Intervention de Alexis Corbière

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Évoquer cette page d'histoire, c'est évidemment évoquer ce moment sombre et tragique qu'est la guerre d'Algérie, à presque soixante ans des accords d'Évian.

Le premier message que nous devons tous faire passer, c'est que la guerre est finie. Il est adressé à ceux qui voudraient en permanence raviver les plaies, considérant que les problèmes que rencontre notre pays seraient sans cesse le même conflit réactivé, avec quasiment les mêmes acteurs et le même vocabulaire.

Il faut veiller à utiliser un vocabulaire de paix et de réconciliation. Des choses ont été dites que je partage. Peut-être, en revanche, le Président de la République, en se prononçant sur l'histoire de la nation algérienne, n'a-t-il pas aidé à ce que nous puissions avancer. Malgré les difficultés, malgré la capacité de réaction du gouvernement algérien, et même si cette affaire douloureuse demeure complexe, nous devons continuer à débattre et à échanger.

Oui, la guerre est finie. Or le mot « harki » est un terme militaire. Les harkis étaient des supplétifs de l'armée, membres des harkas, des groupes paramilitaires. Ceux que nous appelons harkis sont souvent des femmes et des hommes qui n'étaient pas membres de ces troupes mais ils restent marqués par le vocabulaire militaire. Bien sûr, les associations et les familles utilisent ce terme, mais ne perdons pas de vue que nous réactivons ainsi un vocabulaire guerrier alors même que nous voulons aussi apporter réparation à des femmes et à des hommes qui n'ont pas participé au conflit.

Nous voulons avoir une attitude positive vis-à-vis de ce texte, même si des choses avaient déjà été dites en 2001, en 2005 et en 2016, par des présidents de la République précédents – le nom de Jacques Chirac a été évoqué, et je rappelle aussi celui de François Hollande.

Des choses courageuses avaient également été faites. Je pense notamment à un texte adressé au Président de la République en 2005, qui avait été rédigé par Henri Alleg et signé par beaucoup de figures importantes – à vos yeux sans doute et aux miens certainement – allant du président de la Ligue des droits de l'homme, Jean-Pierre Dubois, à des intellectuels tels que Jean Lacouture et Bertrand Tavernier. Le texte se concluait par la phrase suivante : « Parmi les signataires de cette lettre, certains ont approuvé la lutte du peuple algérien pour son indépendance, d'autres non, mais quelle qu'ait été notre opinion, nous ne pouvons admettre que la République ne reconnaisse pas, au regard des droits de l'Homme, ses torts vis-à-vis des harkis et de leurs familles. »

En effet, apporter réparation aux harkis n'est pas choisir un camp dans ce conflit. Soixante ans plus tard, nous voulons tous, quelles que soient nos positions, qu'il y ait réparation.

Nous n'avons pas pu déposer d'amendements sur le texte ; nous le ferons en séance. Nous sommes critiques sur certains aspects. En faisant les choses maladroitement, on risque de raviver des blessures. David Habib mettait en garde contre certaines des associations qui représentent les harkis – il est vrai que le paysage est assez éclaté –, mais certaines questions sont tout de même à prendre au sérieux.

Ainsi, qui est vraiment concerné par la réparation ? Certaines familles qui ont été accueillies dans des zones dites urbaines, notamment dans les cités de Narbonne et d'Amiens, ne seront pas concernées alors qu'elles ont vécu des situations tout aussi difficiles que les autres. Ceux qui, parmi les harkis, ne se trouvaient pas dans des structures de transit ont également subi des troubles psychiques et psychologiques extrêmement forts, mais ils ne seront pas concernés. Cela crée parmi les familles le sentiment que les choses se font à géométrie variable, et cela rouvre des tensions, des blessures.

Par ailleurs, avouons que les sommes proposées ne sont pas à la hauteur. Nous les voterons, car c'est toujours ça de pris, mais tout de même : entre 12 000 et 13 000 euros pour plus de dix ans dans un camp de transit… Quand on a vécu plus de dix ans avec sa famille dans des préfabriqués, peut-être que la réparation pourrait être un petit peu plus élevée.

Voilà où nous en sommes. Nous essaierons de participer à ce débat qui soulève de nombreux points d'interrogation. Peut-être y aura-t-il des améliorations au cours de la discussion ; nous le souhaitons. Nous ne voulons pas nous opposer à ce texte qui marque une avancée d'un point de vue historique, mais nous mettons en garde contre le risque de trop vouloir jouer sur le symbole en ne prévoyant que des sommes presque vexantes pour les familles. La réparation est bien maigre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.