Merci Madame la présidente. Général je vais cambrioler des mots de grandes figures qui vous définiront mieux que mes mots pourraient le faire. La première figure, c'est celle du général De Gaulle, selon lequel « l'effort guerrier ne vaut qu'en vertu d'une politique », et ça vous l'avez bien montré. La deuxième figure que je convoquerai est Jean Jaurès, qui était seulement un politique et pas un militaire, selon lequel « l'armée française n'est que l'héritière d'une tradition de loyalisme ». Il me semble que contrairement à l'interprétation qui en a été faite, la tradition de loyalisme est bien ce qu'il souhaitait démontrer, du moins au regard de l'armée nouvelle. Et enfin, puisque votre parcours est mue par le fil conducteur de l'éthique, je citerais le poète Pierre Reverdy, pour lequel « l'éthique, c'est l'esthétique de dedans ».
J'en viens à présent au propos que je souhaitais tenir. D'abord, en évoquant les nouvelles missions assurées par l'armée, et notamment de la mission Sentinelle. Constituée pour nous défendre du terrorisme, cette opération conduit sans aucun doute, selon moi, nos soldats à mesurer plus que jamais ce qui mine notre société. Leur présence dans des lieux particuliers leur fait toucher du doigt les inégalités qui sabotent la cohésion sociale et créent des frustrations, comme la misère sur laquelle prospèrent des trafics en tout genre, qui gangrènent le pays, générant de l'insécurité. Je pense que les soldats font, dans cette mission nouvelle, le constat que notre belle devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité » disparaît dans des territoires de la République où l'influence de prophètes de malheur provoque de sourdes tensions, produisant des desperados de tous bords qui s'attaquent à nos institutions, à leurs représentants, à notre peuple. Plus que jamais sans doute, les soldats prennent conscience que notre Nation est affectée par la crise de nos valeurs. Telle est la première observation que je voulais faire.
Au-delà de nos frontières ils sont aussi confrontés aux inégalités, à la spoliation des peuples, qui font le lit du pire. Mais à la demande de nos institutions républicaines, ils sont amenés à y faire front quand se révèle un danger pour notre Nation. Ils le font avec courage, abnégation, au détriment de leurs proches qui vivent dans l'inquiétude et attendent leur retour. Ils le font aussi, trop souvent, au prix du sang. D'où ma question : considèrent-ils que leurs sacrifices actuels sont suffisamment payés en retour ? Quand je dis « payer en retour », je me place davantage sur le plan de la reconnaissance morale que sur celui de la reconnaissance matérielle. Et c'est un marxiste qui vous le dit ! Je me doute, voire j'entends que le désappointement parcourt les rangs de l'armée, car la situation inquiète et se dégrade. Je vais être franc : j'ai la crainte que les soldats ne soient pas suffisamment vigilants sur les causes des problèmes. J'ai la crainte qu'ils soient manipulés par certains qui brillèrent par leur absence quand la patrie fut en danger, abusant comme aujourd'hui du drapeau de la Nation pour des visées antirépublicaines, même si beaucoup au sein de l'armée sont conscients de cette situation. Mais en définitive de tout cela, je me rassure puisque Jean Jaurès a bien dit que l'armée française est l'héritière d'une tradition de loyalisme.