Intervention de Françoise Dumas

Réunion du mardi 4 janvier 2022 à 18h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente :

Mes chers collègues, je vous adresse, en ce début d'année, mes meilleurs vœux pour 2022, qui sera une année politique importante pour notre pays et pour nous tous. Je vous souhaite de connaître joie, bonheur et sérénité dans votre vie personnelle et de conserver – je sais que c'est le cas – la détermination, la force et l'envie de continuer à servir notre pays.

Mes pensées vont à tous nos militaires, qui ont été particulièrement sollicités l'an dernier. Je sais, tout comme vous, leurs sacrifices et ceux de leurs familles ; je veux donc leur transmettre, en votre nom à tous, l'expression de notre gratitude et nos vœux d'accomplissement personnel et professionnel. Je salue la mémoire du caporal-chef de 1re classe Jérémy Amoroso, décédé le 30 décembre, à la suite d'un malaise, dans la région de Cilaos, sur l'île de La Réunion, où il était déployé dans le cadre d'une mission de courte durée.

Notre ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de loi présentée par le groupe La France insoumise dans le cadre de sa niche parlementaire. Cette proposition de loi, dont le rapporteur est Bastien Lachaud, a pour objet la réhabilitation des militaires dits fusillés pour l'exemple durant la première guerre mondiale.

Comme certains d'entre vous le savent, ce n'est pas la première fois que notre commission est appelée à examiner cette délicate question. Sous la précédente législature, en mai 2016, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), par l'intermédiaire de Jean-Jacques Candelier, avait en effet soutenu une proposition de loi similaire en faveur de la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple », proposition qui, à l'époque, avait été rejetée.

La question des fusillés pendant la première guerre mondiale, souvent confondue avec celle des mutins de 1917, revient régulièrement dans le débat public. Ainsi, dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, le président François Hollande avait missionné sur le sujet une commission d'historiens présidée par Antoine Prost. Il est intéressant de relever que cette commission n'avait pas préconisé la réhabilitation collective des fusillés. Elle avait en revanche recommandé un certain nombre de mesures en faveur de leur mémoire, mesures qui ont été mises en œuvre depuis – je pense notamment à la création d'un espace dédié au musée de l'Armée ou à la numérisation des dossiers d'archives.

Fallait-il aller plus loin ? Nous allons en débattre. En tout cas, force est de constater qu'il s'agit d'un débat riche et passionnant qui ne peut qu'interpeller chacun d'entre nous, tant il soulève des questions sensibles auxquelles il est difficile de répondre de manière tranchée. Je m'en tiendrai à deux exemples.

La première problématique mise en exergue par ce débat est celle de la délicate articulation entre les exigences de l'état militaire, notamment celles de la discipline, et celles de la justice, dans un contexte où de nombreux manquements à la discipline militaire sont d'abord des infractions pénales et où les orages de feu et d'acier ont fait, pour ce qui est de la France, entre 1914 et 1918, 1,3 million de morts et plus de 1 million d'invalides. Comment penser un juste équilibre face à une telle brutalisation ? On sait que la perception du problème évolue avec le temps. La réponse d'aujourd'hui n'est pas celle qui aurait pu être apportée hier. En toute hypothèse, il importe de donner du sens tant à la mort de celui qui est allé au-devant des balles qu'à la mort de celui qui a pu s'y soustraire. La réponse, au fond, est politique, car elle touche au sens qu'il faut donner aux extrémités que la République peut exiger pour sa défense. On sait du reste que la notion même de « fusillés pour l'exemple » a une histoire propre, qui revêt une forte dimension politique.

La seconde question soulevée par la proposition de loi est celle du rôle du législateur face à l'histoire. Si des injustices ont certainement été commises à l'occasion de condamnations à mort et d'exécutions, est-ce le rôle des députés de « réhabiliter » ces soldats ? La réhabilitation est un mot fort, puisqu'il s'agit, sinon de rejuger, du moins de revenir sur un précédent jugement de condamnation. Est-ce à la représentation nationale de le faire ?

Nous allons à présent écouter les arguments de notre rapporteur concernant ces questions épineuses soulevées par sa proposition de loi.

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