Intervention de Monica Michel-Brassart

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonica Michel-Brassart, rapporteure :

C'est bien un changement radical dans l'analyse stratégique australienne de la menace, des moyens d'y répondre et des alliances nécessaires qui a justifié la dénonciation du contrat de Naval Group et, au-delà, la remise en cause du partenariat stratégique avec la France.

Le gouvernement australien a d'ailleurs résilié le contrat pour convenance personnelle et non en raison d'un manque de l'entreprise à l'une de ses obligations.

Sidération de l'entreprise, sidération aussi des autorités françaises qui, pas plus que Naval Group, n'avaient envisagé un tel revirement de la part de l'Australie. Ont-elles fait preuve de naïveté ? Encore une fois, personne ne savait parce que, pendant des mois, les Australiens ont menti sur leurs intentions réelles et, avec les Américains et les Britanniques, ont particulièrement bien gardé le secret des négociations sur l'alliance AUKUS. En outre, l'option nucléaire avait été explicitement exclue par l'Australie, conformément à la réticence historique de ce pays vis-à-vis de l'énergie nucléaire et en cohérence avec l'absence totale d'infrastructures et de compétences dans ce domaine.

Toutefois, si l'annulation du contrat de Naval Group a mobilisé l'attention médiatique et politique, celle-ci n'est, en elle-même, que la conséquence de la décision stratégique de l'Australie de former une nouvelle alliance avec les États-Unis et le Royaume-Uni, décision motivée par le durcissement de la menace chinoise en Indopacifique. Celle-ci exige, du point de vue australien, une alliance renforcée avec la première puissance mondiale et un recours à des capacités supérieures à celles proposées par la France.

En outre, AUKUS va plus loin que la seule propulsion nucléaire. L'accord porte en effet également sur une coopération renforcée dans les technologies de pointe autres que la propulsion nucléaire (cyber-capacités, intelligence artificielle, informatique quantique, etc.), appuyée sur des investissements de recherche et des chaînes de valeurs partagés, laquelle pourrait aisément, par la suite, être ouverte à d'autres états de la région.

En vérité, tout cela est encore très flou et AUKUS a été qualifié de « projet de projet ». Son annonce, le 15 septembre 2021, ouvre une période de 18 mois pendant laquelle les trois pays vont négocier pour lui donner un contenu, des négociations qui sont naturellement secrètes.

Même si son contenu est à ce jour incertain, les conséquences d'AUKUS sont d'ores et déjà très lourdes pour la souveraineté australienne. En effet, alors que le programme porté par la France était ce qu'on appelle un « programme de souveraineté », visant à doter l'Australie de la capacité de construire, d'opérer et de maintenir en condition opérationnelle ses sous-marins, l'alliance AUKUS place l'Australie dans la dépendance de ses alliés qui, seuls, maîtriseront la technologie de la propulsion nucléaire.

De plus, alors que les sous-marins de Naval Group auraient été mis à l'eau en 2032, le délai sera considérablement allongé pour les sous-marins nucléaires, probablement au-delà de 2040.

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