Intervention de Gwendal Rouillard

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 17h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGwendal Rouillard, rapporteur :

Les EAU sont le premier partenaire militaire de la France dans la zone. L'accord franco-émirien relatif à la coopération en matière de défense a été signé en 2009 (puis complété par un accord par échange de lettres signées en 2010) et est entré en vigueur le 1er mai 2012 pour une période de 15 ans renouvelable par notification écrite. Il reprend notamment la clause d'assistance prévue dans l'accord de défense antérieur datant de 1995 et formalise l'installation militaire française avec la mise en place des Forces françaises aux Émirats arabes unis. La coopération de défense vise à développer l'interopérabilité entre les forces des deux pays, à renforcer les capacités opérationnelles et à contribuer à la stabilisation de la région. Environ 650 militaires sont présents au sein des FFEAU, répartis entre le 5e régiment de cuirassiers, la base aérienne 104 d'Al Dhafra et une base navale, que nous avons eu l'opportunité de visiter.

Au cours des dix dernières années, la présence des FFEAU a facilité et renforcé la coopération opérationnelle entre la France et les EAU. En premier lieu, cette implantation constitue un point d'appui stratégique pour les opérations menées dans la région, notamment dans le cadre de l'opération Chammal contre Daesh en Irak et en Syrie ou de l'opération Agénor. Par ailleurs, la présence des FFEAU facilite la projection des forces françaises vers la zone indopacifique à travers l'accueil de l'état-major de la zone maritime de l'océan Indien et du commandement des forces françaises aux Émirats arabes unis au sein de la base navale d'Abou Dabi. Enfin, la présence des FFAEU joue un rôle clé dans la mise en œuvre de la coopération militaire bilatérale entre la France et les EAU. Celle-ci s'illustre notamment par la menée d'exercices en commun interarmées, dont l'exercice El Himeimat pour la coopération terrestre ou la mission Skyros fin janvier 2021 pour la coopération aérienne.

Concernant l'opération Agénor, nous avons eu l'occasion de discuter longuement de son avenir avec le contre-amiral Jacques Fayard. Comme vous le savez, il s'agit d'une opération de surveillance maritime au profit de la marine marchande transitant par le détroit d'Ormuz, séparant les Émirats arabes unis et Oman de l'Iran. Ce point de passage est sensible compte tenu du potentiel de déstabilisation par l'Iran pouvant menacer la pérennité des flux commerciaux, en particulier d'hydrocarbures. En place depuis un an, de bons résultats ont été atteints, grâce à la constitution d'un état-major réduit, représentatif des engagements des États européens dans la zone.

Cette dynamique européenne tend toutefois à s'essouffler : depuis quelques mois, seuls les Français déploient des bateaux et avions, au-delà de l'état-major alimenté par les nations. Ce manque d'intérêt des Européens soulève des questions sur la poursuite de l'opération. Par ailleurs, la mission menée par les Américains dans la zone est au point mort depuis trois mois : aucun bateau n'a été déployé dans le cadre de l'opération Sentinel. Enfin, on constate une absence d'escalade dans la région de la part de l'Iran, en particulier depuis l'élection de Joe Biden, à quelques exceptions près et exclusivement au niveau bilatéral avec, par exemple, Israël.

C'est pourquoi nous plaidons dans notre rapport pour une mise en sommeil de l'opération Agénor. Il s'agirait bien d'une mise en sommeil et non de mettre définitivement fin à cette opération, qui pourrait être réactivée en cas de hausse de la menace. Les moyens des FFEAU sont comptés, et eu égard au faible investissement des autres États européens dans le cadre de cette opération, la France ne peut en effet pas porter seule le poids de cette opération.

Mais la présence militaire française dans la région ne se limite pas à la présence des forces armées. Elle fait également écho à la politique d'exportation d'armements de la France dans la zone. En proie à une instabilité chronique, la région émet de fortes demandes en matériels de défense. À titre d'exemple, et comme indiqué dans l'édition 2021 du rapport au Parlement sur les exportations d'armement, l'entrée en vigueur du contrat pour la fourniture de radars de surveillance aérienne pour l'Irak – domaine dans lequel ce pays a de grands besoins, comme on nous l'a indiqué lors de notre déplacement – contribuera au renforcement de sa souveraineté et à celui de la relation bilatérale. Les livraisons des premiers hélicoptères Caracal au Koweït ainsi que le lancement d'un satellite d'observation de la terre pour les EAU participent aussi au renforcement de la maitrise par ces pays de leur environnement régional. Pour illustrer l'importance de la zone « Proche et Moyen-Orient » en matière d'exportation d'armements, mentionnons que sur la période 2011-2020, parmi les 20 principaux clients de la France, 5 États appartiennent à la zone « Proche et Moyen-Orient », parmi lesquels le Qatar (en deuxième position), l'Arabie Saoudite (en troisième position), l'Égypte (en quatrième position), les Émirats arabes unis (en cinquième position) et le Koweït (en neuvième position). À ce titre, nous plaidons également pour une meilleure valorisation de l'expertise de la DCSD et de l'entreprise DCI tant en matière de formation que pour l'utilisation des matériels militaires.

À l'issue de nos travaux, nous retenons deux réflexions concernant la politique d'exportation d'armements de la France au Moyen-Orient.

Premièrement, même si la France est un des États qui exporte le plus ses matériels dans la zone, il convient de rester vigilants et mobilisés quant à la concurrence. Prenons l'exemple de l'Égypte. La politique française d'exportation d'armements vers l'Égypte s'est considérablement développée à partir de 2014. La France a vendu à l'Égypte les deux Mistral initialement destinés à la Russie, une frégate multi-missions (FREMM), 4 corvettes Gowind ainsi qu'un satellite de communication. L'Égypte a par ailleurs été le premier pays à l'export pour le Rafale, avec une vente d'un premier lot de 24 appareils en 2014. La signature de ces contrats a logiquement abouti à de nombreuses coopérations sur le plan opérationnel et en termes de formation, en particulier entre la Marine égyptienne et la Marine française. Le chef d'état-major de la Marine égyptienne a d'ailleurs imposé le choix de la France pour se hisser au rang des grandes marines nationales. À l'inverse, les États-Unis ont régressé en Égypte sur le plan militaire. La France a donc occupé l'espace mais l'Égypte n'hésite pas à mettre ses partenaires en compétition et l'erreur serait de se reposer sur ses lauriers. La France doit impérativement se battre pour conserver ses avantages car la compétition est intense et les positions ne sont jamais acquises, en particulier dans des États où la conclusion de marchés dépend quasi exclusivement des partenariats stratégiques mais aussi des affinités personnelles et politiques du moment.

Deuxièmement, la conclusion de contrats d'armement doit être liée au respect du droit international par les États. La Commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre veille au respect des normes en vigueur, et en particulier au respect de la position commune de 2008 ainsi que des stipulations du traité onusien sur le commerce des armes. Eu égard aux foyers d'instabilité, voire de conflits, dans la région, un contrôle scrupuleux en la matière doit être observé.

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