Vous êtes condamnée à essayer de faire tenir des ronds dans des carrés, car il ne peut y avoir d'Europe de la défense – les tentatives aboutissent depuis des années à des résultats piteux. En effet, la défense est une prérogative souveraine des États ; or la souveraineté, quelle que soit la définition que vous en donniez, trouve son fondement dans le peuple et il n'y a pas « un » mais « des » peuples européens. Dès lors, il est impossible de concilier Europe de la défense et principes élémentaires de la vie démocratique.
Par ailleurs, les traités européens et la pratique d'un bon nombre d'États parmi nos plus proches alliés nous empêchent de construire une Europe de la défense, car celle-ci est subordonnée aux orientations fixées par les États-Unis via l'OTAN – vous l'avez vous-même reconnu. Comment donc être souverain dans le cadre de l'OTAN ?
L'expression la plus claire de cette indisponibilité des États européens a été formulée par l'ancienne ministre de la défense allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer : « Il faut en finir avec l'illusion d'une autonomie stratégique européenne. » Les documents stratégiques états-uniens sont tout aussi formels : l'émergence d'une Europe autonome sur le plan géopolitique ne doit pas être permise, et l'Allemagne est le meilleur relais de cette stratégie. On est loin de la déclaration conjointe des présidents Biden et Macron, mais vu le contexte dans lequel cette dernière a été obtenue, comment la croire ? Alors que tout est fait, dit et pensé, en France, depuis des années, pour faire reposer la construction européenne sur le prétendu couple franco-allemand, on mesure que tout ce qui pourra être revendiqué comme une avancée ne sera en réalité que poudre aux yeux – il s'agira, d'une certaine manière, de bomber le torse et de faire la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron aux frais du contribuable… Personne n'est dupe, et les multiples trahisons allemandes de ces dernières années sont éloquentes !
L'Europe de la défense, c'est tout au mieux une stratégie de mutualisation des dépenses et des équipements dont la France imagine tirer un avantage financier. C'est une illusion, voire une malhonnêteté. Les autres États européens ne seront pas les financeurs de la BITD française – les échecs du Rafale en Europe en sont une illustration.
Dans ces conditions, je n'ai guère de question à vous poser. La France insoumise considère que la France doit défendre elle-même ses intérêts et nouer des partenariats ad hoc en matière de défense. Se lier les mains dans une Europe de la défense qui n'est pas faite pour défendre les intérêts du peuple français est tout bonnement une mauvaise idée.