez clair, net et précis me semble-t-il, que l'on partage avec Mme la présidente et mon collègue rapporteur.
Sur la question du captagon, il s'agit d'abord d'un phénomène qui n'est pas nouveau mais qui prend de l'ampleur. Deuxièmement, il y a aujourd'hui une industrie du captagon qui se situe, d'après nos renseignements, au sud de la Syrie et dans la plaine de la Bekaa libanaise. Troisièmement, nous savons que le trafic de captagon finance, dans cet ordre, le régime de Damas, les milices chiites régionales affiliées à Damas, voire à Téhéran, et les mafias régionales plus classiques. C'est un sujet d'importance, à tel point que les forces de police italiennes ont arrêté des cargaisons significatives de captagon en provenance du Moyen-Orient ces derniers mois. Quelle réponse face à tout cela ? L'Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), Interpol et Europol se mobilisent. Nous avons constaté dans les ambassades, en particulier à Amman et à Beyrouth, combien nos équipes de police et de gendarmerie ainsi que l'ensemble de nos services sont pleinement mobilisés, à la fois dans l'intérêt de la France et de l'Europe, mais aussi dans le cadre de nos partenariats avec les pays concernés. Enfin, ce phénomène a pris une ampleur régionale et a d'ores et déjà des conséquences politiques et pratiques. À titre d'exemple, l'Arabie Saoudite a découvert des pilules de captagon en nombre parmi les fruits et légumes libanais. L'Arabie Saoudite vient d'interdire l'importation de fruits et légumes en provenance du Liban, alors que ce pays, et en particulier ses paysans, souffrent beaucoup. Une manière d'aider les pays de la région est donc de lutter plus que jamais contre les trafics de drogue de manière générale, et en particulier les trafics de captagon, ce qui nécessite un meilleur contrôle des frontières, notamment grâce à l'action de nos ambassades.
Concernant l'aide humanitaire dans le nord-est syrien, l'enjeu est évidemment capital car la situation, après des années de conflit, est toujours aussi dramatique et il y a un réel problème d'accès des organisations humanitaires à ce pays. La France continue de soutenir les ONG engagées même si nous n'avons de relations officielles avec le régime syrien. Le travail de ces ONG est d'autant plus remarquable qu'il est incroyablement ardu d'y intervenir.
Sur la porosité entre la bande sahélo-saharienne et le Moyen-Orient et les interconnexions entre ces deux théâtres de l'action djihadiste, nous avons produit en 2014 un excellent rapport sur l'évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours au cours duquel nous avons eu la chance de parcourir 15 pays africains et 20 bases militaires françaises. Notre principal constat était le début des connexions entre Al-Qaïda et les groupes djihadistes et terroristes au Sahel. Nous avions dressé ce constat en 2014, c'est-à-dire il y a sept ans. Nous y sommes aujourd'hui. Ceux d'entre vous qui se sont rendus au Sahel ont pu notamment constater l'importance des recrutements endogènes par les organisations terroristes transnationales en Afrique. Le processus est le même au Levant : depuis l'Afghanistan, Daesh se structure, finance et forme ses combattants. Les cadres sont irakiens, syriens, libanais ou jordaniens, et Daesh recrute localement des combattants, comme nous avons pu l'observer avec le recrutement croissant de jeunes libanais désœuvrés. Nous avons non seulement des processus et des objectifs partagés et une diversification des filiales. En 2014, nous parlions de l'« Afriqu'Orient » : nous y sommes aujourd'hui.
Plus que jamais, quand on pense à l'avenir de Barkhane ou de Chammal, nous voyons que nous sommes au milieu du gué dans les deux théâtres. Il faut penser les complémentarités entre les deux théâtres, entre l'Afrique et le Moyen-Orient. Vive la France, qui, comme vous l'aurez compris, est attendue.
, rapporteur. Je souscris tout à fait à ce dernier propos de mon collègue. Nous remercions l'ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de ce travail et nous espérons que les perspectives proposées pourront être reprises dans les semaines et dans les mois à venir.
En guise de conclusion, je souhaiterais dire que, premièrement, nous avons pris plaisir à travailler ensemble. Deuxièmement, nous avons pu appréhender la complexité du sujet, même si nous n'en avons pas fait le tour. Troisièmement, nous avons pu mieux mesurer la place et l'implication de nos armées mais aussi de nos diplomates sur cette zone. Enfin, nous avons pu réaliser à quel point les deux théâtres, en bande sahélo-saharienne et au Moyen-Orient, ne peuvent pas être séparés. Ces théâtres paraissent très éloignés mais ils répondent aux mêmes dynamiques et à une même logique : la lutte contre le terrorisme, qui se déploie avec des modes d'actions similaires. Il ne faut pas oublier que les attentats commis en France ont été commandités depuis ces différents lieux. Plus que jamais, nous avons à rééquilibrer – toujours de manière temporaire – notre place et nos forces armées sur l'ensemble de ces théâtres, de manière à ne pas les surexposer, de faciliter aussi ce niveau d'implication et de partenariats. Il y a une très forte attente de beaucoup de pays du Moyen-Orient vis-à-vis de la France. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas également attendus dans le cadre du multilatéralisme, comme dans le cadre de l'OTAN, et que nous ne continuerons pas ce type de partenariats avec nos alliés, mais nous sommes fortement attendus également sur le plan bilatérale, grâce à nos actions plus ciblées vis-à-vis de certains pays, en termes de formation, de savoir-faire et d'anticipation. Nous avons une place singulière et nous devons la poursuivre, ce qui veut implique de se déployer aux bons endroits, avec les bonnes forces armées et avec nos pays alliés.
Je suis très fière du travail que nous avons mené. J'espère que cette mission sera utile à l'opinion publique ainsi qu'à nos militaires, mais également aux services les plus discrets qui sont très présents et aux personnels des ambassades, dont je salue le travail essentiel dans cette région du monde. Tous les aspects de notre action, la culture, l'archéologie, l'éducation, la francophonie, ont une place fondamentale. Tous ces aspects sont précieux, notamment pour l'image de notre pays et de la place si singulière qu'elle occupe au Moyen-Orient. Nous devons poursuivre, de la manière la plus adaptée, et peut-être plus équilibrée, ces efforts de nos armées – peut-être un peu moins à Barkhane et un peu plus à Chammal actuellement – vis-à-vis des pays qui en ont le plus besoin, notamment le Liban, qui est dans une souffrance extraordinaire mais qui pourrait être aussi victime d'un certain nombre d'incuries.
Je remercie à nouveau les rapporteurs pour leur travail. Nous garderons longtemps en mémoire ces travaux.
La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l'après Chammal en vue de sa publication.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Françoise Ballet-Blu, M. Stéphane Baudu, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Catherine Daufès-Roux, Mme Françoise Dumas, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Meyer, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Josy Poueyto, M. Gwendal Rouillard, Mme Nathalie Serre, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Christophe Castaner, M. André Chassaigne, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Didier Le Gac, M. Gérard Menuel, M. Bernard Reynès, Mme Muriel Roques-Etienne, Mme Isabelle Santiago, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché