Intervention de Stéphane Baudu

Réunion du mercredi 7 juillet 2021 à 10h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Baudu, co-rapporteur :

Pour mieux répondre à la menace, il nous faut donc d'abord relever le défi capacitaire.

Je commencerai par les bonnes nouvelles.

Les différents acteurs concernés par la lutte anti-drones semblent s'être mis en ordre de bataille afin de rehausser leurs capacités de détection et de neutralisation des drones menaçants. Le temps des balbutiements est aujourd'hui derrière nous, et la France paraît mieux armée en matière de lutte anti-drones, bien que les différents acteurs avancent encore en ordre dispersé.

Faisant référence en la matière, la gendarmerie nationale a concentré ses efforts sur la détection des drones de loisir commercialisés par l'entreprise chinoise DJI, qui représentent la majorité des drones en circulation sur le territoire national et, ce faisant, des sources de menace potentielle. Elle a ainsi acquis plusieurs exemplaires du dispositif de détection proposé par cette société, efficace pour les seuls drones de cette marque. D'un coût unitaire de quelques milliers d'euros, cette valise « Aéroscope » permet de repérer des appareils à plusieurs dizaines de kilomètres.

Dans le champ de la neutralisation, la gendarmerie nationale s'est équipée de fusils et de pistolets brouilleurs, qui permettent de couper la liaison entre le drone et la télécommande actionnée par le télépilote. En définitive, elle dispose ainsi d'une trentaine de kits anti-drones, composés chacun d'une station de détection tactique, de deux armes de brouillage et de matériels de saisie des drones brouillés.

La police nationale dispose également de valises de détection Aéroscope ainsi que de moyens de neutralisation, fusil ou pistolet brouilleur. En son sein, le RAID a développé une expertise certaine, développée dans la foulée des attentats qui ont frappé la France au cours de l'année 2015 afin de se prémunir contre le risque de surattentat.

La Préfecture de police de Paris apparaît également à la pointe de la lutte anti-drones. Équipée de kits de détection et de fusils-brouilleurs, elle peut également mettre en œuvre sa composante RADIANT (Recherche active de drones intrusifs, acquisition, neutralisation) dans le cadre de grands événements.

Les armées ne sont pas en reste. Au-delà de la modernisation en cours de la défense aérienne « classique », plusieurs dispositifs ont ainsi été développés afin de lutter contre la menace constituée par les micros et nano-drones, au-delà des outils plus classiques que sont les fusils-brouilleurs, les jumelles infra-rouge ou les valises Aéroscope.

Il s'agit en premier lieu du programme MILAD (moyen mobile de lutte anti-drones) lancé en décembre 2017 auprès de la société CS. Le programme rencontre quelques difficultés de mise au point mais la direction générale de l'armement a bon espoir qu'il puisse être bientôt pleinement opérationnel. Les premiers systèmes devraient équiper des sites fixes au cours de l'année 2021.

En second lieu, les armées ont participé au développement de la solution BASSALT (basse altitude), conçue par la société Hologarde, filiale du groupe Aéroports de Paris. Il s'agit d'un système complet permettant de détecter, d'identifier, de classifier et de neutraliser – par brouillage – la menace drone, qui intègre un « C2 » à base d'intelligence artificielle et offre une visualisation globale de la situation en basse altitude.

Ce système a été utilisé dès 2019 dans le cadre des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) déployés pour la protection du Salon du Bourget, des cérémonies du 14 juillet et du sommet du G7 de Biarritz. Plus récemment, il a été mis en œuvre également en opérations extérieures, dans le cadre d'une expérimentation menée à Gao et dont les résultats ont été fructueux.

J'en viens à présent aux moins bonnes nouvelles. Car si nos capacités sont chaque jour plus robustes, elles apparaissent limitées, tant en quantité qu'en qualité.

Il apparaît ainsi clairement qu'en l'état, la France ne serait que difficilement en mesure de contrer une attaque coordonnée de drones synchronisés et préprogrammés. En outre, les moyens actuels ne permettent pas d'assurer la protection permanente de l'ensemble des sites stratégiques.

Nous pensons donc qu'il est prioritaire de mettre en place un ambitieux plan d'équipements au profit des forces de sécurité intérieure comme des armées, visant d'abord à accroître en nombre les capacités de lutte anti-drones des différents acteurs.

Les armées semblent avoir une longueur d'avance, matérialisée par l'adoption, au début de l'année, d'une feuille de route de lutte anti-drones.

Il s'agit d'abord d'accroître les capacités de lutte anti-drones sur les théâtres d'opérations. Pour faire face à l'accroissement de cette menace, la section technique de l'armée de terre a développé, à la demande de la force Barkhane, la capacité AR-LAD (adaptation réactive de lutte anti-drones), consistant à doter un véhicule de l'avant blindé d'une capacité de lutte anti-drones associée à ses tourelleaux téléopérés.

Ensuite, pour combler certaines des lacunes constatées, la direction générale de l'armement a lancé le marché PARADE, portant sur la fourniture d'un système complet de détection, d'identification, de classification et de neutralisation.

Enfin, les acteurs de la lutte anti-drones ont engagé des travaux d'innovations technologiques, dont une expérimentation d'arme laser à énergie dirigée, qui a fait l'objet d'un contrat entre l'Agence de l'innovation de défense et la compagnie industrielle des lasers (CILAS). Aujourd'hui-même, la ministre des Armées assiste à une démonstration de ce dispositif. D'autres pistes doivent être explorées, afin de développer les capacités du futur. Je pense notamment aux drones intercepteurs de drones – qui ont récemment fait l'objet d'un appel à projets de l'AID – aux armes à impulsion électromagnétique et, à plus long terme, aux radars quantiques.

Alors que l'actualisation stratégique 2021 a fait de la lutte anti-drones une priorité, il convient à présent de prévoir les moyens budgétaires nécessaires au développement des capacités des plus innovantes.

En outre, pour répondre à la vitesse d'évolution de la menace constituée par les drones, qui impose une mise à jour permanente et perpétuelle des systèmes de défense, nous préconisons, d'une part, de privilégier une approche incrémentale, reposant sur des briques technologiques pouvant être rapidement changées pour tenir compte des évolutions technologiques en la matière et, d'autre part, d'assouplir – ici encore – les processus d'acquisition des ministères concernés.

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