Intervention de Gwendal Rouillard

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 17h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGwendal Rouillard, rapporteur :

Pour finir sur ce conflit, je me contenterais de rappeler que l'Assemblée nationale, sous la précédente législature, a adopté une résolution portant sur la reconnaissance de l'État de Palestine en 2014. La représentation nationale y soulignait que le statu quo est intenable et dangereux car il nourrit les frustrations et la défiance croissante entre les deux parties, qu'il est impératif que les négociations entre les parties reprennent et que la solution des deux États est la seule solution viable, comme mon collègue vient de le rappeler. Elle invitait enfin le Gouvernement français à reconnaître l'État de Palestine en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit. Je pense qu'il est de notre devoir de réaffirmer cette position de l'Assemblée nationale, et même du Parlement car le Sénat avait voté une résolution similaire, et de solliciter en ce sens le Président de la République et le Gouvernement car seule la Justice permettra la Paix dans la durée.

Enfin, le troisième foyer d'instabilité dont nous souhaitons vous parler a trait à la situation chaotique du Liban. Avant même les explosions survenues à Beyrouth le 4 août 2020, les manifestations qui ont débuté en 2019 témoignaient de la situation explosive dans laquelle se trouvait ce pays caractérisé par l'incurie de sa classe politique, la corruption et la mainmise du Hezbollah. Le PIB liban ais s'est en effet massivement contracté en 2020 sous l'effet conjoint de la crise sanitaire et d'une crise économique, financière et bancaire systémique et qui traduit la fin d'un modèle économique basé sur l'attraction de capitaux, la rente et la stabilité de la livre.

Mais cette crise a été aggravée par les destructions causées par les explosions au port de Beyrouth le 4 août 2020. À ce titre, nous avons des pensées émues pour les victimes, leurs familles et les milliers de blessés. Nous souhaitons que la vérité puisse se manifester ces prochains mois concernant les causes et les responsabilités de ces explosions révélatrices de l'effondrement du Liban. Depuis, la situation empire. La livre a perdu environ 100 % de sa valeur en moins de deux ans, 50 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, les secteurs de la santé et de l'éducation sont menacés. Ajoutons que l'accès aux services publics, notamment la fourniture d'eau et d'électricité, est devenu quasiment impossible dans l'ensemble du pays. La situation est telle que de plus en plus de Libanais ne parviennent plus à se nourrir, y compris parmi les forces armées libanaises, comme l'a indiqué l'UNICEF.

La France a répondu présente dès le début de la crise en août 2020 par l'organisation de conférences de donateurs dès le 9 août, qui avait rassemblé une aide de plus de 205 millions d'euros. Une seconde conférence internationale a été ouverte en décembre dernier, conformément à la promesse du Président de la République en septembre, pour fournir une aide d'urgence au pays.

Mais les autres aides financières (notamment celles de la Conférence Cèdre et de Rome 2 en 2018) étaient conditionnées à la formation d'un gouvernement et à la mise en œuvre de réformes structurelles dans le pays. Aujourd'hui, force est de constater que la classe politique libanaise est incapable d'initier de tels changements et que la situation s'aggrave d'heure en heure à l'image des longues files d'attente aux stations-services liées à la pénurie de carburants. La gravité de la situation est telle que certains observateurs n'hésitent pas à estimer que le Liban est aujourd'hui un État failli. De notre point de vue, nous pensons que le Liban ne peut pas être considéré comme un État failli car deux institutions tiennent encore dans le pays : les forces de sécurité intérieure (FSI) d'une part, et les forces armées libanaises (FAL) d'autre part. Mais concernant ces dernières, leur situation est telle qu'elles menacent également de s'effondrer ; à la fois les FSI et les FAL. Nous constatons quelques premières désertions qui nous préoccupent au plus haut point, ce dont je me suis entretenu avec le patron des FSI lors de mon déplacement. Face à l'urgence, le Président de la République et la ministre des Armées ont organisé une conférence internationale de soutien aux FAL et aux FSI le 17 juin dernier avec nos partenaires occidentaux et arabes. Il s'agit d'un enjeu vital pour le pays.

La France sera toujours aux côtés du Liban parce qu'il s'agit d'un grand partenaire et d'un peuple ami depuis longtemps. Mais en réalité, au-delà des aides financières nécessaires à court et moyen termes, la situation actuelle du Liban est le fruit de décennies de renoncements de sa classe politique et le symptôme du mal qui mine ce pays : la logique confessionnelle. J'ai toujours pensé que le devoir de la France, au Liban comme dans d'autres pays minés par le sectarisme confessionnel, est de promouvoir un sentiment d'appartenance à une nation commune et un destin partagé, en dépit des divergences ethniques ou religieuses ; en un mot, l'appartenance à une citoyenneté commune reposant sur l'égalité des droits. Cette aspiration est surtout celle de beaucoup de Libanaises et de Libanais qui souhaitent bâtir un « Nouveau Liban » dans le cadre d'une transition démocratique. Les « forces politiques du changement » et la société civile s'expriment en ce sens avec beaucoup de courage et de dignité, et je pense en priorité aux femmes et aux jeunes en prononçant ces mots. À ce titre, nous encourageons le Gouvernement français, les partenaires de la France et les Nations Unies à garantir la tenue des élections législatives, municipales et présidentielle en 2022 pour permettre au peuple libanais de s'exprimer librement. Enfin, et nous insistons sur ce point, nous recommandons l'installation urgente à Beyrouth d'une task force internationale sous l'égide des Nations Unies et de la Banque mondiale afin d'amplifier les actions humanitaires (alimentation, médicaments, soins, écoles…) et de développement (eau, électricité…). Vous l'avez compris : le Liban d'antan n'existe plus, et la France doit accompagner l'émergence de ce nouveau Liban.

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