Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je voudrais d'abord féliciter nos collègues pour ce rapport précis et intéressant, du moins à l'aune de la présentation qui nous en a été faite, puisque le rapport lui-même n'a pas été distribué. Nos armées et la préparation à la guerre de haute intensité peuvent être perçues comme une assurance. Nous cotisons tout en espérant que nous n'en aurons pas besoin. Par contre, comme dans notre quotidien, la première mesure qui nous évite d'utiliser notre assurance est une vie prudente. N'oublions donc pas que la guerre de haute intensité doit être le dernier recours après la diplomatie et le dialogue. Vous avez eu des mots très justes sur cette question, parlant notamment du dialogue politique qui doit nous éviter de devenir les victimes d'un mécanisme d'addiction au jeu pour reprendre, je crois, une expression que vous avez employée.

Je voudrais revenir sur trois points qui me semblent essentiels. Le premier a trait à la résilience de la population. Je parle de la population entière et pas seulement de nos armées. Une guerre moderne de haute intensité avec, par exemple, des campagnes de désinformation, des attaques cyber, des actions de désorganisation de nos services essentiels ou d'attaques sur des sites stratégiques comme les centrales nucléaires, affecterait autant la population que des cibles militaires sur notre territoire. Je pense en particulier au risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). Nous allons rendre avec ma collègue Carole Bureau-Bonnard la semaine prochaine un rapport sur ce sujet, qui sera bien sûr excellent. (Sourires) Je pense qu'il est important de revenir sur ces risques NRBC, qui ont été insuffisamment pris en compte depuis quelques années. Est-ce que l'on prépare suffisamment la population ? La Suède par exemple, mêle la défense militaire à la protection civile. Est-ce que l'on fait suffisamment, vous l'avez dit, sur le service national universel avec une forme de conscription ?

Cette question mène directement à mon deuxième point : notre perte de souveraineté à la suite de la désindustrialisation avancée, commencée par la mise en concurrence des États européens dans les années 1980 et une multi-délocalisation, notamment en Asie. Nos dépendances touchent tous les secteurs : l'industrie, les matières premières critiques, la production de munitions et de pièces détachées, la santé, les productions de masques et de médicaments, l'alimentation mais aussi, et surtout, l'énergie avec le pétrole importé. Comment mener une guerre de haute intensité sans pétrole pour les avions et les chars ? Se préparer à un conflit de haute intensité, c'est d'abord réindustrialiser notre pays, regagner notre capacité de production, d'innovation et de savoir-faire. C'est indispensable pour avoir une base industrielle et technologique de défense de haut niveau.

Mon troisième point concerne le financement de notre défense. J'y reviendrai cet après-midi, avec le chef d'état-major des armées. Un renouvellement de l'équipement des forces armées françaises pour permettre des interventions simultanées et sur des terrains multiples est indispensable. Il a lieu en ce moment dans le cadre de la loi de programmation militaire mais il y a des carences. Je reviendrai encore une fois sur le NRBC. Trop de véhicules ne sont pas protégés, par exemple.

Enfin, je termine avec la question de la dissuasion nucléaire. Cette dissuasion nucléaire dévore une grande partie de nos moyens, plus de treize millions d'euros par jour. Mais quel est son rôle dans la guerre de haute intensité ? Vous avez parlé, je crois, d'un risque d'ascension aux extrêmes. Est-ce que la dissuasion nucléaire permet réellement de prévenir une escalade ? Est-ce que la menace de riposte nucléaire n'est pas allée trop loin en quelque sorte ? Je voudrais quelques explications sur ce point.

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