Intervention de Philippe Michel-Kleisbauer

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis :

« Le Souvenir ! Ce n'est pas seulement un pieux hommage rendu aux morts, mais un ferment toujours à l'œuvre dans les actions des vivants ». Ces mots ont été prononcés par le général de Gaulle le 23 avril 1968. Cette exigence morale fonde toujours le droit à reconnaissance et à réparation envers ceux auxquels, selon la formule de Georges Clemenceau, nous devons « tout, sans aucune réserve ».

Je tiens à saluer l'action du Gouvernement en faveur du monde combattant. Au cours du quinquennat, le droit à reconnaissance et à réparation a connu des avancées majeures, répondant à des revendications de longue date des associations représentatives, allant de la carte du combattant de la campagne 62/64 à l'attribution de la demi-part fiscale aux veuves de plus de soixante-quatorze ans, la majoration de la pension de réversion pour les conjoints survivants des grands invalides de guerre et l'accroissement de la retraite du combattant de cinquante à cinquante-deux points.

J'ai l'honneur d'être pour la cinquième fois rapporteur pour avis des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Une fois encore, ils font honneur à notre pays. Jusqu'à l'an dernier la mission comportait trois programmes : le programme 167 Liens entre la Nation et son armée, le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant et le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. L'évolution de la maquette budgétaire a pour effet d'élargir le périmètre du programme 169, en raison de l'intégration en son sein des mesures auparavant inscrites au programme 167. Les deux premiers programmes précités ont été fusionnés pour des raisons techniques. Le programme 169 ainsi remodelé retrace les crédits relatifs aux actions et aux interventions au profit du monde combattant, destinées à témoigner la reconnaissance de la Nation à leur égard, au premier rang desquelles les pensions militaires d'invalidité (PMI), les droits associés et la retraite du combattant, ainsi que les crédits relatifs au financement des politiques concourant à l'esprit de défense, des actions destinées à la jeunesse et de la politique de mémoire.

Le projet de budget de la mission pour 2022 s'élève à 2,016 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 73,1 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cette baisse de 3,5 % reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère, qui est de 6 %. L'attrition des PMI et de la retraite du combattant s'explique par le fait que l'immense majorité des anciens combattants a combattu pendant la guerre d'Algérie.

Cette année, l'effort en faveur des bénéficiaires du point PMI est sans précédent. Le projet de budget intègre le financement de sa revalorisation, qui détermine le niveau de la retraite du combattant et le plafond des rentes mutualistes. Cette augmentation est une revendication de longue date des associations d'anciens combattants. L'engagement pris par la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, de mettre en place une commission tripartite, chargée d'en apprécier l'opportunité et les modalités, a été tenu.

Installée le 7 décembre 2020, cette commission a associé des représentants de l'État issus du ministère des armées et de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de la relance, des représentants des associations d'anciens combattants et notre collègue Muriel Roques-Etienne. Nous sommes surpris que le Sénat ait délibérément fait le choix de ne désigner personne. Les représentants d'associations d'anciens combattants auditionnés hier le sont aussi. Ce jeu de la chaise vide est surprenant. Seul de Gaulle pouvait se le permettre, et n'est pas de Gaulle qui veut. Nous ne pouvons que regretter cette absence.

Mme la ministre déléguée a indiqué devant notre commission le 6 octobre 2021 que les travaux de la commission tripartite ont mis en lumière la nécessité d'un rattrapage de la valeur du point PMI, compte tenu de l'évolution de l'inflation. Le rapport qui lui a été remis le 17 mars 2021 préconise de faire évoluer sa valeur à la hausse à compter du 1er janvier 2022. Le Gouvernement y est favorable.

L'article 42 du projet de loi de finances pour 2022, rattaché à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, modifie l'article L. 125-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre afin de fixer la valeur du point PMI à 15,05 euros dès le 1er janvier 2022, soit une augmentation de 2,39 % et de 35 centimes par rapport au 1er janvier 2021, ce qui permet un rattrapage des effets de l'inflation depuis le 1er janvier 2018. Je rappelle que nous prenons pour référence l'année 2018 parce que l'année 2017 a été une année de déflation. La prendre comme référence aurait fait reculer la valeur du point PMI. Le coût net de cette mesure est évalué à 30 millions d'euros. Elle compense l'évolution de l'inflation de 2018 à 2020 en faisant passer le montant de la retraite du combattant, dont le nombre de bénéficiaires est d'environ 800 000, de 764,40 euros à 782,60 euros par mois.

L'opérateur public principal qu'est l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) bénéficiera en 2022 du maintien de sa subvention pour charge de service public, à hauteur de 56,3 millions d'euros. Ce montant est conforme aux dispositions du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2025.

J'en viens au budget de la politique de mémoire, qui est de 17,85 millions d'euros, et représente 0,9 % des ressources du programme 169. Le budget de l'action 09 augmente de 300 000 euros, afin notamment de financer des opérations de modernisation et de logistique, s'agissant par exemple de la cérémonie du 14 juillet, et de poursuivre le programme de rénovation du patrimoine mémoriel de pierre.

Des crédits de 12,6 millions d'euros sont consacrés à l'entretien, la rénovation et la valorisation des lieux de mémoire en France et à l'étranger, soit 1 000 cimetières dans quatre-vingts pays. Ce patrimoine inclut les nécropoles et les sépultures de guerre, qui comptent en tout près de 100 000 tombes et soixante-six ossuaires. Par ailleurs, le nombre de hauts lieux de la mémoire nationale a été porté à dix avec l'inauguration, en 2019, du monument aux morts pour la France en opérations extérieures.

Membre de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, je suis attaché à l'attention portée aux sépultures de guerre françaises à l'étranger, notamment en Europe de l'Est et en Afrique. Je me félicite qu'elles fassent l'objet de financements à la hauteur des enjeux, comme je l'ai rappelé aux représentants du monde combattant auditionnés hier. Cette année, des opérations de rénovation ont été engagées en Croatie, en Érythrée, au Niger et au Pakistan.

Dotée de 26 millions d'euros, soit 1,4 % des ressources inscrites à ce programme, l'action 07 du programme 169 supporte le coût des mesures prises en faveur des rapatriés. Leur importance dépasse de loin ce faible pourcentage, tant les souffrances endurées par les harkis et les rapatriés sont encore vives, et lourdes pour leurs descendants, et les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France, le plus souvent dans des camps.

Ces crédits sont fléchés à hauteur de 71,8 % vers le financement de deux dispositifs destinés aux rapatriés et aux harkis.

L'allocation de reconnaissance versée aux harkis et aux rapatriés âgés d'au moins soixante ans et ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014 est un dispositif forclos bénéficiant à plus de 4 000 harkis et conjoints survivants, dont 2 700 hommes et 1 400 femmes. Le projet annuel de performance (PAP) annexé au présent projet de loi de finances estime à plus de 4 000 le nombre de rentes versées, soit un montant annuel de 3 227 euros par bénéficiaire.

L'allocation viagère est versée au profit des conjoints et ex-conjoints survivants de harkis ayant élu domicile en France. En juillet 2021, plus de 1 300 veuves d'anciens supplétifs en bénéficiaient. En 2022, le nombre de bénéficiaires est évalué à plus de 1 385, soit un montant annuel moyen de 4 430 euros par bénéficiaire.

Le projet de loi annoncé par le Président de la République créera un nouveau dispositif de réparation. Les deux allocations précitées ont été revalorisées de 100 euros par les lois de finances initiales 2017 et 2018, et de 400 euros par la LFI 2019. Ces allocations sont mécaniquement revalorisées chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation. C'est pourquoi les crédits consacrés à ces allocations augmentent, alors même que le nombre total de bénéficiaires décroît légèrement.

J'en viens à la politique visant à renforcer le lien armées-jeunesse, dont les ressources sont désormais retracées à l'action 08 du programme 169, qui y consacre 1,2 % de ses crédits, soit 23,6 millions en autorisations d'engagement et 23,59 millions en crédits de paiement. Auparavant centrée sur le financement de la Journée défense et citoyenneté (JDC), cette action couvre désormais toutes les politiques mises en œuvre par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des armées, notamment le service militaire volontaire (SMV) et les dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan ambition armées-jeunesse 2022. Je tiens à saluer les services de la DSNJ, qui ont réussi à maintenir la JDC en dépit de la crise sanitaire. Les effectifs du SMV, qui sont passés de 1 000 à 1 200 personnes, seront portés à 1 500 personnes, conformément à l'engagement du Président de la République de créer une antenne du SMV à Marseille.

Je vous invite à lire la partie thématique de mon rapport, que j'ai consacrée aux dispositions applicables aux pupilles de la Nation, statut créé lors de la Première Guerre Mondiale. Ce statut unique en Europe, particulièrement protecteur est méconnu du public même s'il a été malheureusement « réactualisé en quelque sorte avec la vague d'attentats dont a été victime notre pays. Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un droit qui ni contraignant ni obligeant. Chacun en fait ce qu'il veut et on cesse d'être pupille de la Nation à sa mort. Ce statut sera complété par celui de pupille de la République, prévu par la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, portée par Fabien Matras, au profit des enfants de sapeurs-pompiers morts dans l'exercice de leur mission.

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