Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Françoise Dumas, présidente de notre commission, pour son absence. Elle effectue, avec deux de nos collègues, une mission auprès des éléments français au Gabon.
C'est ce déplacement qui me vaut l'honneur d'accueillir en notre nom à tous Mme Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées.
Les enjeux de défense de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) sont le thème principal de cette audition, mais, étant donné l'étendue de vos compétences, Madame Guitton, je serais très étonnée que mes collègues ne tentent pas de recueillir votre point de vue sur d'autres questions d'actualité.
La PFUE, qui a commencé le 1er janvier, intervient dans un contexte de crises internationales qui intéressent tout particulièrement l'Union européenne. Je pense à l'Ukraine, bien sûr : une centaine de milliers de soldats russes sont massés aux frontières du pays. Je pense également au Mali, dont les autorités ont récemment expulsé notre ambassadeur et renvoyé le contingent danois de la task force Takuba. La zone Indo-Pacifique, quant à elle, est toujours marquée par de fortes tensions entre la Chine et les États-Unis, dont notre pays a fait les frais en septembre dernier avec l'annulation du contrat des sous-marins australiens.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les enjeux de défense occupent très largement la PFUE. C'est dans ce contexte tendu que l'Union européenne parachève sa « boussole stratégique », qui doit être adoptée lors du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022. Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu du projet et l'avancée des travaux ? Peut-on espérer que la version finale soit à la hauteur des enjeux ?
Si la boussole stratégique a vocation à donner un cadre ou une direction à l'action de l'Union européenne en matière de politique de défense et de sécurité commune pour les années à venir, trois enjeux appellent une réponse plus urgente.
D'abord, l'OTAN doit adopter son nouveau concept stratégique en juin prochain, lors du sommet de Madrid. Comment percevez-vous l'avancée parallèle des travaux européens et otaniens ? Quelle est la teneur des discussions ? Êtes-vous optimiste quant à la bonne articulation finale des deux documents ? Je ne vous le cache pas, la compréhension qu'a le secrétaire général de l'OTAN des enjeux de l'Europe de la défense suscite notre inquiétude.
La Russie et l'architecture de sécurité en Europe posent elles aussi question. La situation en Biélorussie et à la frontière de l'Ukraine est très préoccupante. À cet égard, nous soutenons la démarche de désescalade engagée par le Président de la République. Alors que nous sommes encore en pleine crise et que nous entendrons la semaine prochaine les ministres concernés, il serait utile que vous reprécisiez les voies ouvertes pour conforter l'architecture de sécurité. Quel regard portez-vous sur le bilan des sanctions adoptées depuis 2014 et sur la perspective de nouvelles mesures ? Dans un contexte de dépendances croisées, en particulier en ce qui concerne l'approvisionnement énergétique, de telles sanctions ne sont pas sans risques.
Enfin, compte tenu de l'évolution de la situation politique au Sahel, comment les réflexions autour de la présence européenne dans la région s'organisent-elles ? Nous devons rester engagés, « mais pas à n'importe quel prix », comme l'a affirmé plusieurs fois Josep Borrell à l'unisson des pays européens. En l'état des travaux, et en fonction de ce que vous pourrez nous en dire, quelle évolution peut-on entrevoir, au sujet tant de la mission de formation de l'Union européenne (EUTM) au Mali que de la task force Takuba et de l'opération Barkhane ?