Intervention de le général Christian Rodriguez

Réunion du mardi 25 janvier 2022 à 17h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Christian Rodriguez :

Concernant les mutualisations, la Cour des comptes a examiné de nombreux sujets dont certains avaient évolué entre-temps. Pour autant, beaucoup de changements ont été effectués. Ainsi, sur le plan logistique, la gendarmerie a été intégrée dans l'écosystème du ministère, avec la création des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI). Le ministre souhaite approfondir ce processus car les SGAMI peuvent être éloignés du policier ou du gendarme. Nous y travaillons avec le secrétaire général du ministère afin de trouver un moyen d'être performant tout en mutualisant nos chaînes. Les garages sont à ce titre un sujet récurrent. J'ai assisté hier à une présentation du dossier tel qu'il est travaillé actuellement avec le secrétaire général du ministère. Des garages seront mutualisés, mais nous conservons des capacités de projection dont nous avons besoin lorsque nous missionnons des gendarmes à une certaine distance de leur base. Nous aurons également accès à des éléments nécessaires pour l'entretien de certains moyens très particuliers tels que les blindés. Des mécaniciens de la gendarmerie pourront prochainement répondre à cette demande. D'autres éléments ont été mutualisés : la direction numérique ; le bureau des affaires immobilières de la gendarmerie qui se trouve dans les rangs du secrétariat général du ministère ; la direction de la coopération internationale et le service des achats. Pour d'autres sujets qui nécessitent une avancée comparable se pose la question du coût d'entrée, tels que la formation des motards. Il m'est arrivé par le passé de demander à la police si elle disposait de places supplémentaires pour intégrer nos motards dans ses formations. À des fins de mutualisation et de moindres dépenses, le coût d'entrée doit être assumé. Je suis un adepte des études d'impact. Un projet de mutualisation nécessite une analyse quant à son impact budgétaire. Un regard pragmatique est essentiel. Nous avons donc d'ores et déjà opéré diverses mutualisations, et nous ne sommes pas opposés à continuer. Avec le ministère des Armées, des mutualisations sont toujours en cours. En 2008, lorsque nous avons changé de ministère, une délégation de gestion-cadre a été opérée. Elle concerne l'immobilier outre-mer, le maintien en condition opérationnelle aérien, le patrimoine et des sujets logistiques. Nous y avons laissé des ETP et des crédits hors titre 2 qui demeurent abonnés à un dispositif efficace, par exemple pour le soutien social ou médical. Six cent ETP ont été transférés pour que l'ensemble des soutiens puisse être réalisé. Des progrès demeurent nécessaires mais nous avons considérablement avancé depuis 2007-2008.

Je partage votre avis concernant les crédits et la déconcentration. Le ministre a demandé la mise en place d'un plan « Poignées de porte » pour des réparations immédiates. Les montants atteignent 15 à 20 millions d'euros. On doit descendre les crédits mais pas la « machinerie », qui serait trop lourde à assumer pour les échelons territoriaux. Les crédits de réserve opérationnelle sont intégralement déconcentrés. Nous examinons la possibilité d'une augmentation de cette capacité.

Concernant le bilan de GEND 20-24, les orientations fixées par le Président de la République sont suivies. Dans la logique de la sécurité sur mesure, il existe 84 projets différents pour une meilleure adaptation du service de la gendarmerie au territoire et à la population, avec un niveau de granularité très bas. Le dispositif de consultation et d'amélioration du service (DCAS) permet d'échanger nos observations avec les élus concernant des projets réalisés et de travailler sur les prochaines échéances. Nous cherchons des mesures pour améliorer ce dispositif en faisant confiance à ceux qui sont sur le terrain. Par ailleurs, nous avons œuvré pour faciliter les démarches des usagers au regard des retours d'expérience que nous recueillons via Vox Usagers, c'est ainsi que nous avons permis les prises de rendez-vous en ligne. Si à ce jour, ces processus ne sont pas encore courants au sein de l'administration, ils le deviendront rapidement.

En termes de sécurité du quotidien, nous avons augmenté notre présence d'un million d'heures depuis la fin de l'année 2019. Nous avons trouvé un moyen d'alléger les tâches administratives qui bloquent les gendarmes dans nos locaux. Nous avons économisé 2 953 tonnes de dioxyde de carbone avec le renouvellement des véhicules et une gestion différenciée de ces derniers. 71 000 actions de sensibilisation ont été menées à l'égard des seniors ; 90 000 actions ont été menées auprès des commerçants et des artisans. Nous avons audité 39 629 entreprises, 4 504 établissements de santé et 14 367 collectivités locales sur les cybermenaces. Nous continuons nos actions en ce sens, dans une logique de proximité avec les populations sur les territoires. Dans les transports publics, nous avons augmenté le nombre d'heures de présence des gendarmes de 18 % par rapport à 2017.

Concernant l'innovation, j'ai évoqué le recrutement de scientifiques, nous poursuivons cette démarche. Nous développons les éléments qui se rapportent au cyber, au travail et à la mobilité, notamment au travers de l'application « Ma sécurité ». Cette application, commune aux gendarmes et aux policiers, a dernièrement été présentée par le ministre, à Nice. Quant à l'application à destination des élus, elle a été téléchargée un grand nombre de fois. Enfin, nous avons augmenté de 7 % les patrouilles sur les voies publiques ces deux dernières années.

Le logement constitue notre centre de gravité. Il y a quelques années, une société privée a évalué les besoins sur le secteur domanial à 300 millions d'euros par an. Jusqu'à présent, 110 millions d'euros représentaient une bonne année. Depuis 2022, nous infléchissons cette trajectoire, ce qu'il faudra continuer dans les années à venir. C'est tout l'intérêt de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI) qui doit nous permettre d'y arriver. A la demande du ministre, nous étudions d'autres modèles, à l'image de la foncière. Concernant le locatif, nous payons 535 millions d'euros de loyer par an.

Concernant le plan 10 000, mon rôle est de faire au mieux avec les effectifs dont je dispose. La volonté du Président de la République de créer de nouvelles brigades ne peut s'accompagner que d'une augmentation des effectifs. Les 2 500 gendarmes du plan 10 000 ont tous, à quelques exceptions près, été placés dans des unités territoriales. Redensifier le maillage territorial est une excellente idée. Le mouvement des gilets jaunes est composé d'individus qui travaillent et voient les services publics s'éloigner. Ils voient les prix de l'essence qui augmentent, le niveau de vie diminue. C'est sur cette France que nous veillons. En recréant des brigades, nous contribuerons à la régulation sociale aux côtés des élus. Il s'agit de redonner aux territoires une confiance dans les services publics au travers des maisons France services ou des brigades itinérantes que j'ai mentionnées précédemment. Nous avons la volonté d'amener les services publics au contact des usagers.

Je ne rencontre pas de problème d'attractivité pour le moment, y compris dans le domaine du numérique. Les jeunes qui nous contactent cherchent un cadre structuré dans lequel servir. Nous connaissons peu de départs. Nous n'avons jamais eu d'aussi bonnes relations avec les armées qu'actuellement. En effet, auparavant, nous dépendions des mêmes budgets, ce qui pouvait poser problème. Ce n'est plus le cas désormais, tandis que nous travaillons davantage ensemble. En effet, il est vertueux que nous appartenions au même ministère de tutelle que la police. La ministre des Armées dispose toujours de certaines compétences concernant les ressources humaines de la gendarmerie, tandis que l'emploi et le budget concernent le ministère de l'Intérieur. Cette répartition engendre un équilibre intéressant et fonctionnel.

Concernant les sujets de police judiciaire et de police/gendarmerie, il existe un intérêt à cette séparation. Il s'agit notamment d'une garantie pour le magistrat de pouvoir choisir un service enquêteur. Pour autant, s'agissant des offices centraux, il demeure possible d'améliorer nos dispositifs. Une mission de l'inspection générale de l'administration y travaille. Je reste un ardent défenseur de la possibilité pour le magistrat de choisir le service enquêteur.

Nous souhaitons rapprocher nos forces d'intervention du haut du spectre (GIGN, RAID, BRI). Les effectifs travaillent ensemble. Ce fut le cas lors des terribles attentats qui ont touché la France. Nos forces d'intervention ne sont pas trop nombreuses. On le constate quand nous devons les projeter en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.

Nous travaillons sur les réseaux radio du futur pour lesquels nous ne disposons pas encore de l'intégralité des arbitrages. Un schéma intermédiaire existe avec PC Storm. Ce dispositif permet de créer des bulles de communication qui reposent sur les opérateurs nationaux au travers d'un système de roaming (itinérance). Cette méthode permet d'attraper le réseau le plus performant à l'instant T. RUBIS sera entretenu pendant quelques années. Lors de la tempête Alex, il s'agissait du seul réseau utilisable jusqu'à l'arrivée des téléphones satellites. Cela soulève effectivement la question de la résilience en cas de panne des réseaux commerciaux, mais une résilience totale avec deux réseaux parallèles est probablement hors de portée budgétairement.

Sur le sujet du matériel, le maintien de l'ordre est un métier. Nous ne pouvons pas demander à des PSIG ou à des gendarmes de brigade d'être des spécialistes du maintien de l'ordre. Pour autant, les PSIG disposeront d'un pilier maintien de l'ordre à l'instar des gendarmes mobiles. Ainsi, ils monteront en gamme pour être en mesure de se protéger.

À la suite du drame de Saint-Just, j'ai pris une dizaine de décisions, dont la transformation des postes de gendarmes adjoints volontaires (GAV) en sous-officiers de gendarmerie. Cette procédure a concerné 3 000 GAV. Le métier est dangereux pour tous. Toutefois, les PSIG sont engagés en raison de la dangerosité. Il était nécessaire de faire preuve de cohérence en transformant les postes de volontaires. En termes de matériel, nous avons augmenté le nombre de postes radio. Nous avons également travaillé sur les équipements balistiques afin qu'ils présentent une meilleure résistance à l'impact. Ce drame a engendré de nombreuses réflexions qui ont abouti à la mise en place de matériels et de procédures, ce que nous poursuivons aujourd'hui. L'enjeu est de disposer de personnels mieux formés, de densifier notre réseau afin qu'il soit mieux équipé et que nos gendarmes soient entraînés de manière régulière.

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