Intervention de Florence Parly

Réunion du mardi 14 décembre 2021 à 18h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Arméees :

Si les battlegroups n'ont pas été utilisés jusqu'à présent, c'est faute d'une volonté politique en ce sens. La capacité de réaction rapide repose sur un certain nombre d'outils. Certains existent déjà : ce sont des coalitions ad hoc, comme Takuba, ou des missions et des opérations de la police de sécurité et de défense commune (PSDC), comme les missions de formation de l'Union européenne. D'autres outils sont par ailleurs en train de voir le jour, comme la facilité européenne pour la paix, qui est déjà une réalité, mais dont l'extension à la fourniture d'armes létales sera bientôt une réalité. Les battlegroups pourraient également être l'un de ces nouveaux outils.

J'en viens à la question du partenariat franco-grec et, plus précisément, au statut de l'offre qui a été faite par les États-Unis. Je vous rappelle que nous avons conclu un accord avec la Grèce pour l'acquisition de trois frégates de défense et d'intervention (FDI), potentiellement complété par une quatrième en option. Cet accord est sur le point d'être définitivement validé, puisqu'il doit passer devant le Parlement grec avant d'être examiné par la Cour des comptes grecque, comme cela avait été le cas il y a un an, lorsque nous avions conclu le contrat pour la fourniture d'avions Rafale. Nous sommes dans la phase finale de la validation définitive.

Dans ce contexte, comment doit-on comprendre l'annonce américaine ? Dans une phase antérieure du processus, il avait été question que les États-Unis vendent des frégates à la Grèce et le Foreign Military Sales, un dispositif qui leur est propre, exigeait que le Congrès américain donne son approbation au principe d'une possible acquisition par la Grèce de frégates américaines. Après la phase administrative, le projet est arrivé devant le Congrès, qui l'a validé. Mais, entre-temps, la Grèce s'est engagée vis-à-vis de la France. Je répète que l'annonce qui a été faite est simplement l'aboutissement d'un processus qui s'est achevé devant le Congrès. L'accord conclu avec la France n'est nullement menacé.

Faut-il parler d'autonomie stratégique ou de souveraineté européenne ? Les querelles lexicales sont fréquentes entre partenaires. Peu importe que l'on préfère une expression ou l'autre ; l'essentiel, c'est la liberté de décider, de choisir et d'agir. Il faut avoir des processus de décision plus rapides, être capables d'équiper nos forces ensemble et avoir des matériels dont nous maîtrisons la technologie, ce qui suppose de développer une base industrielle et technologique de défense européenne et d'investir beaucoup dans le domaine de l'innovation.

Certains préfèrent la notion d'autonomie stratégique, d'autres celle de souveraineté européenne. Pour ma part, je pense que l'essentiel, c'est l'action. Je constate que les Européens se sont bien approprié la notion de « souveraineté européenne ». À la faveur de la crise sanitaire, ce terme de « souveraineté » a pris un sens très concret pour chacun d'entre nous.

J'en viens aux liens entre la marine nationale et l'Union européenne. Nous avons une marine de combat et souhaitons protéger les espaces communs maritimes. C'est une priorité que les Européens se sont fixée. De ce point de vue, la présence maritime coordonnée qui est expérimentée dans le golfe de Guinée va nous permettre d'envisager des extensions. Et, pour anticiper sur une autre question qui m'a été posée, il est vrai que l'Indopacifique constitue un espace privilégié pour le déploiement d'une présence maritime coordonnée. Nous sommes déjà impliqués dans des opérations européennes en Méditerranée, avec la mission Irini pour le contrôle et la surveillance des côtes libyennes, mais aussi avec l'opération Atalante dans l'océan Indien, qui a permis de lutter contre la piraterie.

Au-delà de ces opérations européennes, que nous voulons développer, il est vrai que nous avons, au sein de notre marine, des outils qui nous permettent de fédérer un certain nombre d'Européens dans le cadre de coopérations. C'est particulièrement vrai de notre groupe aéronaval, qui a réalisé il y a peu de temps un exercice assez exceptionnel, en réunissant des navires espagnols, britanniques, grecs, italiens et américains. L'objectif est de pousser plus loin ces exercices, et tout déploiement du porte-avions doit être une occasion de développer ces coopérations, notamment avec les Européens. Enfin, le fait de pouvoir partager des équipements communs, comme des frégates de défense et d'intervention avec la Grèce, est aussi un gage de coopération renforcée pour l'avenir.

La directive sur le temps de travail est une question extrêmement importante. J'ai rappelé qu'il était nécessaire de ne pas nous laisser affaiblir par des normes ou des directives qui pourraient contrecarrer la volonté des Européens d'avancer dans le domaine de la défense. La France a fait part à la Commission européenne des difficultés qu'elle aurait à appliquer cette directive à ses forces armées et lui a demandé d'insérer une clause dérogatoire, ou « opt-out », dans le rapport que celle-ci doit remettre sur l'application de la directive. Ce mécanisme permettrait aux États membres qui le souhaitent de préserver leur liberté d'appliquer, ou non, la directive à leurs forces armées. En tout cas, il me paraît extrêmement important de pouvoir préserver, à l'échelle européenne, cette capacité d'action dont j'ai longuement parlé.

Le programme spatial CERES a effectivement un caractère tout à fait exceptionnel, car la France est le seul pays en Europe à déployer une capacité opérationnelle de renseignement d'origine électromagnétique depuis l'espace. C'est un fait unique, qui va considérablement accroître nos capacités de renseignement et permettre à notre pays de disposer d'une plus grande autonomie pour apprécier certaines situations et prendre des décisions. On voit bien, dans les crises que nous traversons en ce moment, combien il est précieux de détenir un renseignement qui nous soit propre, un renseignement souverain, et de confronter nos analyses et nos points de vue avec du renseignement produit par d'autres pays et d'autres alliés. C'est la loi de programmation militaire que vous avez votée qui a permis, tout récemment, l'aboutissement de ce programme.

J'ai déjà partiellement répondu au sujet de l'Indopacifique. Il nous paraît important, dans le domaine de la sécurité et de la défense, de conserver une position équilibrée vis-à-vis de la Chine. Mais nous devons aussi être capables de proposer de nouveaux exercices conjoints, d'organiser des escales dans les pays de la région indopacifique, d'amplifier le déploiement naval des différents États membres dans la région – j'ai mentionné l'extension du concept de présences maritimes coordonnées à l'Indopacifique – et de renforcer les capacités des différents pays partenaires. Être capable d'avoir une présence maritime européenne significative dans l'Indopacifique est un objectif extrêmement important, et nous y veillerons, puisque nous y participons, à titre national, de façon très régulière et constante.

Je vous remercie de noter les efforts qui ont été réalisés par nos armées dans le domaine du développement durable, des énergies renouvelables, ainsi que de la préservation de la biodiversité. J'ai déjà rappelé l'initiative que nous avions prise en ce sens, avec vingt-quatre autres pays. Je vous renvoie aussi à l'objectif plus global qu'a rappelé le Président de la République la semaine dernière, lorsqu'il a présenté les priorités de la France pour la présidence de l'Union européenne : il a appelé de ses vœux, non seulement une France plus verte, mais aussi une Europe plus verte. Chacun d'entre nous doit y veiller, dans ses responsabilités respectives, et c'est ce que nous faisons au sein du ministère des armées.

Comment faire jouer la solidarité entre les États membres de l'Union européenne et l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne ? Cet article n'a été invoqué qu'une seule fois, par la France, lorsqu'elle a subi les attentats de novembre 2015. Depuis, des retours d'expérience ont été produits, qui ont fait apparaître une certaine lourdeur dans la mise en œuvre du processus, et des pistes ont été proposées pour le fluidifier. Nous sommes en train de réfléchir à la manière d'améliorer les conditions d'activation de l'article 42-7 ; le service européen pour l'action extérieure prépare un manuel pratique. La France souhaite que plusieurs exercices d'activation de cet article soient réalisés, notamment dans le domaine du cyber, afin d'éprouver l'utilité et l'efficacité de ce manuel et d'opérationnaliser l'assistance mutuelle que nous nous devons.

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