Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 7 juillet 2021 à 10h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • anti-drone
  • aérienne
  • conflit
  • drone
  • essaim
  • militaire
  • technologique

La réunion

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La séance est ouverte à dix heures onze.

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Messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour entendre les conclusions de nos collègues Stéphane Baudu et Jean Lassalle sur « la guerre des drones ». Depuis le début de la législature, notre commission s'est intéressée de près aux drones, sans leur consacrer toutefois de travaux spécifiques même si plusieurs missions d'information ont mis en lumière les enjeux liés à l'essor de cette technologie.

Je pense particulièrement aux travaux de nos collègues Olivier Becht et Thomas Gassilloud sur la numérisation des armées, présentés en mai 2018, mais également à ceux de Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune sur l'action de l'État en l'air, rendus en juillet 2019. Je n'oublie pas non plus ceux de Claude de Ganay et Fabien Gouttefarde sur les systèmes d'armes létaux autonomes – les SALA – dont les conclusions nous avaient été présentées il y a tout juste un an, en juillet 2020.

L'évolution du contexte géopolitique ainsi qu'une série d'événements survenus au cours de l'année 2020 ont plaidé pour la création d'une mission d'information centrée sur les drones. Nous n'avons pas été les seuls à penser ainsi puisque la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a adopté il y a une dizaine de jours son propre rapport sur la guerre des drones. Je n'y reviens pas en détail, car j'imagine que vous nous en parlerez longuement, Messieurs les rapporteurs, mais je pense comme référence importante au conflit qui a opposé, à l'automne 2020, l'Azerbaïdjan à l'Arménie, au Haut-Karabagh.

2020, c'est aussi l'année de la pleine effectivité de l'armement de nos drones Reaper, qui sont déjà aujourd'hui à l'origine de près de la moitié des frappes conduites au Sahel. Nous comptons également sur vous pour dresser un premier bilan de leur action.

L'objectif de votre mission était donc ambitieux.

Car s'intéresser à la guerre des drones, c'est à la fois se pencher sur l'opportunité opérationnelle qu'ils représentent, et étudier la menace qu'ils peuvent tout autant constituer.

La loi de programmation militaire a accordé une réelle importance au domaine des drones. Des efforts conséquents ont ainsi été fournis sur l'ensemble de la trame, des plus petits drones aux drones de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) et, à plus long terme, aux futurs effecteurs déportés du système de combat aérien du futur (SCAF), les fameux « remote carriers ». Si la France et l'Europe ont largement manqué la révolution des drones, force est de constater qu'elles tentent aujourd'hui de rattraper leur retard. L'Eurodrone en est la traduction.

Je ne doute pas néanmoins que vous avez identifié des pistes d'amélioration en la matière, pistes que nous avons hâte de vous voir exposer.

Si l'essor des drones constitue une opportunité, il représente également une menace. Lors de son audition, le 4 mai dernier, la ministre des Armées nous a indiqué combien le conflit du Haut Karabagh avait révélé l'importance de la lutte anti-drones, apparue selon elle comme « un domaine opérationnel clé ».

Sur les théâtres d'opérations, nos armées constatent un emploi croissant des drones par les groupes armés terroristes, passés maîtres dans l'art de détourner et de bricoler des drones de loisirs.

Sur le territoire français, la lutte anti-drones (LAD) représentera l'un des enjeux majeurs de sécurité nationale au cours des années à venir, notamment dans la perspective de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Car il faut dorénavant se préparer à affronter tant une menace d'origine étatique qu'une menace disséminée et fugace, à la frontière de la malveillance et du terrorisme.

Avant de vous laisser la parole, je tiens à vous remercier pour la grande qualité de votre travail et à vous féliciter pour votre investissement. En deux mois, vous avez mené 20 auditions de personnes d'horizons très variés, issues du ministère des Armées bien sûr, mais également des forces de sécurité intérieure, du monde de la recherche et de la base industrielle et technologique de défense. Vous avez également effectué trois déplacements : sur la base aérienne de Cognac, auprès du 61e régiment d'artillerie de Chaumont et à l'aéroport d'Orly. Mes remerciements s'adressent également au secrétariat de la commission. Sans plus tarder, Messieurs les rapporteurs, je vous cède la parole.

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Madame la présidente, chers collègues, merci pour vos mots d'introduction et, en guise d'introduction, je souhaiterais d'abord vous remercier et à travers vous, la commission, pour nous avoir confié la conduite de cette mission. Nous avons été très heureux de vivre cette aventure, d'autant qu'avoir Jean Lassalle comme co-rapporteur est déjà une aventure personnelle en soi ! Je suis donc très heureux d'avoir vécu cette expérience, tant sur la forme que sur le fond. Je remercie également le secrétariat de la commission, y compris Gaston, qui y a effectué un stage, ainsi que nos collaborateurs respectifs, Anaïs et Jacques.

Jean Lassalle et moi sommes très heureux de nous trouver devant vous, ce matin, afin de vous présenter les conclusions de notre mission d'information sur la guerre des drones. À première vue, le thème de notre mission pourrait paraître quelque peu hollywoodien, voire relever du domaine de la science-fiction. Alors disons-le tout de suite : il n'en est rien !

Car la guerre des drones est à nos portes. Je commencerai donc notre présentation par un bref rappel du contexte dans lequel se sont inscrits nos travaux.

D'abord, il me semble important de rappeler que les drones ne constituent nullement une nouveauté technologique : les premiers drones ont été développés pendant la Première Guerre mondiale, quasi parallèlement à l'essor de l'aviation.

Je ne reviendrai pas plus longuement sur l'histoire des drones. Elle est largement connue et notre rapport en rappelle les principaux jalons, de l'apparition des premiers drones opérationnels – durant l'entre-deux Guerres – à leur emploi plus massif, pendant la première Guerre du Golfe, en ex-Yougoslavie et, évidemment, en Afghanistan.

Les années 2000 ont d'ailleurs marqué un tournant opérationnel, grâce à l'amélioration considérable des vecteurs aériens comme des capteurs.

Le bond en avant des technologies connectées a également permis de s'affranchir des contraintes d'élongation propre aux signaux émis depuis la Terre – avec l'utilisation de satellites pour les drones de grande taille – mais aussi de bénéficier de prises de vue de jour ou de nuit d'excellente qualité, et en direct, pouvant être partagées avec l'ensemble des composantes de la chaîne de commandement, qu'elles se situent sur le théâtre d'opération ou non.

Suivant l'histoire de l'aviation militaire, les drones ont également été armés. Vous avez tous en mémoire les vifs débats qui ont entouré les frappes effectuées par les drones américains en Afghanistan, mais aussi au Yémen, en Somalie ou au Pakistan.

Tout cela est connu.

Mais ce dont nous aimerions vous parler aujourd'hui, c'est de la rupture qu'a constituée l'année 2020.

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Avant tout, je tiens à mon tour à vous remercier de la confiance que vous m'avez témoignée, en me chargeant de cette mission d'information aux côtés de Stéphane Baudu. J'en ai été profondément touché. Et je remercie également le secrétariat de la commission ainsi que nos collaborateurs, Jacques et Anaïs.

J'ai longtemps cru qu'avec la bombe et la force de dissuasion, nous pouvions nourrir une certaine confiance dans notre défense et notre sécurité et, plus largement, notre souveraineté. Mais je ne vous cache pas que nos travaux ont suscité, chez moi, quelques interrogations. Venons-en à présent à l'année dernière.

Le 3 janvier 2020, une frappe aérienne effectuée depuis un drone MQ-9 Reaper américain a visé le général iranien commandant la force Al-Qods des Gardiens de la Révolution.

Vous vous en souvenez sans doute : sa mort a constitué un fait majeur de la crise qui opposait depuis six mois l'Iran et les États-Unis d'Amérique, crise au cours de laquelle les drones ont occupé le premier plan.

Je rappelle ainsi qu'en juin 2019, un drone de renseignement américain Global Hawk a été abattu par un missile sol-air iranien au-dessus du détroit d'Ormuz. Puis, en juillet de la même année, un navire américain a détruit un drone iranien s'étant trop approché de lui. Enfin, en septembre, deux sites de la compagnie pétrolière saoudienne ARAMCO ont été frappés à plusieurs reprises, vraisemblablement par des drones.

Cette crise a marqué une rupture, en mettant en lumière le poids des drones aériens dans les conflits. Car si l'usage des drones a été croissant au cours des trente dernières années, l'année 2020 semble avoir ouvert une nouvelle ère, marquée par un net changement d'échelle dans l'emploi des aéronefs sans pilote. Et ce notamment sous l'impulsion de la Turquie.

De manière directe, d'abord : car l'armée turque a eu massivement recours aux drones dans le cadre de ses offensives conduites en Syrie puis en Libye, toutes deux en mars 2020. À l'époque, Ghassan Salamé, alors Représentant spécial des Nations unies en Libye, avait ainsi déclaré que le conflit en Libye était devenu le théâtre – je le cite – de « la plus grande guerre de drones au monde » !

De manière indirecte, ensuite, la Turquie ayant été l'un des principaux fournisseurs d'armes de l'Azerbaïdjan, dont les forces ont remporté une victoire éclair contre l'Arménie, à l'automne 2020.

La plupart des grands médias nationaux et européens ont décrit la guerre du Haut-Karabagh comme une « guerre des drones ». Il faut dire que l'Azerbaïdjan a massivement utilisé des drones HAROP de fabrication israélienne, ainsi que des drones TB2 produits par la Turquie, sortes de petits avions pilotés à distance et armés de bombes légères, de 50 à 60 kilogrammes.

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Car bien que des armements plus classiques aient également été employés par les forces de l'Azerbaïdjan, la guerre du Haut-Karabagh pose de nouvelles questions sur l'emploi des drones, ainsi que sur la menace qu'ils constituent.

Car c'est bien de ça qu'il s'agit : où en est la France de sa réflexion quant à l'emploi des drones, d'un point de vue offensif et défensif ?

Pour répondre à cette question, nous avons conduit vingt auditions. Nous avons évidemment entendu les représentants des états-majors, ainsi de la direction générale de l'armement et de l'Agence de l'innovation de défense. Nous avons également reçu plusieurs acteurs industriels, ainsi que des chercheurs. Enfin, sur le volet de la lutte anti-drones, nous nous sommes entretenus avec des représentants des forces de sécurité intérieure. Celles-ci rencontrent également de sérieuses difficultés pour utiliser leurs drones. Nous ne les avons pas abordées dans notre rapport, estimant que ces questions relevaient davantage de la compétence de la commission des Lois.

En outre, nous avons effectué trois déplacements : sur la base aérienne de Cognac, qui accueille la 33e escadre de reconnaissance, de surveillance et d'attaque, c'est-à-dire les drones MALE de l'armée de l'air et de l'espace et les personnels qui les mettent en œuvre, auprès du 61e régiment d'artillerie de Chaumont, où se trouve le centre de formation de drones de l'armée de terre ; enfin, à l'aéroport d'Orly, où nous avons rencontré le président-directeur général d'Hologarde, la filiale du groupe Aéroports de Paris spécialisée dans le domaine de la lutte anti-drones.

Notre rapport est organisé en deux grandes parties.

La première porte sur l'emploi des drones par les armées françaises. En la matière, les armées sont engagées dans un vaste plan d'armement qui mérite toutefois d'être précisé, complété et conforté, afin notamment d'assurer notre indépendance stratégique et notre souveraineté opérationnelle et industrielle.

La seconde traite de la menace-drones. Et force est de constater que malgré les initiatives engagées, la France – bien qu'en avance en Europe – n'est pas pleinement armée pour faire face à cette menace croissante, tant d'un point de vue capacitaire que doctrinal. Il n'est pourtant plus l'heure de tâtonner, d'autant que se profilent à l'horizon la Coupe du Monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Mais il est à présent temps d'entrer dans les détails !

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Je commencerai donc par vous parler des drones qui équipent nos armées. C'est un fait : la France – comme l'Europe encore ! – s'est réveillée bien tardivement.

Certes, l'armée française emploie des drones en opérations depuis la Guerre du Golfe, avec le déploiement par l'armée de terre d'un drone MART, remplacé par la suite par le drone CRÉCERELLE, également utilisé en Bosnie et au Kosovo. Celui-ci fut retiré du service en 2004, au profit du système de drone tactique intérimaire (SDTI) fourni par Sagem.

Concernant l'armée de l'air, les premiers drones HUNTER, également déployés au Kosovo au début des années 2000, furent ensuite remplacés par un système intérimaire de drone MALE (SIDM) : le HARFANG.

Mais les acronymes parlent d'eux-mêmes : les armées françaises ont longtemps dû composer avec des systèmes intérimaires, faute de solutions pérennes.

En outre, reconnaissons que la France a aussi tardé à réaliser l'intérêt opérationnel des drones.

La situation a commencé à changer au début des années 2010, avec notamment l'acquisition par la France des premiers systèmes de drones MALE Reaper, immédiatement déployés au Sahel dans le cadre des opérations Serval puis Barkhane.

Aujourd'hui, en opérations extérieures, l'emploi de drones est désormais systématique.

Les trois systèmes de drones MALE français stationnés sur la base aérienne projetée de Niamey sont ainsi employés de manière ininterrompue au profit des forces Barkhane et Sabre. Avec environ 8 000 heures de vol par an, les drones MALE permettent d'assurer une permanence afin de détecter, d'identifier ou de suivre une cible.

Annoncé par la ministre des Armées en septembre 2017, leur armement est effectif depuis décembre 2019. Il s'agit d'un véritable tournant opérationnel, les drones MALE ayant effectué, pour la seule année 2020, 58 % des frappes aériennes, contre 29 % pour la chasse et 13 % pour les hélicoptères d'attaques de l'aviation légère de l'armée de terre.

En outre, les armées françaises déploient des capacités dans le domaine des drones tactiques, de plus petite taille et plus faciles à mettre en œuvre que les drones de théâtre, adaptés à la manœuvre d'un groupement tactique ou aux opérations navales.

À l'heure actuelle, les armées disposent du système de mini-drones de renseignement (le SMDR), développé par Thales. Déployés au Sahel, ces drones y ont effectué jusqu'alors autour de 400 vols de deux à trois heures. Le SMDR accroît la profondeur de vision d'une brigade d'une trentaine de kilomètres, et est employé pour mener des opérations de surveillance ou préparer une intervention. Il peut être transporté dans un véhicule de l'avant blindé et mis en œuvre à partir d'une simple rampe de lancement

Enfin, les armées – et l'armée de terre en particulier – sont désormais dotées d'une flotte de micro et de nano drones de contact, véritables jumelles déportées du soldat. Ces drones sont déjà utilisés de manière quotidienne au Sahel comme au Levant. Ils permettent à l'unité en opérations d'accroître son champ de vision jusqu'à deux ou trois kilomètres de distance.

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La montée en puissance du parc de drones militaires est manifeste depuis 2019. L'investissement conséquent du ministère des Armées ces dernières années se traduira, à terme, par un véritable changement d'échelle de la composante « drones », le parc passant de quelques dizaines d'appareils il y a cinq ans à plusieurs milliers d'ici deux ou trois ans.

Il faut bien sûr s'en féliciter !

La partie est toutefois loin d'être gagnée, et il est de notre responsabilité de veiller à ce que les programmes annoncés soient réalisés, et à ce que les moyens budgétaires alloués soient conformes aux ambitions affichées. Et ce d'autant plus que le renforcement de la composante « drones » des armées ne repose pas simplement sur l'acquisition de divers systèmes, mais sur un ensemble de facteurs.

Avec Jean Lassalle, nous avons identifié quatre points d'attention.

Le premier concerne la montée en puissance de l'environnement des drones c'est-à-dire, selon nous : les ressources humaines, les infrastructures, l'exploitation des données collectées.

Je n'évoquerai ce matin que l'enjeu des ressources humaines. L'accroissement du nombre de drones militaires impliquera de recruter, de former et de fidéliser les équipages et les mécaniciens indispensables à leur mise en œuvre.

Le défi est colossal, alors que l'armée de terre ambitionne de se doter de 3 000 drones d'ici 2023 – et d'autant de télépilotes – et que les effectifs de la 33e escadre de Cognac ont vocation à tripler d'ici la fin de la décennie.

Notre deuxième point d'attention est d'ordre capacitaire.

D'abord, les programmes en cours posent un certain nombre de défis. Là aussi, je me concentrerai sur quelques sujets qui nous semblent prioritaires.

Pour l'armée de terre, l'urgence est de tenir le calendrier de livraison des drones Patroller, déjà retardée de trois ans ! Les premiers appareils doivent être livrés en 2022, leur entrée en service devant permettre de soulager – ou plutôt de réorienter – une partie de l'activité des Reaper.

Concrètement, les retards industriels ont déjà provoqué une perte de chance pour les armées, en diminuant leur capacité de renseignement et, ce faisant, d'intervention à l'encontre des groupes armés terroristes qui sévissent notamment au Sahel. En outre, alors que le bilan de l'armement des Reaper est positif, la question de l'armement du Patroller devra être posée. Une telle évolution permettrait notamment d'effectuer des tirs d'opportunité et nous y sommes favorables.

Pour l'armée de l'air, notre principale préoccupation concerne la montée en puissance des drones MALE. Ceci passe d'abord par l'atteinte de la pleine capacité opérationnelle du Reaper block 5, dont le déploiement en bande sahélo-saharienne vient d'être autorisé, un an après leur livraison. Il faut le saluer car le block 5 présente un niveau de performance rehaussé, et réduit notre dépendance opérationnelle aux Américains. Toutefois, de nouvelles capacités sont encore attendues. Alors que les Reaper block 1 sont équipés de bombe GBU 12, de 250 kilogrammes et guidées laser, les block 5 pourront emporter des missiles Hellfire ainsi que des bombes GBU 49, à guidage laser et GPS. En outre, ce nouveau standard devrait être équipé d'une nacelle de renseignement d'origine électromagnétique permettant de décupler nos capacités de collecte d'informations.

Or, nous sommes préoccupés par le calendrier de livraison de ces capacités. La charge ROEM est ainsi attendue en 2023 ! Nous appelons donc de nos vœux une accélération du calendrier en la matière.

Enfin, sur le segment MALE, nous notons que si l'Eurodrone semble enfin sur les bons rails, d'importantes questions restent à trancher. Comme notre collègue Jean-Charles Larsonneur l'avait fort justement relevé lors de la récente audition du délégué général pour l'armement, le choix du motoriste ne sera en effet pas anodin, au regard des risques associés à une éventuelle application de la législation américaine ITAR.

Je n'évoquerai pas plus ici les enjeux liés aux effecteurs déportés du SCAF. Comme vous le savez, le SCAF comprendra tout un tas de drones, dont certains seront sans doute « perdables ». Je pourrai y revenir lors de la phase de questions.

S'agissant de la marine, enfin, je m'attarderai sur le domaine sous-marin et celui des grands fonds. Avec les programmes de système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F) et de capacité hydrographique et océanographique future (CHOF), la marine sera armée pour affronter ce domaine hautement stratégique.

Toutefois, alors que nos compétiteurs et adversaires potentiels sont déjà bien avancés, nous nous interrogeons sur l'impact que pourrait avoir le décalage dans le temps de ces programmes, décidé dans le cadre de l'actualisation de la programmation. D'autant que les ressources allouées au domaine des grands fonds apparaissent relativement modestes au regard des enjeux comme des initiatives étrangères.

Je ne reviens pas sur les enjeux propres aux forces spéciales, vous renvoyant au compte rendu de l'audition du général Vidaud, en janvier 2021.

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Toujours sur le plan capacitaire, nous avons également identifié deux enjeux complémentaires. D'une part, il nous semble que la France, et ses alliés européens, ne pourront pas se permettre de manquer les prochaines ruptures technologiques sur le segment des drones. Plusieurs champs doivent ainsi être explorés, ou continuer de l'être quand notre pays bénéficie d'une certaine avance. C'est le cas dans le domaine des drones de combat – pour lequel nous disposons du démonstrateur NEURON de Dassault – comme dans celui des drones pseudo-satellites – dans lequel Airbus et Thales Alenia Space ont développé des projets de premier plan. Mais aurons-nous les ressources budgétaires nécessaires pour aller plus loin ?

D'autre part, il nous faut absolument identifier les voies et moyens d'assouplir les processus d'acquisition des armées, et d'innover non seulement dans les domaines capacitaires et technologiques, mais également en matière financière et administrative. Le cadre rigide des programmes d'armement n'est en effet pas adapté à un secteur aussi évolutif, en particulier sur le segment des mini et micro drones. Nous pensons donc nécessaire de privilégier les acquisitions expérimentales, et d'adopter des logiques de flottes pour les plus petits drones, renouvelables régulièrement par paquets. Plus concrètement, les armées devraient pouvoir s'équiper en drones comme elles s'équipent en téléphones portables ou en tablettes.

J'en viens à présent à nos deux derniers points d'attention, sur lesquels je passerai plus rapidement.

Le renforcement de la filière française et européenne de drones constitue notre troisième point d'attention. Il est à nos yeux un gage de souveraineté, alors que nous avons été contraints de composer avec la dépendance imposée par nos acquisitions sur étagères.

À ceux qui ne le savent pas, je rappelle ainsi qu'au Sahel, ce sont des personnels américains qui font décoller et atterrir nos Reaper block 1. Et rien n'empêcherait les États-Unis de nous interdire de les déployer où nous le souhaiterions ! À titre personnel, je trouve cette situation insupportable.

Sur le segment des plus petits drones, nous disposons d'industriels de premier plan, avec notamment Novadem et Parrot. Le leader incontesté du marché reste un industriel chinois, auprès duquel le ministère des Armées refuse de s'approvisionner, en raison des doutes qui subsistent quant aux risques d'espionnage qu'ils véhiculent. Je note que tel n'est pas le cas des forces de sécurité intérieure.

Il n'en demeure pas moins qu'une large part de l'innovation pourrait échapper aux armées, en raison de leur forte dimension civile.

Nous pensons donc que le ministère des Armées gagnerait à accentuer ses efforts dans deux directions. D'une part, mieux connaître l'environnement civil, grâce notamment à l'action de l'Agence de l'innovation de défense. D'autre part, mieux faire connaître les armées à l'environnement civil, afin d'attirer vers elles les acteurs les plus disruptifs et les plus performants, au travers de salons comme le SOFINS ou de concours divers.

Enfin, notre dernier point d'attention concerne les questions éthiques et juridiques. Je ne reviendrai pas sur les premières, qui ont largement trait au développement de l'intelligence artificielle et de l'autonomie, et ont été longuement abordées par nos collègues Gouttefarde et de Ganay dans le cadre de leur rapport sur les SALA.

Sur le plan juridique, nous préconisons de faciliter l'insertion des drones dans le trafic aérien civil. Des travaux sont en cours ; il faut les approfondir.

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Il est à présent temps d'en venir à la seconde partie de notre rapport : la défense anti-drones. Nous avons d'abord tenté de caractériser l'état de la menace pour la France et les Français. De manière schématique, et forcément caricaturale, la menace peut être divisée en trois grandes catégories.

En premier lieu, sur les théâtres d'opérations, les drones représentent un danger accru pour les armées françaises. Dans les guerres asymétriques qu'elles mènent au Levant ou au Sahel, les forces françaises font face à un usage croissant des drones. Certes, les groupes armés terroristes ne sont aujourd'hui pas en mesure de développer, d'acquérir ou de mettre en œuvre des drones complexes, tels les drones MALE, mais ils pourraient toutefois être en mesure de se doter de drones tactiques plus basiques, à l'instar des drones turcs TB2 semblables à ceux employés par l'Azerbaïdjan au Haut-Karabagh.

À l'heure actuelle, les groupes armés terroristes ont surtout démontré leur capacité à employer des drones civils à des fins d'observation ou d'attaque, par l'ajout d'une charge explosive. En octobre 2016 – il y a déjà presque cinq ans – deux militaires des forces spéciales ont ainsi été sévèrement blessés à Erbil, par un drone volant piégé ayant explosé une fois au sol. Pour l'heure, l'armement ou le piégeage de tels drones sont surtout observés au Levant, les drones n'étant employés qu'à des fins d'observation par les groupes armés terroristes qui sévissent au Sahel. Il faut néanmoins s'attendre à une évolution en la matière.

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En deuxième lieu, alors que les plus hauts responsables militaires insistent sur la nécessité de se préparer à un conflit de haute intensité, nous ne pouvons écarter l'hypothèse de devoir faire face à des drones militaires sur le territoire national. En l'état actuel, il reste peu probable que la France ait à faire face à une attaque de drones. Toutefois, le retour des États puissance et la recrudescence de la compétition entre puissances militaires fait peser le risque de voir des drones étrangers déployés sur le territoire national à des fins de renseignement.

Dans le domaine aérien, il pourrait ainsi être tout à fait imaginé que les bombardiers russes à long rayon d'action qui évoluent régulièrement au large de nos côtes soient, demain, remplacés par des drones d'observation.

Dans le domaine naval – et nous possédons la deuxième façade maritime au monde – le déploiement de drones sous-marins au large de l'Île Longue pourrait rapidement ne plus relever de la science-fiction. Il en va de même dans les grands fonds marins, ou divers drones pourraient être mis en œuvre à des fins de renseignement ou de sabotage des câbles sous-marins, au cœur d'une économie mondiale devenue largement connectée.

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En troisième lieu, le détournement des drones de loisir est porteur de deux grands types de dangers.

D'abord, un usage malveillant des drones, y compris criminel. Comme nos collègues Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune l'avaient souligné dans leur rapport sur l'action aérospatiale de l'État, l'usage malveillant des drones peut revêtir plusieurs aspects, allant de la perturbation de la circulation aérienne à des activités d'espionnage, sans oublier la livraison de colis en tout genre en prison ou la préparation d'actions criminelles. Nous avons tous en mémoire la série d'incidents survenus en 2018 et 2019 dans plusieurs aéroports européens. Je pense notamment à l'aéroport de Gatwick – le deuxième du Royaume-Uni – contraint de suspendre son activité durant près de 36 heures, en décembre 2018, entraînant l'annulation d'un millier de vols bloquant au sol près de 140 000 passagers.

Ensuite, un usage à des fins terroristes, tant il serait aisé pour un groupe terroriste ou un individu isolé d'équiper un drone d'une charge explosive artisanale. Un drone acheté pour quelques centaines d'euros à la Fnac ou sur Amazon pourrait ainsi tout à fait emporter une charge d'un ou deux kilogrammes, et être armé d'une grenade ou d'une charge nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) qui serait lâchée au-dessus d'une foule, dans un stade ou pour la commission d'un attentat à l'encontre de hautes personnalités.

La France a pris conscience de la menace constituée par les drones de loisir dès 2014, avec le survol par des drones de plusieurs centrales nucléaires. Ces événements ont conduit le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) à publier un rapport sur la menace constituée par les drones civils, identifiant sept grands scénarios sur lesquels je pourrai revenir si vous le souhaitez.

Aujourd'hui, le principal défi consiste à se doter de la doctrine, de l'organisation et des moyens nécessaires pour assurer la sécurité de la Coupe du monde de rugby de 2023 et celle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

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Or, en l'état actuel, notre système de défense n'est pas dimensionné pour faire pleinement face à ces nouvelles menaces. Sur nos théâtres d'opérations, nos forces sont faiblement équipées pour faire face à la menace drones, même si elles peuvent employer l'ensemble des armes « classique » à leur disposition pour neutraliser un engin jugé dangereux.

En outre, le dispositif de défense du territoire ne couvre qu'une partie de la menace constituée par les drones militaires. Certes, elle est en partie prise en compte par les postures permanentes de sauvegarde maritime et de sûreté aérienne. À titre d'exemple, dans le contexte d'un conflit interétatique, il s'agirait de faire face à des drones tactiques ou stratégiques évoluant à la manière d'un aéronef classique (hélicoptère ou avion), ou d'un bâtiment naval. Et en la matière, c'est bien la doctrine classique de la défense aérienne ou de la défense maritime qui font référence. Il n'en demeure pas moins que nos capacités en la matière présentent certaines lacunes, en particulier face à des menaces saturantes ou des essaims de drones. Ces fragilités concernent tant la détection – malgré les performances des radars les plus récents – que la neutralisation, en raison du vieillissement de nos capacités de défense aérienne comme le Crotale NG.

Enfin, sur le segment des drones de petites tailles, c'est-à-dire des drones de loisirs employés de manière malveillante, criminelle ou terroriste, tout ou presque reste encore à construire.

Il est donc urgent de se donner les moyens de répondre à la menace constituée par les drones, en portant l'effort sur deux axes d'action prioritaire : l'accroissement quantitatif et qualitatif de nos capacités et l'approfondissement de la coordination interministérielle et inter-acteurs. Fort logiquement, c'est autour de ces deux axes que sont organisées nos recommandations.

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Pour mieux répondre à la menace, il nous faut donc d'abord relever le défi capacitaire.

Je commencerai par les bonnes nouvelles.

Les différents acteurs concernés par la lutte anti-drones semblent s'être mis en ordre de bataille afin de rehausser leurs capacités de détection et de neutralisation des drones menaçants. Le temps des balbutiements est aujourd'hui derrière nous, et la France paraît mieux armée en matière de lutte anti-drones, bien que les différents acteurs avancent encore en ordre dispersé.

Faisant référence en la matière, la gendarmerie nationale a concentré ses efforts sur la détection des drones de loisir commercialisés par l'entreprise chinoise DJI, qui représentent la majorité des drones en circulation sur le territoire national et, ce faisant, des sources de menace potentielle. Elle a ainsi acquis plusieurs exemplaires du dispositif de détection proposé par cette société, efficace pour les seuls drones de cette marque. D'un coût unitaire de quelques milliers d'euros, cette valise « Aéroscope » permet de repérer des appareils à plusieurs dizaines de kilomètres.

Dans le champ de la neutralisation, la gendarmerie nationale s'est équipée de fusils et de pistolets brouilleurs, qui permettent de couper la liaison entre le drone et la télécommande actionnée par le télépilote. En définitive, elle dispose ainsi d'une trentaine de kits anti-drones, composés chacun d'une station de détection tactique, de deux armes de brouillage et de matériels de saisie des drones brouillés.

La police nationale dispose également de valises de détection Aéroscope ainsi que de moyens de neutralisation, fusil ou pistolet brouilleur. En son sein, le RAID a développé une expertise certaine, développée dans la foulée des attentats qui ont frappé la France au cours de l'année 2015 afin de se prémunir contre le risque de surattentat.

La Préfecture de police de Paris apparaît également à la pointe de la lutte anti-drones. Équipée de kits de détection et de fusils-brouilleurs, elle peut également mettre en œuvre sa composante RADIANT (Recherche active de drones intrusifs, acquisition, neutralisation) dans le cadre de grands événements.

Les armées ne sont pas en reste. Au-delà de la modernisation en cours de la défense aérienne « classique », plusieurs dispositifs ont ainsi été développés afin de lutter contre la menace constituée par les micros et nano-drones, au-delà des outils plus classiques que sont les fusils-brouilleurs, les jumelles infra-rouge ou les valises Aéroscope.

Il s'agit en premier lieu du programme MILAD (moyen mobile de lutte anti-drones) lancé en décembre 2017 auprès de la société CS. Le programme rencontre quelques difficultés de mise au point mais la direction générale de l'armement a bon espoir qu'il puisse être bientôt pleinement opérationnel. Les premiers systèmes devraient équiper des sites fixes au cours de l'année 2021.

En second lieu, les armées ont participé au développement de la solution BASSALT (basse altitude), conçue par la société Hologarde, filiale du groupe Aéroports de Paris. Il s'agit d'un système complet permettant de détecter, d'identifier, de classifier et de neutraliser – par brouillage – la menace drone, qui intègre un « C2 » à base d'intelligence artificielle et offre une visualisation globale de la situation en basse altitude.

Ce système a été utilisé dès 2019 dans le cadre des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) déployés pour la protection du Salon du Bourget, des cérémonies du 14 juillet et du sommet du G7 de Biarritz. Plus récemment, il a été mis en œuvre également en opérations extérieures, dans le cadre d'une expérimentation menée à Gao et dont les résultats ont été fructueux.

J'en viens à présent aux moins bonnes nouvelles. Car si nos capacités sont chaque jour plus robustes, elles apparaissent limitées, tant en quantité qu'en qualité.

Il apparaît ainsi clairement qu'en l'état, la France ne serait que difficilement en mesure de contrer une attaque coordonnée de drones synchronisés et préprogrammés. En outre, les moyens actuels ne permettent pas d'assurer la protection permanente de l'ensemble des sites stratégiques.

Nous pensons donc qu'il est prioritaire de mettre en place un ambitieux plan d'équipements au profit des forces de sécurité intérieure comme des armées, visant d'abord à accroître en nombre les capacités de lutte anti-drones des différents acteurs.

Les armées semblent avoir une longueur d'avance, matérialisée par l'adoption, au début de l'année, d'une feuille de route de lutte anti-drones.

Il s'agit d'abord d'accroître les capacités de lutte anti-drones sur les théâtres d'opérations. Pour faire face à l'accroissement de cette menace, la section technique de l'armée de terre a développé, à la demande de la force Barkhane, la capacité AR-LAD (adaptation réactive de lutte anti-drones), consistant à doter un véhicule de l'avant blindé d'une capacité de lutte anti-drones associée à ses tourelleaux téléopérés.

Ensuite, pour combler certaines des lacunes constatées, la direction générale de l'armement a lancé le marché PARADE, portant sur la fourniture d'un système complet de détection, d'identification, de classification et de neutralisation.

Enfin, les acteurs de la lutte anti-drones ont engagé des travaux d'innovations technologiques, dont une expérimentation d'arme laser à énergie dirigée, qui a fait l'objet d'un contrat entre l'Agence de l'innovation de défense et la compagnie industrielle des lasers (CILAS). Aujourd'hui-même, la ministre des Armées assiste à une démonstration de ce dispositif. D'autres pistes doivent être explorées, afin de développer les capacités du futur. Je pense notamment aux drones intercepteurs de drones – qui ont récemment fait l'objet d'un appel à projets de l'AID – aux armes à impulsion électromagnétique et, à plus long terme, aux radars quantiques.

Alors que l'actualisation stratégique 2021 a fait de la lutte anti-drones une priorité, il convient à présent de prévoir les moyens budgétaires nécessaires au développement des capacités des plus innovantes.

En outre, pour répondre à la vitesse d'évolution de la menace constituée par les drones, qui impose une mise à jour permanente et perpétuelle des systèmes de défense, nous préconisons, d'une part, de privilégier une approche incrémentale, reposant sur des briques technologiques pouvant être rapidement changées pour tenir compte des évolutions technologiques en la matière et, d'autre part, d'assouplir – ici encore – les processus d'acquisition des ministères concernés.

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Enfin, madame la présidente, chers collègues, il nous faut relever le défi organisationnel. Face à la menace constituée par les drones sur le territoire national, c'est bien une nouvelle architecture de défense qu'il convient d'imaginer. Si celle-ci doit s'appuyer sur des capacités de lutte anti-drones – détection et neutralisation – robuste, le premier défi tient à la définition d'une organisation adaptée et, ce faisant, d'une nouvelle doctrine.

En l'espèce, nous sommes convaincus que la défense anti-drones doit reposer sur une doctrine et une organisation clairement établies, permettant de mettre en œuvre une réponse proportionnée et graduée, à l'instar des mesures actives de sûreté aérienne (MASA) mises en œuvre par l'armée de l'air et de l'espace dans le cadre de la défense aérienne : information – dissuasion – sommation – neutralisation.

Alors que la menace la plus probable a trait au trafic exponentiel du nombre de drones de loisirs aériens, il est indispensable de repenser le dispositif de défense aérienne, sous l'égide du SGDSN.

Sur le plan opérationnel, le principal défi consiste à acquérir une situation aérienne « drones » la plus exhaustive qui soit, sur le modèle de la situation aérienne dont dispose le centre national des opérations aériennes (CNOA) pour la protection du ciel national.

Il s'agit avant tout de parvenir à interconnecter les différents dispositifs étatiques et les différentes sources de détection afin de disposer d'une situation aérienne « drones » la plus fine possible. La diversité des systèmes utilisés par les acteurs concernés – radars militaires et civils, systèmes de détection MILAD, BASSALT ou, demain, PARADE, valises Aéroscope, etc. – rend le processus d'interconnexion particulièrement complexe.

Pour l'heure, le fait est que la coordination entre les différents moyens est relativement faible, faute de moyens à coordonner !

Dans cette perspective, des investissements importants seront nécessaires, afin notamment d'interconnecter les outils de détection des armées et, le cas échéant, des acteurs de la sécurité publique comme des acteurs privés, en garantissant un niveau de sécurité maximum, notamment au regard du risque cyber. Le défi est grand, mais nous sommes persuadés que la proximité de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 peut servir de catalyseur.

En outre, la construction de cette nouvelle architecture de lutte anti-drones devra également nous conduire, en tant que législateur, à adapter le cadre juridique en vigueur, en particulier dans le domaine de la neutralisation. Je n'en dis pas plus, car nous avons déjà été fort longs, mais nous pourrons y revenir au travers des questions. Merci de votre attention et merci, Madame la présidente, chers collègues, de m'avoir fait l'honneur, aux côtés de Stéphane Baudu, calme et déterminé, ainsi que nos équipes, de mener cette mission. Avec un tel commando, au sein duquel j'ai eu l'honneur de me trouver, je n'ai jamais craint de me prendre un drone dans le dos. .

(Sourires)

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Messieurs les rapporteurs, merci pour cet exposé qui nous permet de mieux comprendre les ressorts stratégiques des drones. L'usage des drones de guerre est un phénomène récent, en une décennie le nombre de pays utilisant des drones à des fins militaires a bondi de 58 %. Leur utilisation généralisée pour des attaques ciblées soulève de nombreuses questions. Aujourd'hui les drones sont utilisés à des fins militaires par une centaine de pays et la flotte mondiale est estimée à 21 000 engins. Par ailleurs, plusieurs acteurs non-étatiques ont recours aux drones militarisés ou à des technologies similaires dans différents conflits au Moyen-Orient. Nous voyons bien comment ceux-ci se sont développés en outils de surveillance, de guidage puis en outils d'attaque. La technologie des drones diffère en fonction de leur usage et de leur complexité. Qu'ils servent de caméra, de radar, de laser ou d'armement, les drones militaires disposent tous d'une grande modularité, ce qui les rend très populaires. Enfin, la transmission des données ou leur envergure qui s'insère en terrains d'opération extérieurs ou urbains, augmentent fortement l'efficacité des forces de défense qui en font usage. Les drones ne sont plus réservés à une élite de pays mais bien à autant d'acheteurs qui le désirent. Qu'ils soient aériens ou maritimes, ils sont aussi sources de tensions diplomatiques ou encore de violations d'espaces de souveraineté.

Ainsi, les drones ont un impact dans les conflits dans la mesure où ils sont à la portée d'un grand nombre de pays, et donc, par ricochet, des forces irrégulières.

À titre d'exemple, l'usage de drones a été certain dans le conflit au Haut-Karabagh ou lors d'affrontements à Tripoli en Libye entre le gouvernement d'union nationale reconnu par la communauté internationale et l'armée nationale libyenne autoproclamée. Le drone militaire montre donc son utilisation dans des zones très diversifiées, qui nécessitent une rapidité d'action tout en étant ultra-connectées. Les drones militaires posent ainsi de nombreuses questions de logistiques. Il faut en effet que les armées maîtrisent dans tous les types d'environnement les outils suivants : la question de l'autonomie des engins, le stockage, la communication et la question de l'intelligence artificielle.

Cette dernière composante leur permettra de gagner en performance et les algorithmes permettront de gagner en rapidité et en précision grâce aux informations collectées. Le but technologique étant qu'il puisse décider de manière autonome.

Dès lors, Messieurs les rapporteurs, comment voyez-vous le futur de l'autonomie des drones militaires ?

Aujourd'hui ils sont limités en énergie, pourront-ils gérer leur propre source d'alimentation ? Que pensez-vous des matériaux qui composent les drones militaires ? Imaginez-vous des drones « Transformers » qui pourraient changer de forme en fonction du terrain d'opération ? Qu'en est-il du traitement des drones hors d'usage ? Existe-t-il des filières de recyclage ou de reconditionnement des matières premières ? Je vous remercie.

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Chers collègues, Messieurs les rapporteurs, je tiens d'abord à vous féliciter et à vous remercier d'avoir mentionné les travaux que nous avons conduits avec Christophe Lejeune sur l'action de l'État en l'air, il y a déjà deux ans.

J'aurais deux questions, la première sur la lutte anti-drone. Il y a deux ans, nous avions dressé le constat d'un vaste tâtonnement. Vous avez dit tout à l'heure que le temps des balbutiements était derrière nous, et que la collaboration des acteurs se renforce sur le sujet de la lutte anti-drone, tandis que les équipements qui montent en puissance. Cependant, je m'inquiète de la menace liée aux essaims, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une large couverture presse et d'une intéressante interview de Louis Gautier, ancien secrétaire général de la Défense et de la sécurité nationale. Pourriez-vous nous dire si vous avez identifié des solutions à même de nous protéger de telles menaces ?

D'autre part, sur les drones en tant que tels. Je suis ravi d'entendre que nos capacités montent en puissance, tant sur les drones MALE que sur les mini et micro-drones. Je m'interroge toutefois sur l'adéquation entre nos ambitions et les moyens que nous y consacrons, notamment dans les domaines les plus stratégiques. Je note ainsi que les drones sont largement concernés par les décalages au-delà de 2025, voire les renoncements mis en exergue par le récent rapport de nos collègues sénateurs sur l'actualisation de la programmation militaire. Je pense ainsi au MALE ou aux drones tactiques, aux trois vecteurs de moins sur chaque programme, mais également aux décalages sur les programmes SLAM-F et CHOF que vous avez évoqués. Les trois armées sont ainsi concernées. Et malgré les tribunes et les tweets de madame la ministre des Armées, je constate qu'elle n'a jamais contesté les points soulevés par les sénateurs donc j'ai toutes les raisons de croire que les analyses de nos collègues sont justes.

Au terme de vos travaux, pensez-vous qu'il y a un risque de nous voir manquer nos objectifs ? Ou de futures ruptures technologiques ou stratégiques ? Je vous remercie.

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Je tiens tout d'abord à saluer les deux rapporteurs, qui occupent pour moi une place particulière : Stéphane Baudu en tant que membre du Modem, bien sûr, et Jean Lassalle qui pour moi est le « local de l'étape ». D'ailleurs, mon cher Jean, nous partagerons la semaine prochaine un grand moment de l'une de nos passions, avec le passage du Tour de France dans nos régions. Merci pour ce rapport et pour la présentation que vous en avez fait. Il y a deux semaines, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a examiné les conclusions d'un rapport intitulé « Se préparer à la guerre des drones, un enjeu stratégique ». Rapport dans lequel il est dressé un usage plutôt alarmant de l'usage croissant de ces derniers. En effet, s'il ne manque pas de souligner le fait que d'ici 2025 les forces armées françaises disposeront de plusieurs milliers de drones, le rapport met en lumière l'urgence pour la France de faire face à cette expansion en améliorant notamment son parc de drones et en faisant l'acquisition de capacités supplémentaires. Ainsi par exemple, si le rapport du Sénat salue l'accélération de l'acquisition par le ministère des Armées de petits drones de contacts depuis 2019, il rappelle l'enjeu que représente cette dotation notamment en vue des conflits les plus récents, où l'usage des drones tactiques et de petite taille s'est révélé massif et ce sur la base de modes opératoires absolument novateurs.

De même, les travaux réalisés par nos collègues du Sénat mettent en exergue le procédé mis en œuvre par certains pays dans la production et l'exportation de drones à bas coût. Ces procédés pourraient constituer une recommandation pour la France comme le reprend un article paru cette semaine dans le journal Ouest-France. Je pense à des micro-drones simples destinés à servir de leurres ou à mener des attaques saturantes, des micro-drones armés mais non autonomes, des drones un peu plus gros d'attaques capables d'emporter des munitions téléopérées. Dès lors, mes chers collègues, sur la base de ces éléments et de ces points précis, après plusieurs mois de travaux sur la guerre des drones, partagez-vous le même constat ?

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Merci pour cet excellent rapport, ainsi que d'avoir relayé dans vos points d'attention mes préoccupations sur la motorisation du drone MALE européen. Ma question portera sur les drones dans le domaine naval, à l'heure où les Russes communiquent largement sur leur sous-marin K329 Belgrod, dit « tueur de ville », qui emporte des drones torpilles couplés à de l'intelligence artificielle ainsi que des drones spécialisés clairement identifiés comme destinés à saboter des câbles sous-marins. En France, nous avons déjà mené d'importants efforts dans le domaine des drones navals ces dernières années, et ce dans différents domaines comme la guerre des mines – je pense notamment aux programmes SLAM-F et MMCM (Maritime Mine Counter Measures). Notre pays compte de nombreux champions comme Thales ou la pépite ECA, qui a d'ailleurs récemment annoncé l'engagement de travaux autour d'un drone pouvant évoluer jusqu'à 6 000 mètres de profondeur dans le cadre du plan « rebond ». J'en viens donc à ma question : dans le domaine de la guerre des grands fonds (seabed warfare) comme dans celui de la détection des sous-marins – que vous avez-vous-même évoqués – quelle est votre appréciation de notre capacité de réponse à la menace ? En somme, les efforts engagés ont-ils été à la hauteur ?

En outre, puisque nous parlons beaucoup des essaims de drones sous l'angle défensif, je m'interroge sur l'existence d'une réflexion doctrinale, au niveau français, s'agissant de l'emploi d'essaims de drones à des fins offensives.

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Je souhaite à mon tour féliciter et remercier nos rapporteurs pour la qualité du rapport proposé. Je souhaiterais les questionner sur la nouvelle génération de drones de combat qui seront amenés à remplacer les Reaper américains et les Wing Loong chinois. S'agissant de leurs caractéristiques, ces nouvelles générations de drones cumuleront à la fois l'endurance, la furtivité, la vitesse, tout en étant dotés d'une bonne capacité d'emport. Il est donc primordial que nous ne prenions pas une nouvelle fois du retard dans le domaine. Or, comme l'explique Fabrice Wolf, le démonstrateur de technologie NEURON de Dassault et l'expérience acquise pourraient justement servir de socle technologique permettant à l'industrie européenne de défense de sauter une génération dans le domaine des drones MALE. D'un point de vue opérationnel, les missions de pénétration et de suppression relèveraient des « remote carriers » du programme SCAF, tandis que la surveillance, le renseignement et les frappes d'opportunité reviendraient à cette nouvelle génération d'UCAV .

(Unmanned Combat Air Vehicle)

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Je souhaiterais donc vous interroger sur le programme NEURON en particulier et sur cette opportunité qui permettrait aux industries française et européenne de défense de revenir dans la course aux drones MALE.

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Merci aux rapporteurs pour cet exposé fort intéressant je ne doute pas que votre rapport le sera tout autant. Je me demandais si votre rapport abordait la question des drones terrestres, dans la mesure où d'importantes évolutions technologiques en lieu en ce domaine. Je pense notamment à la Russie, où des engins auparavant télécommandés apparaissent de plus en plus autonomes.

Par ailleurs, je souhaitais vous interroger sur la dépendance opérationnelle aux Américains des drones actuellement utilisés par la France. Les États-Unis seraient-ils en mesure de nous interdire de les utiliser comme nous le souhaiterions ? De manière complémentaire, s'agissant du drone MALE européen que nous sommes en train de construire dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP), avons-nous la garantie que nous pourrons le mettre en œuvre en toute indépendance ? Enfin, il me semble que les questions éthiques, morales et juridiques ne doivent pas être sous-estimées dès lors qu'il est question des drones. Aujourd'hui, l'utilisation des robots et de l'intelligence artificielle est extrêmement encadrée, ne serait-ce que parce que les robots n'ont pas de personnalité juridique. Des évolutions sont-elles envisagées aux niveaux national et international, dans le cadre par exemple des traités internationaux. Car aujourd'hui, le principal risque me semble être celui de voir certains pays s'affranchir d'une partie du droit international, qui serait à l'origine d'une asymétrie d'emploi. Il me semble tout aussi nécessaire de réfléchir aux conséquences de l'essor de ce type de technologies sur notre conception de la guerre. Nous pourrions ainsi craindre un affaiblissement des efforts diplomatiques visant à mettre un terme à une guerre, au motif qu'une guerre menée par des drones ne présente pas les mêmes enjeux qu'un conflit dans le cadre duquel des troupes sont déployées au sol.

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Cher Jean-Marie Fiévet, nous partageons le même constant s'agissant de la montée en puissance des drones : les usages augmentent, de même que les frappes à partir de drones. De nombreux pays se dotent de drones – une centaine de pays disposent de drones militaires ou sont engagés dans de tels programmes – et les 21 000 drones que vous évoquez sont sans doute largement sous-évalués tant les informations demeurent parcellaires sur le parc de drones de certains États, dont la Chine. Vous vous posez notamment la question de l'avenir des drones, en particulier sur le plan de leur alimentation en énergie et de l'accroissement de leur endurance. De nombreux travaux sont en cours en la matière, comme dans le domaine de l'aviation « classique » d'ailleurs. Je note que le recours à l'hydrogène est envisagé pour gagner en autonomie, tout en privilégiant une source d'énergie plus propre. C'est tout le sens du projet HyDrone, financé par le dispositif RAPID de la direction générale de l'armement. Nous en sommes encore au début, mais dans ce domaine-là comme dans d'autres, nous avançons très vite. S'agissant du recyclage, je rappelle que les drones stratégiques, à l'instar des drones MALE, sont assimilables à des avions. Il en va d'ailleurs de même s'agissant de certains drones tactiques, qui peuvent peser plus d'une tonne, rappelons-le. Les plus petits drones, quant à eux, pourraient être intégrés à la filière du recyclage des produits électroniques. Dans les deux cas, et nonobstant les questions d'ordre sécuritaire – qui pourraient nous amener à repenser le recyclage des drones – les filières traditionnelles du recyclage pourraient se charger de celui des drones.

J'en viens à présent à la question de Jean-Jacques Ferrara. Nous rejoignons évidemment votre constat : la menace la plus criante est celle des essaims de drones, en France comme ailleurs car nous ne sommes pas plus mauvais que les autres. Je vous laisse imaginer ce qu'il se passerait si un essaim de drones venait frapper une manifestation, un rassemblement, ou un site sensible, des drones évoluant de manière coordonnée étant difficiles à arrêter. Sans même parler de la neutralisation, nos outils de détection et d'identification ne semblent pas en mesure de faire face à une menace massive. Nous pourrions ainsi passer à côté de certaines menaces. Quant à la neutralisation, si le brouillage constitue une réponse, les choses restent complexes dès lors que nous nous situons sur le territoire national : l'emploi d'une arme cinétique ou létale, à partir d'un laser par exemple, pose en effet de nombreuses questions, tandis que la chute d'un drone « abattu » au-dessus d'une métropole serait susceptible d'emporter de lourdes conséquences. Pour appréhender cette menace, il nous faut donc continuer à travailler, et ce de manière agile, tant pour l'élaboration de notre réponse que pour la veille et l'anticipation des ruptures technologiques. Je pense notamment aux drones racer, qui parcourent un kilomètre en moins d'une minute. C'est ce type menace qu'il faut anticiper, afin de pouvoir demain l'identifier et la neutraliser dans des conditions satisfaisantes. J'insiste sur ce point car, comme je l'ai évoqué à l'instant, il ne s'agit pas que l'action de neutralisation soit aussi néfaste que l'attaque : imaginez qu'un drone emportant une charge soit abattu à 200 mètres de sa cible, rien n'indique que les dommages collatéraux ne soient pas plus importants que ceux visés au départ. Il faut donc non seulement faire évoluer nos moyens, mais également notre doctrine, et gagner en agilité. Il est aussi possible d'employer des dispositifs de protection passive, à l'instar de ce que pratiquent un certain nombre de sites sensibles comme les centrales nucléaires ou les établissements pénitentiaires.

La lutte anti-drone constitue bien un point d'attention majeur pour les prochaines années, car c'est une menace accessible et que nous éprouvons encore des difficultés à différencier les drones « amis » des drones « ennemis ». Et ce dans un contexte de fort développement de drones commerciaux – on parle de plus en plus de livraisons par drones ou de déplacement par drones dans les métropoles – ce qui complexifiera encore davantage la différenciation entre les drones.

Vous avez également pointé le retard et le décalage de certains programmes d'armement décidés dans le cadre de l'actualisation de la programmation, et que j'ai moi-même évoqués. En ce qui me concerne, ma doctrine personnelle m'a toujours conduit à préférer agir que gémir. Nous avons engagé de nombreux chantiers et peut-être n'avons-nous pas été la hauteur en termes de cadencement et d'évolution de nos moyens. Aujourd'hui, nous accélérons et il ne faut évidemment pas relâcher l'effort : on parle tout de même d'une montée en puissance importante, avec 3 000 drones rien que pour l'armée de terre. Pour respecter ces objectifs, il faut tenir le rythme, ce qui suppose d'accentuer la commande publique et les engagements budgétaires, bien sûr, mais également de veiller à disposer de capacités d'accueil de ces drones – en termes d'infrastructures ou de capacités de formation. Nous sommes donc engagés dans un effort au long cours. Celui-ci concerne d'ailleurs l'ensemble des drones, et pas seulement les drones aériens, qui ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt. Autant les drones aériens sont bien identifiés – du drone stratégique au micro ou au nano-drone – autant, comme vous l'avez dit, le domaine maritime apparaît encore un peu en retrait, alors que d'autres pays sont déjà fortement engagés en la matière. Il nous faut donc veiller à ce que l'attention ne soit pas uniquement portée sur les drones aériens, et à nous montrer réactifs dans l'ensemble des milieux.

J'en viens à présent à la question de Mme Poueyto, dont nous partageons les grandes orientations. Les travaux du Sénat nous ont paru effectivement tout à fait intéressants. Nous n'avions pas exactement la même approche puisque, pour nos collègues sénateurs, il s'agissait essentiellement d'actualiser un rapport réalisé il y a quelques années. Je ne reviens pas sur les retards et décalages – je viens d'en dire un mot – mais effectivement, nous allons dans le même sens s'agissant de la nécessité d'accélérer les choses, de se doter de moyens capacitaires accrus ainsi que d'une doctrine et d'un dispositif propres à la lutte anti-drones sur le territoire national, interministériel, coordonné et gradué. Il me semble toutefois que nous allons un peu plus loin que le Sénat en la matière, nos collègues ayant davantage abordé la question sous le seul angle militaire.

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Chère Josy Poueyto, nos vies sont tellement mêlées, et pas uniquement parce que nous allons bientôt vibrer ensemble au passage du Tour de France et que nous sommes originaires du même pays, que je pense que vous auriez été un parfait troisième mousquetaire pour accompagner nos travaux.

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Monsieur Larsonneur, il nous faut en effet concentrer les efforts, à tous les échelons et pour toutes les menaces. Les domaines marin et sous-marin présentent des enjeux de première importance. Je ne reviens pas sur la lutte anti-mines ou la reconnaissance et l'identification sous-marine. Concernant la protection des grands fonds marins et de ce qui s'y trouve – et je pense en particulier aux réseaux de télécommunications, nous sommes face à un défi majeur et je ne crois pas que nous devions faire preuve de modestie en ce domaine au cours des prochaines années, tant sur le plan défensif que sur le plan offensif. Gardons-nous de reproduire les décalages que nous avons connus dans le domaine aérien !

Vous nous avez également interrogés sur le recours à des essaims de drones. D'abord, les travaux engagés sur le SCAF nous conduiront peut-être à faire évoluer les doctrines. D'ici 2040, nous pouvons donc envisager que des solutions soient testées, avec notamment des drones de combat, mais il faut avoir à l'esprit que pour plusieurs de nos interlocuteurs, la valeur ajoutée du drone de combat est relativement faible. Pour eux – en particulier au sein de l'armée de l'air – la vraie plus-value du drone tient à sa fonction d'œil déporté, permettant d'accroître nos capacités d'observation et d'identification, voire d'écoute et, potentiellement, d'éclairage et d'illumination de cible. Si nous nous trouvions dans le cadre d'un conflit de plus haute intensité, la chasse est bien plus efficace, en raison de sa réactivité et de sa rapidité, caractéristiques que ne présentent pas les drones d'aujourd'hui. S'il ne faut pas se fixer de tabou technologique, il convient de veiller à l'identification de la plus-value opérationnelle, sans compter les limites éthiques et morales évoquées par le président Chassaigne.

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Cher Jean-Charles Larsonneur, le point que vous avez soulevé sur les enjeux des domaines marin et sous-marin est largement revenu dans nos auditions. Mais ce qui est certain, c'est que nous avons pris du retard, et ce alors même que nous possédons la deuxième façade maritime du monde. J'ai toutefois le sentiment que l'enjeu a bien été pris en compte, au plus haut niveau politique et militaire.

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Monsieur Favennec-Bécot, j'ai commencé à répondre à votre question en abordant le SCAF. Je crois qu'il faut en effet ne pas se fixer de limites à la recherche technologique, d'autant que d'autres que nous – forces occidentales – se fixeront moins de limites morales et éthiques. Je rejoins d'ailleurs là aussi les propos tenus par le président Chassaigne. Pour l'heure, la position de la ministre des Armées est très claire – et je la partage totalement – et place l'humain au cœur du dispositif. Cette place ne doit pas changer.

Concernant le programme NEURON, conduit par Dassault, j'aurais aimé pouvoir vous en dire plus mais, malheureusement, l'industriel n'a pas souhaité répondre favorablement à notre demande d'audition. Je sais que des discussions sont en cours mais notre rapport n'a pu en faire état.

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Bien que nous soyons tous des femmes et des hommes de devoir, je dois avouer que nous n'avions pas vu venir l'essaim électoral qui s'est abattu sur nous. Nous n'avons donc pas pu recevoir l'ensemble des acteurs, mais avons à mon sens quelque mérite à avoir conduit cette mission dans un calendrier aussi serré.

Pour le reste, je crois que le développement de drones conçus pour un conflit de haute intensité est absolument indispensable. Pouvons-nous attendre les décisions de nos frères européens dont nous sommes tellement dépendants ? C'est une autre question, qui va au-delà de la mission qui nous était confiée.

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Enfin, pour répondre au président Chassaigne, oui, il y a une vraie question de dépendance. Aujourd'hui, nous sommes dépendants de notre allié américain pour la mise en œuvre de nos drones stratégiques, même si nous partageons les mêmes objectifs – au Sahel en particulier, dans la lutte engagée contre les groupes armés terroristes. En l'état actuel, le décollage et l'atterrissage de nos drones Reaper sont assurés par des personnels américains. Cette dépendance est la conséquence d'un retard, qui nous force à utiliser des drones de technologie américaine. Elle se réduira à mesure de l'entrée en service du block 5 du Reaper, qui nous offre davantage d'autonomie, mais reconnaissons que notre dépendance n'est pas seulement technologique : elle est aussi opérationnelle.

C'est d'ailleurs la raison d'être de l'Eurodrone, qui ne s'accompagne pas d'une rupture technologique majeure. En revanche, il est la clé de la souveraineté française et européenne sur ce segment, tant au niveau industriel qu'opérationnel. Et en la matière, nous avons besoin d'être autonomes, du drone stratégique au nano-drone. Car au-delà de la mise en œuvre des appareils – et demain, nous aurons la capacité de les mettre en œuvre comme bon nous semble, au regard de nos règles d'intervention – se pose aussi la question de la récupération et de l'exploitation des données collectées. Dès lors qu'un produit n'est pas souverain, il peut comporter ce qu'on appelle des « back doors », qui permettent au fabricant de prendre possession les informations recueillies par nos forces. Parfois cela peut se faire à bon escient – par exemple pour améliorer l'action collective sur un territoire donné – ce qui satisfait l'ensemble des acteurs, mais il faut aussi avoir conscience que ces portes dérobées peuvent être employées à des fins auxquelles nous n'aurions pas consenti. L'Eurodrone a notamment pour objectif de répondre à cet enjeu.

Sur le segment des plus petits drones, je note qu'aujourd'hui, par facilité ou par souci de rapidité, les forces de sécurité intérieure ont ainsi acheté « sur étagère », selon l'expression consacrée, des drones du commerce, produits dans le Sud-Est asiatique, et en particulier en Chine. Ces produits sont de bonne qualité technologique mais leur emploi peut poser question, d'autant que ce sont les mêmes entreprises chinoises qui fournissent les valises de lutte anti-drones. Il y a des solutions – et je note notamment que Novadem et Parrot, pour ne citer qu'elles, sont des entreprises françaises avec lesquelles nous pouvons être plus rassurés. Sinon, nous pourrions nous retrouver demain à douter de notre capacité à défendre nos forces armées en projection, nos territoires et nos concitoyens.

Pour en revenir à l'Eurodrone, le premier système devrait être livré à la France en 2028. Le consensus est long à obtenir, comme tout projet européen, et je rappelle que nos amis allemands voient l'Eurodrone comme un moyen déployable sur le territoire national, pour survoler et protéger leurs frontières par exemple, alors que la vision française porte plutôt sur le développement d'un drone projetable en opérations. Or, selon les emplois, les caractéristiques attendues divergent, ne serait-ce que sur le plan de la furtivité et du nombre de moteurs par exemple. A priori, nous allons toutefois dans le bon sens.

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Monsieur le président Chassaigne, vos questions sur les drones terrestres et l'éthique nous renforcent dans nos convictions. Nous avons préféré rester dans une définition stricte des drones pour notre mission. Toutefois, avec le franc-parler qui convient à nos échanges, la dépendance de notre pays à l'égard des Américains notamment est assez inquiétante. Il suffit, dans l'état actuel des choses, que nos amis américains demandent à leurs « boys » de rester au lit pour que ça ne fonctionne plus. Alors fort heureusement, ce n'est qu'un petit moment de transition puisque les décisions qui sont en train d'être prises doivent faire évoluer notre situation.

De l'autre côté, ce que vient de dire mon co-rapporteur est très juste, et je ne sais pas quelle serait la solution pour faire accélérer nos amis allemands sur nos projets de défense communs.

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Merci aux rapporteurs pour leurs travaux. Je voudrais souligner à mes yeux ce qui apparaît comme une forme de contradiction dans la doctrine française, et qui, je l'avoue, m'irrite quelque peu. La semaine dernière, j'ai eu la chance d'assister, près de Bordeaux, au salon des forces spéciales – le SOFINS – où a été faite, dans le ciel nocturne, une démonstration d'un essaim de 400 drones. Nous avons par ailleurs appris récemment qu'en mars dernier, lors des tensions entre Israël et les territoires palestiniens, Tsahal aurait employé des essaims de drones épaulés d'une intelligence artificielle pour identifier les cibles et organiser ses frappes avec plus de rapidité et de précision. Monsieur le rapporteur, cher Stéphane Baudu, vous avez indiqué que la menace la plus sensible était « l'essaim de drones ». Mais paradoxalement, vous avez aussi répondu à Jean-Charles Larsonneur que pour nos armées, la valeur ajoutée des essaims paraît limitée, la chasse, par exemple, apparaissant plus efficace pour la conduite de certaines missions. Je trouve que nous nous trouvons là au cœur du paradoxe français, et moi, j'aurais souhaité qu'on puisse disposer d'une doctrine offensive en matière d'essaims de drones. Quand on discute avec des pilotes de chasse, il ressort que si une escadrille de chasse se retrouve face à un essaim, elle court le risque d'être intégralement à terre, et ce pour un coût réduit.

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Merci, mes chers collègues, pour cet exposé très clair. J'aurai deux questions. La première concerne l'Eurodrone. Nous partageons évidemment votre constat quant à la nécessité d'une BITD française et européenne qui maîtrise la totalité de la chaîne des drones MALE. Les difficultés que nous avons pu rencontrer avec nos amis allemands sont connues, notamment s'agissant de la question de la motorisation ou de l'armement. Pourriez-vous nous faire un point précis de l'état des discussions, en fonction des informations qui vous ont été communiquées, et surtout, avons-nous la certitude que l'Eurodrone sera ITAR- free au regard des questionnements que chacun connaît s'agissant du moteur ? Je pense qu'il s'agit vraiment d'un enjeu essentiel.

Ma deuxième question concerne la défense anti-drones. Avec le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et j'ai eu le sentiment que de vivre le retour des Stuka. En définitive, l'essaim de drones a un effet militaire relativement limité sur les troupes au sol, mais en revanche, un effet terrifiant capital, notamment psychologiquement. En 1940, il en allait de même avec les Stuka : les dégâts causés par les bombardements en piqué étaient limités mais l'impuissance des troupes au sol qui entendaient la sirène et qui n'avaient rien à y opposer aboutissait à des catastrophes. Je voudrais donc connaître l'état de vos réflexions quant à l'évolution à court terme de la défense solaire antiaérienne basse couche – car c'est véritablement là que réside notre problème. Nous savons que nous l'avons quasiment abandonnée : il nous reste les missiles Mistral et à peu près rien d'autre. Les colonels d'aujourd'hui nous disent que lorsqu'ils étaient lieutenants à Saint-Cyr, on leur apprenait encore que la défense antiaérienne reposait sur toutes les armes en basse couche : est-ce qu'une réflexion est engagée à ce sujet pour éviter que nos hommes se retrouvent nus face à un essaim de drones ?

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Merci aux rapporteurs pour leur présentation et leurs premières réponses. Vous l'avez dit, le drone offre un certain nombre d'avantages, comme sa réactivité et la capacité à assurer une présente permanente sur un terrain limité – ce qui peut s'avérer complémentaire avec nos chasseurs. Il en va donc de notre supériorité aérienne, qui demeure la clé du combat.

Cependant, au Sahel, nous employons les drones Reaper dans le cadre d'un conflit de basse intensité, et la question de l'emploi de ces drones et de leur vulnérabilité se pose toujours dans le cadre d'un éventuel conflit de haute intensité, à l'instar de celui du Haut-Karabagh, que vous avez évoqué en le qualifiant même de « guerre des drones ». Je pense que cela doit sérieusement interroger notre état-major.

J'ai donc deux questions : comment pensez-vous qu'il faille ajuster la loi de programmation militaire pour tenir compte de la vulnérabilité des drones dans un conflit de haute intensité ? Pensez-vous que nous pouvons dès aujourd'hui développer, voire même produire rapidement, des drones adaptés à un conflit de haute intensité, et que nos industriels sont prêts, qu'il s'agisse de Dassault, d'Airbus, de Thales ou de nos petites et moyennes entreprises innovantes ?

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Merci à nos rapporteurs pour cette présentation. Vous avez parlé de retards industriels dans les livraisons, s'agit-il de problèmes techniques dus à la crise sanitaire, ou de problèmes technologiques ? Vous avez également évoqué des lacunes, tout en soulignant qu'elles sont prises en compte au plus haut niveau. Votre rapport nous donne donc confiance.

J'ignore si ma question a trait au lien armées-Nation mais j'aimerais que vous puissiez nous en dire davantage sur le lien entre les armées et les forces de sécurité intérieure pour la protection des manifestations sportives ou de loisirs face à la menace constituée par les drones. Car si ceux-ci sont souvent présentés comme des gadgets – je parle du milieu civil – cotre rapport nous montre que la situation est quelque peu alarmante. Je vous remercie.

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Merci, Messieurs les rapporteurs, pour ce rapport et les réponses aux questions que vous avez déjà apportées – il s'agit d'un rapport aussi éclairant que passionnant. Vous l'avez mentionné, en 2020, plus de 60 % des frappes au Sahel ont été assurées par des drones Reaper. Une véritable accélération dans l'utilisation de ces équipements par notre pays est ainsi en cours. Nos forces armées, qui ne disposaient que d'une dizaine de drones il y a quatre ans, verront l'arrivée de plusieurs milliers d'appareils d'ici 2025. De plus, nous pouvons nous en féliciter, le programme Eurodrone, qui vise à remplacer les Reaper à partir de 2028, est enfin en développement après de longues négociations avec nos partenaires européens. Les enjeux de cette adaptation sont de taille au vu de l'importance croissante des drones sur le champ de bataille, comme nous avons pu le voir avec la guerre dans le Haut-Karabagh. Ce conflit a en effet été marqué par l'utilisation massive de drones « bon marché », avec de nouveaux modes opératoires tels que les largages, vols en essaims ou les attaques-suicide pour franchir les lignes adverses. Cela préfigure donc d'un avenir où les drones seront omniprésents. Or, la France et l'Union européenne, contrairement à Israël, la Chine ou la Turquie ne se sont pas lancées dans la production à grande échelle de drones peu coûteux. Ainsi, notre stratégie en la matière semble aujourd'hui se limiter au développement européen du drone Male et à l'acquisition de quelques centaines de micro-drones. Selon vous, quelle stratégie devons-nous adopter en matière de défense dans cette « guerre des drones » et surtout, pouvons-nous y associer notre BITD ? Merci beaucoup.

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Merci Madame la présidente. Ma question rejoindra les préoccupations de plusieurs de nos collègues : j'aimerais savoir si vous avez un retour d'expérience sur ce qu'il s'est passé en Arménie, afin notamment de démêler le vrai du faux – y a-t-il des images qui ont montré les vols des essaims, ou non ? Est-ce que finalement ce conflit de haute intensité, qui s'est produit sur le continent européen, peut être imaginable plus près de chez nous ? Il me semble que des parlementaires allemands ont rendu un rapport sur le sujet – êtes-vous au courant ? Quels sont votre point de vue et votre niveau d'information sur la question ?

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Cher Fabien Gouttefarde, s'agissant des essaims de drones, les réponses que j'ai pu apporter aux premières questions posées ne concernaient pas exactement le même sujet. D'une certaine manière, nous pourrions dire qu'il y a finalement deux types d'essaims de drones. D'abord, les essaims de petits drones, susceptibles d'être mis en œuvre sur le territoire national, pour attaquer soit un site sensible, soit une manifestation. Comme je l'indiquais en réponse à M. Ferrara, c'est ce sur quoi nous devons concentrer nos efforts, car les réponses sont insuffisantes. C'est le cas dans d'autres pays, mais ce n'est pas une raison pour nous en contenter.

En outre, vous avez évoqué les 400 drones du SOFINS, mais on pourrait également parler des 2 000 drones des manifestations chinoises d'il y a un an ou deux à l'occasion des fêtes de fin d'année. C'est très spectaculaire et l'on voit bien que de tels essaims pourraient être utilisés de manière très massive et coordonnée. Des réflexions sont en cours s'agissant de l'emploi militaire des essaims de drones. Elles portent notamment sur le couple qui pourrait être constitué par un hélicoptère et des drones, tant sur le plan offensif que sur le plan défensif. Il faut toutefois continuer à travailler et très rapidement, car les évolutions de la technologie comme des emplois sur différents théâtres d'opérations nous bousculent. Pour répondre dès maintenant au sujet du Haut-Karabagh : je n'ai pas vu d'images. Il ne s'agissait pas d'un conflit de haute intensité aérienne, mais les retours d'expérience ont bien démontré l'utilisation de drones à des fins de saturation des défenses aériennes, à partir de produits détournés de leur usage initial, ou pouvant être considérés comme jetables et perdables. Je n'utiliserais pas le terme de drones « kamikazes », car la situation n'est pas comparable avec certains modes opératoires employés, par exemple, pendant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, il nous faut appréhender cette menace dans la perspective de conflits futurs. Car d'autres pays que le nôtre n'en font pas un cas de conscience et demain, il nous faudra être en mesure d'adapter notre réponse – la défense – mais également d'apprécier dans quelle mesure – et le rapport du Sénat va un petit peu plus loin que nous sur le sujet – nous pourrions utiliser des drones qui soient, peut-être, jetables. Avec ce type de systèmes, nous ne sommes plus très loin du missile. De notre point de vue, la vraie limite tient à l'autonomisation et à l'automatisation. La question est celle de la place de l'humain. Doit-on considérer que l'humain doit toujours décider de la projection de ce type de drone et de leur utilisation en tant qu'arme, ou doit-on basculer dans un mode d'autonomie, où la machine est capable de reconnaître une cible et de « décider » de la frapper ?

La position française est claire, je l'ai dit, et nous la partageons. Mais force est de constater que les évolutions en la matière sont très rapides. Les progrès de l'intelligence artificielle permettront de grandement améliorer l'identification de la cible et, demain, d'être mieux armé pour apprécier les situations. L'évolution vers davantage d'autonomie, en particulier pour la frappe, pose en revanche d'autres questions auxquelles nous devons être vigilants. Car pour reprendre un exemple régulièrement mis en avant, il est particulièrement difficile pour un drone de distinguer un berger portant une kalachnikov en bandoulière afin de surveiller son troupeau et de se protéger des brigands d'un terroriste armé.

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Avec le souci de vous laisser le dernier mot, cher collègue, je me suis dit que peut-être nous pourrions présenter un petit kaléidoscope de notre réflexion. Pour m'expliquer : M. Gouttefarde a évoqué l'essaim de drones, M. Thiériot, les Stuka, M. Marilossian, les conflits de haute intensité, Mme Bureau-Bonnard, les lacunes, Mme Ballet-Blu, les dizaines de drones d'il y a quelque temps, des milliers aujourd'hui et bientôt des millions, et Mme Mauborgne, le conflit du Haut-Karabagh. Tout cela m'amène à dire qu'au fond, les choses évoluent quand même assez lentement dans ce merveilleux pays de France dont il a été coutume de dire qu'il avait « deux querelles d'avance et une guerre de retard ». Je pense qu'il faut voir le verre à moitié plein et que malgré toute l'importance qu'ils ont, la capacité de sidération des drones que vous avez évoquée, cher Monsieur Thiériot avec les Stuka et chère Madame Bureau Bonnard avec les lacunes, ne doit pas faire oublier qu'il n'y a pas que les drones – dont il ne faut pas surinterpréter le rôle. Et ce même s'ils ont frappé très fort les esprits récemment, chère Madame Mauborgne. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est la formidable capacité de réflexion, le très haut niveau et le dévouement des militaires, des gradés comme des militaires du rang que nous avons rencontrés tout au long de cette mission, ainsi que leur sens profond des enjeux à relever. Par conséquent je voudrais clore mes réflexions à vos côtés, cher co-rapporteur, par un sentiment d'optimisme confiant mais mesuré : nous avions du retard, nous revenons et nous sommes là.

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M. Thiériot a soulevé une vraie question en évoquant la motorisation de l'Eurodrone. Je vais faire nôtres les propos du délégué général pour l'armement, selon lequel « une solution qui ne serait pas ITAR-free ne répondrait pas au cahier des charges ». La vigilance est majeure car si l'Eurodrone est le fruit d'une collaboration européenne approfondie, il doit surtout être le gage de notre souveraineté et du soutien à la BITD française et européenne. Il ne faudrait pas que ce soit « un Eurodrone pour se faire plaisir ». Je suis confiant mais j'appelle à la vigilance car cet appareil devra être performant aussi bien en projection qu'utilisé sur le territoire européen. Concernant la défense antiaérienne de basse couche, tout est à reconstruire ! Ne nous voilons pas la face. Nous avions auparavant de réelles capacités mais aujourd'hui, plusieurs questions se posent, à commencer par le remplacement du missile Crotale, bientôt obsolète. Il faudra demain une réponse qui combien à la fois l'artillerie classique et une autre forme d'artillerie et d'interception, qui reste largement à imaginer.

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En effet, cher Jean-Louis Thiériot, votre question résume à elle seule toutes les questions qui se posent s'agissant des drones.

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J'en viens à présent à la question de Jacques Marilossian. Vous avez raison de souligner que le drone ne constitue en rien une solution universelle capable de nous sauver de l'ensemble des périls et des conflits qui se présenteront devant nous. Il ne s'agit que d'un outil parmi d'autres, un outil utile ayant vocation à être toujours plus utilisé. Il reste vulnérable, vous l'avez dit, en raison de sa lenteur – qui le rend facilement destructible – et de sa sensibilité aux conditions météorologique. Je n'oublie pas non plus la menace cyber, les drones pouvant être attaqués, voire détournés ou la cible de prise de contrôle par un adversaire. Les drones sont donc des systèmes importants et intéressants, sur lesquels nous devons fournir des efforts importants mais dans un conflit de haute intensité, ils devront être concentrés ou doublonnés par d'autres systèmes, du satellite – nous n'avons d'ailleurs pas évoqué les drones spatiaux – jusqu'au moyen classique ! Et je pense notamment à la chasse, qui reste à privilégier dans le cadre d'une projection au plus près d'une zone d'observation ou de conflits.

Pour revenir à ce que disait Mme Ballet-Blu, effectivement, à plus long terme, on rejoint les préoccupations autour du SCAF, qui doit être à la fois la définition d'un système mais également de nouvelles pratiques. Il faudra réfléchir à ce que sera demain un avion de chasse, ce que sera demain l'utilisation de drones dans leur diversité – drones accompagnants, drones jetables, drones projetables, de drones « guerriers ». Nous devons définir cela dans le cadre de l'utilisation du SCAF, qui n'est pas pour demain, mais également dans le cadre de « l'avant SCAF », ce qui nous permettrait de voir comment les drones et leurs différentes déclinaisons pourraient être utilisés, à l'instar des munitions télé-opérées. Nous avons donc du travail. Aujourd'hui, la perspective du SCAF nous permet à la fois de définir une doctrine, un concept, et de les expérimenter à moindre mesure en se projetant sur des conflits qui ne manqueront malheureusement pas d'arriver.

À côté de cela, comme l'a indiqué Madame Ballet-Blu, nous devons pouvoir compter sur une base industrielle et technologique de défense robuste. Aujourd'hui, elle prend le train en marche et la prise de conscience est réelle. À nos yeux, il faut néanmoins aller encore plus loin, en développant notamment nos liens avec le secteur civil, vis-à-vis duquel il faut être vigilant pour accentuer leurs relations avec les armées. Car les besoins de ces dernières sont importants et encore peu connus et que la France compte des pépites technologiques qui doivent être préservées et que de nombreuses entreprises des bases industrielles et technologiques française et européenne sont bouillonnantes dans le domaine de l'électronique et peuvent être forces de proposition. C'est d'ailleurs le cas des entreprises Parrot ou Novadem. Nous pensons qu'il est nécessaire d'affiner les connexions entre ces deux mondes afin de puiser les bonnes idées et de consolider notre base industrielle et technologique de défense.

Enfin, j'en viens à votre question, Madame Bureau-Bonnard, sur notre capacité à protéger les grands événements. Aujourd'hui, on est capables, sur des microbulles, de créer une sorte de dôme de protection très efficace, comme ce fut le cas pour un certain nombre de manifestations comme le G7 à Biarritz, qui a fait l'objet de protections testées et éprouvées. Mais si nous estimons que la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 constituent des opportunités, c'est parce que nous pensons que leur organisation doit nous conduire à travailler sur des volumes plus importants. Protéger les Jeux olympiques et paralympiques, cela veut dire protéger 25 sites, un village olympique, des fan zones ou des regroupements parsemés sur le territoire national, voire européen. Cela nous oblige à trouver des réponses « multi-sites ». Si les Jeux avaient lieu cet été, nous n'aurions pas la capacité d'apporter cette réponse : nous avons trois ans pour nous y préparer.

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Merci messieurs les rapporteurs pour votre excellent travail. Nous voyons que le sujet était vaste et que nous avons encore beaucoup de chantiers à explorer. Les questions relatives à l'éthique ne manqueront notamment pas de se poser à la Représentation nationale à l'avenir.

* *

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur la guerre des drones en vue de sa publication.

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Avant de conclure, je tiens à vous indiquer que M. David Habib m'a fait savoir que ses fonctions de vice-président de l'Assemblée nationale ne lui permettaient pas d'assurer son rôle de vice-président de notre commission comme il le souhaiterait. Il m'a donc remis sa démission. Son groupe parlementaire propose que notre collègue Isabelle Santiago le remplace.

Isabelle Santiago est élue vice-présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Nous nous retrouvons cet après-midi à 17 h 30, mes chers collègues, pour la dernière audition du chef d'état-major des armées François Lecointre, qui sera consacrée à la place des armées dans la société française et la singularité militaire.

* *

La séance est levée à douze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Stéphane Baudu, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Meyer, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Florence Morlighem, Mme Josy Poueyto, M. Gwendal Rouillard, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Christophe Castaner, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Didier Le Gac, M. Gérard Menuel, Mme Monica Michel-Brassart, M. Bernard Reynès, Mme Muriel Roques-Etienne, Mme Isabelle Santiago, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché