Je souhaite vous interroger sur la stratégie de l'Union européenne dans l'Indopacifique. Sans revenir sur la déconvenue que la France a connue dans l'affaire AUKUS avec l'Australie, il nous faut définir le rôle que l'Union européenne veut et peut jouer dans la région. L'interdépendance de l'Europe avec la Chine s'illustre par les flux physiques d'approvisionnement en composants stratégiques et en ressources énergétiques, agricoles ou autres, qui transitent essentiellement par les détroits de Malacca, de la Sonde et de Taïwan – d'où l'importance de garantir la liberté de navigation dans cette vaste zone. Or la stratégie indopacifique annoncée par le Conseil européen nous laisse un peu sur notre faim. En effet, il y est fait mention de partenariats économiques et d'aspects normatifs, certes très importants, mais la dimension stratégique de la sécurisation des flux par une présence maritime coordonnée des États membres n'y est pas clairement explicitée. Il est vrai qu'à l'exception de la France, qui tire sa légitimité de ses territoires ultramarins et de la capacité de sa marine à projeter ses forces dans cette région du monde, nos partenaires européens, eux, sont peu présents, et ne disposent que de moyens très limités.
Dans ce contexte, et dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, comment la France peut-elle soutenir l'ambition de l'Union, développer un véritable système d'alliances, au-delà des seuls partenariats économiques, et garantir ainsi la préservation des intérêts stratégiques de l'Europe ? En matière de sécurité, est-il envisageable de se rapprocher du Quad, qui réunit les États-Unis, le Japon, l'Inde et l'Australie ? L'Union européenne ne devrait-elle pas concentrer ses efforts sur les voies d'accès à l'océan Indien, en garantissant la sécurité maritime du détroit d'Ormuz ou en luttant contre la piraterie dans le golfe d'Aden, qui débouche sur la Méditerranée – une autre zone prioritaire, s'il en est, de l'Union européenne ?