La montée en puissance du parc de drones militaires est manifeste depuis 2019. L'investissement conséquent du ministère des Armées ces dernières années se traduira, à terme, par un véritable changement d'échelle de la composante « drones », le parc passant de quelques dizaines d'appareils il y a cinq ans à plusieurs milliers d'ici deux ou trois ans.
Il faut bien sûr s'en féliciter !
La partie est toutefois loin d'être gagnée, et il est de notre responsabilité de veiller à ce que les programmes annoncés soient réalisés, et à ce que les moyens budgétaires alloués soient conformes aux ambitions affichées. Et ce d'autant plus que le renforcement de la composante « drones » des armées ne repose pas simplement sur l'acquisition de divers systèmes, mais sur un ensemble de facteurs.
Avec Jean Lassalle, nous avons identifié quatre points d'attention.
Le premier concerne la montée en puissance de l'environnement des drones c'est-à-dire, selon nous : les ressources humaines, les infrastructures, l'exploitation des données collectées.
Je n'évoquerai ce matin que l'enjeu des ressources humaines. L'accroissement du nombre de drones militaires impliquera de recruter, de former et de fidéliser les équipages et les mécaniciens indispensables à leur mise en œuvre.
Le défi est colossal, alors que l'armée de terre ambitionne de se doter de 3 000 drones d'ici 2023 – et d'autant de télépilotes – et que les effectifs de la 33e escadre de Cognac ont vocation à tripler d'ici la fin de la décennie.
Notre deuxième point d'attention est d'ordre capacitaire.
D'abord, les programmes en cours posent un certain nombre de défis. Là aussi, je me concentrerai sur quelques sujets qui nous semblent prioritaires.
Pour l'armée de terre, l'urgence est de tenir le calendrier de livraison des drones Patroller, déjà retardée de trois ans ! Les premiers appareils doivent être livrés en 2022, leur entrée en service devant permettre de soulager – ou plutôt de réorienter – une partie de l'activité des Reaper.
Concrètement, les retards industriels ont déjà provoqué une perte de chance pour les armées, en diminuant leur capacité de renseignement et, ce faisant, d'intervention à l'encontre des groupes armés terroristes qui sévissent notamment au Sahel. En outre, alors que le bilan de l'armement des Reaper est positif, la question de l'armement du Patroller devra être posée. Une telle évolution permettrait notamment d'effectuer des tirs d'opportunité et nous y sommes favorables.
Pour l'armée de l'air, notre principale préoccupation concerne la montée en puissance des drones MALE. Ceci passe d'abord par l'atteinte de la pleine capacité opérationnelle du Reaper block 5, dont le déploiement en bande sahélo-saharienne vient d'être autorisé, un an après leur livraison. Il faut le saluer car le block 5 présente un niveau de performance rehaussé, et réduit notre dépendance opérationnelle aux Américains. Toutefois, de nouvelles capacités sont encore attendues. Alors que les Reaper block 1 sont équipés de bombe GBU 12, de 250 kilogrammes et guidées laser, les block 5 pourront emporter des missiles Hellfire ainsi que des bombes GBU 49, à guidage laser et GPS. En outre, ce nouveau standard devrait être équipé d'une nacelle de renseignement d'origine électromagnétique permettant de décupler nos capacités de collecte d'informations.
Or, nous sommes préoccupés par le calendrier de livraison de ces capacités. La charge ROEM est ainsi attendue en 2023 ! Nous appelons donc de nos vœux une accélération du calendrier en la matière.
Enfin, sur le segment MALE, nous notons que si l'Eurodrone semble enfin sur les bons rails, d'importantes questions restent à trancher. Comme notre collègue Jean-Charles Larsonneur l'avait fort justement relevé lors de la récente audition du délégué général pour l'armement, le choix du motoriste ne sera en effet pas anodin, au regard des risques associés à une éventuelle application de la législation américaine ITAR.
Je n'évoquerai pas plus ici les enjeux liés aux effecteurs déportés du SCAF. Comme vous le savez, le SCAF comprendra tout un tas de drones, dont certains seront sans doute « perdables ». Je pourrai y revenir lors de la phase de questions.
S'agissant de la marine, enfin, je m'attarderai sur le domaine sous-marin et celui des grands fonds. Avec les programmes de système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F) et de capacité hydrographique et océanographique future (CHOF), la marine sera armée pour affronter ce domaine hautement stratégique.
Toutefois, alors que nos compétiteurs et adversaires potentiels sont déjà bien avancés, nous nous interrogeons sur l'impact que pourrait avoir le décalage dans le temps de ces programmes, décidé dans le cadre de l'actualisation de la programmation. D'autant que les ressources allouées au domaine des grands fonds apparaissent relativement modestes au regard des enjeux comme des initiatives étrangères.
Je ne reviens pas sur les enjeux propres aux forces spéciales, vous renvoyant au compte rendu de l'audition du général Vidaud, en janvier 2021.