Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D'un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d'éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.
Cela étant, un phénomène s'est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s'est passé avec l'Australie et nous observons les actions en cours à l'égard de Taïwan. Il y a aujourd'hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l'amiral Vandier nous l'a rappelé.
D'autres questions restent ouvertes, comme l'a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d'occasion, puisque nous ne disposerons plus que d'un parc de 117 Rafale au lieu de 129.
Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n'en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l'armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.
Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s'abstiendra lors du vote de ces crédits.
Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l'actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n'ait pas été le cas.
Deuxièmement, j'avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd'hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d'armée complet, d'emploi, et notre capacité à jouer un rôle d'équilibre.
Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd'hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l'avenir, c'est à eux, d'abord, que nous devrons rendre des comptes.