Pour compléter la réponse de mon collègue rapporteur sur la Turquie, quand on essaye de comprendre ce qu'il se passe à Idleb en termes de diversité des groupes djihadistes, on peut facilement s'y perdre. Le premier groupe dont on nous parle régulièrement est le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, ancien d'Al-Qaïda, qui dit aujourd'hui ne plus appartenir à ce groupe. Deuxièmement, al-Joulani contribue au fait qu'Al-Qaïda « version Afghanistan » ne se développe pas trop en Afghanistan. Le groupe Tahrir al-Cham est lié à Ankara mais, par ailleurs, la Turquie est censée être un allié et est membre de l'OTAN. En français, on peut parler, pour qualifier la situation, d'ambiguïté, voire de contradiction. Cela peut finir par poser un problème entre la Turquie, nous et les alliés de l'OTAN. Notre président de la République et notre ministre des Affaires étrangères demandent des éclaircissements au président turc sur ce sujet parmi d'autres ; ce que nous avons résumé en une formule : les mots c'est bien, les actes c'est mieux ; et en particulier concernant la région d'Idleb. Je me permets de livrer ce sentiment assez clair, net et précis me semble-t-il, que l'on partage avec Mme la présidente et mon collègue rapporteur.
Sur la question du captagon, il s'agit d'abord d'un phénomène qui n'est pas nouveau mais qui prend de l'ampleur. Deuxièmement, il y a aujourd'hui une industrie du captagon qui se situe, d'après nos renseignements, au sud de la Syrie et dans la plaine de la Bekaa libanaise. Troisièmement, nous savons que le trafic de captagon finance, dans cet ordre, le régime de Damas, les milices chiites régionales affiliées à Damas, voire à Téhéran, et les mafias régionales plus classiques. C'est un sujet d'importance, à tel point que les forces de police italiennes ont arrêté des cargaisons significatives de captagon en provenance du Moyen-Orient ces derniers mois. Quelle réponse face à tout cela ? L'Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), Interpol et Europol se mobilisent. Nous avons constaté dans les ambassades, en particulier à Amman et à Beyrouth, combien nos équipes de police et de gendarmerie ainsi que l'ensemble de nos services sont pleinement mobilisés, à la fois dans l'intérêt de la France et de l'Europe, mais aussi dans le cadre de nos partenariats avec les pays concernés. Enfin, ce phénomène a pris une ampleur régionale et a d'ores et déjà des conséquences politiques et pratiques. À titre d'exemple, l'Arabie Saoudite a découvert des pilules de captagon en nombre parmi les fruits et légumes libanais. L'Arabie Saoudite vient d'interdire l'importation de fruits et légumes en provenance du Liban, alors que ce pays, et en particulier ses paysans, souffrent beaucoup. Une manière d'aider les pays de la région est donc de lutter plus que jamais contre les trafics de drogue de manière générale, et en particulier les trafics de captagon, ce qui nécessite un meilleur contrôle des frontières, notamment grâce à l'action de nos ambassades.