Cette question ne saurait laisser indifférent. De M. Jospin à M. Sarkozy en passant par M. Hollande, nul n'a oublié ces soldats qui, dans ces terribles circonstances, ont fléchi, ont faibli ou ont eu peur de mourir.
Pourquoi les gouvernements successifs ont-ils été défavorables à la réhabilitation générale de ces militaires dits fusillés pour l'exemple ? Pour répondre à cette question, je me suis appuyé sur le rapport publié par le groupe de travail dirigé par Antoine Prost en 2013.
Le terme « exemplarité » doit appeler notre attention, car généraliser son emploi reviendrait à laisser croire que des soldats ont été fusillés au hasard pour intimider ceux qui auraient été tentés à leur tour de montrer un instant de faiblesse. Or, s'il est vrai que ces condamnations avaient un effet dissuasif sur le reste de la troupe, sous les yeux de laquelle elles avaient lieu, la notion d'exemplarité ne doit pas exclure celle de culpabilité, ces hommes ayant été inculpés à l'époque au regard du code de justice militaire.
C'est précisément pour cette raison que se pose la question de la réhabilitation générale de ces soldats, mais une telle réhabilitation présente, selon le rapport que je viens de citer, deux difficultés historiques, qu'il me semble nécessaire de prendre en considération l'une et l'autre. Tout d'abord, si beaucoup de ces soldats ont été fusillés de manière totalement inacceptable, d'autres l'ont été pour des raisons si sérieuses que les tribunaux de droit commun auraient eux-mêmes pu conclure à ces condamnations. En outre, il faut garder à l'esprit que réhabiliter reviendrait à affirmer qu'une condamnation a été prononcée à tort, ce qui implique de proclamer l'innocence du combattant considéré. Or, selon l'historien Antoine Prost, il ne serait pas légitime, par exemple, que la réhabilitation permette de dire qu'un soldat ayant abandonné son poste est mort pour la France.
Pour ces différentes raisons, il me semblerait plus conforme d'envisager une réhabilitation au cas par cas, prenant en compte l'individualité de chacun des dossiers soumis au ministère des armées, comme pour l'attribution de la mention « mort pour la France » en cas de réhabilitation après-guerre. Néanmoins, il ne doit pas être question de procéder à l'examen de l'ensemble des dossiers, les cas les plus alarmants ayant d'ores et déjà été examinés sérieusement par la justice avant 1939. À l'opposé, la sélection de certains cas symboliques relèverait d'un choix arbitraire, difficile à justifier.
Il convient de ne pas ignorer ces difficultés historiques et de privilégier un examen très pointu des dossiers des soldats concernés par une éventuelle réhabilitation. Si le devoir mémoriel est de mise dans l'histoire d'une nation – nous nous accordons tous ici sur cette nécessité –, l'idée d'une justice rétroactive n'apparaît pas raisonnable. Dès lors, le groupe Démocrates ne peut soutenir ce texte.