Je ne peux que me réjouir que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse – 1,7 milliard d'euros supplémentaires le portent à plus de 40 milliards, conformément à la LPM. Grâce à celle-ci, la marine nationale, dont nous pouvons être fiers, a su rapidement se réarmer, tant en équipements qu'en ressources humaines. Le chef d'état-major, l'amiral Vandier, comme le faisait avant lui l'amiral Prazuck, nous le rappelle régulièrement : la menace, demain, viendra sans doute de la mer, après des années d'une lecture géopolitique plus terrestre.
La marine nationale est confrontée à deux phénomènes d'ampleur. Le premier est la contestation du droit et des espaces maritimes – ce qui n'est pas protégé est pillé et ce qui est pillé est contesté ; le second est le développement rapide de nouvelles puissances navales aptes à la défier, comme la Chine, pour ne pas la citer. Dans un contexte de réarmement naval mondial tout à fait inédit, la marine doit envisager un retour de la guerre en mer.
Les crédits de la marine figurent à l'action 03 Préparation des forces navales du programme 178 Préparation et emploi des forces. Cette action sera dotée de 4,05 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement. Le PLF 2022 confirme l'effort de réarmement de notre marine nationale entrepris depuis le début de la LPM, avec de nombreuses livraisons, parmi lesquelles quatre avions de patrouille Atlantique 2 rénovés, un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de type Suffren, une frégate multimissions à capacité de défense aérienne renforcée, une frégate de type Lafayette renforcée, un bâtiment ravitailleur de force, un module de lutte contre les mines SLAM-F, quinze stations navales connectées au satellite de télécommunications Syracuse IV, un lot de torpilles lourdes Artémis et vingt-cinq missiles Exocet.
Les grands programmes d'infrastructures, dont la maîtrise est cruciale, seront poursuivis en 2022, avec l'arrivée de nombreux bâtiments de nouvelle génération.
En pleine cohérence avec la politique d'innovation ambitieuse votée dans le cadre de la loi de programmation militaire et menée par le Gouvernement, et en concertation avec l'écosystème de l'innovation de défense, la marine continue d'innover en vue de conserver l'ascendant sur l'adversaire.
Un autre grand enjeu pour la marine nationale est le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements, que l'on mesure en nombre de jours passés en mer par nos navires. L'investissement se poursuit en 2022, mais ses effets sur l'activité ne se manifesteront qu'en 2023. Symbole de la prise de conscience de ce caractère stratégique, les ressources consacrées au MCO passent le cap des 2 milliards d'euros en CP.
Un dernier motif de satisfaction concerne le plan stratégique Mercator. Dans un contexte d'amplification des tensions géopolitiques et du retour plausible du combat naval, la marine nationale a décidé d'en accélérer l'application autour de trois axes majeurs : une marine de combat, une marine en pointe et une marine de tous les talents. Cette stratégie très volontariste est primordiale pour garantir et développer notre capacité d'action sur tous les théâtres d'intervention – de deux dans le Livre blanc, ceux-ci sont passés à trois ou quatre, sur lesquels nous sommes mobilisés quasiment en permanence et simultanément.
Les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d'engagement : la permanence de la posture de dissuasion, la défense de notre territoire maritime et l'intervention sur plusieurs théâtres d'opérations – Indopacifique, golfe de Guinée, Atlantique, Méditerranée centrale et orientale. Le retour des États puissance est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage désinhibé de la force militaire. En réaction, notre marine doit se doter des moyens nécessaires pour manifester très concrètement l'attachement de la France au droit international et à la liberté de navigation.
L'action de l'État en mer (AEM) fait l'objet de la deuxième partie de mon avis. Elle désigne l'ensemble des opérations maritimes menées par le Gouvernement dans l'intérêt public, sur ses propres ressources, à l'exception des missions de défense. Elle concerne dix domaines d'intervention de la souveraineté, qui vont de la protection des intérêts nationaux à la protection de l'environnement ou encore la lutte contre les activités maritimes illicites, en passant par la sauvegarde des personnes et des biens en mer. Divisée en quarante-cinq missions, définies par l'arrêté du 22 mars 2007, l'action de l'État en mer est une politique interministérielle particulièrement aboutie, qui constitue le cadre légal des missions de protection et de sauvegarde des intérêts nationaux de la France en mer. Ce sujet recouvre des enjeux considérables, en augmentation continue depuis trente ans et toujours plus complexes, notamment du fait de nouveaux usages en mer, comme les parcs éoliens.
Spécificité organisationnelle française dont nous pouvons être fiers, les préfets maritimes, ou, en outre-mer, les délégués du Gouvernement pour l'action de l'État en mer, sont les responsables de l'AEM. Leur action est animée et coordonnée par le secrétariat général de la mer (SGMer), sous l'autorité du Premier ministre. Le SGMer préside le comité directeur de la fonction garde-côtes, dont le rôle est d'organiser la coordination et la mutualisation des moyens des huit administrations intervenant en mer et sur le littoral : la marine nationale, la gendarmerie maritime, la gendarmerie nationale, les affaires maritimes, la direction générale des outre-mer, les douanes, la police aux frontières et la sécurité civile.
Première contributrice de la fonction garde-côtes au titre des moyens engagés, la marine nationale y consacre le quart de son activité. La gendarmerie maritime, quant à elle, voue entièrement son activité à l'action de l'État en mer. Dans la zone maritime atlantique, qui s'étend de la frontière espagnole jusqu'au Mont-Saint-Michel, la marine nationale contribue aux missions incombant à l'État en mer, sous l'autorité du préfet maritime de l'Atlantique et aux côtés des autres administrations.
Engagée au quotidien dans la quasi-totalité de ces missions, la marine s'appuie tant sur ses capacités côtières que sur ses moyens plus lourds pour l'intervention au large. Elle bénéficie également du concours indispensable de la gendarmerie maritime. Efficiente par nature, l'activité conduite dans le cadre de l'AEM demeure très difficilement dissociable de celle dévolue aux missions militaires, car elles sont souvent réalisées de conserve. Toutefois, au cours des trois dernières années, l'effort moyen journalier de la marine sur le territoire national a été très nettement accru, alors que le périmètre des ressources humaines demeure contraint. Le taux d'effort est passé de 1 680 marins engagés quotidiennement en 2017 à près de 2 000 en 2021.
Les perspectives d'engagement des moyens de la marine nationale dans le périmètre de l'AEM à l'échelon national augmentent en raison du nécessaire renforcement du contrôle des espaces maritimes, de la compétition pour les ressources halieutiques, de l'existence de zones de tension en de nombreux endroits du globe, et de l'exigence de protection de la frange littorale, croissante et amenée à durer. En particulier, des foyers de tension post-Brexit se profilent à nos portes, en Manche et en mer du Nord, dans le secteur de la pêche. La France et l'Europe doivent également assurer la surveillance des flux migratoires en mer, qui ne s'essoufflent pas, y compris dans la Manche et l'Atlantique. Les sauveteurs de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), dont je veux souligner le travail remarquable, interviennent, eux aussi, au secours des migrants et font face au doublement de leurs tentatives de traversée de la Manche.
La responsabilité de l'État s'accroît également dans le domaine de la protection des activités au-delà de la mer territoriale, notamment pour ce qui relève de la préservation du patrimoine naturel des espaces maritimes. Le Président de la République a récemment annoncé, au Congrès mondial de la nature, une extension des aires protégées. Cela devra se traduire par un accroissement des moyens à engager pour les protéger, y compris pour la marine et l'action de l'État en mer.
Les moyens pourraient toutefois venir à manquer. La SNSM, dont le financement repose à 75 % sur des fonds privés, est toujours plus sollicitée pour le sauvetage le week-end et la nuit. Sur la façade atlantique, les enjeux sont prégnants, qu'il s'agisse des trafics et de la pêche illicite, de la sûreté maritime ou de la protection de l'environnement.
Comme je le signale dans mon rapport, il faut faire preuve de vigilance concernant les énergies marines renouvelables. Il est regrettable que ce secteur en pleine expansion ne bénéficie pas d'un porteur plus identifié comme il y en a eu dans les années 1960, par exemple, pour le développement de l'énergie nucléaire.