La séance est ouverte à dix-huit heures dix.
Mes chers collègues, je vous adresse, en ce début d'année, mes meilleurs vœux pour 2022, qui sera une année politique importante pour notre pays et pour nous tous. Je vous souhaite de connaître joie, bonheur et sérénité dans votre vie personnelle et de conserver – je sais que c'est le cas – la détermination, la force et l'envie de continuer à servir notre pays.
Mes pensées vont à tous nos militaires, qui ont été particulièrement sollicités l'an dernier. Je sais, tout comme vous, leurs sacrifices et ceux de leurs familles ; je veux donc leur transmettre, en votre nom à tous, l'expression de notre gratitude et nos vœux d'accomplissement personnel et professionnel. Je salue la mémoire du caporal-chef de 1re classe Jérémy Amoroso, décédé le 30 décembre, à la suite d'un malaise, dans la région de Cilaos, sur l'île de La Réunion, où il était déployé dans le cadre d'une mission de courte durée.
Notre ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de loi présentée par le groupe La France insoumise dans le cadre de sa niche parlementaire. Cette proposition de loi, dont le rapporteur est Bastien Lachaud, a pour objet la réhabilitation des militaires dits fusillés pour l'exemple durant la première guerre mondiale.
Comme certains d'entre vous le savent, ce n'est pas la première fois que notre commission est appelée à examiner cette délicate question. Sous la précédente législature, en mai 2016, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), par l'intermédiaire de Jean-Jacques Candelier, avait en effet soutenu une proposition de loi similaire en faveur de la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple », proposition qui, à l'époque, avait été rejetée.
La question des fusillés pendant la première guerre mondiale, souvent confondue avec celle des mutins de 1917, revient régulièrement dans le débat public. Ainsi, dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, le président François Hollande avait missionné sur le sujet une commission d'historiens présidée par Antoine Prost. Il est intéressant de relever que cette commission n'avait pas préconisé la réhabilitation collective des fusillés. Elle avait en revanche recommandé un certain nombre de mesures en faveur de leur mémoire, mesures qui ont été mises en œuvre depuis – je pense notamment à la création d'un espace dédié au musée de l'Armée ou à la numérisation des dossiers d'archives.
Fallait-il aller plus loin ? Nous allons en débattre. En tout cas, force est de constater qu'il s'agit d'un débat riche et passionnant qui ne peut qu'interpeller chacun d'entre nous, tant il soulève des questions sensibles auxquelles il est difficile de répondre de manière tranchée. Je m'en tiendrai à deux exemples.
La première problématique mise en exergue par ce débat est celle de la délicate articulation entre les exigences de l'état militaire, notamment celles de la discipline, et celles de la justice, dans un contexte où de nombreux manquements à la discipline militaire sont d'abord des infractions pénales et où les orages de feu et d'acier ont fait, pour ce qui est de la France, entre 1914 et 1918, 1,3 million de morts et plus de 1 million d'invalides. Comment penser un juste équilibre face à une telle brutalisation ? On sait que la perception du problème évolue avec le temps. La réponse d'aujourd'hui n'est pas celle qui aurait pu être apportée hier. En toute hypothèse, il importe de donner du sens tant à la mort de celui qui est allé au-devant des balles qu'à la mort de celui qui a pu s'y soustraire. La réponse, au fond, est politique, car elle touche au sens qu'il faut donner aux extrémités que la République peut exiger pour sa défense. On sait du reste que la notion même de « fusillés pour l'exemple » a une histoire propre, qui revêt une forte dimension politique.
La seconde question soulevée par la proposition de loi est celle du rôle du législateur face à l'histoire. Si des injustices ont certainement été commises à l'occasion de condamnations à mort et d'exécutions, est-ce le rôle des députés de « réhabiliter » ces soldats ? La réhabilitation est un mot fort, puisqu'il s'agit, sinon de rejuger, du moins de revenir sur un précédent jugement de condamnation. Est-ce à la représentation nationale de le faire ?
Nous allons à présent écouter les arguments de notre rapporteur concernant ces questions épineuses soulevées par sa proposition de loi.
Chers collègues, je suis devant vous ce soir pour vous proposer de rejoindre un combat parlementaire transpartisan mené depuis de plus de cent ans : le combat pour la reconnaissance du déni de justice dont furent victimes des soldats français, des poilus ordinaires, injustement accusés de désobéissance militaire, jugés dans des conditions iniques et exécutés par leurs camarades dans le but avoué par les autorités militaires et politiques de l'époque de faire des exemples.
Qui sont ces hommes dont « le spectre hante la mémoire nationale », pour reprendre les mots de M. Jean-Yves Le Naour, un des historiens spécialistes de cette question ? Ce n'étaient ni des traîtres ni des héros, mais des poilus ordinaires, si tant est que les poilus ordinaires ne fussent pas tous, d'une certaine façon, des héros.
Le rapport du groupe de travail animé par M. Antoine Prost, président du conseil scientifique de la mission du centenaire, et publié en octobre 2013, avait évalué à environ 740 le nombre total de fusillés français pendant la Grande Guerre. Dans le prolongement de ce rapport, M. Kader Arif, secrétaire d'État chargé des anciens combattants, a chargé le service historique de la défense de procéder au décompte le plus complet possible du nombre de fusillés non réhabilités, compte tenu de l'état des archives disponibles. Le 27 octobre 2014, le ministère des armées a communiqué les résultats suivants, tels qu'issus de l'examen des archives militaires : 639 personnes ont été fusillées pour désobéissance militaire, 141 pour des faits de droit commun et 126 pour espionnage. Les motifs de l'exécution demeurent inconnus pour 47 autres personnes ; enfin 55 personnes ont été exécutées sans jugement mais ont été sommairement identifiées.
La présente proposition de loi tend à réhabiliter les 639 personnes fusillées pour désobéissance ; elle ne concerne pas – c'est important – celles qui ont été condamnées pour des faits de droit commun ou pour espionnage.
Contrairement à une idée largement répandue, les mutins de 1917 ne constituent qu'une proportion très faible des « fusillés pour l'exemple » : selon les derniers travaux, une trentaine de soldats seulement auraient été fusillés à la suite des mutineries. Cette distinction essentielle entre fusillés et mutins est rappelée par le groupe de travail animé par Antoine Prost dans les termes suivants : « Il importe de distinguer entre “fusillés” et “mutins”. La plupart des fusillés l'ont été en 1914 et 1915, tandis que les grandes mutineries de l'armée française ont eu lieu en mai-juin 1917. Parmi les 40 000 à 80 000 mutins (suivant des estimations récentes), une petite trentaine a été fusillée. »
Les travaux du général André Bach, ancien directeur du service historique de l'armée de terre, mettent en effet en exergue que c'est bien au début de la guerre, en 1914 et en 1915, et non en 1917, qu'eurent lieu la plupart des exécutions. Le seul mois d'octobre 1914 représente ainsi à lui seul près de 10 % de l'ensemble des exécutions de soldats français commises durant la première guerre mondiale.
Les « fusillés pour l'exemple » sont des militaires qui ont été condamnés à mort par un conseil de guerre en vertu des dispositions du code de justice militaire adopté sous le Second Empire – en 1857 exactement – et applicable à l'époque. Les motifs de condamnation à mort, hors crimes de droit commun et espionnage, étaient notamment, par ordre décroissant du nombre des exécutions prononcées, l'abandon de poste en présence de l'ennemi –article 213–, le refus d'obéissance en présence de l'ennemi – article 218 –, dont les mutilations volontaires, et les voies de fait envers un supérieur – article 223.
Or la caractérisation de chacun de ces motifs était fort délicate à apprécier, comme l'ont montré certains dossiers ayant pu aboutir à une réhabilitation individuelle à la suite de la mobilisation de proches.
L'appréciation de l'abandon de poste, par exemple, est rendue particulièrement difficile par la désorganisation des combats liée aux offensives menées en 1914 et 1915. L'histoire du soldat Joseph Gabrielli en témoigne. Simple d'esprit et ne parlant que le corse, il n'avait pas été en mesure de rejoindre sa compagnie après s'être fait soigner pour une blessure en marge d'une offensive. Il fut condamné pour abandon de poste le 14 juin 1915 et fusillé le jour même, avant d'être réhabilité par la Cour spéciale de justice le 4 novembre 1933.
L'histoire des fusillés de Vingré est également emblématique de la relativité des accusations d'abandon de poste dans le contexte de brutalisation des combats mis en avant par de nombreux historiens de la Grande Guerre. Ainsi, plusieurs hommes du 298e régiment d'infanterie se réfugièrent dans une tranchée après avoir été surpris par une attaque allemande dans leur tranchée de première ligne. Bien qu'ils aient regagné ensuite leur position antérieure sur ordre de leur commandement, vingt-quatre d'entre eux furent désignés pour être jugés pour abandon de poste en présence de l'ennemi. Six furent condamnés à mort et fusillés, avant d'être réhabilités par la Cour de cassation le 29 janvier 1921.
Comme le souligne le rapport du groupe de travail Prost, « la période de 1914-1915 correspond aussi à celle des offensives d'infanterie les plus meurtrières et les moins bien préparées, donnant lieu à des situations confuses (soldats isolés, désemparés par les combats, obligés de se replier, etc.) qui aboutissent à un grand nombre de condamnations dans des conditions sommaires ».
La qualification de mutilation volontaire, qui constitue un des principaux motifs de condamnation à mort, est aussi particulièrement épineuse, comme l'illustre l'histoire de François-Marie Laurent. Ce soldat du 247e régiment d'infanterie, ne parlant que breton, n'avait pas pu expliquer la blessure qu'il avait reçue à la main gauche. Accusé de mutilation volontaire, il fut condamné et exécuté le 19 octobre 1914. La contre-expertise réalisée en 1933 conclut à l'absence de preuve du caractère volontaire des mutilations : le soldat Laurent fut réhabilité. D'après l'historien Éric Viot, le médecin Charles Paul démontra, en 1925, à l'occasion de la réhabilitation de fusillés pour mutilation volontaire, que les médecins militaires avaient, à tort, systématiquement appliqué à des blessures par balle à la main ou au bras auréolées de noir le caractère de mutilation volontaire, tenant l'auréole sombre pour la marque d'une déflagration des gaz de la poudre, donc d'une blessure à bout touchant. Après des examens chimiques et microscopiques, il avait pu prouver, dans les dossiers Chochoi et Garçault, qu'il s'agissait là, non pas de la déflagration des gaz de la poudre, mais de traces de cambouis ou d'impuretés quelconques, comme en présentaient souvent les doigts des soldats aux tranchées. Répondant aux questions du tribunal, le médecin récuse qu'il soit possible d'affirmer, sur un plan médico-légal, être en présence d'une mutilation volontaire.
Enfin, comme le rappelle Éric Viot dans son livre, le motif de condamnation pour voie de fait envers un supérieur fut apprécié fort diversement selon la personnalité des commandants. Selon plusieurs historiens, certaines exécutions ont été directement liées à des règlements de comptes.
S'il y a lieu de parler de déni de justice, ce n'est pas seulement en raison de l'appréciation délicate et ambivalente des différents motifs de condamnation à mort que je viens d'évoquer, c'est également parce qu'à l'époque, les autorités politiques et militaires manifestèrent la volonté de fusiller des hommes pour faire des exemples. Les exécutions avaient avant tout un objectif dissuasif à l'égard du reste de la troupe, dans le contexte des grandes offensives de 1914 et 1915. Comme le résume un historien spécialiste de cette période, « il s'agit moins de punir un coupable que d'empêcher par la sévérité de la répression la contagion d'un mal ». L'idée selon laquelle la question de la culpabilité du prévenu est finalement moins importante que l'effet dissuasif de l'exécution transparaît ainsi dans les propos d'un chef de bataillon au sujet du soldat Ernest Ricouard, accusé d'avoir quitté son poste : « Il n'est certainement qu'à demi responsable. Mais en raison des circonstances, de l'exemple à faire en vue d'éviter le retour de fautes semblables, il doit être traduit en conseil de guerre. »
En cas de désobéissance collective, le principe d'exemplarité conduit également à tirer au sort ceux qui seront jugés par le conseil de guerre.
Si l'objectif de ces exécutions était principalement d'inspirer la crainte parmi les soldats et de prévenir tout mouvement de désobéissance, force est de constater que leur effet sur le moral des troupes fut jugé suffisamment contre-productif pour que, dès 1916, elles ne soient plus considérées comme la principale solution aux désobéissances individuelles ou collectives, comme l'illustrent la diminution conséquente du nombre de fusillés à compter de cette date ou la faiblesse du nombre d'exécutions consécutives aux mutineries de 1917.
« Fusillés pour l'exemple », les soldats étaient avant tout victimes de choix arbitraires.
La pratique du tirage au sort employée pour désigner ceux qui allaient être jugés en conseil de guerre constitue le paroxysme de l'arbitraire dont ont pu être victimes certains fusillés. Cependant, les facteurs des disparités de traitement subies par les soldats pour des mêmes faits sont multiples. Le premier est d'ordre générationnel : un soldat ayant désobéi en 1918 avait dix fois moins de risques d'être fusillé qu'un soldat qui avait commis les mêmes faits en 1914. Le second tient aux pratiques des commandements, différentes selon les régiments et les divisions. L'historien Éric Viot indique ainsi que 30 % des condamnations sont concentrées dans dix-huit des cent divisions que comptait l'armée française à l'époque. Les archives témoignent de l'indulgence de certains chefs militaires, quand d'autres eurent massivement recours aux conseils de guerre.
Cet arbitraire a été renforcé par le fait que les fusillés ont été soumis à un système judiciaire reconnu comme dysfonctionnel dès 1916.
Le fonctionnement de la justice avait fait l'objet d'une profonde refonte dès le début de la guerre, à la suite de l'instauration de l'état de siège le 2 août 1914. Le principe d'une telle réforme était de laisser une grande marge de manœuvre aux autorités militaires, dans un contexte où le contrôle politique était perçu comme un frein à l'efficacité répressive du système judiciaire militaire en temps de guerre. Le caractère expéditif des procédures est revendiqué par l'institution elle-même comme un gage d'efficacité. Les droits de la défense étaient ainsi inexistants, tout comme les possibilités de recours. En novembre 1914, le général de Villaret, commandant le 7e corps d'armée, réclame que la procédure relative à vingt-quatre soldats inculpés d'abandon de poste devant l'ennemi soit expéditive : « Il importe que la procédure soit expéditive, pour qu'une répression immédiate donne, par des exemples salutaires, l'efficacité à attendre d'une juridiction d'exception. »
Le pouvoir politique a endossé une telle négation de l'idée de justice, en reconnaissant que cette justice d'exception n'avait pas tant vocation à punir des coupables qu'à faire des exemples. M. Adolphe Messimy, ministre de la guerre, écrivit ainsi le 20 août 1914 : « Il vous appartient de prendre des mesures et de faire des exemples. »
Mes chers collègues, j'insiste sur ce point, qui est au cœur de mon argumentaire : il s'agit pour nous, non pas de juger des faits a posteriori, mais de reconnaître que notre pays a délibérément organisé un déni de justice, les autorités de l'époque le croyant seul à même d'assurer la survie de la Nation. Nous devons rappeler qu'il n'en a rien été, comme en ont pris conscience des députés de tous bords qui, dès 1915, ont dénoncé les « crimes des cours militaires ».
C'est grâce à l'action résolue de ces députés que fut votée à l'unanimité la loi du 27 avril 1916, qui supprima les conseils de guerre spéciaux, réinstaura les recours en révision et en grâce et rétablit les circonstances atténuantes. Il fallut cependant attendre le 8 juin 1916 pour que deviennent possibles des procédures en révision pour les condamnés. Le président Poincaré gracia une majorité d'entre eux dès qu'il le put, en 1916.
C'est grâce à la mobilisation de ces députés, Paul Meunier, député radical-socialiste de l'Aube, Paul Joubert, député conservateur de l'Aude, Aristide Jobert, député socialiste de l'Yonne, que furent votées à l'unanimité les lois d'amnistie de 1919 et 1921. J'insiste, comme l'ont fait les historiens que j'ai entendus, sur le consensus qui régna après-guerre autour de ce combat d'union. Cette mobilisation du monde politique et associatif porta ses fruits durant l'entre-deux-guerres.
Sur le plan législatif, outre les deux lois que je viens de citer, d'importantes dispositions furent votées, là encore par des députés siégeant de chaque côté de notre hémicycle : la loi du 9 août 1924 permit la réhabilitation de soldats exécutés sans jugement ; une nouvelle loi d'amnistie, votée le 3 janvier 1925, instaura une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation ; enfin et surtout, la loi du 9 mars 1932 créa une cour spéciale de justice militaire composée de magistrats et d'anciens combattants ayant compétence pour réviser l'ensemble des jugements rendus par les conseils de guerre, qui siégea entre 1932 et 1935.
Dans ce nouveau cadre juridique, selon le rapport du groupe de travail dirigé par Antoine Prost, une quarantaine de réhabilitations a été prononcée pendant l'entre-deux-guerres. Les proches des condamnés ont dû se mobiliser afin que des éléments nouveaux – en particulier, des témoignages – permettent de rouvrir les dossiers mais ce ne fut malheureusement pas possible pour tous.
Ces trente dernières années, plusieurs tentatives de réhabilitation ont été entreprises par les plus hautes autorités de l'État, là encore de différentes tendances politiques. Je pense, par exemple, au discours du Premier ministre Lionel Jospin à Craonne, en 1998, lors des commémorations de l'armistice de 1918, à celui du Président de la République Nicolas Sarkozy, dix ans plus tard, au mémorial de Douaumont. Tous deux ont eu des mots de reconnaissance pour ceux qui avaient été parfois qualifiés, à tort, de lâches. Je vous propose donc d'aller collectivement au terme de ce processus.
Pourquoi proposer une réhabilitation collective de ces malheureux plutôt qu'un examen au cas par cas ? Parce qu'il convient de tenir compte des progrès de la recherche historique.
En premier lieu, je précise que si le groupe de travail dirigé par Antoine Prost ne s'est pas prononcé en faveur de la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple » – alors même qu'il admettait que la réhabilitation individuelle n'était pas une option – c'est notamment en raison de l'inclusion dans le champ de la réhabilitation des auteurs de crimes de droit commun et d'espionnage en l'absence de décompte précis de ces derniers parmi les fusillés. Or, les statistiques rendues publiques par le ministère des armées en octobre 2014 permettent de lever cet obstacle épistémologique à la réhabilitation collective en permettant d'en exclure de façon circonstanciée et objective les auteurs de ces crimes et, précisément, cette proposition de loi ne concerne que les condamnés pour désobéissance militaire.
Deuxièmement, il n'appartenait pas à une commission d'historiens de proposer telle ou telle mesure politique de réhabilitation. Si les historiens tentent d'établir des faits et de les éclairer et si les juges, eux, se prononcent sur des actes individuels, la problématique à laquelle nous sommes confrontés est collective et politique, au sens le plus noble du terme.
Troisièmement, les historiens que j'ai entendus ont tous reconnu que les dossiers d'une partie des « fusillés pour l'exemple » non réhabilités étaient incomplets. Ainsi, M. Éric Viot m'a dit avoir été longtemps partisan d'une réhabilitation au cas par cas avant de changer d'avis. Après avoir étudié dans le détail les dossiers de ces condamnés, il a estimé qu'il manque environ 20 % des dossiers ; d'autres sont vides et quant aux condamnés pour mutilations volontaires, ils auraient dû d'ores et déjà être réhabilités.
Selon M. Jean-Yves Le Naour, « la réhabilitation juridique est une impasse ». L'une des difficultés tient au fait que les condamnés l'ont été régulièrement au regard du droit en vigueur à l'époque et qu'aucun élément ne peut être produit pour faire valoir a posteriori des circonstances atténuantes.
Telles sont donc les raisons d'être de cette proposition de loi. Il ne s'agit pas d'un jugement sur l'histoire, non plus que d'une réhabilitation judiciaire mais d'apaiser une mémoire et de reconnaître qu'aucun déni de justice n'a jamais conforté ni ne confortera jamais les forces morales de nos concitoyens.
L'article 1er propose une réhabilitation générale et collective ciblée, puisque seuls les condamnés pour désobéissance sont visés. Cette réhabilitation, civique et morale, reconnaît un déni de justice et permet l'inscription sur les monuments aux morts des noms des intéressés, dont par ailleurs beaucoup y figurent déjà puisque deux mille conseils municipaux et trente et un conseils départementaux ont adopté des vœux exigeant la réhabilitation des fusillés et ont déjà pris l'initiative d'inscrire leurs noms sur ces monuments. Enfin, elle ouvre la possibilité dont l'ancien secrétaire d'État aux Anciens combattants auprès du ministre de la Défense Kader Arif a déjà usé pour le lieutenant Jean-Julien Chapelant, fusillé sur son brancard dressé contre un pommier, d'accorder la mention « mort pour la France » à ces soldats.
Vous aurez reconnu à l'article 2 les habituelles précautions imposées par l'article 40 de la Constitution.
Cette proposition de loi, dans ses grandes lignes, reprend les dispositions d'une autre proposition de loi qui a déjà été défendue pas moins de trois fois par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à ce détail près que vous ne demandez pas d'accorder la mention « morts pour la France » aux « fusillés pour l'exemple » : vous vous limitez en effet à demander leur réhabilitation générale et collective ainsi que l'inscription de leurs noms sur les monuments aux morts de leurs communes alors que, comme vous l'avez dit, cela est déjà possible.
Ce texte poursuit un objectif mémoriel et symbolique bien plus que pratique puisque l'essentiel de ses dispositions relève, au fond, du domaine réglementaire.
Le groupe La République en marche ne s'opposera pas à cette proposition de loi au seul motif qu'elle n'a pas de portée législative : il serait en effet malhonnête de prétendre que nous nous opposons à la poursuite d'objectifs mémoriels à travers la loi alors que nous avons adopté le projet de loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français.
De plus, je souscris à nombre de vos propos : il est indiscutable que ce qui se jouait dans les cours martiales entre 1914 et 1918 et plus particulièrement entre 1914 et 1915 n'était qu'une parodie de justice, d'abord parce que les droits de la défense n'étaient pas respectés et, ensuite, parce que la justice y était rendue de façon expéditive. Le dire, ce n'est pas procéder à une relecture de l'histoire à partir des principes actuels car ce simulacre de justice a été largement dénoncé par les contemporains : vous l'avez dit, en 1915, des députés se sont battus pour supprimer les cours martiales, ce qui a conduit à la réforme de la justice militaire du 27 avril 1916. Georges Clemenceau disait lui-même que la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ! Je n'ai aucune difficulté à reconnaître avec vous que la justice rendue par ces cours martiales était expéditive. Sans doute cette affirmation peut-elle être d'ailleurs unanimement partagée sur nos bancs.
Je suis en revanche un peu plus mal à l'aise avec d'autres aspects de votre proposition de loi.
Ainsi, en proposant une réhabilitation générale et collective, vous dépassez le cadre légitime de la dénonciation d'erreurs pour aller sur un terrain idéologique et politique. Si beaucoup de soldats ont été exécutés pour de mauvaises raisons, certains d'entre eux avaient déserté deux voire trois fois. Comme le souligne le rapport Prost, « déclarer innocent » un mutin « constitue une négation du devoir militaire », ce qui soulève de nombreux problèmes : cela reviendrait notamment à admettre que la défense nationale n'a jamais été une obligation pour les citoyens et à remettre en cause l'existence même du concept et du statut de « mort pour la nation ».
Cela va même à l'encontre du combat des proches des fusillés, qui ne cherchent pas à nier le devoir militaire mais à faire reconnaître qu'il a été accompli. Les objectifs de la campagne en faveur de la réhabilitation dépassent, de loin, le fait de rendre justice à tel ou tel soldat. Elle vise à régler une question complexe, désormais centenaire, en affirmant une position de principe, ce qui dessert le travail des historiens puisque cela revient à nier la complexité de l'histoire et des situations auxquelles ces soldats ont été confrontés.
Si le législateur peut parfois voter des lois mémorielles tendant à reconnaître une injustice commise par l'État ou le Gouvernement à une époque donnée, il ne lui revient nullement de se substituer aux historiens en imposant une grille de lecture moderne et politisée.
Sur la forme, votre proposition de réhabilitation se heurte à des difficultés pratiques dont le rapport Prost de 2013 avait déjà fait état. La réhabilitation générale soulève en effet des problèmes politiques et historiographiques que vous ne pouvez pas nier. La réhabilitation individuelle a été rendue possible par l'institution de la cour spéciale de justice militaire de 1932 et a conduit à une quarantaine de réhabilitations au cas par cas.
Malgré les initiatives menées en ce sens, comme la numérisation des archives des conseils de guerre, qui sont accessibles en ligne depuis 2014, les réhabilitations au cas par cas sont dans l'impasse : refaire des procès cent ans après les faits n'a aucun sens ; 20 % des dossiers ont été perdus et la plupart de ceux dont nous disposons sont lacunaires. En l'absence de témoins, il est impossible de conclure.
Nous voterons donc contre ce texte.
Nous ne pouvons souscrire au principe de la réhabilitation collective, pour les raisons que j'ai énoncées. Quant à la reconnaissance de la Nation – qu'il ne faut pas confondre avec la réhabilitation –, elle ne nécessite pas l'intervention de la loi. Nombre de chefs d'État ou de gouvernement se sont clairement exprimés, les dossiers sont transparents – je vous renvoie au site « Mémoire des hommes » ou au musée de l'Armée – et il est déjà possible d'inscrire les noms des soldats réhabilités sur les monuments aux morts, comme l'ont fait certains maires. Enfin, pourquoi ne pas laisser aux associations d'anciens combattants, si elles le souhaitent, le soin de faire de l'un des monuments de Riom, de Vingré ou de Saint-Martin d'Estréaux un monument national ?
Si nous partageons une même volonté mémorielle, ce n'est pas à la loi de faire l'Histoire.
Le sfumato est formidable sous le pinceau de Léonard de Vinci et l'impressionnisme est de haute tenue sous celui de Claude Monet mais, dans le domaine juridique, il n'en va pas de même.
Cette proposition de loi se focalise sur la réhabilitation collective et fait des fusillés pour l'exemple un seul bloc.
Nul n'osera dire que cette justice militaire ne s'est pas rendue coupable de monstrueuses injustices, notamment au début de la guerre. Nul ne contestera que les hommes qui ont été fusillés sont morts en raison du malheur de ces temps et de la France et, évidemment, par la France, mais sont-ils morts pour la France ?
Nul, ici, ne peut savoir comment il se serait comporté face à l'horreur de ces combats, sauf peut-être notre collègue Jean-Michel Jacques qui, lui, sait ce qu'est être au feu et qui lui, pourrait se départir de l'humilité dont nous, nous devons faire preuve.
M. le rapporteur a rappelé les lois de 1921, de 1924, de 1925 et la procédure de réhabilitation de 1932. Gardons-nous de tout anachronisme judiciaire ou de toute archéologie juridique : la justice militaire ne respectait évidemment pas alors le droit au procès équitable tel que la Cour européenne des droits de l'homme l'a défini mais la plupart des cas dont la justice a été saisie ont été réhabilités. Nous avons tous en tête les six fusillés de Vingré ou le poilu Gabrielli mais la justice, en son, temps, a réparé les fautes commises par la justice militaire.
Vous-même avez reconnu implicitement que certains avaient désobéi. Si nul ne peut accepter le principe de la décimation, donc, du tirage au sort et de la responsabilité collective, nul ne peut non plus accepter une réhabilitation collective. Dans le cas contraire, les noms de ceux qui ont désobéi figureraient sur les monuments aux morts à côté de ceux qui sont morts pour la France en première ligne. Personne ne jugera leur faute morale mais si la faute est individuelle, la réhabilitation ne peut que l'être également.
Enfin, un siècle après la première guerre mondiale, est-ce intelligent de rouvrir des blessures mémorielles alors que notre pays est déjà si divisé ? La France a besoin d'unité, non de raviver les plaies de l'histoire.
Notre groupe votera donc contre cette proposition de loi. Tous ces combattants sont respectables mais certains ont été à la hauteur des sacrifices que la Nation leur a demandés et d'autres, non.
Cette question ne saurait laisser indifférent. De M. Jospin à M. Sarkozy en passant par M. Hollande, nul n'a oublié ces soldats qui, dans ces terribles circonstances, ont fléchi, ont faibli ou ont eu peur de mourir.
Pourquoi les gouvernements successifs ont-ils été défavorables à la réhabilitation générale de ces militaires dits fusillés pour l'exemple ? Pour répondre à cette question, je me suis appuyé sur le rapport publié par le groupe de travail dirigé par Antoine Prost en 2013.
Le terme « exemplarité » doit appeler notre attention, car généraliser son emploi reviendrait à laisser croire que des soldats ont été fusillés au hasard pour intimider ceux qui auraient été tentés à leur tour de montrer un instant de faiblesse. Or, s'il est vrai que ces condamnations avaient un effet dissuasif sur le reste de la troupe, sous les yeux de laquelle elles avaient lieu, la notion d'exemplarité ne doit pas exclure celle de culpabilité, ces hommes ayant été inculpés à l'époque au regard du code de justice militaire.
C'est précisément pour cette raison que se pose la question de la réhabilitation générale de ces soldats, mais une telle réhabilitation présente, selon le rapport que je viens de citer, deux difficultés historiques, qu'il me semble nécessaire de prendre en considération l'une et l'autre. Tout d'abord, si beaucoup de ces soldats ont été fusillés de manière totalement inacceptable, d'autres l'ont été pour des raisons si sérieuses que les tribunaux de droit commun auraient eux-mêmes pu conclure à ces condamnations. En outre, il faut garder à l'esprit que réhabiliter reviendrait à affirmer qu'une condamnation a été prononcée à tort, ce qui implique de proclamer l'innocence du combattant considéré. Or, selon l'historien Antoine Prost, il ne serait pas légitime, par exemple, que la réhabilitation permette de dire qu'un soldat ayant abandonné son poste est mort pour la France.
Pour ces différentes raisons, il me semblerait plus conforme d'envisager une réhabilitation au cas par cas, prenant en compte l'individualité de chacun des dossiers soumis au ministère des armées, comme pour l'attribution de la mention « mort pour la France » en cas de réhabilitation après-guerre. Néanmoins, il ne doit pas être question de procéder à l'examen de l'ensemble des dossiers, les cas les plus alarmants ayant d'ores et déjà été examinés sérieusement par la justice avant 1939. À l'opposé, la sélection de certains cas symboliques relèverait d'un choix arbitraire, difficile à justifier.
Il convient de ne pas ignorer ces difficultés historiques et de privilégier un examen très pointu des dossiers des soldats concernés par une éventuelle réhabilitation. Si le devoir mémoriel est de mise dans l'histoire d'une nation – nous nous accordons tous ici sur cette nécessité –, l'idée d'une justice rétroactive n'apparaît pas raisonnable. Dès lors, le groupe Démocrates ne peut soutenir ce texte.
S'il ne reste plus en France de survivants du front de la première guerre mondiale, la mémoire transmise au fil des ans reste intacte. Tous ceux qui vécurent cette période et qui revinrent des combats à jamais changés, marqués et, pour certains, brisés exprimèrent le souhait de raconter et de témoigner du front, du vécu, des horreurs. Notre pays portera à jamais les lourds stigmates de ces combats : aucune famille ne fut épargnée ; il fallut reconstruire une population ; surtout, une génération entière fut sacrifiée. Nous avons tous, enfouies dans notre mémoire, les terribles images de ces pauvres soldats se débattant dans la boue et le froid.
Dans ce contexte, nous parlons aujourd'hui d'humanité, celle de ces jeunes hommes engagés dans une guerre, à qui on avait tant demandé et qui, à cause de l'usure physique et psychologique, avaient trouvé leurs limites. Pendant les quatre années de conflit, près de 650 soldats ont été condamnés à mort pour désobéissance ou mutilation volontaire.
Je tiens à rappeler les mots prononcés par Lionel Jospin en 1998 à Craonne, qui firent date : « Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être des sacrifiés. Que ces soldats, “fusillés pour l'exemple”, au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. »
Ces mots ont été repris par les présidents de la République successifs, et il convient désormais de leur donner un sens dans la loi. Les actions entreprises dans l'entre-deux-guerres ont été certes louables mais très circonscrites : elles ont débouché sur la réhabilitation de moins d'un fusillé sur dix ; surtout, elles n'ont pas permis d'apaiser les consciences. Après les déclarations de Lionel Jospin, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, il est temps que cette question émerge de nouveau, d'autant que l'énorme travail de recherche historique mené par les familles et les associations montre que ces hommes ont été, depuis cette guerre, victimes d'un déni de justice. Leur image est déjà réhabilitée dans la conscience collective ; il est temps de réparer les injustices qui les ont touchés, de leur permettre de retrouver dignité et reconnaissance.
Tous les États belligérants de la Grande Guerre possédaient des dispositifs de justice militaire, qui ont prononcé des condamnations à mort. Au fil des années, la plupart des États qui furent nos alliés ont avancé sur cette question : le Royaume-Uni a procédé en 2006 à une réhabilitation générale de nature législative, suivant en cela la Nouvelle-Zélande, qui a réhabilité ses « fusillés pour l'exemple » en 2001, et le Canada, qui a honoré les siens en 2000.
La présente proposition de loi représente une réelle évolution en ce qu'elle prévoit la réhabilitation générale et collective, civique et morale, de ces hommes. Nous savons qu'une réhabilitation au cas par cas, plus de cent ans plus tard, serait impossible. Plus précisément, et cela a son importance, ce texte vise à réhabiliter les soldats condamnés « pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire ».
François Hollande avait fait un pas en faveur de la mémoire de ces hommes en demandant que la question des « fusillés pour l'exemple » fasse l'objet d'un traitement pédagogique au sein du musée de l'Armée, aux Invalides. Cette proposition de loi prévoit en outre que les noms de ces hommes figureront sur les monuments aux morts des municipalités, élément ô combien important pour la transmission et le devoir de mémoire.
La reconnaissance et la dignité sont au cœur du texte. Il est temps que la France fasse ce geste. Pour toutes les raisons que j'ai énoncées, et pour faire avancer l'histoire, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
Je vous adresse à tous mes meilleurs vœux pour l'année qui commence.
Le groupe Agir ensemble remercie les auteurs de cette proposition de loi, présentée par notre collègue Bastien Lachaud, car nous avons ainsi l'occasion d'évoquer à nouveau la question des fusillés de la Grande Guerre, sujet sensible de notre histoire.
De même que les trois premiers groupes qui se sont exprimés – je salue la qualité de leurs orateurs –, nous nous opposerons à l'adoption de ce texte. La justice militaire de la première guerre mondiale a parfois été expéditive et inéquitable ; ce point fait l'unanimité, mais tel n'est pas le cas de la réhabilitation générale des fusillés de la période, quand bien même elle ne concernerait que les condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire. Les associations d'anciens combattants sont loin de demander toutes cette mesure ; plusieurs d'entre elles s'y opposent même. Il en va de même pour les associations historiques de défense des droits de l'homme.
Ces discordances ne viennent pas de nulle part. Si la notion d'exemple a pu mener à des excès, elle ne porte pas en elle-même la marque d'une injustice. Qui plus est, la réhabilitation générale soulève plusieurs difficultés juridiques. Elle reviendrait à affirmer que toutes les condamnations visées ont été prononcées à tort. L'amnistie serait plus recevable, car la réhabilitation signifierait par exemple qu'un soldat ayant abandonné son poste pour la énième fois était innocent, ce qui n'était pas le cas au regard du droit alors en vigueur. Surtout, elle conduirait à affirmer qu'il est mort pour la France, ce qui serait un contresens. Nous pouvons éviter cette information erronée tout en reconnaissant les conditions extrêmement difficiles qui ont pu amener des soldats à désobéir à leur hiérarchie ou à tenter d'échapper aux combats.
L'histoire demeure complexe pour celui qui la lit à travers le prisme de son quotidien et des valeurs de son temps. L'humanité a atteint alors les pires abîmes de son histoire et la survie même de la Nation était engagée. Plus de cent ans après, peut-on réellement comprendre, dans toute leur logique, les décisions de nos aïeux ? S'il faut faire la lumière sur toutes les pages de notre histoire, aussi noires soient-elles, l'humilité doit probablement prévaloir sur la critique.
J'adresse à tous mes vœux de bonheur et de santé.
Je ne reviens pas sur les éléments historiques, présentés de manière très précise par mon camarade Lachaud dans une introduction de grande qualité. J'essaierai modestement d'apporter mon regard et de répondre aux arguments, que l'on peut certes entendre, avancés par nos collègues opposés au texte.
Il est question de faire un geste législatif d'ordre symbolique, donc politique. Nous ne faisons pas l'histoire ; ce sont les historiens qui la font, et nous n'entendons pas nous substituer à eux. Mais c'est éclairés par eux, précisément, que nous pouvons envisager ce nouveau pas législatif.
Le rapporteur l'a précisé, il ne s'agit pas de réhabiliter les 740 « fusillés pour l'exemple ». Lorsque j'ai été auditionné par le groupe de travail animé par Antoine Prost, nous ne disposions pas du chiffre de 639 fusillés n'ayant été condamnés ni pour des faits de droit commun ni pour la participation à des activités d'espionnage. Cet élément nouveau nous a été fourni en octobre 2014 par les historiens, plus précisément par le service historique de la défense, sous l'impulsion du secrétaire d'État Kader Arif. Après avoir écouté les historiens, nous pouvons considérer, en notre qualité de législateurs, qu'il est nécessaire d'accomplir un acte politique.
Des orateurs qui se sont opposés au texte – ce qui est respectable – ont néanmoins prononcé des paroles fortes. Évoquant les conseils de guerre, notre collègue du groupe La République en marche a ainsi parlé de « parodie de justice ». Dont acte. En tant que législateurs, nous pouvons donc signifier, par un acte législatif, que nous ne voulons plus d'une telle parodie de justice et que nous réhabilitons ceux qui en ont été victimes. Ce point justifierait à lui seul que nous légiférions.
Certains collègues ont dit préférer une réhabilitation au cas par cas à une réhabilitation collective. Parlons-nous franchement, cela signifie qu'il n'y aura pas de réhabilitation. En effet, d'après les historiens, 20 % des dossiers ont disparu, et il n'est plus possible d'aller plus loin dans les autres cas, car les témoins ne sont plus là. Cent quatre ans après la fin de la première guerre mondiale, c'est peut-être notre dernière chance de légiférer en la matière.
Sur ces 639 fusillés, ont dit d'autres collègues, nous risquons d'en réhabiliter quelques-uns qui ont, en quelque sorte, mérité leur sort, en tout cas au regard du droit de l'époque. Sans doute. Mais, au nom du fait que certains ont peut-être mérité leur sort, nous ne réhabiliterions pas ceux qui n'ont pas mérité le leur ? Pour ma part, puisqu'il est question d'actes symboliques, je préfère réhabiliter quelques coupables pour permettre la réhabilitation d'un grand nombre d'innocents plutôt que de refuser la réhabilitation des innocents au nom de la présence de quelques coupables !
Quel message voulons-nous envoyer ? Nous sommes tous attachés à notre armée. La grandeur d'une armée tient, bien sûr, à la discipline, mais même la discipline terrible qui est celle du feu doit s'accompagner du respect des hommes. Et la grandeur d'une armée tient aussi à sa lucidité sur sa propre histoire et à sa capacité à être juste – je me félicite d'ailleurs que les services historiques des armées aient apporté leur contribution. Nos soldats, à qui nous demandons parfois de se sacrifier, doivent avoir la conviction que les ordres restent justes même lorsqu'ils sont terribles. Autrement dit, nous nous honorerions en agissant dans ce sens.
Notre collègue du groupe Les Républicains nous a appelés à ne pas rouvrir des plaies. Or tous les protagonistes sont morts, sans exception. On peut comprendre que, pendant longtemps, l'armée n'ait pas été favorable à une réhabilitation générale, car elle ne voulait pas remettre en cause nombre d'officiers qui avaient pris des décisions au front. Cent quatre ans plus tard, tout cela est derrière nous : aucun officier, fût-il à la retraite, ne se sentira visé par ce texte ; personne ne se sentira blessé.
C'est précisément en rejetant ce texte de loi après avoir été éclairés par les services historiques des armées que nous rouvririons des blessures ; comme Français et comme républicains, c'est en acceptant l'idée qu'il y ait des innocents parmi ces 639 fusillés que nous déchirerions la nation ! Je ne le comprendrais pas. Il est des moments où nous devons accomplir des actes de fraternité. Contrairement à notre collègue, je pense que l'adoption de ce texte serait un acte d'apaisement, de nature à fermer définitivement une cicatrice.
La réhabilitation fait effectivement débat parmi les associations mémorielles. Néanmoins, la Ligue des droits de l'homme et la Fédération nationale de la libre pensée, entre autres, continuent à plaider en ce sens.
Le rapporteur n'a pas évoqué la lettre poignante que lui a adressée l'arrière-petit-fils d'un soldat « fusillé pour l'exemple ». Si ce texte était adopté, le nom de son aïeul pourrait enfin être ajouté au monument aux morts du village, et il y serait particulièrement sensible. Je le répète, cela nous honorerait.
Merci, collègue Lachaud, d'avoir présenté ce texte. C'est un sujet difficile, auquel il est légitime de réfléchir. Néanmoins, pour le dire en termes simples, je crois que nous n'insultons personne ; nous ne manquons de respect ni à l'armée ni à nos officiers. Plus que les armées britannique, néo-zélandaise ou canadienne, l'armée française a soumis ses soldats à rude épreuve, en particulier en 1914 et 1915. Rappelons en particulier la rudesse du général Nivelle, évoquée dans les livres d'histoire. Nous pouvons comprendre que, devant le nombre de soldats qui tombaient pour gagner quelques mètres, lorsqu'on n'en venait pas à reculer, certains aient tout simplement voulu que cela cesse et l'aient exprimé de manière désespérée, en se blessant à la main ou, au bout d'un moment, en refusant d'obéir à une consigne.
Nous disons que nous ne voulons plus que cela se reproduise. Adopter ce texte, c'est tourner cette page de l'histoire et mieux se projeter vers l'avenir.
Meilleurs vœux à tous ! Je tiens d'abord à vous remercier, Monsieur le rapporteur, d'avoir inscrit à l'ordre du jour, au nom du groupe La France insoumise, cette proposition de loi visant à réhabiliter les « fusillés pour l'exemple » durant la première guerre mondiale. Hommage doit être rendu aux infatigables militants de la paix qui font progresser cette cause, année après année, depuis plus de cent ans. Ugo Bernalicis et moi avons eu l'honneur de rencontrer de nombreux membres de ces associations et de ces mouvements le 6 avril 2019 à Chauny, lors de l'inauguration d'une magnifique sculpture en hommage à ces fusillés.
Ce sujet de fond tient à cœur aux députés communistes, qui ont beaucoup œuvré pour le faire émerger au Parlement. Dès 2012, mes collègues avaient déposé une proposition de loi relative à la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple » de la guerre de 1914-1918. Mme la présidente et plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, ce texte avait été examiné en séance publique le 26 mai 2016, lors d'une niche parlementaire du groupe GDR. Mon collègue Jean-Jacques Candelier était alors à votre place, Monsieur le rapporteur. À l'époque, les socialistes et les radicaux de gauche, qui appartenaient à la majorité, avaient voté contre ce texte, de même que les élus de droite et du centre. Aujourd'hui, le groupe socialiste soutient cette proposition de loi, signe qu'elle a prévu une évolution nécessaire.
Jean-Jacques Candelier l'avait rappelé à l'époque, la question des « fusillés pour l'exemple » résonnait déjà dans l'hémicycle de l'Assemblée en 1916, notamment grâce à l'un de nos brillants prédécesseurs, Paul Meunier. Avocat et député, défenseur acharné des droits des soldats lors de la première guerre mondiale, il intima à l'exécutif d'en finir avec les conseils de guerre spéciaux, responsables de tant d'exécutions injustes. Il défendit un texte de loi en ce sens dès 1916. Le Havrais que je suis tient à rappeler que Paul Meunier avait été, en 1910, l'avocat de l'illustre docker Jules Durand, considéré par Jaurès comme le Dreyfus de la classe ouvrière. Je fais ce parallèle entre Jules Durand et les « fusillés pour l'exemple », car beaucoup de ces 639 fusillés étaient – ainsi le voulait l'époque – des ouvriers ou des paysans. Or c'est là une question de fond : il s'agit de réhabiliter des ouvriers et des paysans, parfois méprisés par la classe dirigeante, qui se battaient pour des objectifs qui les dépassaient souvent, notamment flatter l'ego de leurs généraux ou de leurs maréchaux.
Ces êtres humains qui ont refusé de repartir au combat, ont reculé ou ne sont pas sortis des tranchées, parce qu'ils ne comprenaient pas ou plus le sens d'assauts aussi inutiles que mortels, doivent être rétablis dans leur dignité. Tous ces gens avaient des raisons de ne pas aller au combat, et rien ne peut justifier le châtiment mortel qui leur a été infligé.
Entre 1914 et 1918, 2 500 soldats ont été condamnés à mort par les conseils de guerre, et 639 ont été fusillés sur le front. Ils ont parfois été choisis au hasard et exécutés pour l'exemple, comme meneurs, sans autre forme de procès. De ces 639 personnes, seule une quarantaine a été réhabilitée, principalement lors des années 1920 et 1930. Nous devons enfin aller plus loin.
Depuis deux décennies, ce sujet revient au plus haut niveau de l'État. Des hommages ont ainsi été rendus en 1998 par Lionel Jospin, en 2008 par Nicolas Sarkozy et en 2013 par François Hollande. Il est grand temps de passer à du concret, alors que, en rupture avec ses prédécesseurs, l'actuel Président de la République n'a jamais évoqué cette question. Lors de sa très pompeuse itinérance mémorielle dans les Hauts-de-France, à l'occasion du centenaire de l'armistice de novembre 1918, il a soigneusement évité le sujet, malgré des interpellations.
D'aucuns refusent de réhabiliter collectivement ces fusillés sous prétexte que, peut-être, certains d'entre eux avaient des motivations antipatriotiques : ils ont donc peur de réhabiliter « par erreur » certains soldats. Or, disons-le clairement, c'est une diversion. Personne ne mérite la peine de mort, nous en sommes tous convaincus, désormais, pas même ceux qui auraient pu être coupables d'une faute. Ces fusillés méritent collectivement la reconnaissance de la nation pour avoir tenté de survivre dans cette horreur, au même titre que tous leurs camarades qui ont participé à la Grande Guerre.
Il faut impérativement avancer vers une réhabilitation collective, pour en finir avec ce problème qui maltraite la mémoire de ces ouvriers et de ces paysans que l'on a envoyés au front dans des conditions totalement inhumaines. Je partage la conclusion de notre collègue de La France insoumise : il faut, à un moment donné, de la fraternité, et il faut clore ce dossier. Ce n'est pas en restant dans la situation actuelle que nous refermerons cette période de notre histoire. Une fois que l'exécutif s'est prononcé, avec les mots que les uns et les autres ont rappelés, c'est peut-être le rôle des parlementaires d'accompagner par leur vote un tel geste fraternel, afin de refermer cette page de l'histoire et de pouvoir la transmettre aux générations à venir comme il le faut, sans nier la réalité des faits. Merci, en tout cas, au groupe qui a de nouveau inscrit cette question à l'ordre du jour.
Cette question me touche. Dans ma circonscription, le cas du sous-lieutenant Chapelant est évoqué chaque année. Il a été reconnu « mort pour la France » mais n'a pas fait l'objet d'une réhabilitation complète.
Je comprends la nécessité de continuer à avancer sur la voie de la réhabilitation de certains soldats, pour les familles et pour l'histoire, mais je ne voterai pas cette proposition de loi. Elle tend, en effet, à réhabiliter l'ensemble des soldats concernés, sans faire de différence entre ceux qui ont peut-être été exécutés pour de mauvaises raisons et les autres. Il faut également se replacer dans le contexte de l'époque : on pratiquait alors des exécutions.
La question n'est peut-être pas close. On peut continuer à demander des réhabilitations, pour des cas particuliers, mais je ne vous suivrai pas s'agissant de ce texte.
La position que je défends a fait l'objet d'une unité très large sur les bancs de l'Assemblée jusqu'à la seconde guerre mondiale. C'est cette dernière qui a fait passer, d'une certaine manière, ce combat à l'arrière-plan. Quand il a repris, il y a quelques décennies, sont apparues des lignes de fracture qui n'existaient pas auparavant, y compris dans le monde combattant.
Certains ont dit qu'il n'y avait pas de différence avec les précédentes propositions de loi déposées sur ce sujet. C'est inexact : celle-ci exclut les personnes condamnées pour des faits de droit commun et pour espionnage. Elle cible, pour la première fois, les 639 personnes condamnées pour désobéissance militaire, recensés par les services historiques du ministère de la défense. Il existe donc une véritable différence, qui est permise par les travaux des historiens.
Les personnes fusillées en 1914 et 1915 n'étaient pas des mutins : les mutineries datent de 1917. Le sous-lieutenant Chapelant, cité par Mme Bureau-Bonnard, n'a pas pu être réhabilité par l'exécutif. Le secrétaire d'État aux anciens combattants de l'époque, Kader Arif, n'a pu que le déclarer « mort pour la France », ce qui relève du domaine réglementaire. Or une réhabilitation ne serait-elle pas juste dans ce cas-là ? Et dès lors, pourquoi pas pour les autres ?
M. Thiériot ne souhaite pas que les noms de traîtres apparaissent sur les monuments aux morts.
En effet. Vous ne souhaitez pas que les noms de personnes justement condamnées apparaissent sur ces monuments. Mais nombre de communes y ont déjà inscrit, indistinctement, les noms des « fusillés pour l'exemple ». Combien, parmi eux, l'ont été justement ? Nul ne le sait. Pourquoi inscrire leurs noms sur les monuments aux morts dans certaines communes et pas partout ? C'est une injustice de plus qui s'ajoute à celle de leur condamnation !
Ce qui est certain, quels que soient les actes commis par ces personnes, c'est que toutes, sans exception, ont été victimes d'une procédure inique et arbitraire – pas d'instruction, pas d'avocat professionnel, pas de circonstances atténuantes, aucun recours et aucun droit de grâce. Le simple fait d'avoir été victime d'une justice inique et arbitraire justifierait une réhabilitation collective. Aucun de ces jugements ne peut être considéré comme valide.
Les plaies, malheureusement, sont encore vives, et ce n'est pas cette proposition de loi qui les rouvre. Le combat pour la réhabilitation mobilise, il faut le saluer, de nombreuses associations : la Fédération nationale de la libre pensée, la Ligue des droits de l'homme et d'autres encore. Alexis Corbière a évoqué le message, d'un descendant de fusillé, que j'ai reçu. Il faut refermer les plaies, et pour cela on doit réhabiliter. Nous sommes cent quatre ans après la fin de ce terrible conflit, mais il n'y a pas de juste moment pour dénoncer une injustice : on doit le faire quand on en a l'occasion, et nous l'avons aujourd'hui.
Il est impossible de savoir si ces personnes ont failli. Il y a forcément des héros parmi elles. Qui peut dire, en effet, qu'un poilu n'était pas un héros ?
Je remercie les orateurs qui se sont prononcés pour l'adoption de ce texte. Les autres estiment, d'une certaine manière, qu'il vaut mieux flétrir le nom d'hommes injustement condamnés que de risquer d'honorer des soldats coupables de désobéissance, face à l'horreur des tranchées. Ce faisant, c'est vous qui portez un regard d'aujourd'hui sur les événements d'hier.
Je tiens à citer les propos du brancardier-musicien Leleu, du 102e régiment d'infanterie : « Je me suis laissé dire qu'après la guerre, des fusillés avaient été considérés comme “ morts pour la France ”, ce qui serait une sorte de réhabilitation. Je ne sais si cela est exact, mais, quant à moi, je crois sincèrement que beaucoup de ces malheureux sont effectivement morts pour le pays, car c'est la France qui les a appelés, et c'est pour elle qu'ils se sont battus, qu'ils ont souffert là où les menait leur tragique destinée, et ce n'est pas un moment de défaillance physique ou morale qui peut effacer leur sacrifice. J'ose m'incliner devant leur mémoire. Jugera qui voudra, à condition qu'il soit passé par là. »
Je n'aurais jamais osé comparer les combats de 1914 avec les OPEX actuelles, quelle que soit la valeur de nos soldats ! Nul ne peut revivre l'existence des poilus et l'horreur des tranchées.
Une publicité, visant à frapper de déshonneur, d'opprobre les soldats et leur famille, a entouré les exécutions. Voici un extrait du rapport d'Antoine Prost : « Dans la société d'interconnaissance des villages et des faubourgs, on savait que le fils untel avait été fusillé, et la réputation de toute la famille en était entachée, comme s'il avait tué quelqu'un. Certains faisaient honte de leur père aux enfants des fusillés dans la cour des écoles ; leurs parents, leur femme, leurs frères et sœurs se sentaient montrés du doigt. La famille tout entière ressentait l'opprobre. “ Ma grand‐mère a subi toute sa vie les sarcasmes et l'opprobre de nombreuses personnes et n'a jamais bénéficié de pension, élevant seule et difficilement sa fille, ma mère ”, écrit le petit‐fils d'un soldat probablement fusillé ». Pour l'honneur de ces familles, une réhabilitation est nécessaire.
Je rappelle aussi ce qu'a dit le député Aristide Jobert lors d'un débat portant sur le Chemin des Dames : « En présence des faits criminels commis par des généraux, la faute de ces soldats devient excusable sinon inévitable. Quels sont les coupables ? On en a fusillé et je trouve cela épouvantable. On en a fusillé peu mais c'est encore trop. N'y en eût-il qu'un, ce serait trop. Messieurs, ces coupables qui sont des victimes ont droit à la justice, et nous devons nous opposer à ce qu'aucune exécution de ce genre soit désormais consommée. Il est déjà trop tard. [...] Je vous demande, Monsieur le ministre de la guerre, de vous montrer juste. Dans l'ordre du jour que mes amis et moi déposerons, nous demanderons une amnistie pleine et entière pour tous ces faits. » Chers collègues, je vous demande, comme en 1917, d'être justes lors de votre vote.
Article 1er
Cet article précise les conditions de la réhabilitation civique et morale que nous proposons.
Le travail du service historique de la défense, publié le 27 octobre 2014, et donc après la parution du rapport de M. Antoine Prost, permet d'identifier précisément les 639 personnes condamnées pour désobéissance militaire. Sont exclus du champ de la proposition de loi les 141 militaires condamnés et fusillés pour des faits de droit commun, les 126 qui l'ont été pour espionnage, ainsi que ceux exécutés sans jugement et déjà réhabilités par la loi d'amnistie du 9 août 1924.
La réhabilitation à laquelle procède la proposition de loi est générale et collective, par opposition à une réhabilitation au cas par cas, de nature judiciaire. Civique et morale, cette réhabilitation est justifiée par le déni de justice dont les condamnés ont fait l'objet, caractérisé par le non-respect des droits de la défense, l'ignorance délibérée de toutes circonstances atténuantes, le recours au tirage au sort, une instruction préalable inexistante et la suspension des voies de recours. Je le redis, car la répétition est la meilleure des pédagogies.
Les alinéas 2 et 3 précisent les conséquences de cette réhabilitation législative : les nom et prénom des intéressés sont inscrits sur les monuments aux morts ; en outre, un monument national est érigé en vue de rendre hommage à la mémoire des « fusillés pour l'exemple ».
L'attribution de la mention « mort pour la France » peut être décidée par le pouvoir réglementaire et non par le législateur. L'attribution de cette mention au sous-lieutenant Chapelant par le secrétaire d'État Kader Arif montre bien qu'une telle mesure relève du Gouvernement et qu'elle est distincte de la réhabilitation judiciaire et de la réhabilitation politique.
La commission rejette l'article 1er.
Article 2
Cet article établit une compensation financière, mais il n'a plus d'objet dès lors que l'article 1er n'a pas été adopté.
La commission rejette l'article 2.
La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.
Ce texte est inscrit à l'ordre du jour, en procédure d'examen simplifié, le jeudi 13 janvier. Je remercie le rapporteur de nous avoir donné l'occasion d'avoir ce débat, qui a permis de soulever des questions très importantes, ayant une résonance dans l'actualité.
Je suis surpris que nous ne soyons pas capables de nous retrouver sur cette question et de faire preuve de fraternité et d'humanité tous ensemble, pour apaiser cette mémoire qui ne cesse de hanter l'histoire de la première guerre mondiale.
Nous avons, les uns et les autres, des conceptions différentes de l'humanité, de l'humanisme et de la fraternité : il faut raison garder.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Françoise Ballet-Blu, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Christophe Blanchet, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean-Paul Lecoq, M. Christophe Lejeune, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Isabelle Santiago, M. Jean-Louis Thiériot, M. Stéphane Trompille
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Castaner, Mme Marianne Dubois, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Didier Le Gac, M. Jacques Marilossian, Mme Catherine Pujol, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson
Assistait également à la réunion. - M. Alexis Corbière