Monsieur Lejeune, le niveau de la menace terroriste est évalué par le SGDSN, alimenté en renseignement par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). L'opération Sentinelle, dans le cadre de laquelle nous travaillons effectivement depuis sept ans, est un succès : à plusieurs reprises, des attaques terroristes ont été déjouées « au bon moment » par les soldats de Sentinelle, notamment à Marseille ou sur le parvis du Louvre. En outre, l'opération est bien, voire très bien acceptée par la population, ce qui n'allait pas de soi au moment où l'on a décidé de déployer ainsi l'armée sur le territoire national. On a positionné le curseur de manière intéressante : l'opération conjugue une présence visible et dissuasive de nos soldats et une efficacité réelle et directe sur le terrain.
L'opération Sentinelle provoque effectivement un peu de tensions sur les ressources humaines, notamment lorsque l'on monte au maximum de l'engagement, à savoir 10 000 personnes déployées sur le territoire, ce qui s'est produit à plusieurs occasions, notamment au tout début de l'opération et après l'attentat de Nice – on a alors renforcé les effectifs grâce à la réserve stratégique. Sous la direction du Président de la République, nous avons fort heureusement adapté notre dispositif pour le rendre beaucoup plus soutenable et résilient dans la durée. D'une part, nous sommes devenus plus agiles, comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire. D'autre part, nous nous sommes organisés pour avoir des forces déployées en permanence sur le terrain mais aussi une capacité de réserve qui permet de « souffler ». Avec ce dispositif, nous sommes désormais capables de durer et d'adapter notre réponse en fonction de la menace au quotidien.
Nous recourons en permanence à la réserve opérationnelle, aussi bien dans les opérations – et pas seulement Sentinelle – que dans les états-majors, pour soulager ceux-ci lorsque l'on ponctionne leur personnel. Environ 40 000 réservistes sont employés par les armées. La réserve opérationnelle est un axe sur lequel nous travaillons : nous essayons de la renforcer et de la fidéliser, ce qui nous permet aussi de consolider le lien armées-nation. Ce faisant, nous renforçons la résilience globale de la nation, car nous pourrons utiliser demain pour autre chose les réservistes que nous utilisons aujourd'hui pour l'opération Sentinelle.
Selon moi, il n'y a pas de lien direct entre le lieu, la nature des missions et la fidélisation des troupes. Les compagnies et régiments déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle, issus il est vrai essentiellement de l'armée de terre, ne sont pas appelés à ne faire que cela : affectés pendant une durée donnée à cette mission, ils pourront ensuite par exemple, dans leur cycle opérationnel, partir en opération extérieure. Cela a beaucoup de sens pour nos jeunes soldats de savoir qu'ils peuvent non seulement être engagés en opération partout dans le monde – au Sahel dans l'opération Barkhane, au Levant ou ailleurs –, mais aussi prendre part à la défense des Français au quotidien. L'opération Sentinelle a cela de positif qu'elle permet de forger un esprit collectif de défense du territoire et des Français. De même, c'est une bonne chose que les Français voient leur armée au quotidien, à la gare Montparnasse, en gare de Marseille ou ailleurs. Cela développe leur conscience collective qu'il y a un besoin de protection de la nation.
Vous m'avez interrogé, Monsieur Thiériot, sur ma vision prospective du combat de haute intensité compte tenu de ses effets sur le territoire national. Si la France était attaquée directement sur son territoire ou si ses intérêts vitaux étaient attaqués à l'extérieur, il y aurait effectivement des effets sur l'intérieur.
Le processus décisionnel fonctionne très bien en France. Le Conseil de défense permet de réunir autour de la table l'ensemble des forces – armées et forces de sécurité intérieure – pour coordonner la réponse.
Le renforcement de la préparation au combat de haute intensité est un axe de travail majeur du CEMA, sachant qu'un tel engagement peut avoir lieu partout ; il n'y a pas de limitation géographique. La marine a monté tout récemment dans le sud de la France un exercice de haute intensité interarmées baptisé Polaris 21. Des exercices à dominante terrestre seront organisés dans les années à venir. L'objectif est bel et bien de nous entraîner collectivement à riposter à un compétiteur qui « porterait la barre plus haut » qu'on ne l'imagine aujourd'hui, qui nous attaquerait de manière plus directe. Notre volonté est de monter en gamme dans notre capacité de réponse à ces menaces, et nous le faisons.
Outre la préparation opérationnelle des armées, il y a les mesures du socle, à savoir la défense opérationnelle du territoire – sur laquelle M. Gouttefarde et vous m'avez interrogé – et les mesures passives de défense et de sécurité, voire les mesures actives de défense et de sécurité sur le territoire national. Les OIV des armées sont identifiés et surveillés. Nous veillons tout particulièrement à ce qu'ils soient protégés et accessibles, de façon précisément à renforcer notre résilience « de base ».
Il est vrai que le concept de défense opérationnelle du territoire est ancien, mais il conserve, objectivement, toute sa pertinence. La DOT repose sur une chaîne de commandement identifiée et est activable, sur décision politique, pour renforcer, au titre de complément, l'action des forces de police et de gendarmerie face à des menaces militarisées. Bien entendu, le renforcement de la défense et de la sécurité du territoire national ne dépend pas que des armées : le SGDSN y contribue, de même que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui travaille à la cyberprotection de nos entreprises d'importance vitale. Quant à nous, nous devons à la fois protéger les armées, qui ne doivent pas être attaquées sur le territoire national, et jouer, pour la nation, quelles que soient les circonstances, le rôle d'airbag que j'ai évoqué tout à l'heure. Si le besoin s'en fait sentir, une organisation particulière peut être activée. J'ajoute que le ministère des Armées a créé, il y a quelques années, la direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID), qui a pour objet de renforcer la protection de nos emprises.
Tel est l'esprit dans lequel nous travaillons quotidiennement. Ce n'est pas toujours facile, mais les armées perçoivent clairement qu'elles doivent être en mesure de répondre à une attaque.
Monsieur Cubertafon, j'ai effectivement la responsabilité des BOP Emploi des forces et Opérations extérieures et intérieures, qui sont tous deux importants. Un effort notable est consenti en faveur des infrastructures. La nouvelle architecture budgétaire est ainsi conçue que le sujet infrastructures est disséminé dans divers budgets mais, sauf erreur de ma part, le montant des autorisations d'engagement consacrées à l'infrastructure de sécurité et protection, s'élève à près de 800 millions d'euros pour la période 2022-2027. Nous sommes, dans ce domaine, dans une phase d'amélioration et de rattrapage. On a présenté la dernière loi de programmation militaire comme une LPM de réparation. De fait, après une phase de diminution des budgets, durant laquelle nous avons courbé l'échine en espérant que l'infrastructure tienne, nous sommes désormais dans une phase de reconquête, c'est-à-dire de développement et, en quelque sorte, de remise aux normes.
Dans le domaine de la protection, en particulier, l'ensemble de nos emprises bénéficient d'un effort tout particulier, qui est appréciable, ne serait-ce que pour remplacer le grillage de clôture de la base aérienne d'Istres, par exemple, qui mesure plusieurs quelques kilomètres de long. Des opérations importantes sont donc réalisées, qui ont pour objectif de mettre nos installations au niveau de la menace à laquelle nous faisons face. Ainsi, pour arrêter les voitures, nous utilisons, non plus des plots en plastique, mais des systèmes plutôt efficaces, qui requièrent cependant un effort sur le long terme. En matière d'infrastructures comme dans les autres domaines, on souhaiterait obtenir des résultats immédiats, mais ce n'est pas aussi simple qu'on le croit : nous avons besoin de systèmes connectés, l'information doit être centralisée, les menaces, qui sont diverses, identifiées… Nous faisons au mieux avec le budget qui nous est alloué. En tout état de cause, il s'agit d'un axe de travail très important. Nous intervenons, en coordination avec le service d'infrastructure de la défense (SID), la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense (DIRISI) et les armées, en fonction des besoins. Par ailleurs, pour chaque gros programme – l'achat d'un char, par exemple –, nous nous attachons à prendre en compte les ressources humaines et les infrastructures nécessaires à son fonctionnement ainsi que ses problématiques de cycle, pour éviter de découvrir ultérieurement qu'un hangar supplémentaire, par exemple, ou quelque autre équipement est nécessaire. Nous veillons à ce que l'ensemble du projet soit bien planifié.
Monsieur Chassaigne, je ne sais pas si l'airbag est trop souvent activé ; en tout cas, il fonctionne. J'ai utilisé cette image à dessein : si, avant d'utiliser l'airbag, on vide progressivement la bonbonne de gaz qui sert à le gonfler, il ne sera pas efficace le jour où l'on en aura besoin, et si on ne le régénère pas après l'avoir activé, il sera beaucoup plus difficile de réagir à l'urgence. Je m'explique. Lorsque l'on demande au service de santé des armées d'installer un module militaire de réanimation en Nouvelle-Calédonie, nous savons, nous, que cela aura un impact sur les hôpitaux des armées. Mais nous l'acceptons : il s'agit de répondre à l'urgence. Il faut toutefois que ce type de sollicitations soit limité dans le temps, de manière que nous puissions nous régénérer. Nous contribuons à la résilience de la nation en apportant notre petite pierre à l'édifice – encore une fois, nous ne sommes pas les seuls –, mais il ne faudrait pas que, par facilité ou par confiance, on mette en péril notre propre résilience, car cela affecterait, par ricochet, celle de la nation. L'airbag n'est pas trop souvent actionné ; il l'est en tant que de besoin – en la matière, les décisions sont prises au plus haut niveau de l'État. Nous y sommes attentifs.
Faut-il valoriser davantage ce rôle des armées ? Lorsque nous avons installé un MMR en Nouvelle-Calédonie, nous n'avons armé que cinq lits – ce n'est pas beaucoup. Nous ne voulons donc pas forcément nous mettre en avant alors que nous ne faisons qu'apporter à l'hôpital de Nouvelle-Calédonie, qui accomplit un travail extraordinaire, une bouffée d'air frais qui l'aide à endurer la crise et lui permet de poursuivre ses activités habituelles.
En ce qui concerne la mutation des risques, nous travaillons beaucoup avec le SGDSN sur la manipulation de l'information et les nouveaux risques NRBC, et avec l'ANSSI sur les menaces cyber. Nous accordons une attention particulière aux secteurs qui constituent, pour nous, une niche. Les risques NRBC, par exemple, en sont une. Nous nous efforçons donc de maintenir à tout prix les connaissances et les savoir-faire dans ce domaine. Je ne dis pas que, demain, nous serions capables d'assurer une protection NRBC à l'ensemble du pays – il ne faut pas rêver et ce n'est pas notre rôle ! –, mais nous sommes capables de réagir à des événements dans l'urgence et, par rapport à nos partenaires européens, c'est un secteur dans lequel nous sommes en pointe. Du reste, en 2022, le deuxième régiment de dragons commandera la composante NRBC de la Very High Readiness Joint Task Force (VJTF), la force de réaction rapide de l'OTAN. Nous avons de véritables capacités en la matière, que nous développons et valorisons.
Monsieur Simian, le moral des troupes est bon. Il est mesuré de manière régulière – c'est un axe de travail important du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire – car, s'il est bas, nous risquons d'être rapidement confrontés à un problème de fidélisation. Nous veillons donc à ce qu'il soit bon, d'une part, en étant à l'écoute de nos soldats, d'autre part, en faisant en sorte de leur confier des missions qui ont du sens. Qu'ils participent à l'opération Sentinelle, à l'opération Résilience, à l'opération Barkhane, aux engagements de la marine et de l'armée de l'air ou à l'opération Lynx en Estonie, nos soldats ont conscience qu'ils ont un rôle utile à jouer dans le monde actuel. La « moraline » devient nécessaire lorsque les soldats ne sont pas employés ; or, actuellement, on ne peut pas dire qu'ils ne le sont pas. Mais il faut veiller à les employer correctement, sans les essouffler ou les épuiser. C'est aux armées, à leur chef d'état-major dans le cadre du Conseil de défense, de placer le curseur de l'engagement au bon endroit et de déterminer jusqu'où il est possible d'aller. Aujourd'hui, cela se passe bien.
Quant à l'éventuelle dégradation de la situation en Nouvelle-Calédonie, elle a fait l'objet d'une véritable anticipation, puisque nous avons l'avantage de connaître la date du référendum. Nous avons beaucoup travaillé non seulement avec le pays, localement, mais aussi avec les forces de sécurité intérieure, pour identifier ce dont elles pourraient avoir besoin. Cela a fait l'objet d'une grande manœuvre logistique : début novembre, nous avons augmenté les moyens présents en Nouvelle-Calédonie en apportant du matériel sur place et en renforçant les escadrons de gendarmerie. Les armées ne font pas de maintien de l'ordre ; elles apportent, en complément, des capacités qui pourraient être nécessaires aux forces de sécurité si elles devaient se déplacer d'une île à l'autre, par exemple. Quelques moyens ont donc été prépositionnés à cette fin. Notre rôle est de faciliter la mobilité – comme nous l'avons fait suite au passage de l'ouragan Irma – et de soulager ainsi les forces de sécurité intérieure en cas de troubles à l'ordre public. Si ceux-ci surviennent, ce n'est pas à nous d'intervenir : nous sommes en deuxième rideau, dans un rôle de soutien et d'appui.
Je ne suis pas certain que l'un ou l'autre clan ait intérêt, quel que soit le résultat du référendum, à provoquer des désordres. Tous ont, me semble-t-il, la volonté de sortir de la situation actuelle pour aller vers quelque chose de nouveau. Quelle sera l'équation ? Je l'ignore, et ce n'est pas à moi de le dire. Mais il faut franchir cette étape et trouver la solution qui permettra de rassembler tout le monde, quel que soit le résultat – car tel est bien l'objectif. J'espère, en tout cas, qu'il n'y aura pas de dérapage.
Monsieur Gouttefarde, encore une fois, la défense opérationnelle du territoire repose bien sur une structure permanente, composée d'états-majors ; si l'on doit monter en gamme, on procède alors à des renforcements qui, eux, ne sont pas permanents. La DOT est la clé de voûte de la défense militaire du territoire : si celui-ci devait être attaqué, elle nous permettrait d'être en mesure de réagir. Il s'agit donc d'un véritable concept. Il a probablement besoin d'être rénové de temps à autre, mais, je peux vous l'affirmer, les officiers généraux répartis sur le territoire y réfléchissent quotidiennement. Nous nous efforçons de mettre à jour nos textes et notre organisation de manière à être toujours pertinents. Si nous devions aller plus loin, la question qui ne manquerait pas de se poser est celle du renseignement : il nous faudrait être plus proches de la DGSI, car notre service de renseignement est surtout tourné vers les menaces extérieures.
Monsieur Menuel, en Guyane – dont la frontière avec le Brésil est bien, me semble-t-il, la plus longue frontière française –, les problèmes frontaliers proviennent surtout du Suriname, et ils sont liés à l'orpaillage. Certes, des étrangers entrent sur le territoire, mais ils y viennent surtout pour se livrer à cette activité illégale. En la matière, nous avons bien conscience, sinon des limites de notre action, du moins de la complexité des enjeux. Nous tentons de renforcer notre action là-bas, mais il nous faut faire des choix, de sorte que l'hélicoptère disponible sur le terrain n'est pas toujours le plus récent. En tout cas, nous cherchons à développer des outils qui nous aident à mieux comprendre les flux de l'orpaillage et à mieux anticiper leur développement. De fait, vous avez raison, il arrive que de véritables petits villages se créent autour d'un site d'orpaillage. Or, comme ils se situent en pleine jungle, il est difficile de les localiser : l'imagerie satellite n'est pas très efficace et, si l'hélicoptère peut les survoler, il lui est difficile de se poser. Heureusement, nos militaires sont capables d'intervenir dans la jungle pour lutter contre l'orpaillage.
De fait, nous ne constatons pas de baisse de cette activité illégale. C'est un sujet de préoccupation. Nous nous efforçons d'adapter en permanence notre dispositif, qu'il s'agisse de lutter contre l'orpaillage ou contre la pêche illicite. Ainsi, nous envoyons, très régulièrement et de manière assez imprévisible, des commandos supplémentaires pour renforcer le dispositif et convaincre les pêcheurs brésiliens et surinamais qu'ils ne peuvent pas pêcher dans nos eaux. Les actions sont parfois violentes – les pêcheurs nous repoussent à l'aide d'armes et de harpons –, si bien que nous sommes souvent contraints de tirer des balles gomme cogne lors de nos interventions.
Nous envoyons donc régulièrement des renforts, certes ponctuels – nous pourrions peut-être faire mieux, mais nous essayons d'avoir un équilibre global pour l'ensemble des outre-mer. Quoi qu'il en soit, nous n'en avons certainement pas fini avec l'orpaillage. Nous saisissons un nombre considérable de moteurs et de tapouilles, mais ils sont aussitôt remplacés. Lorsqu'on lutte contre ce type de menaces spécifiques, on commet l'erreur de s'attaquer, dans un premier temps, aux conséquences – en l'espèce, on repousse les orpailleurs – plutôt qu'au business model. Il faudrait en effet s'en prendre à l'ensemble de la chaîne, mais elle se trouve bien souvent à l'étranger… C'est dans ce sens que nous orientons nos réflexions.
Monsieur Marilossian, je ne crois pas que nos troupes soient trop autonomes. On leur a donné les outils pour qu'elles puissent agir correctement. Jusqu'à présent, nous n'avons rencontré aucun problème : lorsque nos militaires ont dû agir, ils l'ont fait avec sang-froid, conformément aux règles et dans l'esprit qui avait été préalablement défini. Par ailleurs, j'ai la faiblesse de penser que nos troupes sont commandées : le soldat qui part sur le terrain dans le cadre de l'opération Sentinelle est briefé par son chef de section, son capitaine de compagnie et son chef de corps. Qui plus est, ces militaires reçoivent une formation spécifique, propre à l'opération à laquelle ils participent – c'est de la « marteau-thérapie », mais elle est efficace.
Encore une fois, on a donné aux militaires les outils qui leur permettent de répondre à la menace à laquelle ils font face. À cet égard, le fait que le législateur ait accepté une exception à la responsabilité pénale du militaire est une très bonne chose : il aurait été difficile de comprendre qu'après avoir été engagé sur le terrain, un militaire puisse être accusé d'avoir mal agi. Je suis donc très satisfait. Cela dit, il incombe aux chefs des armées et aux chefs militaires de s'assurer que l'action se déroule dans le cadre approprié. Nous devons garantir au Parlement et au Président de la République, d'une part, que nous agissons dans le cadre fixé, d'autre part, que nous ne dérapons pas.
Monsieur Delatte, la coordination des forces de sécurité et des armées dans le cadre de l'opération Sentinelle fait l'objet d'une très bonne discussion. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec le préfet, mais nous discutons. Ce qui m'importe, c'est que les armées soient engagées dans le cadre fixé par le Parlement et le Président de la République. Si l'on veut nous faire sortir de ce cadre, pourquoi pas ? Mais c'est à l'autorité politique d'en décider. Au demeurant, je n'ai pas de complexe : la règle des 4 « i » est assez claire. Par ailleurs, les préfets ont parfaitement compris la manière dont ils pouvaient nous employer et n'ont pas envie de nous forcer la main.
Même si cela n'a pas été simple au début, les forces de sécurité intérieure ont désormais bien compris la manière dont nous agissons. Du reste, nous planifions dès à présent avec elles la façon dont les armées pourraient intervenir en soutien lors des Jeux olympiques de 2024. Ainsi, nous discutons de la manière dont les forces de sécurité intérieure conçoivent la protection de cet événement, nous cherchons à identifier les niches dans lesquelles elles risquent de rencontrer des problèmes – il y aura évidemment un dispositif de protection aérienne – et nous réfléchissons à la manière de nous coordonner avec la préfecture de police – un certain nombre de plans existent déjà, notamment pour le 14 juillet. Le dialogue civilo-militaire fonctionne à tous les niveaux. Certaines questions remontent parfois au Conseil de défense, et le Président décide. Cela me convient très bien : le processus décisionnel est ainsi conçu que nous avons notre mot à dire sur les conséquences que peut avoir la sollicitation des armées. J'en reviens à notre rôle d'airbag : nous pouvons absorber un choc, mais je veux m'assurer que l'administration qui a besoin de notre concours s'organise de manière à pouvoir s'en passer lorsque nous lui redonnerons la main.
Nous nous efforçons également d'améliorer notre interopérabilité avec les forces de sécurité intérieure. Lorsque nous intervenons en complément de ces forces, nous faisons en sorte, les soldats n'ayant pas de pouvoirs de police, d'avoir une réactivité conforme aux enjeux sécuritaires. Si nous voyons quelque chose, nous le signalons immédiatement aux forces de sécurité intérieure pour qu'elles interviennent. Nous ne sommes pas là pour les remplacer mais pour agir en complémentarité – c'est la règle d'or –, et cela fonctionne plutôt bien. Par ailleurs, Sentinelle est en quelque sorte un réservoir : au socle, constitué du dispositif permanent, il est possible d'ajouter ponctuellement des forces, par exemple pour sécuriser un marché de Noël. Notre mission est de protéger la France et les Français ; il est donc normal que nous aidions un préfet à résoudre certains problèmes, dans un cadre préalablement défini et dans les limites de nos attributions.