En d'autres termes, si certains au Japon souhaitent un rôle plus important pour le Japon aux côtés de l'AUKUS, d'autres s'inquiètent d'être entraînés par un format mal maîtrisé dans une spirale conflictuelle avec la Chine, qui demeure le premier partenaire commercial de l'archipel.
Comme le Japon, la Corée du Sud fait preuve d'une attitude ambivalente face à l'AUKUS. Comme ce dernier, elle a des liens stratégiques très étroits avec les États-Unis mais également des liens économiques importants avec la Chine, sans parler de la menace nord-coréenne largement dépendante des décisions chinoises. Dans ces conditions, les autorités sud-coréennes, où les Américains disposent également d'une importante base militaire et de 30 000 soldats prépositionnés, sont restées relativement neutres sur l'AUKUS, refusant d'endosser la vision conflictuelle des États-Unis. Malgré la demande pressante de ces derniers, la Corée du Sud n'a toujours pas rejoint le QUAD.
Enfin, AUKUS ignore la Nouvelle-Zélande, pourtant un proche allié intégré dans le groupe des Five Eyes et dans l'ANZUS mais farouchement opposée à toute prolifération nucléaire.
La situation peut-elle dégénérer en conflit ouvert ? Nombre des personnalités auditionnées nous ont fait part de leurs craintes sur une escalade possible des tensions dans la région indopacifique, aggravée par un nouveau facteur : le nucléaire.
En effet, jusqu'à présent, aucun État nucléaire n'avait vendu la technologie de la propulsion nucléaire à un État non-nucléaire. Un tabou est donc brisé par AUKUS et il est possible que d'autres États de la région, à commencer par l'Inde – qui dispose de la bombe atomique, la Corée du Sud et le Japon – qui tous les deux ont une industrie nucléaire civile – se laissent tenter par la « montée en gamme » que représente la propulsion nucléaire pour leurs sous-marins, a fortiori contre un ennemi – la Chine – qui en dispose.