Intervention de Philippe Meyer

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 17h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Meyer, rapporteur :

Le second sujet d'inquiétude a trait à la situation dans les camps de prisonniers djihadistes. Ils constituent un sujet central. La situation est suivie de très près dans la région. De l'avis de toutes les personnes que nous avons pu rencontrer, ces camps constituent une poudrière, et en dépit des actions menées par les forces démocratiques syriennes pour capturer et surveiller les prisonniers, nous sommes inquiets quant au risque que ces camps échappent à tout contrôle et deviennent, ipso facto, le moteur de la revitalisation de Daesh. À ce stade, la situation dans les prisons est relativement stable. Des transferts de détenus ont lieu d'un camp à l'autre mais les projets d'évasion sont quotidiens car les camps sont en réalité très poreux.

Le choix opéré jusqu'alors a été de maintenir la situation en l'état. Le scénario le plus grave serait que ces camps soient dispersés sous la pression du régime syrien, ce qui posera la question du statut des prisonniers. Cette problématique devra évidemment relever d'arbitrages politiques ces prochains mois. Il s'agit là d'une problématique complexe. L'opinion publique est particulièrement sensible à cette question.

Dans ce contexte, et eu égard à ces menaces, quelles sont donc les pistes pour l'après Chammal ? Nous en avons déterminé deux principales :

- la nécessité de maintenir l'opération Inherent Resolve avec le même mandat qu'actuellement ;

- et la nécessité d'approfondir nos coopérations bilatérales avec l'Irak et nos partenaires en Orient : les pays du Golfe, la Jordanie, l'Égypte et le Liban. À cet égard, nous sommes également attentifs à l'organisation et à l'issue des élections en Irak, prévues le 10 octobre prochain.

Lors de nos échanges en Irak, et en particulier avec le général américain Paul Calvert, nous avons pu observer que la France et les États-Unis, tout en partageant les mêmes appréciations quant à l'importance de la menace terroriste incarnée par Daesh, n'avaient pas la même appréciation quant à la menace incarnée par les milices chiites irakiennes. L'engagement de la France dans le cadre de l'opération Inherent Resolve est la démonstration de sa capacité à tenir son rang dans le cadre de la lutte contre Daesh. Les États-Unis observent les capacités de la France, les reconnaissent et les apprécient. Notre coopération s'illustre également dans le domaine du renseignement, en dépit de la non-appartenance de la France au réseau des Five Eyes. Néanmoins, les États-Unis, qui font l'objet d'attaques régulières de la part des milices chiites irakiennes, souhaitent que celles-ci soient intégrées dans le mandat de l'opération. Nous comprenons la volonté des États-Unis de se protéger contre ces milices chiites irakiennes, dont une grande partie est sous l'influence de l'Iran. Mais nous ne souhaitons pas un changement de mandat de la Coalition car la priorité demeure pour la France la lutte contre Daesh, Al Qaida et leurs filiales.

Par ailleurs, nous sommes bien conscients des conséquences pour la France d'un retrait américain de l'Irak. Sans les États-Unis, la France ne pourra agir militairement avec la même amplitude au Moyen-Orient. La multiplication des attaques contre les États-Unis de la part de ces milices, couplée à la stratégie du pivot asiatique lancée par Barack Obama et poursuivie par Joe Biden qui oriente l'intérêt des États-Unis vers la zone indopacifique, constitue une réelle source d'inquiétude pour la France. Mais nous estimons que la question relative aux milices chiites irakiennes est avant tout une problématique intérieure pour Bagdad et un paramètre du dialogue diplomatique entre les États de la région (Iran, Arabie Saoudite, Syrie, Liban…).

La France ne peut pas s'engager sur tous les fronts. Sur l'ensemble du Moyen-Orient, notre présence, notre action et notre engagement sont forts. Avec des effectifs limités et de grande qualité, les résultats opérationnels sont remarquables. Politiquement, diplomatiquement, militairement, mais également en termes de débouchés économiques liés à la vente d'armes et de matériels militaires français, selon notre analyse, notre déploiement atteint pleinement ses objectifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.